Il y a tout de même, dans notre beau parler françois, certaines aberrations auxquelles l'homme de bien a quelque peine à se résigner. Puisqu'il est près de midi, prenons par exemple les repas : à la suite de quelle panne de cerveau collective avons-nous abandonné le souper ? Comme on aurait pu le prévoir, le dîner s'est empressé de venir occuper cette place laissée vacante autour de la table, cependant que le déjeuner montait lui-même en grade et en dignité pour s'installer au milieu du jour ; ce qui nous a contraint à forger ce ridicule petit-déjeuner, source de confusions : si, entre onze heures et la demie de la même heure, je m'enquiers si vous avez déjeuné, vous serez dans l'impossibilité de savoir si je me soucie de votre collation du matin ou si je pense que vous avez pu prendre en avance votre repas de midi. (On notera que cette panne encéphaloïde a heureusement épargné nos voisins belges et suisses ainsi que nos cousins du Québec.) Mais il y a pis.
Quel démon malfaisant, tout fraîchement vomi des Enfers, est venu un jour nous suggérer de remplacer nos si commodes et si logiques septante, octante et nonante par ces monstres patauds et mal articulés que sont soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix ? Et pourquoi avons-nous rendu les armes si facilement, contrairement, là encore, à nos voisins et cousins déjà cités ?
Encore pouvons-nous estimer nous en être tirés à bon compte, et remercier le dit démon de n'avoir pas poussé plus loin sa plaisanterie. sinon, il nous faudrait aussi nous débattre avec trois-vingts pour dire soixante, nous colleter à quarante-dix quand nous voudrions dire cinquante, affronter vingt-dix et deux-vingts dès que trente et quarante surgiraient dans nos comptes.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Le mystère est par trop insondable, je donne ma langue au chat ; lequel risque fort de la recracher, la trouvant peu à son goût et pas loin d'être inassimilable.
Je penche pour un complot de gérontes à sabre pour nous chier une règle compliquée sur le s de quatre-vingts et de son emploi.
RépondreSupprimerJe n'ai pas abordé le cas du "s" amovible, exprès : pour ne pas désespérer Billancourt…
SupprimerN'est-ce pas parce que dans ce pays essentiellement rural que fut longtemps la France, le repas du soir se résumait à une soupe ?
RépondreSupprimerLes paysans mangeaient également de la soupe le matin.
SupprimerSi quarante est deux-vingt, alors cinquante ne sera pas quarante-dix mais deux-vingt-dix.
RépondreSupprimerSinon, le souper, dans la bonne société, se prenait fort tardivement, après le spectacle, opéra, concert ou autre, ce qui explique peut-être qu'il ait été remplacé par le dîner. Ensuite, après un coucher tardif, il n'était pas question de petit-déjeuner mais bien de déjeuner tout court. D'ailleurs actuellement, nombre de nos concitoyens continuent à jeuner jusque l'heure de midi. Est-ce que cela explique ces glissements de sens ?
Reste qu'après un petit-déjeuner, on ne peut pas prendre un déjeuner puisque l'on a déjà rompu le jeune. Ce doit être pour cette raison que certains vont "bruncher".
Barbara
Mais la bonne société n'était pas toute la France !
SupprimerVous avez raison pour deux-vingt-dix. Disons que j'ai un peu simplifié l'affaire…
Et ça se complique avec la perfide Albion, qui déjeunait dès son réveil ( breakfast)
Supprimer70, c'est soixante-dix (60 + 10).
RépondreSupprimerDonc, sur le même modèle, 30 c'est vingt-dix (20 + 10). Capice ?
Quant à votre 200, il n'a aucun sens : dans les formations de type "soixante-dix" les deux termes s'additionnent et ne se multiplient pas !
En revanche, c'est vrai, dans le cas de l'hôpital des Quinze-Vingts, ils se multiplient bel et bien…
RépondreSupprimerOn aurait pu opter pourune numération à la latine : 10-50 = 40, 1000-100-100-500-dix-50-1-1-1 =1343. maisça n'aurait fait que compliquer les choses...
RépondreSupprimerD'un autre côté, on se sert si rarement du nombre 1343 que ça n'aurait pas été bien gênant.
SupprimerJ'attends pas le souper. Une note qui vaut nonante sur cent. 😉
RépondreSupprimerVous auriez pu grimper jusqu'à nonante-cinq tout de même !
SupprimerIl faut voir les choses dans l'autre sens : si on disait nonante, octante et autres, on pourrait passer pour des Belges.
RépondreSupprimerOu des Suisses d'adoption, comme Cahuzac et tant d'autres…
SupprimerCahuzac, comme son nom l'indique, est singapourien.
SupprimerPensez à emporter votre muselière et votre impasse sanitaire…
RépondreSupprimerD'après mes lectures, le système de numération en base vingt viendrait des Scandinaves.
