Tampopo n'est peut-être pas l'un des plus grands films qu'ait engendré le cinéma japonais, mais c'en est à coup sûr le plus délicieux.On y prend conscience, tout naturellement, que la soupe n'est pas simplement de la soupe : c'est une quête ; dont la nouille est le Graal – lequel, comme tout Graal qui se respecte, ne se révèle pour finir qu'à celui qui s'en est donné les moyens et le mérite. Le résultat est un film fort drôle, olfactif, nourrissant, où la chère est montrée pour ce qu'elle est : le pivot central de l'homme, aussi bien dans l'histoire principale que dans ses différents “contrepoints” saugrenus, étranges, presque oniriques.
Tampopo est aussi un hommage à la fois admiratif et désinvolte au cinéma lui-même, lequel s'exprime sous la forme du pastiche : pastiche de western, pastiche de film noir, pastiche de comédie du temps du muet, etc. On y voit passer une procession fellinienne, on y découvre une chorale improvisée filmée comme par John Ford, ainsi de suite. Tout cela sur fond de musique classique occidentale, qui semble n'avoir été écrite que pour atterrir ici, dans ce minuscule restaurant de ramen. J'ai repéré au vol Wagner, Moussorgski, Mahler : il y en a d'autres, que mon inculture m'a empêché d'identifier.
Du reste, la présence ici de l'Occident n'est pas seulement sonore : on y donne aussi un ou deux coups de chapeau, très légèrement ironiques, à la gastronomie française, ainsi qu'aux spaghettis des Italiens, ces “frères en nouilles” des Japonais.
Et comme les plaisirs de la bouche et du ventre ne sont jamais totalement dissociables de ceux du sexe, on a également droit, dans l'un des contrepoints, à deux ou trois scènes d'un érotisme indiscutablement culinaire ; notamment un jeu de bouches entre amant et maîtresse qui, par le jaune d'œuf qu'il prend pour objet du désir, fait évidemment songer à Georges Bataille.
Je terminerai ce trop rapide aperçu par deux recommandations en forme d'impératifs catégoriques :
– Il est absolument indispensable de regarder Tampopo dans sa version japonaise, sous-titrée en français – ou sans sous-titres du tout si vous maîtrisez parfaitement la langue de Junichirô Tanizaki et de Kenzaburô Ôé : choisir une version doublée vous exposerait à être par moi maudit jusqu'à la septième génération, au moins, de vos putains de descendants.
– Ce film doit être abordé au sortir immédiat de table : visionné avant le repas, votre faim naturelle alliée au doux murmure et aux fragrances des bouillons s'échappant des marmites et des bols suffiraient très probablement à vous rendre fous ; en tout cas, quelque peu agressifs.
Avant de manger des nouilles, c'est logique de boire un petit pastiche (désolé, il fallait que je la fasse, je fonce lire le reste).
RépondreSupprimerLe pastiche, les Japonais ne peuvent pas le saquer…
SupprimerC'est alléchant, je vais me le commander...
RépondreSupprimerBibi
Bon appétit !
SupprimerSait-on si c'est Marco Polo qui a importé les nouilles de Chine, s''il les a, au contraire, apportées aux Chinois, ou s'il ne s'est jamais intéressé aux nouilles ?
Supprimer( impossible de modifier mon " Anonyme " en " Elie Arié ")
Marco Polo n'a pas rapporté les pâtes de Chine : si je me souviens bien, des archéo-ethno-machin-choses ont, voilà quelques années, découvert en Italie des pâtes "fossilisées" qui étaient antérieures à ses voyages en Orient.
SupprimerIl n'a pas non plus rapporté le coronavirus, ni même le pangolin.
Tant pis pour vous.
RépondreSupprimerO tampopo O mores ! 😉
RépondreSupprimerHélène
Nicolas, sortez immédiatement du corps de cette pauvre femme !
SupprimerVous me prenez pour un débutant ? Pour votre pastiche, j'aurais écrit O tampopo O mauresque !
SupprimerPardon, Maître, pardon ! Je m'incline devant l'ampleur de votre génie…
SupprimerOn sent bien que vous en avez soupé des tractations législatives pour nous pondre un billet pareil.
RépondreSupprimerComment pourrais-je avoir soupé d'une chose à laquelle je me suis bien gardé de goûter ?
SupprimerOu mieux encore :
RépondreSupprimerTam popo pour vous ! 🤣
Bibi
"Des nouilles, encore!..."
RépondreSupprimer(parce qu'une contrepèterie en fin de semaine, ça ne fait jamais de mal...)
Tiens, je l'avais oubliée, celle-là !
SupprimerEt dans le même genre, j'espère que dans ce film, personne ne coupe les nouilles au sécateur!
SupprimerDélicieux votre western-nouilles !
RépondreSupprimerMerci!
Bibi
Quand on peut rendre service, n'est-ce pas…
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