Bientôt, se retirant dans un hideux royaume,
La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome,
Et, se jetant, de loin, un regard irrité,
Les deux sexes mourront chacun de son côté.
dimanche 31 décembre 2023
Petite devignette ou : mes prédictions pour 2024
mercredi 27 décembre 2023
De la tribune à l'échafaud
Notre époque a fait un énorme et fondamental progrès par rapport à tous les temps obscurs qui l'ont précédée : elle a remplacé l'ignoble chasse aux sorcières par la vertueuse chasse des sorcières. On ne peut que s'en féliciter. On doit s'en féliciter. On a intérêt à s'en féliciter.
On y a intérêt, sous peine de se retrouver, si on n'aboie pas avec les hyènes, à portée immédiate de leurs quenottes qu'elles prennent pour des crocs — et qui le deviennent parfois, si quelques imprudents les rendent encore plus furieuses qu'à l'ordinaire ; surfurieuses, en quelque sorte.
C'est pourtant ce qu'ont fait les signataires — signataires des deux sexes, impeccablement paritaires — d'une tribune par laquelle ils disent (en gros, en très gros : c'est moi qui interprète…) que même s'il était prouvé demain que Gérard Depardieu est bel et bien un bouc, il ne sont pas d'accord pour qu'on lui accole “émissaire” au derrière ; et que le lynchage préventif ne saurait résoudre grand-chose.
La horde-à-quenottes s'est aussitôt déchaînée, flétrissant l'ensemble des apposeurs de paraphe, leur promettant une honte éternelle pour avoir osé ne pas participer d'enthousiasme à la curée qu'elle a décrétée, les assurant d'un ton aigrelet que leurs noms ne seront pas oubliés et qu'on saura leur faire passer le goût de défendre des monstres, sous le futile prétexte qu'aucun tribunal ne les a encore condamnés, pour des faits qui attendent toujours leurs preuves d'établissement.
Elles ont raison de s'indigner ainsi : si on se met à attendre des preuves pour exécuter les accusés qui nous tombent sous la main parce qu'ils ont le profil idéal, il n'y aura plus moyen de faire grimper Calas sur son bûcher toulousain, ni même de dégrader Dreyfus dans la cour d'honneur de l'École militaire, ce qui serait tout de même dommage.
En tout cas, mesdames et messieurs les pétitionnaires, dans l'avenir réfléchissez donc à deux fois avant de signer n'importe quoi : il n'y a jamais très loin de la tribune à l'échafaud.
vendredi 22 décembre 2023
Depardieu et ses anges sexualisés
La trêve des confiseurs fait rage, les bulles pétillent déjà dans les bouteilles encore bien closes, approchent à pas feutrés les douceurs de Noël…
Pendant ce temps, la volaille qui s'imagine “féministe” (elle ne l'est évidemment plus, et en aucune façon : à développer plus tard, l'heure du goûter approche…) continue de réclamer l'érection toutes allumettes crépitantes du bûcher de Gérard Depardieu. Comme il s'agit visiblement d'une grande cause nationale — au moins ! —, ces dames sont désormais rejointes par l'arrière-garde des petits mâles woketeux, le professeur Saint-Graal en tête, comme il fallait le prévoir.
Pour cet universitaire rigoureux — mais il n'est là qu'à titre d'exemple, la troupe charognarde est fournie derrière lui —, balancer une vanne grasse sur une gamine de dix ou douze ans (vanne que la dite gamine n'a même pas entendue), c'est faire la preuve que l'on est un “agresseur pédocriminel”. Celui-là, si demain on devait rouvrir des Kolyma et des Dachau, il ne faudra pas le prier longtemps avant le voir grimper, vieil écureuil tout frétillant, jusqu'au sommet de l'un des miradors d'angle. Un vrai petit Boudarel en demande d'emploi…
Et puis, alors : quoi de plus bouffon que cette accusation d'avoir “sexualisé une fillette” ? Ils n'ont jamais lu Sigmund Freud, tous ces vertueux à torchères ? Ils pensent réellement, sérieusement, que les enfants de la planète Terre ont patiemment attendu la venue d'un gros acteur castelroussin pour se “sexualiser” ? Je ne suis pas un fervent admirateur de celui que Nabokov appelait “le charlatan viennois”, mais tout de même…
Ce sont d'ailleurs ces mêmes enfants, ces angelots éthérés, à qui, désormais, dès l'école primaire, on persuade que l'homosexualité est quasiment un don du Ciel, que vouloir changer de sexe est le moindre de leurs droits et que, vraiment, ils auraient bien tort de s'en priver si tel est leur bon plaisir.
