C'était il y a un quart de siècle environ. À cette époque reculée, dans les profondes ténèbres du XXe siècle, le merveilleux magazine qui m'évite de me retrouver à la rue et d'y crever de faim comme un Grec lambda, ce merveilleux magazine était encore tout à fait dépourvu d'ordinateurs et, par conséquent, entretenait encore ce qu'on appelait un “pool de dactylos”, afin que ces dames et demoiselles (oui, parce qu'il y avait encore des demoiselles, en ces temps ; et même des races, maintenant que j'y songe) tapassent les articles que nous écrivions à la main, tels des moines copistes et médiévaux courbant leurs tonsures vers leurs écritoires.
Venait d'être embauchée une nouvelle jeune personne en ce pool (T'es tout' nue / Sous ton pool / Y a la rue / Qu'est maboule, comme bramait l'autre), que son excès de kilos judicieusement répartis me faisait trouver accorte. – Si j'étais Nicolas, je risquerais sans doute ici un “accorte à sauter”, mais ce blog est d'une trop haute tenue pour qu'ainsi je me laisse aller. Bref, les courbes de la demoiselle se croisaient avec autant de grâce que celle du couple Hollande/Sarkozy sur un graphique sondagier, et j'avais décidé de pousser mon bois de ce côté-là. (Je rappelle aux esprits chagrins et rigoristes que j'étais alors célibataire de stricte obédience.) Par voie de conséquence, je faisais de fréquentes visites au pool, sous les prétextes les plus futiles, lesquels ne trompaient personne, vu la subtilité de mes travaux d'approche. Dans ce bureau de petites mains agiles officiait également une longiligne et osseuse dactylographe à laquelle je n'accordais que des regards et des entretiens strictement professionnels.
Or, un jour où j'infligeais mon pesant badinage à la demoiselle amplement fessue, voici que sa consœur moins pourvue se mit à prendre pour elle les allusions grivoises et les pirouettes verbales à double sens qui étaient alors ma grande spécialité. Et à me faire savoir qu'elle se sentait toute prête à y répondre, d'une manière tellement explicite et effrayante que je me vis contraint au repliement sur des positions stratégiques préparées à l'avance – à savoir le bureau du rewriting. Là, voyant mon air de bête un peu traquée, Yves J., mon très-aimé chef, me demande ce qui m'arrive. Je lui réponds :
Je me pointe chez les dactylos pour chauffer Callipyge,
et c'est la grande asperge qui grimpe en mayonnaise !
Je lisais un peu trop San-Antonio, à cette époque, principalement dans le train qui, chaque vendredi, me ramenait à La Ferté-Saint-Aubin, chez mes parents. Je me souviens encore très bien de la voiture rouge de ma mère, une Simca “Horizon”, qui m'attendait devant la gare, et nous… – mais ce n'est pas le sujet aujourd'hui.
Toujours est-il que la phrase, joliment burinée, a tellement enchanté ce cher Yves qu'il a dû la répéter à tous ses amis – qui étaient nombreux – et emmerder sa famille avec, au moins jusqu'à la troisième génération. Dix ou quinze ans plus tard, lorsque nous nous revoyions, il lui arrivait encore de me demander de la lui redire, juste pour le plaisir de l'entendre de ma bouche, supposé-je, puisqu'il la connaissait par cœur.
Tout cela, bien entendu, n'explique nullement pourquoi l'anecdote m'a littéralement sauté à la mémoire, ce matin au réveil.
---mais ce blog est d'une trop haute tenue pour qu'ainsi je me laisse aller---
RépondreSupprimerBien. Voici donc : un jour, Jésus-Christ, qui aimait à fréquenter les couches les plus basses de la population (il fréquentait même les percepteurs, c'est dire), fit un sermon aux dactylos de l'époque, qu'on appelait "scribettes".
C'est ce qu'on appelle le Sermon sur le Mont des Olivetti.
(PS : ---une longiligne et osseuse dactylographe à laquelle je n'accordaiS---)
J'aime beaucoup vos scribettes…
Supprimer"Tout cela, bien entendu, n'explique nullement pourquoi l'anecdote m'a littéralement sauté à la mémoire, ce matin au réveil". Un début d'érection peut-être ?
RépondreSupprimerY'a de ça en effet. Encore une conséquence du réchauffement climatique et du printemps précoce: le vieux bourgeonne avec 15 jours d'avance.
SupprimerTout de suite, les exagérations…
SupprimerCes deux "mademoiselles" sont "racées"…
RépondreSupprimerPas tellement, si j'ai bonne mémoire !
Supprimer"Si j'étais Nicolas, je risquerais sans doute ici un “accorte à sauter”, mais ce blog est d'une trop haute tenue pour qu'ainsi je me laisse aller. "
RépondreSupprimerProcès d'intention.
Farpaitement !
Supprimer"Explicite et effrayante"... Pourriez-vous être un peu plus précis? Ces histoires de mayonnaise et de sauce hollandaise me laissent pantois!
RépondreSupprimerDisons qu'elle m'a fait du rentre-dedans, et que c'était presque un ordre. J'ai du reste toujours eu des relations dangereuses, avec ces dactylos : une autre fois, c'est une énorme négresse qui m'a presque étouffé d'enthousiasme entre ses gargantuesques mamelles.
SupprimerLe racisme anti-asperge est un véritable fléau pour la fornication nationale.
RépondreSupprimerFi des femelles décharnées,
RépondreSupprimerVive les belles un tantinet
Rondelettes !
Très joli. Vous avez craqué et remis la blogoroll? Seriez pas un peu maso cher ami?
RépondreSupprimerProbablement, oui…
Supprimer"c'est une énorme négresse qui m'a presque étouffé d'enthousiasme entre ses gargantuesques mamelles."
RépondreSupprimerOh le fantasme à deux balles !
D'abord, ce n'est pas un fantasme du tout : le boulet est passé très près de mes oreilles (et je suis poli).
SupprimerEnsuite, ce n'est pas à deux balles non plus car, ce soir-là, je m'en souviens fort bien, je l'avais invitée à dîner ainsi que deux autres personnes, et qu'ensuite on s'était retrouvé tous les quatre dans je ne sais plus quelle boîte glauque – où j'ai encore payé, naturellement.
Oui, enfin j'en conclus que si Didier n'avait pas été une feignasse subventionnée, et s'il avait tapé lui-même ses articles sur une machine à écrire comme n'importe quel journaliste ultra-libéral de l'époque, eh bien l'asperge n'aurait pas ramené sa fraise.
RépondreSupprimerL'ordinateur a bon dos.
"une autre fois, c'est une énorme négresse qui m'a presque étouffé d'enthousiasme entre ses gargantuesques mamelles".
RépondreSupprimerPour faire une histoire moins colonialiste (et plus en ligne avec la récente journée des droits de la femme, mais vous vous en foutez,j'imagine, et puis les droits des négresses, chez vous) j'aurais préféré une version dans ce style:
cette "énorme négresse" mourut de peur et de honte lorsqu'elle fut menacée de se trouver entre les bras d'un gros blanc, aux réflexions racistes, suant et sentant le tabac et l'alcool.
Une histoire de dactylolos... qui vous échauffaient le stylo.
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