Amis risque-tout, réservez dès à présent votre journée du 25 juin – c'est un mardi – , qui promet d'être grandiose. Ce jour-là, en effet – je cite scrupuleusement l'affiche qui est apparue ce jour dans nos ascenseurs levalloisiens –, « LA MISSION HANDICAP s'associe à la Direction du restaurant d'entreprise ****** pour une Animation Crêpes ». Déjà, comme ça, c'est intriguant, non ? Mais c'est la phrase du bas de l'affiche, sous le dessin hideux, qui donne toute sa dimension à l'événementiel : « Vous pourrez déguster les crêpes préparées par les salariés handicapés de l'ESAT Neflyers. »
Là, évidemment, les questions se bousculent. Celle-ci, tout d'abord : qu'est-ce donc que l'ESAT Neflyers ? Une rapide recherche dans Glouglou (anciennement Goux gueule) nous apprend qu'il existe un ESAT des Néfliers, dans la bonne ville de Fourqueux (mais on peut garder pour soi ses plaisanteries attendues et approximatives). Il s'agit bien, en effet, d'un organisme regroupant des travailleurs handicapés et dont l'une des activités est le “cadeau d'entreprise”. Le chercheur, déjà assez hébété, suppose que les concepteurs de son affiche ont tenté un jeu de mots sur la jante et sans correcteur de trajectoire entre néflier et flyer, ce qui est, avouons-le sans barguigner, d'une irrésistible drôlerie festive.
Deuxième interrogation, encore plus perturbante que la première s'il est possible : les crêpes confectionnées par des salariés handicapés sont-elles plus savoureuses que celles préparées par une femme au foyer en situation de non-handicap ? Et, si oui, où se situe la crêpe mitonnée par un salarié lambda ? Ou par un handicapé au chômage ? Le sexe du handicapé entre-t-il en ligne de compte ? La parité sera-t-elle respectée ? Peut-on imaginer que les crêpes de l'ESAT Neflyers soient en réalité nettement moins savoureuses que celles de personnes n'appartenant à aucun organisme de ce type, voire franchement immondes, mais que notre conscience solidaire parviendra à compenser leur manque de sapidité pour les faire paraître délicieuses aux palais solidement et gustativement conditionnés ? C'est terrible, ce gouffre qui s'ouvre, juste là, un peu en avant de nos pieds…
Même si l'on parvient à se sortir indemne de cette forêt de points interrogatifs, demeure une sourde inquiétude : de quel genre est le handicap des personnes qui seront, le 25 juin prochain, en partenariat avec le restaurant d'entreprise ******, chargées de faire sauter les crêpes hors de la poêle brûlante ? En l'absence de toute information précise à ce sujet, il est recommandé de venir à la dégustation revêtu de son bon vieux ciré breton – si possible ignifugé.
ça me rappelle, petit, le "gâteau des lépreux" que mon père ramenait de la messe une fois l'an, à l'occasion d'une kermesse dont les recettes étaient reversées à une association d'aide aux lépreux du bout du monde. Evidemment, ces gâteaux - quatre quarts, gâteaux au yaourt et autres étouffe-chrétien - étaient en réalité confectionnés par les dames de la paroisse en "l'honneur" des lépreux, mais parce que mon père s'amusait à les appeler "gâteaux des lépreux", on s'imaginait les moignons infectés de lèpre qui avaient pétri et enfourné la pâte, et envoyé le gâteau chez nous pour en tirer profit... Je les mangeais tout de même par charité, mais je leur ai toujours trouvé un "goût".
RépondreSupprimerExcellent!
SupprimerJe m'écroule de votre baliverne sur les lépreux pâtissiers.
Moi aussi ça me rappelle quelque chose, bien que ça risque de nous éloigner du sujet ?
RépondreSupprimerVoilà, c'était dans un des ces films policiers à vocation comique de la fin des années 50, mais dont les dialogues étaient extrêmement ciselés, ainsi que vous allez pouvoir en juger.
Une des pépées de "Cigarettes, whisky et p'tites pépées", regarde je ne sais plus quel spectacle et dans un souffle, avoue : "Je me sens toute retournée !" Son compagnon, Christian Méry, (pour ceux qui aiment les détails), se tourne vers elle, et, en la toisant d'un air méprisant, lui crache, avec un accent corse à couper au couteau : "Povrrreu crrrêpeu !"
Ne pouvant hélas être à Levallois le 25 de ce mois, j'attends avec impatience votre critique gastronomique après une dégustation "à l'aveugle" Maintenant que vous l'avez évoqué, vous n'y couperez pas !
RépondreSupprimerJe rappelle que, ce même jour, je suis censé apprendre le langage des sourds-muets entre 12 h et 14 h 15 : j'aurai pas volé mon apéro, moi, le 25 juin…
RépondreSupprimerEt c'est à quelle heure que vous devez apprendre le braille ?
SupprimerEn fait, je viens de comprendre : le panier-repas dont il était question dans le billet que je viens de mettre en lien, c'étaient les fameuses (?) crêpes en situation de handicap !
RépondreSupprimerTout finit toujours par s'éclairer…
Je commente vite fait : les ESAT sont simplement ce qu'on appelait CAT (Centre d'Aide par le Travail) auparavant et qui, à ma connaissance, n'ont que des handicapés mentaux (ceux qui ne bossent pas à FD).
RépondreSupprimerEst-il correct d'accoler des noms communs pour former des expressions telles que "mission handicap", "animation crêpes", ou encore, "projet client" ? J'ai l'impression de voir cette façon de faire remplacer peu à peu l'utilisation des adjectifs ou des prépositions. De plus, on s'interroge sur le sens de ces expressions. Une "animation crêpes" est elle une animation faite par des crêpes (Jouent-elles du trombone ?), une animation des crêpes (avec des ficelles de marionnettiste ?), une animation pour des crêpes (Assistent-elles à un spectacle de jongleurs ?) etc. De même, un "projet client" est-il un projet fait à la demande du client ou bien par le client lui-même ?
RépondreSupprimerIl va (devrait…) aller de soi que c'est du pur charabia, vous avez raison. Ce type de construction défectueuse vient en droite ligne de la publicité, mais a largement contaminé tous les milieux.
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