Mais comment peut-on vouloir changer de sexe à un âge où, d'après tous les oracles saint-graaliens et la cohorte des MeTooBambins, on est censé n'en pas encore avoir ?
mercredi 20 décembre 2023
Le vol temporel des corneilles
Mercredi 20 décembre 2023, trois heures et demie.
Je sors de la Case pour tirer quelques bouffées de pipe. Levant la tête vers le ciel nouvellement dégagé, je vois une vingtaine de corneilles au-dessus des sapins proches ; elles tournoient un moment avant de disparaître en direction de l'église.
La pensée alors me traverse que, peut-être, le 20 décembre de l'an 1023, vers trois heures et demie, un paysan normand illettré se tenait à l'exacte place où je suis ; et que, levant la tête, il put voir le même vol de corneilles que moi.
Ce court moment de fraternité temporelle ayant suffi pour que s'éteigne ma pipe, je suis rentré me remettre au chaud.
lundi 18 décembre 2023
La nostalgie du XVIe
Élégante formule de Jean Orieux, biographe talentueux de Catherine de Médicis, parlant du cardinal de Lorraine, compagnon de François 1er et célèbre pour la largesse de ses dons aux pauvres : « Avec les dames il était encore plus généreux, car ce cardinal de la Renaissance ne récompensait pas leur vertu mais le talent qu'elles mettaient à n'en pas avoir. »
Heureux temps où les dignitaire d'Église pouvaient trousser les cotillons sans que personne y trouve à redire ! Aujourd'hui, ce pauvre Lorraine, on aurait tôt fait de lui concocter un genre de MeTooConclave une “section d'asso” dont les troupes, à force de lui piailler après, parviendraient vite à transformer la pourpre cardinalice en rouge de l'opprobre et de la honte…
Voilà, d'ailleurs, une époque où il devait être plutôt plaisant de vivre : naître vers 1510 ; connaître les fastes italianisants des années trente et quarante ; enflammer sa jeunesse en liant connaissance avec Gargantua et Pantagruel, tout chauds sortis des presses ; entre deux fêtes galantes dans quelque château des bords du Cher ou de Loire, tenter de se faire une âme romaine en feuilletant Plutarque, récemment traduit en langage françois par M. Amyot ; croiser, par hasard et par chance, le vieux Léonard dans les rues d'Amboise, ou encore Diane de Poitiers traversant Pacy-sur-Eure pour se rendre à son château d'Anet flambant neuf ; voir valser les rois sur le trône de France, les François I et II, les Henri II et III, sans oublier Charles IX flanqué de son archer, plus tard chanté par le malheureux Lucien de Rubempré ; et puis s'éteindre, nonagénaire, plus ou moins consolé de devoir remettre son âme à Dieu, qu'il soit huguenot ou ligueur, par le nouveau livre du Bordelais Montaigne, sous le règne du bon roi sponsor de poule au pot – tout cela en ayant sagement évité de se mêler de ces palinodies confessionnelles qui auront bien pimenté le siècle dans sa seconde partie.
Oui, vraiment, on devrait toujours arriver en ce monde au début du XVIe siècle.
dimanche 17 décembre 2023
À sexiste, sexiste et demi…
On peut tomber sur cette photo, d'apparence anodine, sur quelques sites féministes où les vigilantes ne dorment toujours que d'un œil – et jamais le même. Notamment dans la boîte-à-touitte de “Pépite sexiste”. Qu'est-ce donc, se demande le mâle rétrograde et ligoté dans ses préjugés de genre, que cette Pépite sexiste ? La Pépite se présente elle-même :
« Asso de sensibilisation au sexisme ordinaire et aux stéréotypes diffusés par le marketing »
Maintenant, revenons à la photo qui a soulevé l'indignation de Pépita. Observons-la avec attention et scrupule. Que voyons-nous ? Deux sachets contenant des bougies de la marque Sainte-Lucie, les unes bleues, les autres roses. Les premières coûtent 2,59 €, les secondes 2,75 €. Et ce sont évidemment ces seize centimes de surcoût, tout le monde le comprend d'instinct, qui ont aussitôt provoqué la tempête sous le crâne pépitoïdal.