RépondreSupprimerPar exemple l’hôpital des Quinze-Vingt à Paris, soit 300 malades.
Devinette célèbre :
Vingt cent mille ânes dans un pré. Combien de pattes et d'oreilles ?
On ne se méfie jamais assez de ces grands crétins nordiques !
Supprimer(Pour votre devinette : 6 pattes et 4 oreilles…)
Euh, en Suisse, on dira plutôt "huitante". Il y a aussi de la cohabitation par endroits: certaines régions ont adopté "quatre-vingts", mais ni "soixante-dix", ni "quatre-vingt-dix".
RépondreSupprimerJ'étais sûr de mon coup pour les Belges et les Québécois, mais j'avais en feet un léger doute quant aux Helvètes.
SupprimerCela dit, "huitante" est aussi une bizarrerie, dans son genre.
( Avec la rectification d'une faute de frappe pour les ordinateurs... Si vous pouviez supprimer le précédent, ce serait peut-être mieux ? Merci)
RépondreSupprimerCette histoire des soixante-dix et suivants m'a toujours intrigué.
Dans la mesure où nous avons 5 doigts dans chaque main, et 10 avec les deux mains, et que nous ne comptons pas avec nos orteils, il y a une certaine logique à compter par multiples de 10; mais alors :
- pourquoi ce basculement se fait-il à partir de 70, et faisons-nous comme les Belges pour 20, 30, 40, 50 et 60 ?
-pourquoi soixante -dix =( 6 x 10) +10 ou bien 60 + 10 ?
-80 = 4 x 20,
-90 =( 4x 20 )+ 10 ?
À chaque fois, nous changeons de système: pourquoi ?
D'autre part: alors que nous n'avons que 5 doigts par main et 10 avec les 2 mains :
-pourquoi comptons-nous des produits comme les oeufs par douzaines ( ou fractions ou multiples de douzaines) et pas par dizaines ?
- et la puissance des ordinateurs par octets (8) et pas par un multiple de 5 ou de 10 ?
Qu'en pensent les historiens de l'étymologie des noms de chiffres - si cette belle profession existe ?
Georges Ifrah; Histoire universelle des chiffres, Bouquins, Robert Laffont, deux volumes sous coffret.
SupprimerÇa vous va, comme réponse ?
Vous ne pouvez pas résumer, en quelques lignes ?
SupprimerVolontiers : 2 + 2 = 4, sauf en cas d'extrême urgence.
SupprimerAh, non : il faut préciser en quelle base on compte, et, dans ce cas, pourquoi celle-là plutôt qu'une autre.
SupprimerPersonnellement, j'ai choisi de compter sur la base aérienne d'Évreux. Parce qu'elle est pas loin de chez moi et que la route est toute droite.
Supprimerdans les années 60 et 70 en Corse, les gens disaient encore le souper; ça a disparu depuis.
RépondreSupprimerSi même les Corses rendent les armes, on est foutu, ma pauv' dame…
SupprimerEn Provence la veille de Noël, notre famille prenait un dîner très léger à 20 heures. puis à minuit, on réveillait les enfants (pas les plus jeunes) pour prendre le souper de minuit (gargantuesque).
RépondreSupprimerVoilà, il en va de cela comme du reste, tout fout’l’camp mon bon monsieur.
Tiens ça me rappelle les soirs de concerts ou théâtre à Paris lorsqu'on allait déguster une soupe à l’oignon au pied de cochon, ou s’attabler chez « Flo » pour son foie gras. On allait prendre un « souper ».
Hélène
J'ai de fort bons souvenirs du Pied de cochon, ainsi que de Flo !
SupprimerIci, dans le sud, les natifs (ceux qui ont l'accent et qui ont grandi ici, il en reste encore ) disent toujours déjeuner pour le repas du matin, dîner pour le repas de mi-journée et souper pour celui du soir.
RépondreSupprimerEh bien, bravo à eux !
SupprimerOui, c'est exact, moi qui n'ai jamais quitté le sud je fais encore régulièrement la faute, on a beau me corriger, je suis restée très plouc (ce qui pourrait passer pour chic ailleurs !)
SupprimerBibi
Mais ce n'est pas du tout une faute ! C'est du très bon français… mais un peu désuet, c'est tout.
Supprimer(En revanche, il peut générer des malentendus, si vous invitez des gens à dîner en pensant qu'ils sonneront chez vous sur les coups de midi…)
Arithmétique et biologie
RépondreSupprimerLa numération en base 5, ou ses multiples comme 10 et 20, n'est absolument pas pratique, car 5 est un nombre premier et donc impair.
Son utilisation vient de la biologie, puisque nous avons 5 doigts dans une main.
