Il est des gens pour croire que certains esprits particulièrement conformés sont capables de prédire l'avenir. Il en est d'autres pour n'y pas croire, mais regrettant beaucoup que de telles visions ne soient pas possibles, car elles clarifieraient grandement l'obscur paysage temporel qui s'étend devant eux.
Tous ont tort. Les premiers parce que, en effet, il est impossible de prédire l'avenir, de même qu'il est très difficile de modifier le passé. Quant aux seconds, ils ne se rendent pas compte que si même certaines personnes pouvaient leur révéler de façon certaine ce qui va leur arriver dans les années futures, cela n'éclairerait en rien leur chemin personnel ; peut-être même l'obscurcirait davantage. Prenons deux exemples concrets.
Commençons par le jeune baron d'Anthès, Georges-Charles de son prénom. Admettons que, vers 1835, une véritable voyante, connue pour ne se tromper jamais, ait annoncé à ce futur sénateur du Second Empire que son nom serait encore connu et cité dans la plupart des pays civilisés du monde au début du XXIe siècle. Assurément, ambitieux comme on peut l'être à 23 ans, le jeune Alsacien se serait rengorgé de fierté, s'imaginant une carrière politique et historique aussi éblouissante qu'exceptionnelle. Malheureusement pour lui, la dite carrière sera parfaitement grisâtre, celle d'un politicien sans la moindre envergure. Pourtant, sa voyante ne l'avait pas trompé : on parle encore de lui aujourd'hui (la preuve). Mais c'est parce que, deux ans après cette séance de divination, il allait tuer en duel Alexandre Sergueïevitch Pouchkine.
Faisons, si ce n'est pas trop vous demander, un bond en avant de près d'un siècle et demi.
En l'année 1975, une autre voyante – peut-être une descendante de la première, allez savoir – prédit à un jeune bachelier d'Orléans, qui se rêve tantôt en Proust et tantôt en Balzac, qu'il va écrire et publier plus d'une centaine de romans, lesquels se vendront, tous titres confondus, à des millions d'exemplaires. On peut tenir pour assuré que, malgré un net surpoids, ce jeune crétin va se mettre à sauter au plafond d'allégresse. D'un côté il a raison de se réjouir, car la prédiction se révélera, un quart de siècle plus tard, scrupuleusement exacte. Et d'un autre côté non, car les livres en question seront des Brigade mondaine.
La morale de cela ? Il n'y en a pas. Enfin, pas à ma connaissance. On pourra éventuellement en tirer la conclusion qu'il faut être particulièrement neuneu pour s'intéresser à l'avenir, ce mirage des songe-creux. Mais c'est là une conclusion toute personnelle.
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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.