Or, tout le monde peut voir que les emballages de ces bougies scandalogènes ne portent aucune indication supplémentaire, en dehors de la marque et du prix. Aucun public potentiel n'est explicitement visé. Par conséquent, pour y voir une discrimination sexiste, il faut soi-même considérer que le bleu est forcément la couleur des garçon tandis que le rose est réservé strictement aux filles ; ce qui est, ma chère Pépite, délicieusement suranné ou furieusement rétrograde, selon le point de vue qu'on adopte.
Féminisme bien ordonné commençant par soi-même, il conviendrait donc d'extirper les stéréotypes des cervelles-en-lutte avant que de se pencher sur les manœuvres sournoises d'un marketing insidieusement patriarcal.
Je sais, je sais : la vie des combattantes n'est pas rose tous les jours…
lundi 11 décembre 2023
L'IA et les violeurs
— Titre concocté par mes analphabètes atlanticoïdes d'élection : « L'Europe et l'IA : comment préférer réguler l'intelligence artificielle que la bêtise nauséabonde quotidienne. » Ce qui est rassurant pour les zombis capables de dégurgiter une telle pâtée, c'est que, artificielle ou non, l'intelligence ne semble pas constituer pour eux une menace immédiate ni bien sérieuse.
—
Pendant ce temps, chez MoiTaussiMedia, on se prend également les pieds
dans le tapis syntactique. Je lis cette affirmation émanant du haut
commandement (j'espère au moins que ce n'est pas miss Élodie la
rédactrice…) : « PPDA, Bourdin, Plaza, Cerruti : autant de victimes que
nous accompagnons. » Ça va les changer agréablement, ces ignobles
violeurs d'étudiantes et tripoteurs de stagiaires, d'être soudainement intronisés victimes, et donc désormais sacrés. Les sœurs-z'en-lutte passent à l'anacoluthe sans débander….
vendredi 8 décembre 2023
C'est l'Avent dans les igloos !
Sans trop se soucier de savoir s'il ne risque pas d'être taxé d'appropriation culturelle, Charlus fait ses dévotions à la crèche inuite tout juste installée par sa maîtresse sur notre buffet de souche.
Les Inuits… ce peuple fier et frigorifié, dont le nom est indissolublement lié au merveilleux de la Nativité, puisque c'est à l'un de ces humbles anonymes en fourrure et peau de phoque que l'on doit le chant de Noël universellement connu et entonné :
Inuit chrétien, c'est l'heure solenneeeelle
Où l'homme Dieu descendit jusqu'à nous !
(Si avec ça les inquisiteurs du multicul' ne me font pas grimper sur leur bûcher à coups de pompes équitables dans le fondement, je serai assuré d'avoir toutes les puissances du Ciel de mon côté…)
mercredi 6 décembre 2023
Restons optimistes !
« Croyez-vous, dit Candide, que les hommes se soient toujours mutuellement massacrés comme ils font aujourd'hui ? qu'ils aient toujours été menteurs, fourbes, perfides, ingrats, brigands, faibles, volages, lâches, envieux, gourmands, ivrognes, avares, ambitieux, sanguinaires, calomniateurs, débauchés, fanatiques, hypocrites et sots ?
– Croyez-vous, dit Martin, que les éperviers aient toujours mangé des pigeons quand ils en ont trouvé ?
– Oui, sans doute, dit Candide.
– Eh bien ! dit Martin, si les éperviers ont toujours eu le même caractère, pourquoi voulez-vous que les hommes aient changé le leur ? »
Je ne suis pas coutumier du fait, mais il se trouve que je me rappelle fort bien où et quand j'ai lu Candide pour la première fois. C'était en janvier de l'année 1971, au numéro 13 du boulevard Fabert *, à Sedan, Ardennes. Je n'avais pas tout à fait 15 ans.
