Ayant décidé de m'attaquer (enfin ! soupireront certains) au roman noir américain, j'ai commandé, hier, quatre ou cinq volumes des auteurs les plus connus, de Raymond Chandler à Chester Himes, en passant par Jim Thompson, James Hadley Chase et Dashiell Hammett. Les premiers sont arrivés tout-à-l'heure et, confortablement installé dans l'un de nos deux antiques Lafuma, sous le cerisier perdant ses derniers noyaux, j'ai entrepris la lecture du Grand Sommeil, en essayant de n'y pas succomber moi-même, dans la traduction de Boris Vian. Mais, dès la troisième page (édition Quarto, Gallimard), j'ai trébuché sur une impropriété de langage.
Philip Marlowe vient de pénétrer chez les Sternwood (je ne sais pas encore ce qu'il vient y faire) et un domestique, un domestique mâle, l'escorte jusqu'au fauteuil roulant du maître des lieux. Il l'annonce ainsi : « Voici Marlowe, Général. » Or, c'est une faute grossière. Si les femmes s'adressent en effet aux généraux en les appelant “Général”, les hommes, eux, sont tenus de leur donner du “Mon général” – La règle vaut d'ailleurs pour tous les autres grades d'officiers [rajout de cinq heures et demie : à la réflexion, je me demande si la règle vaut pour les officiers subalternes], et je m'étonne que Vian l'ait négligée. On m'objectera que les Anglo-Saxons ignorent l'usage de cet étrange “mon”, qui n'est aucunement la marque de je ne sais quelle possessivité déplacée, mais la simple abréviation de “monsieur”. Certes, mais enfin, il me semble bien que le travail d'un traducteur consiste à rendre les livres qu'il traduit non seulement compréhensibles, mais également assimilables par ses lecteurs pratiquant la langue d'accueil, langue à laquelle il importe qu'il se soumette en grande humblesse d'esprit.
Bref, voilà une lecture qui commence bien.
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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.