Nous sommes en l'an de grâce 1980, déjà Mitterrand perce sous Giscard d'Estaing, les Soviétiques se font fourrer tout debout en Afghanistan, votre serviteur a 24 ans, toutes ses dents et l'estomac plein (le plus souvent de liquides divers). Sorti de l'école de journalisme dont je parlais avant-hier, il a durement maquetté six mois au Figaro-Magazine (si jeune et déjà réac...) avant de se retrouver au chomedu à peu près volontairement ; période qui va durer onze mois (mais on ne le plaint pas : il fuyait alors le travail avec une habileté qui force l'admiration), et qui sera la seule de son existence professionnelle jusqu'aujourd'hui.
Au bout d'un ou deux trimestres d'inactivité alcoolisée et prostituphile, mes finances allant s'épuisant, je m'ouvrai de mon désarroi économique à l'un des journalistes-professeurs que j'avais eus au CFJ et avec qui je m'entendais bien. Preuve de son attendrissant aveuglement professionnel, cet homme avait une certaine estime pour mes capacités folliculaires. Bref, il me recommanda à un sien ami, chef de service en ce glorieux hebdomadaire nommé Détective.
En réalité, à cette époque, suite à des démêlés judiciaires ayant entraîné une interdiction de paraître, le fanzine en question avait brutalement muté pour devenir Qui ? Police !, nom que je trouvais absurde, mais je n'allais pas faire la fine bouche : j'avais une ardoise considérable au Big Buddha de la rue Hérold.
Durant environ trois ou quatre mois, j'ai donc écrit des faits-divers, en tant que pigiste extérieur, pour ce journal - qui payait fort bien, eu égard au temps que je lui consacrais. On me cantonnait à ce qu'on appelait pudiquement les "affaires étrangères". Il s'agissait de très vieux faits-divers, le plus souvent anglo-saxons ou germaniques et remontant aux années cinquante ou soixante. J'arrivais rue des Graviers, à Neuilly, on me refilait une vieille coupure d'une quinzaine de lignes, parfois moins. Mon "travail" consistait à transformer cela en un fait-divers actuel d'une dizaine de feuillets : on voit la déontologie en béton.
L'affaire me prenait entre deux et trois heures, mais, prudent, lorsqu'il m'avait posé la question, j'avais affirmé au rédacteur en chef qu'il me fallait bien la demi-journée. Il avait hurlé que ce n'était pas assez et qu'on ne pouvait pas faire un bon papier pourDétective Qui ? Police ! en moins d'une journée. J'avais promis de freiner sur les suivants.
Détail amusant : le rédacteur en chef en question, petit bonhomme tout vieux, tout ridé, toujours fagoté d'une blouse grise d'instit de la IIIe, il m'a fallu plusieurs semaines pour comprendre qu'il n'était pas le garçon d'étage que j'avais d'abord cru voir en lui.
Je ne sais plus comment ni pourquoi cette fructueuse collaboration a pris fin. Ensuite, novembre, je suis entré dans le groupe Hachette, qui ne s'appelait pas encore Filipacchi et encore moins Lagardère. Une suite qui appartient à l'Histoire et sera un jour gravée en lettres d'or sur quelque fronton glorieux.
Au bout d'un ou deux trimestres d'inactivité alcoolisée et prostituphile, mes finances allant s'épuisant, je m'ouvrai de mon désarroi économique à l'un des journalistes-professeurs que j'avais eus au CFJ et avec qui je m'entendais bien. Preuve de son attendrissant aveuglement professionnel, cet homme avait une certaine estime pour mes capacités folliculaires. Bref, il me recommanda à un sien ami, chef de service en ce glorieux hebdomadaire nommé Détective.
En réalité, à cette époque, suite à des démêlés judiciaires ayant entraîné une interdiction de paraître, le fanzine en question avait brutalement muté pour devenir Qui ? Police !, nom que je trouvais absurde, mais je n'allais pas faire la fine bouche : j'avais une ardoise considérable au Big Buddha de la rue Hérold.
Durant environ trois ou quatre mois, j'ai donc écrit des faits-divers, en tant que pigiste extérieur, pour ce journal - qui payait fort bien, eu égard au temps que je lui consacrais. On me cantonnait à ce qu'on appelait pudiquement les "affaires étrangères". Il s'agissait de très vieux faits-divers, le plus souvent anglo-saxons ou germaniques et remontant aux années cinquante ou soixante. J'arrivais rue des Graviers, à Neuilly, on me refilait une vieille coupure d'une quinzaine de lignes, parfois moins. Mon "travail" consistait à transformer cela en un fait-divers actuel d'une dizaine de feuillets : on voit la déontologie en béton.
