Le 23 avril 1945, Churchill, Premier ministre pour encore un petit trimestre, adresse au Foreign Office la note suivante :
«
Je ne considère pas qu'il faille modifier les noms qui sont familiers
depuis des générations en Angleterre pour suivre les caprices des
étrangers qui habitent dans ces contrées. Il ne faut surtout pas
abandonner Constantinople, même si l'on peut préciser ensuite Istamboul
entre parenthèses à l'intention des ignares. La malchance poursuit
toujours les gens qui changent le nom de leur ville. Si nous n'y mettons
pas le holà, la BBC se mettra à prononcer Paris “Paree”. Les
noms étrangers ont été faits pour les Anglais, et non les Anglais pour
les noms étrangers. Je date cette note de la Saint-Georges. »
Et
moi, cette note, pour peu que l'on remplace “Anglais” par “Français” dans l'avant-dernière phrase, je la contresigne avec vigueur le jour de la Sainte-Élisabeth de
Hongrie ! Mais force est de constater que, sur ce front comme sur tant
d'autres, nos positions ont considérablement reculé : nous n'en sommes
plus à défendre Constantinople, hélas, mais à tenter de préserver Stamboule des attaques de l'Istanbul des anglophones ; encore ce combat-là est-il déjà largement perdu.
Peut-être est-il encore temps de préserver Pékin
de la malfaisance de mes ex-confrères, qui croient passer pour bien
informés et plus intelligents chaque fois qu'ils écrivent le ridicule Beijing. En revanche, je crains fort qu'il ne faille passer Ceylan et Formose par profits et pertes, pour faire semblant de nous accommoder des pénibles Sri-Lanka et Taïwan.
Et je ne serais qu'à demi surpris – quand même je le serais
douloureusement – si, demain, dans telle ou telle feuille de chou prétendument française, je
voyais apparaître un incongru London en remplacement du vieux Londres.
Ville qui, l'air de rien, nous ramène à sir Winston et à sa note.
Vous croyez que Le Kremlin-Bicêtre va redevenir Le Kremlin-Winchester ?
RépondreSupprimerJe suis pour !
Supprimer" La malchance poursuit toujours les gens qui changent le nom de leur ville. "
RépondreSupprimerIl faudrait donc appeler Mme Hidalgo " la maire de Lutèce", quitte à rajouter " Paris " pour les ignares ?
Ah ! ça fait plaisir, de vous voir comprendre un billet du premier coup !
SupprimerComme dirait un ami commun : ça s'arrose…
Suis content, et mon ami aussi.
SupprimerMassalia sous les Grecs, Massilia sous les Romains et enfin Marseille.
RépondreSupprimerUne ville bien passante des mains des uns aux mains des autres.
Mais elle sera éternellement la cité phocéenne dans les rêves.
Hélène
Les globichophones ne s'approprient presque jamais les toponymes sauf ceux qu'ils considèrent comme faisant partie de leur espace vital cf. Dunkerque ("Dunkirk").
RépondreSupprimerLa francisation traditionnelle est abandonnée par acculturation anglo-saxonne : nous avons coutume de franciser, eux n'anglicisent pas par tradition ethno-différentialiste et racialiste. Pour ces insulaires commerçants et brutaux, ce qui est étranger doit le rester, foin de la curiosité et de l'appétit français pour son "étranger proche".
Ainsi Brindisi pour Brindes, Aachen pour Aix-la-Chapelle, Trinidad pour Trinité (l'île antillaise), Cabo Verde pour Cap-Vert, Sulawesi pour Célèbes, Antananarivo pour Tananarive etc.
Concernant "Beijing" il s'agit là d'une victoire de la romanisation pin yin sur sa version EFEO (École française d'Extrême-Orient) ; noter que phonétiquement Beijing se prononce justement Pékin car seule la transcription écrite change (ce n'est qu'une convention, pour nous Français parfaitement exotique).
Idem Guangzhou (Canton), Nanjing (Nankin) et même chose pour les patronymes par exemple Mao Zedong comparé à Mao Tsé-toung.
