Livre passionnant que celui-ci, tout juste achevé. Il s'appelle Kamala, une louve dans ma famille. Son auteur, Pierre Jouventin, est un éthologue à la retraite, ex-directeur de recherches au CNRS. En 1975, jeune chercheur, il a rapporté chez lui, dans l'appartement montpelliérain qu'il partageait avec sa femme et leur fils de 10 ans, un louveteau femelle âgé de quelques jours ; ce, à l'encontre de tous ses principes d'éthologue, mais avec la double excuse que depuis son enfance sa femme rêvait d'élever un loup, et d'autre part que l'animal allait de toute façon être euthanasié, le zoo de Montpellier ne pouvant pas le garder. Kamala est morte accidentellement en 1980 ; mais, durant ces cinq années, elle a véritablement fait partie de cette “meute interspécifique” en quoi son arrivée a transformé la famille Jouventin. Cette expérience, riche et difficile, aboutirait forcément à des catastrophes si vous ou moi avions la fort mauvaise idée de la tenter ; mais, de par sa formation et son métier, Pierre Jouventin a su en faire une réussite féconde en enseignements que, trente ans plus tard, il a finalement rendus publics.
Si j'ai d'abord ouvert ce livre, ce fut dans l'idée d'y puiser un sujet d'article, je l'avoue, et non par un intérêt particulier et personnel pour son sujet. De fait, la partie anecdotique – la vie quotidienne en appartement urbain avec un loup –, qui ne constitue guère plus que le quart du volume, va m'en fournir un. Mais c'est tout le reste qui a été pour moi une découverte : l'étonnante proximité de mode de vie entre cet animal et l'homme, au moins l'homme primitif ; leurs similitudes de comportement, en particulier lors de la chasse ; les ressemblances entre leur meute et notre clan – tout cela faisant que, si l'homme reste génétiquement et morphologiquement proche des grands singes, il l'est bien davantage du loup d'un point de vue social. Les pages que Jouventin consacre à l'altruisme inné du loup – que seule la vie commune avec Kamala lui a permis de mettre pour la première fois en lumière – sont prodigieuses par ce qu'elles ouvrent de perspectives, mais aussi, d'un point de vue non scientifique, par la profonde rêverie qu'elles autorisent.
Le loup, animal capable d'entente, de stratégie complexe, de férocité envers les membres de meutes intrusives, mais aussi de sacrifice pour sauver un membre de son propre groupe, y compris un petit qui n'est pas le sien, puisque seul le couple dominant est autorisé à procréer : tout cela de manière innée, sans le secours de la culture qui fut nécessaire à l'homme pour parvenir au même résultat, de manière à la fois moins parfaite et plus fragile. Le loup qui, au départ – lorsque, venant du Nord, il s'est rencontré avec Homo sapiens montant du Sud –, avait tous les atouts pour sortir vainqueur de la confrontation, de la lutte pour les territoires et les proies, et qui a pourtant dû s'incliner. Par quel retournement ? Parce que l'homme a su domestiquer une partie de ses congénères et se servir ensuite de leurs capacités naturelles contre les loups restés loups ; on les a appelés les chiens.
Quant au loup, il est venu occuper dans l'imaginaire une place inévitable : celle de l'ancien rival, de l'ennemi dangereux, finalement vaincu et donc diabolisé, enténébré. Alors qu'il aurait été peut-être plus sage de s'en inspirer.
Allons bon ! Un billet contre les bienfaits de la colonisation du loup par l'homme.
RépondreSupprimerMerci pour cette référence : je cours alléché à sa poursuite.
RépondreSupprimerEn remerciement, je vous conseille la lecture du "Philosophe et du Loup" de Mark Rowlands, un professeur de philosophie américain qui eut la même expérience que Jouventin avec un très grand loup nommé Brenin. Du reste, Rawlands a lui même enterré son frère loup — mort de vieillesse — dans le sud de la France, donc non loin de Montpellier et Jouventin et lui doivent sans aucun doute se connaître.