L'affaire me prenait entre deux et trois heures, mais, prudent, lorsqu'il m'avait posé la question, j'avais affirmé au rédacteur en chef qu'il me fallait bien la demi-journée. Il avait hurlé que ce n'était pas assez et qu'on ne pouvait pas faire un bon papier pour
Détail amusant : le rédacteur en chef en question, petit bonhomme tout vieux, tout ridé, toujours fagoté d'une blouse grise d'instit de la IIIe, il m'a fallu plusieurs semaines pour comprendre qu'il n'était pas le garçon d'étage que j'avais d'abord cru voir en lui.
Je ne sais plus comment ni pourquoi cette fructueuse collaboration a pris fin. Ensuite, novembre, je suis entré dans le groupe Hachette, qui ne s'appelait pas encore Filipacchi et encore moins Lagardère. Une suite qui appartient à l'Histoire et sera un jour gravée en lettres d'or sur quelque fronton glorieux.
Non, rien. C'est juste pour avoir le suivi de commentaires !
RépondreSupprimerOuah !
RépondreSupprimerIl m'est arrivé d'acheter cette revue que je lisais comme un roman de science-fiction (en croisant les doigts pour que rien ne soit vrai). Ce devait être quelque chose d'écrire ces pages.
(Vous avez de la matière pour un roman rien que dans la partie de votre vie que vous survolez ici... A mon avis...)
C'est une expérience que je vous envie ! J'ai vaguement le souvenir d'une anecdote disant que Détective fut lancé (ou accompagné) par je ne sais plus quelle grosse pointure NRF ?
RépondreSupprimerbon ça y est, j'en ai la preuve maintenant, Zoridae est accro aux faits divers douteux, elle veut que j'écrive un roman sur une agression au couteau dans un pub anglais et que vous écriviez un roman sur votre période à tremper dans un journal que je n'ai lu qu'une fois mais qui m'a fait sérieusement halluciner par son manque de déontologie crasse et son ton "je trempe mon sucre dans du sang à demi-coagulé, assis sur un cadavre encore chaud pendant que je regarde un sdf gérontophile qui viole un mouton à deux têtes, miam"
RépondreSupprimersi je vous envoie 15 lignes de faits divers de bar (j'ai aussi des gens morts et des yeux explosés à coup de tessons), vous lui grattez quelques feuillets, rapidos et elle nous laisse en paix vous croyez ?
sinon il engagent encore chez détective? j'adorerais y écrire, en plus ils laissent les coquilles, je m'y sentirais à ma place.
RépondreSupprimer(c'était pour cocher le suivi de commentaires)
Oui mais et l'Irremplaçable dans tout ça?
RépondreSupprimer[j'aime bien les potins... je l'ai déjà dit? :-]
Je ne sais pourquoi, mais je garde depuis près de trente ans en mémoire un titre-choc d'une couverture de Détective qui était reproduite dans l'une des cinq ou six pages de « publi-information » pour quelques titres de presse dans l'édition de 1980 du Quid :
RépondreSupprimer« Il livre sa fiancée vierge à cinq pervers sexuels »
Outre le fait que j'avais une vague idée, à l'époque, sur le fait qu'il devenait vraisemblablement de plus en plus rare d'avoir une fiancée vierge, je me suis longtemps demandé comment le type en question, quel que fût le service qu'il attendait d'eux, s'était démerdé pour trouver puis réunir ses cinq bonshommes.
QUOI? Il ne faut pas croire tout ce qu'on lit dans les journaux?
RépondreSupprimerOn m'aurait menti?
Zoridae : c'est fini, de vouloir à tout prix me faire bosser ?
RépondreSupprimerLe Coucou : c'est Gaston Gallimard lui-même qui a lancé Détective. Mais je crois savoir qu'en ses débuts ce magazine avait une plus haute tenue, tout étant tout de même "populaire".
Nefisa : non ! ne cédons pas aux pressions de cette négrière littéromane ! Brandissons haut l'étendard de la révolte !
Mlle Ciguë : c'était ma période pré-Irremplaçable...
Chieuvrou : et les petites annonces, alors ? Et le bouche-à-oreille.
Orage (et les autres) : je dois préciser que tous les faits divers français que l'on peut lire dans cet hebdomadaire (et ses divers succédanés) sont tous rigoureusement vrais. Ne serait-ce qu'à cause des avocats des victimes et des accusés qui l'épluchent scrupuleusement.
