Ponchon était si occupé à déambuler de zincs en arrière-salles qu'il attendit d'avoir 72 ans – et quelque pressant besoin d'argent (qui donc a dit : « L'argent liquide est fait pour être bu. » ? Ne sais plus…) pour réunir quelques-uns de ses poèmes afin de les faire éditer en recueil : ce fut La Muse au cabaret, judicieusement réédité à la fin du XXe siècle par Grasset dans ses fameux Cahiers rouges, et qu'il est facile de se procurer – je puis en témoigner, pour l'avoir fait récemment – moyennant le prix d'un ballon de sancerre ou de pouilly fumé. Trois autres Muse verront le jour après sa mort : la Vagabonde, la Frondeuse et la Gaillarde, qu'on doit pouvoir trouver également.
Sur ses très vieux jours, en 1924, ses amis se coaliseront pour le faire élire à l'Académie Goncourt, afin qu'il bénéficie de la petite rente accrochée à son fauteuil. Comme il est bon garçon, il les et se laissera faire ; ce qui ne l'empêchera pas de mourir à l'hôpital comme le plus anonyme des pochards – ou des pochtrons si l'on tient à faire rimer son patronyme.
Piéton de Paris à l'instar de Léon-Paul Fargue, Ponchon fut amoureux comme lui des deux ou trois quartiers qu'il a arpentés, du café de Cluny à son “bouillon” favori de la rue Racine, sans compter les quelques étapes intermédiaires qu'il avait garde de négliger. Mais ce Parisien d'élection avait aussi ses dégoûts et ses mépris, comme le montre ce quatrain, que je vous gardais en réserve (du patron) pour ma conclusion ; en guise, si l'on veut, de dernier-pour-la-route :
Je hais les tours de Saint-Sulpice
Quand je les rencontre
Je pisse
Contre
"une guerre mondiale à quoi il a échappé de justesse" ... Je me demandais (j'ai parfois des idées sottes) si "à laquelle" n'aurait pas été plus approprié...
RépondreSupprimerLes deux sont correctes. "À quoi" est sans doute plus rare, et donc, de ce fait même, flatte davantage mon impénitent snobisme langagier.
SupprimerMagnifique!
RépondreSupprimerEh bien : il les (et se) laissera faire !
RépondreSupprimerPour les tours, je ne sais pas…
RépondreSupprimerMais non, mais non : une simple mise en facteur commun ! Rien que de très banal…
RépondreSupprimerJe trouve qu'attendre d'avoir 72 avant de se mettre à publier quelque chose est une mesure sage.
RépondreSupprimerMais, j'y pense, après s'être soulagé sur les tours de Saint Sulpice, peut-être lui prenait il l'envie d'aller s'en jeter un au café Caron qui n'étaient qu'à quelques encablures (au coin de la rue des Saints Pères et de la rue de l'Université) pour rejoindre Huysmans qui y passait pas mal de temps et qui y a croqué quelques personnages dans "Les habitués de café" dans les dernières années du XIXème.
Plutôt que de lire l'édition récente de Grasset, si la lecture sur un écran ne vous rebute pas, je vous conseille ceci https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k319264h/f243.item pour retrouver d'autres piétons de Paris.
La Dive
Raoul Pochetron ? Toujours est-il que c'est beau : mourir à 88 ans en passant sa vie au bistro...
RépondreSupprimerJe savais que vous apprécieriez le tour de force !
SupprimerCela dit, il faut aussi se faire élire chez les Goncourt et devenir officier de la Légion d'honneur…
Raoul Pochetron n'arrive pas à la cheville d'Hector Poivrot, le célèbre détective-oenologue qui a résolu avec brio l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès ou XDDL, grace aux talents de medium de sa soeur Cassandre.
RépondreSupprimerVlad l'Enfumeur
un modèle pour nous tous.
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