Ce livre est plein d'humour, de passion et d'érudition et est truffé de considérations philosophiques sur l'homme, le loup et le chien et tout leur cirque.
Vous y lirez notamment comment détruire complètement votre salon (tout par terre et en miette et à jeter) en laissant tout seul, pour la première fois, votre jeune loup à la maison... Ou comment semer la panique sur un paquebot en mettant son loup dans une cage qui n'a pas résisté bien longtemps à la pression de mâchoires qui peut être deux à trois fois celle d'un dogue.
J'avais fait un court billet sur ce bouquin sur mon blogue pourri. (Voir lien ci-dessus)
Bien à vous
Pour ce qui est de l'appartement dévasté, l'expérience de Jouventin semble similaire ! Je note la référence du vôtre, de livre.
SupprimerJ'ai toujours été fasciné par l'idée que le Chiwawa avait le loup pour ancêtre.
RépondreSupprimerCela donne un aperçu de ce à quoi nos enfants ressembleront à cause du bisounoursisme échevelé des Hollande and co.
Peut-être, mais j'ai des doutes. Ce sont des experts du même tonneau qui vous disent que les vikings sont des descendants des nègres africains et que le manque de soleil...blablabla...vous y croyez ?
SupprimerJe plaisantais. Mes gosses à moi sont blonds et intelligents (mais je ne l'ai pas fait exprès).
SupprimerCependant la dégénérescence, ça existe. Voyez Hollande, justement. Il paraît que son père est un type bien.
A mon avis vous n'êtes pas le père.
SupprimerNicolas : Vous ne croyez pas si bien dire ! Le loup et l'homme ont été longtemps les seuls super prédateurs sur cette planète (avant que nous inventions la Connerie Humaine) et Jouventin / Didier le précise : l'organisation de la meute est dans la nature celle qui est la plus proche de celle de l'Homme (les singes et les abeilles peuvent aller se rhabiller). Par ailleurs, le fait du loup de bouffer de l'hommme (Petit Chaperon rouge, rose, brun ou vert) serait très récent et dû à l'opportunité pour le loup par temps de famine de trouver sur des champs de bataille de la viande prête à consommer et gratis (on parle notamment de la guerre de Sept ans) sachant que la viande humaine, est peu calorifique et serait parait-il très insipide...
RépondreSupprimerDidier : Rowlands dans quelques pages, s'est amusé à imaginer et à comparer la perception de son "univers" par le chien et par le loup et pour lui, le chien semble vivre dans un univers "magique" alors que le loup est "mécanique" (Il ne s'attend à rien de bon ou de mauvais, même pas à sa pâtée du soir qu'il ne réclamera jamais, mais s'il a vraiment faim, il ira se servir lui-même et vous pouvez dès lors passer commande chez Mobalpa et chez Darty pour remplacer la cuisine et le frigo dont il sait parfaitement ouvrir (et arracher) la porte).
A Marco Polo et Goyboy : effectivement, les zoologues (comme tous les experts) ne sont pas d'accords entre eux sur la lignée du loup et du chien : certains affirment que ce ne sont que de très, très lointains lointains cousins à l'instar du singe et de l'Homme et que leur ancêtre commun ressemblait à tout, sauf à un chien ou un loup.
Bien à vous
Nicolas : d'ailleurs (et enfin de loup, désolé Didier) il en va de la meute comme des ci-devant cours royales ou de nos cirques modernoeuds pseudo-démocrates et para-républicains : c'est souvent la louve alpha qui tient dans la gueule les couilles de tout le monde et qui aura toujours le dernier mot — ou coup de dents. Les faux loups oméga de DSK, Clinton, Sarko et Hollande en savent ou en sauront quelque chose !
RépondreSupprimerBien à vous
Le vieux, vous noterez que mon commentaire con auquel vois n'avez pas répondu (je me demande d'ailleurs ce que vous auriez pu répondre) génère plus de lignes de commentaire que votre billet.
RépondreSupprimerMartin : bien à vous aussi.