Le politiquement correct et le concept d'histoire globale ont transformé récemment l'Ayers Rock d'Australie en "Uluru", le mont McKinley d'Alaska en "Denali", le mont Cook de Nouvelle-Zélande en "Aoraki" et même les pyramides d'Égypte en ont pâti : Khéops est devenu Khoufou, Khéphren est devenu Khafrê et Mykérinos est devenu Menkaourê.
Je conserverai Bombay et non Mumbay, Calcutta et non Kolkata, la Birmanie et non Myanmar.
En revanche je vous laisse volontiers le ridicule Eswatini en lieu et place du ridicule Swaziland.
Les Occidentaux et surtout les Français ayant oublié leur propre histoire on entend et lit "New Orleans" pour La Nouvelle-Orléans ou bien "Capetown" pour Le Cap.
Il existe aussi une habitude journalistique qui se répand émanant directement d'outre-Atlantique qui consiste à préciser "Paris, France" ou bien "Varsovie, Pologne".
On peut cependant considérer qu'un changement de toponyme acte un changement historique irréversible : ainsi Stamboul est bien cette mégapole islamo-turque qui n'a malheureusement plus aucun rapport avec la défunte Constantinople. Cela est également valable pour Annaba (Bône), Béjaïa (Bougie), etc. même si je conserve systématiquement la dénomination française.
Le processus d'acculturation est entièrement terminé lorsque le locuteur en vient à prononcer un nom propre vernaculaire dans la version de la langue de ses maîtres comme le fameux Rodjeur Federer.
Une langue, une nation, un pays : c'est la même chose. Quand l'un meurt, les autres meurent.
Je pensais que la latinité et l'esprit gaulois nous tiendraient éloignés et combatifs face à la créolisation du monde, que l'adoption servile de ce créole infect nommé "langue anglaise" était réservé aux Germains mal dégrossis, à ces Hollandais fades jusqu'à l'exubérance (Desproges), à ces Scandinaves qui n'ont jamais intéressé personne, à ces Teutons heureux dans leur mouroir. J'avais tort : nous sommes encore plus avides de néant que ces populations zombies.
C'est ce que j'appelle "l'effet hamburgé" : de nombreux restaurateurs affichent fièrement sur leur ardoise un beurgueur maison 100% français...
Nous sommes donc parfaitement d'accord.
Supprimer" La francisation traditionnelle est abandonnée par acculturation anglo-saxonne (...) Antananarivo pour Tananarive"
SupprimerIl me semblait que Antananarivo était le nom que les Malgaches donnaient à leur ville avant leur colonisation par la France, et je ne vois pas ce que les anglo- saxons viennent faire ici.
Il est vrai que le ton très désagréable de votre commentaire ne donne pas envie de faire des efforts de compréhension.
« Le processus d'acculturation est entièrement terminé lorsque le locuteur en vient à prononcer un nom propre vernaculaire dans la version de la langue de ses maîtres comme le fameux Rodjeur Federer. »
SupprimerDans l'excellente et volumineuse biographie qu'Andrew Roberts a consacré à Churchill, on apprend que celui-ci mettait un point d'honneur à prononcer les noms étrangers avec le plus pur accent anglais : exemple que je me suis toujours efforcé d'imiter (mais en remplaçant l'accent anglais par le français…).
Sinon, M. Arié, je ne vois pas en quoi le long commentaire ci-dessus pourrait être de ton "très désagréable"…
Je crois que, volontairement ou pas, on n'arrive pas à prononcer les noms étrangers comme ils le font eux-mêmes, à moins d'être parfaitement bilingue, ce qui est rare.
SupprimerMais si chacun se met à faire un effort pour les prononcer le plus possible avec l'accent de sa propre langue, il arrivera forcément un moment où un Français et un Javanais, discutant ( en français ou en javanais) de M. Churchill, ne sauront pas de qui ils parlent.