Il y a beaucoup d'écrivains qui ont travaillé à Détective,non?
RépondreSupprimerDjian, en tout cas, en parle dans un de ses livres.
Suzanne
A commencer par Philippe Muray.
RépondreSupprimerDites, comme ça, en passant, vous n'avez pas écrit pour "Unions" (je ne sais pas si c'est au pluriel, tiens), non plus ?
RépondreSupprimerUnion au singulier ne fait pas partie de mon tableau de chasse, non. Ç'aurait pu, dans la mesure où leurs locaux sont à l'étage au-dessus de France Dimanche et que j'y connais une ou deux personnes...
RépondreSupprimerDommage, Union (au singulier), j'adore !!!
RépondreSupprimerJ'aurais dû faire ça, gribouiller des histoires de cul au lieu de faire de la com. de merde...
(désolé d'utiliser ce champ sémantique)
C'est vraisemblablement une très bonne école d'écriture ! La preuve...
RépondreSupprimer:-)))
Au boulot !
RépondreSupprimerAh ah ! Et bien merci pour cette réponse ! Il y avait donc les "faits divers extérieurs", qui étaient des adaptations de vieux faits divers des années 50...
RépondreSupprimerBalmeyer : ce qu'on ignore, et je pose la question (sans aucune aétonie !) : est ce que les faits divers des années 50 n'avaient pas déjà été réécrits ?
RépondreSupprimerPeut-être que rien de tout cela n'est jamais arrivé en vrai !
:-))
Tiens, Poireau, ça me fait penser, j'ai une question sérieuse : comment se fait-il qu'il y ait autant de faits divers, et qu'ils ne soient pas repris par la presse classique ?
RépondreSupprimerBalmeyer : 50 ou 60, oui. Ce qui, à l'époque, n'était tout de même pas si vieux...
RépondreSupprimerPoireau : ils l'avaient sans doute été, en effet. Mais rien n'est plus volatile que la mémoire d'un lecteur de faits divers ! Et puis, on changeait des trucs, on mettait en scène, embellissait, changeait les noms. Et, surtout, on le situait dans un autre pays que celui où il avait eu lieu.
Dorham : pardon, je vous oubliais ! Contrairement à ce qu'on croit (et que j'ai moi-même longtemps cru), les témoignages qu'on peut lire dans Union ne sont pas écrits par des types dans mon genre : ce sont de vraies lettres de lecteurs et lectrices. Ce qui ne signifie nullement que ce qu'ils racontent leur soit réellement arrivé. disons qu'il s'agit d'authentiques fantasmes d'authentiques lecteurs...
RépondreSupprimer(Coupés et souvent récrits, bien entendu.)
Quelle authentique déception...vous voulez ma mort, dites-le... pffff...
RépondreSupprimerD'ailleurs, il n'y aucune revue érotique digne de ce nom à ma connaissance, c'est grandement dommage.
C'est logique, puisque ce qui marche le mieux, et de loin, ce sont précisément les "courriers des lecteurs". Ces petites revues sont des magazines-miroirs (agréablement déformants, qui plus est).
RépondreSupprimerBalmeyer : il y a des faits divers autant qu'il y a de gens. Par exemple : "l'horrible coupure du téléphone de Monsieur Poireau" peut faire un bel article si je finis par zigouiller un ou deux employés de Wanadoo-Orange-FranceTelecom !
RépondreSupprimerMais la Presse s'intéresse aux faits majeurs, ceux qui feront l'histoire. Les petites historiettes de Madame Toutlemonde ne l'intéresse sans doute pas !
:-)))
[On a le même problème avec les historiens ne traitant pour la plupart que la vie des dirigeants...].
Au fait, Didier : votre traduction de la Bible en slovène, c'est du n'importe quoi ! Quant à votre reportage de 1986 sur le match de foot du championnat roumain de division 2 (Ceahlăul Piatra-Neamţ - Olimpia Râmnicu-Sărat), c'était un grand moment. Je n'aime pas beaucoup les chansons que vous avez écrites pour Carène Cheryl, mais je vous adorais quand vous vous appeliez encore Pierre Vassiliu (vous étiez mince et communiste). Et cette traversée de l'Atlantique en pédalo, grandiose ! Mais ce que je préfère de toute votre œuvre, c'est quand même les brillants textes écrits pour le mime Marceau et si magnifiquement interprétés par lui.
RépondreSupprimer