Je relis depuis quelques jours – dire que j'y picore serait sans doute plus exact – le volume “Bouquins” contenant le Journal de François Mauriac ainsi que ses Mémoires politiques. Et je tombe, chemin faisant, sur un article publié dans Le Figaro en avril 1945. Bien sûr, la date dit assez clairement à quoi pense Mauriac lorsqu'il écrit ce qu'on va lire. Néanmoins, j'ai trouvé que ces deux paragraphes, vieux de quelque 75 ans, produisaient une étrange résonance en notre désolant aujourd'hui. Voici donc :
« […] il est nécessaire que l'opinion française mesure la portée du coup qu'a subi notre race. Nous ne connaissons pas l'étendue de ce malheur : il va se découvrir à nous peu à peu. Osons regarder cette affreuse blessure au flanc de la France, cette blessure qui risquerait de s'envenimer et d'infecter le corps tout entier si nous n'y prenions garde. Il y va de notre être même. Le temps n'est plus aux ménagements : un grand pays ne doit rien ignorer de ce qui le menace. Or il ne s'agit pas ici d'un problème important ni même d'un problème essentiel : au vrai, il s'agit du seul problème, celui dont dépend la solution des autres, car si nous sauvons la race, le reste nous sera donné par surcroît.
« […] Certes, en ce qui concerne la France, ce n'est pas assez de dire que rien n'est perdu et que tout peut être sauvé encore : tout sera sauvé, nous y sommes résolus. Mais, à n'importe quel prix, et par des moyens même cruels, il est nécessaire de créer une inquiétude, d'entretenir à ce sujet une angoisse nationale qui oblige chacun de nous, depuis les chefs responsables jusqu'aux plus humbles citoyens, à ne pas perdre un instant de vue le premier de nos devoirs, et l'on peut même dire notre seul devoir, puisqu'il résume tous les autres : sauver la race. »
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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.