jeudi 17 mai 2018

La démolition du Crétin


Le point commun le plus remarquable aux écrivains de droite du second XIXe siècle et du premier XXe, c'est leur détestation quasi frénétique de Zola. De Barbey d'Aurevilly à Kléber Haedens, en passant par Goncourt ou Daudet, ils ne peuvent s'empêcher de le piétiner, puis de cracher sur ce qu'ont laissé leurs lourdes bottes. Le plus enragé est bien entendu Léon Bloy. J'ai passé les deux premières heures de la matinée à lire son Je m'accuse…, tout entier consacré à sa bête noire (ou devrais-je dire : à l'une de ses bêtes noires ?). Je dois reconnaître que la charge est si outrée qu'elle devient rapidement fort réjouissante, et même d'une irrésistible drôlerie par endroit. Il est vrai aussi que Bloy se fait le jeu facile en choisissant pour cible Fécondité, ce roman aussi grotesque qu'illisible (je le sais : j'ai essayé). Il me répondrait sans doute qu'il n'a pas choisi. Et, en effet, c'est ce roman-là qui, alors, au tournant du siècle, paraissait en feuilleton dans L'Aurore, la gazette de Clemenceau (et du J'accuse zolien…). C'est donc un journal de bord de sa détestation du Crétin – surnom dont il l'affuble – que nous donne Bloy, qui s'astreint chaque matin, avec un masochisme dont il est le premier à rire, à lire la tartine du jour et à nous rendre compte, avec une féroce maniaquerie, de ses énervements, écœurements, colères, éclats de rire, etc. Lecture jubilatoire, finalement, même pour quelqu'un comme moi, qui ai toujours placé Zola assez haut sur ma petite échelle personnelle.

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