En fait, le chiffre 5 est peu présent dans la nature, et malgré cela, on trouve beaucoup de baratin infect et faux sur le pentacle, comme chez les satanistes.
Le chiffre 5 vient soit de 4+1 comme dans la main avec 1 pouce et 4 doigts opposables, soit de 6-1, comme pour les extrémités du corps humain.
Premier ET DONC impair ? Et le 2 alors ? Il ne serait plus premier, ce pauvre 2 ? On me cacherait des choses ?
SupprimerDrain the swamp !
SupprimerLe nombre d'extrémités du corps humain n'est pas le même selon qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme.
Supprimer( Je suppose que, sous le pseudo de Le Rebouilleur, se cache une vraie jeune fille ).
pour Elie Arié
SupprimerYes, we can !
Je vous confirme que le 5 se trouvent assez peu dans la nature à l'exception des echinodermes et ne nous est pas très naturel. J'ai eu a travailler dans une grande tour de la Défense appartenant à un grand groupe pétrolier. Cette tour etait constituée de prismes pentagonaux emboités. Je n'ai jamais su m'y repérer et je ne pouvais bouger d'un bureau à l'autre sans m'arréter à chaque petit panneau indicateur que je suivais scrupuleusement.
SupprimerPour la douzaine d'oeufs, c'est dû au comptage sur une seule main : avec le pouce, on compte les phalanges des autres doigts de la main, pendant que l'autre main est occupée à faire correspondre un oeuf à chaque phalange comptée.
RépondreSupprimerDe la même manière, on arrive à 12 heures de jour et douze heures de nuit (à l'origine les heures n'avaient pas la même longueur en hiver et en été, on comptait du lever au coucher du soleil).
Barbara
C'est d'ailleurs pour contourner ce mode de comptage acrobatique qu'un génie méconnu a un jour inventé l'omelette baveuse.
SupprimerÇa donne envie de passer tout de suite à table, quel que soit le nom que l'on donne au repas !
RépondreSupprimerIl n'est peut-être pas facile de décerner qui nous a imposé un petit déjeuner en lieu et place d'un solide déjeuner comme celui proposé par Fredi, mais on pourrait approcher le problème et évaluant la date d'apparition du petit déjeuner grâce à la peinture et à la litterature. Par exemple, quelle heure est il en 1863 lorsque les convives entame le déjeuner sur l'herbe? En en 1739, le Déjeuner de François Boucher est il pris vers 8h ou vers midi? Le Déjeuner des canotiers en 1880 est-il pris à la lumière du matin ou sous le soleil de midi? De même, il me semble que dans Balzac ou Proust on ne petit-déjeune pas le matin mais on déjeune, c'est à vérifier. Il faut noter que Juan Gris a peint un petit déjeuner cubiste en 1915, preuve que la chose existait à cette époque. Mais ensuite, déjeune-t-on ou petit-déjeune-t-on chez Gide, chez Leon Daudet, chez les hussards ...
RépondreSupprimerJe suis certain que votre grande culture va nous aider à trouver les coupables et les obliger à nous rendre nos déjeuners d'antant.
Eh ! oh ! j'ai bien averti en fin de billet : je donne ma langue au chat !
SupprimerAh moi, j'ai toujours pas compris pourquoi il serait commode ou logique de dire septante à la place de soixante-dix. Si tous les Français comprennent 70 quand on écrit soixante-dix, l'essentiel est fait, question commode, non ?
SupprimerEt dix-sept, comment qui disent, les Belges ? Ils ont un mot ? Et dix-huit, hein ?
On m'a appris que le truc où le penne d'une serrure s'enfonce s'appelle une gâche : où est le côté commode ? il faut savoir comment ça s'appelle, il faut savoir ce que c'est et, si tout le monde fait l'effort, eh bien on peut parler gâche entre nous !
Quant à quatre-vingt-dix, c'est pas compliqué, je l'adore : une multiplication et une addition dans le même paquet ! Et vous voudriez nous priver de ça, nous réduire à de vagues Wallons ?
A part ça, d'accord avec vous sur le ridicule du "petit-déjeuner". Et plus encore sur sa version verbe : je petit-déjeune, tu petit-déjeunes ! Dirait -on d'un petit con qu'il petit-déconne ? je vous demande de quoi ça aurait l'air...
J'adopte, illico et dans l'enthousiasme, votre verbe "petit-déconner" !
SupprimerPour le reste, votre position se soutient tout à fait.
Un souper peut-il conserver son nom si on fait chabrot ?
RépondreSupprimerHé! 2022 n'est pas une année bissextile !
RépondreSupprimerTrès intéressant dans son entier, votre texte Fredi !
RépondreSupprimerPeuvent bien faire tout ce qu'ils veulent, m'en fous, dans mes parages, un plus un ne donnent pas toujours deux... Alors le reste hein !
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