Mes parents, ma fratrie et moi-même venions, le 29 décembre précédent, de rentrer assez précipitamment d'Algérie, où nous avions passé un an et demi. En attendant que mon père reçût sa nouvelle affectation – ce serait à la base aérienne de Châteaudun, dès les vacances de février –, nous nous étions recasés chez mes grands-parents maternels, à l'adresse sus-indiquée, où ma mère avait vécu son adolescence, au milieu d'une fratrie assez nettement plus nombreuse que la mienne. La petite maison était la conciergerie de la Chambre de Commerce sedanaise, dont mon grand-père, ancien militaire, était devenu le concierge juste après la guerre.
(Je suppose que, officiant aujourd'hui, il bénéficierait d'un titre autrement ronflant ; quelque chose comme “surintendant du parc” ou “grand chambellan des clés”. À moins que ce ne fût “personne en situation de gardiennage”. Bref…)
J'avais donc, quant à moi, sauté du lycée Pasteur d'Oran au lycée Turenne de Sedan – en attendant le CES Beauvoir de Châteaudun. Passant, du même saut, de la douceur oranaise à un putain de froid ardennais. Et c'est là qu'un jour, en fin d'après-midi, sortant de cours, j'ai poussé la porte d'une librairie, probablement située aux alentours de la Place d'Armes, juste avant de redescendre vers la place Turenne par la rue Gambetta, puis, franchissant le bras de Meuse, emprunter la rue Thiers filant vers Torcy jusqu'à l'entrée du boulevard Fabert (on pourra vérifier sur Goople Maps que je ne raconte pas n'importe quoi).
C'est dans cette échoppe, probablement remplacée depuis longtemps par une boutique de fringues pour collégiennes pétassoïdales ou par un kebab bien de chez nous, que j'ai acheté ce volumineux livre de poche qui contenait, sinon tous, du moins un grand nombre des contes du sieur Arouet. Et je crois bien que, si j'ai commencé ma lecture par Candide, c'est parce que son titre était le seul, alors, à me dire vaguement quelque chose.
Pourquoi, moi qui jusque-là n'avais quasiment jamais acheté de livres depuis les Bibliothèques rose et verte de l'enfance, pourquoi ai-je ce jour-là jeté mon dévolu précisément sur Voltaire ? La question restera sans réponse, je le crains. Toujours est-il que c'est lui qui – soyons pompeux une minute – m'a ouvert à deux battants les portes de la littérature.
Imagine-t-on la mine scandalisée et furibarde du seigneur de Ferney, se voyant non seulement reçu dans une maison de gardien, et en plus chargé d'y ouvrir les portes, devenant ainsi le concierge des concierges, un concierge au carré ?
Mais peut-être aurait-il su en rire.
* Comme la forme d'une ville / Change plus vite, hélas, que le cœur d'un mortel, je viens de constater avec un peu d'accablement que le 13 bd Fabert de mon enfance est désormais le 19… et que la Chambre de commerce n'est plus la Chambre de commerce. Salauds de post-modernes ! Mais je suppose que je puis m'estimer heureux de ce que Fabert est resté Fabert : il pourrait aussi bien être maintenant le boulevard de la Transition-écologique, ou l'allée du vivre-ensemble…
lundi 4 décembre 2023
Le grand regret de ma vie
Dans notre boîte aux lettres, ce matin, un avis nous informant qu'en raison des travaux en cours dans les rues du Plessis, l'eau nous sera coupée demain entre huit heures et midi. L'avis en question est signé d'un monsieur Untel, dont le nom est suivi de son officielle fonction :
directeur du
petit cycle d'eau
Je trouve à ce titre un attrait irrésistible, comme un parfum d'ancienne Cour, l'équivalent moderne d'un “intendant des menus plaisirs”.
Et
l'évidence m'apparaît, aveuglante. Voilà, c'est ça ! voilà ce que j'aurais dû choisir,
comme métier, au lieu d'aller barboter, près de quarante années durant, dans les cloaques journalistiques
: directeur du petit cycle d'eau. Opter pour l'eau potable plutôt que pour les égouts…
Comme mes parents auraient été fiers de leur fils, alors !