Et pourquoi limiter cet effort de prononcer les noms étrangers aux noms propres ? Autant faire pareil avec les noms communs, ne pas essayer de prendre l'accent aussi anglais que l'on peut lorsqu'on parle avec un Anglais. .et, donc, renoncer à se comprendre et à se parler.
Il me semble que Brain Damage et vous- même prenez au premier degré ce qui n'est qu'une boutade provocatrice de Churchill.
( suite et fin) Pourtant, la boutade provocatrice est assez claire dans le propos de Churchill:" Les noms étrangers ont été faits pour les Anglais, et non les Anglais pour les noms étrangers."
SupprimerUne fois de plus vous mélangez tout. Je vais donc, sagement, vous laisser le dernier mot, puisque c'est finalement la seule chose que vous souhaitez vraiment.
Supprimer"renoncer à se comprendre et à se parler"
SupprimerPuissiez-vous dire vrai !
#jaime donc je partage.
RépondreSupprimerJe suis toujours réservé face à la perfide Albion. Mais nous devons un chandelle à Sir Churchill 🦁 ...
Pas impossible, en effet : il disait quoi, ce commentaire ?
RépondreSupprimerSauf qu'il n'est MÊME PAS dans les spams !
RépondreSupprimerLa chose n'a rien d'impossible en effet : blogueur rime très bien avec radoteur…
RépondreSupprimerIl vaut mieux se répéter que se contredire.
RépondreSupprimerDe plus, c'est en répétant qu'on devient savant.
Un peu hors piste, mais pourquoi San Marco de Venise devient Saint-Marre dans la bouche des Français... un mystère insondable et une offense pour les oreilles !
RépondreSupprimerPas du tout d'accord avec vous sur ce point. Il est tout à fait normal que la San Marco italien soit devenue Saint-Marc en français (tout comme Venezia devient Venise en changeant de langue…). Et la prononciation "Mar" était, dans les temps anciens, la prononciation normale de ce prénom, laquelle s'est en quelque sorte "figée" dans ce cas particulier.
SupprimerDe même que Saint Michael et Saint Peter en français, ça ne veut rien dire, comme l'ignorent les traducteurs de films anglo-saxons
SupprimerEt bien la glaciation de ce pauvre et saint Marc me navre et je continue à la combattre.
SupprimerC'est vous qui voyez…
SupprimerAthena : ah, ne me lancez pas sur les faiseurs de sous-titres, désormais de complets analphabètes !
SupprimerEt pour la station de métro parisienne Michel-Ange, comment prononce-t-on selon que l'on soit un provincial de la France rurale, un parisien de l'extérieur, un quidam averti et peu sensible aux moqueries ou incompréhensions... l'Italie nous pose bien des problèmes au-delà de l'actualité nautique...
SupprimerIl faut évidemment s'en remettre à la tradition, à la coutume. Et, donc, prononcer Mikel-Ange. Ne serait-ce que pour être sûr d'être compris de son interlocuteur…
SupprimerMais pourquoi un provincial de la France rurale devrait-il parler d'une station de métro parisienne ?
SupprimerDe toutes façons, un habitant de la France profonde peut difficilement être autre chose qu'un provincial...
Paris sera toujours Paris, ce billet tombe à point, puisqu'hier je suis tombé je ne sais pas quel miracle des intertubes sur ce Cyrano à la sauce anglaise...
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=LKOAvmKpvQA
" La BBC se mettra à prononcer Paris “Paree”.
RépondreSupprimerJ'ignore comment le prononce la BBC, mais la plupart des anglo-saxons le prononce "Pèye- risse "
En tous cas, on a raison de franciser l'orthographe des noms propres étrangers pour les rapprocher le plus possible de leur prononciation dans leurs pays d' origine. Si au lieu d' écrire " Poutine " nous écrivions comme les Russes ( eux, en carcaractères cyrilliques, je sais) " Putin", tout le monde prononcerai, en France, " Putain" ( et, dans le Sud- Ouest, " Putaing-con" )
RépondreSupprimer" prononcerai T" ! ( et ça veut donner des leçons de français... La vieillesse est un naufrage !)
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