mercredi 27 décembre 2023

De la tribune à l'échafaud


 Notre époque a fait un énorme et fondamental progrès par rapport à tous les temps obscurs qui l'ont précédée : elle a remplacé l'ignoble chasse aux sorcières par la vertueuse chasse des sorcières. On ne peut que s'en féliciter. On doit s'en féliciter. On a intérêt à s'en féliciter.

On y a intérêt, sous peine de se retrouver, si on n'aboie pas avec les hyènes, à portée immédiate de leurs quenottes qu'elles prennent pour des crocs — et qui le deviennent parfois, si quelques imprudents les rendent encore plus furieuses qu'à l'ordinaire ; surfurieuses, en quelque sorte.

C'est pourtant ce qu'ont fait les signataires — signataires des deux sexes, impeccablement paritaires — d'une tribune par laquelle ils disent (en gros, en très gros : c'est moi qui interprète…) que même s'il était prouvé demain que Gérard Depardieu est bel et bien un bouc, il ne sont pas d'accord pour qu'on lui accole “émissaire” au derrière ; et que le lynchage préventif ne saurait résoudre grand-chose.

La horde-à-quenottes s'est aussitôt déchaînée, flétrissant l'ensemble des apposeurs de paraphe, leur promettant une honte éternelle pour avoir osé ne pas participer d'enthousiasme à la curée qu'elle a décrétée, les assurant d'un ton aigrelet que leurs noms ne seront pas oubliés et qu'on saura leur faire passer le goût de défendre des monstres, sous le futile prétexte qu'aucun tribunal ne les a encore condamnés, pour des faits qui attendent toujours leurs preuves d'établissement. 

Elles ont raison de s'indigner ainsi : si on se met à attendre des preuves pour exécuter les accusés qui nous tombent sous la main parce qu'ils ont le profil idéal, il n'y aura plus moyen de faire grimper Calas sur son bûcher toulousain, ni même de dégrader Dreyfus dans la cour d'honneur de l'École militaire, ce qui serait tout de même dommage.

En tout cas, mesdames et messieurs les pétitionnaires, dans l'avenir réfléchissez donc à deux fois avant de signer n'importe quoi : il n'y a jamais très loin de la tribune à l'échafaud.

9 commentaires:

  1. Ah, je vous en prie : n'essayez pas de transformer notre monstre en monstre sacré !

    DG

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  2. Du reste, et plus sérieusement, il me semble que les deux choses doivent rester séparées et que le "palmarès" cinématographique de Depardieu ne doit nullement entrer en ligne de compte ici. Ni pour l'accuser, comme finalement le font sans bien s'en rendre compte les enragées, ni pour le disculper comme auraient tendance à le faire ses défenseurs.

    Seuls ses actes délictueux, s'il en a réellement commis, doivent entrer en ligne de compte et être jugés sans passion : on en est évidemment fort loin…

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  3. Monsieur Goux,
    Je ne comprends pas pourquoi vous m'avez censurée sur le précédent billet alors que je disais la même chose que M.Fredi M. à propos de Depardieu pour Cyrano de Bergerac, film qu'il ne cite pas , même si j'ai aussi une très bonne opinion des films qu'il cite...
    Pour le reste, je ne sais pas ce que Depardieu a fait ou pas.
    Je le trouve lourdingue parfois, c'est tout, pas envie de hurler avec la meute
    des pour ou contre.
    Si il a commis des viols ç'est sa conscience (et la justice) que ça regarde.
    Je trouve que vous insistez beaucoup sur cette affaire, vous n'allez pas apprécier, mais vous me faites penser à Marguerite Duras avec l'affaire Gregory.
    Je vous mets à l'aise pour finir, je ne suis pas très cultivée, je suis consciente de mes lacunes et limites, mais j'apprends toujours plein de choses en venant vous lire, j'en prends et j'en laisse, je suis curieuse et blindée à la fois: j'essaie juste de penser par moi-même , bien ou mal je m'en fous, je suis de moins en moins influençable en tous cas...
    Bibi



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    1. Je n'ai rien "censuré" du tout ! Simplement, il arrive que des commentaires s'évanouissent d'eux-mêmes dans la cybernétique nature, sans même que je le sache toujours.

      Quant à l'affaire Depardieu, elle ne m'intéresse nullement en elle-même, et je suis plutôt d'accord avec ce que vous en dites. Ce qui m'intéresse, c'est l'espèce de rage qui s'est emparée des diverses officines "MeToo", qui déguisent de moins en moins leur soif de sang et leur besoin de victimes expiatoires.

      Victimes que, en outre, elles trient soigneusement : tout agresseur de femmes mérite la potence avant même tout jugement, pour peu qu'il soit blanc et connu. Mais s'il s'agit d'un immigré clandestin et déjà condamné pour diverses babioles, il s'agit alors de ne pas généraliser, de ne pas "faire le jeu de l'extrême droite", ni donner prise à notre fameux "racisme systémique" en accablant inconsidérément ce malheureux qui s'est juste un peu laissé emporter…

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    2. Voila que vous ressemblez à Marguerite Duras, maintenant...

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    3. Rien ne m'aura été épargné…

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  4. C'est ce que l'on appelle : la liberté d'expression, je suppose. En tout cas, dans l'esprit de ces gens-là.

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    1. Pourquoi mon commentaire (celui auquel vous répondez et où je citais un article au sujet de Pierre Richard) a-t-il disparu ?

      (je viens, par contre, de recevoir une notification d'un commentaire de votre part où vous disiez seulement "Test" ce qui n'est pas intéressant, par ailleurs)

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    2. Blogger deconne : ça fait trois fois que je tente un commentaire sur votre"Bistro"... et rien à faire.

      DG

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.