samedi 7 décembre 2013

Les mésaventures carcérales de Nelson-le-totem


Les progressistes-sans-tête (comme on parle d'oiseaux-sans-tête pour désigner les paupiettes de veau) ont un irrépressible besoin d'idoles rédemptrices. Ils ont éliminé Dieu et le trompettent à tous les carrefours. Rentrés chez eux, ils tremblotent, ont froid, se couchent, ne dorment pas et se bricolent de petits radiateurs transcendantaux, qui vont de Lénine à Arlette Laguillier (paix à son âme), en passant par tous les Staline, Mao, Pol Pot, Guevara, sous-adjudant Narcos que vous voudrez. Le totem du jour est évidemment Nelson Mandela. On génuflexe à tour de rotules depuis hier, à ma gauche, et même à ma droite, on se croit obligé de rendre hommage au saint du jour, qui s'est révélé incapable d'empêcher son pays de sombrer dans la violence ethnique, et dont les héritiers ont déjà commencé à se disputer la dépouille, chiffrée, me dit-on, en millions d'euros.

Je dis ça, mais je m'en fous, en réalité. Par une espèce de solidarité raciale à laquelle je reste attaché, j'espère que les Africains du Sud qui ont bâti ce pays réussiront à s'en extraire avant l'étripage qui se profile, mais en dehors de ça…

Tiens, ce qui m'étonne, c'est de ne pas avoir encore entendu cet agité malin ayant bien compris où était le filon et qui se faisait complaisamment appeler le Zoulou blanc : Johnny Clegg. Les gens de mon âge se souviennent sans doute d'avoir vu débouler du jour au lendemain, dans toutes les émissions de variétés (où était en effet sa place) ce guignol pompeux, avant-garde du Bien absolu, maniant la sagaie vers le plafond pour en faire tomber les droits d'auteur. Quand j'y songe, il me semble que ce clown était la préfiguration parfaite de notre monde-tel-qu'il-est : pour l'amour contre la haine, la fraternité contre la guerre, le cassoulet mitonné contre le Big Mac de la veille ; emphatiquement parfait.

Il est où, ce Zoulou ?

Espérons en tout cas qu'il aura donné assez de gages pour sauver sa peau. Parce que, pour les autres, ça semble désormais très mal barré. Mes amis les plus réactionnaires vous diront que c'était déjà très mal barré pour les blancs qui ont inventé, créé et fait prospérer ce pays, mais vous savez comment ils sont : toujours portés à l'exagération…

Enfin… en attendant le chaos irrémédiable et à peu près programmé, il est tout de même réjouissant et hautement risible de voir nos petits accroupis lécher la terre au pied de leur totem du jour. Dommage qu'ils n'aient pas un plus joli cul, tiens…


Neuf heures et demie du soir, hier : Je suis en train de regarder un “documentaire” sur Arte, consacré au totem et datant de 1999. Le but est évidemment de nous convaincre à quel point ces malheureux communistes ont été martyrisés par ces salauds de blancs. Sauf que, si l'on repense à Chalamov et à ce qu'il a dit du goulag, de la Sibérie, etc., c'est-à-dire à ce qu'ont été capables d'inventer les camarades de Mandela, on voit bien que ce qu'il a vécu aurait, à ce même Chalamov, semblé être une plaisanterie, presque une récompense.

Au moment où j'écris, un petit blanc à lunettes d'une quarantaine d'années dit qu'il a eu le souffle coupé lorsqu'il a découvert la cellule où son idole a été incarcérée, qu'il ne comprend même pas comment le totem a pu survivre à cela. La caméra montre la cellule : Evguenia Guinzbourg aurait été ravie de s'y trouver enfermée avec seulement une douzaine d'autres prisonnières.

Juste après, on nous explique que Mandela impose sa volonté à ses gardiens, qu'il ne laisse rien passer. Voilà encore une chose qui aurait bien diverti Chalamov et Soljénitsyne. D'autres disent que le totem et ses camarades ont fait plusieurs fois la grève de la faim ; que Mandela ne cesse d'adresser des plaintes au gouvernement, et que le ministre des prisons finit par lui répondre.

Rien de tout cela n'a de sens : ces militants communistes violents se sont retrouvés dans des prisons qui auraient fait rêver n'importe quel Russe entre 1920 et 1953. On voit la “cellule” de Mandela : des photos de famille, des livres, etc. Lisez Chalamov, Soljenitsyne ou Guinzbourg. Et vous verrez à quel point les dirigeants d'Afrique du Sud étaient ignobles, par rapport aux camarades communistes de Mandela durant les années folles.

(Au point où je m'arrête, à la limite du haut-le-cœur, on est en train de me tracer le portrait en pied et en icône de sainte Winnie…)

Neuf heures et demie du matin, aujourd'hui :  On lira avec un grand profit l'article de Bernard Lugan consacré au totem…

46 commentaires:

  1. Si vous me donnez encore des billets à lire, comment voulez-vous que je finisse le mien dans les temps...

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  2. Conclusion, mieux vaut être enfermé dans les geôles de l'occident raciste que dans celles des gentils communistes, on y vit plus long temps, cela me rappelle une histoire qui s' est déroulée en Corée du Nord, un habitant de ce pays a osé se moquer du grand dirigeant mort, il fut exécuté au mortier,sympa comme mort et surtout originale.

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    1. Exécuté au mortier. Rien que ça... Au moins il aura eu une mort originale.

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    2. Réponse manquant d'originalité, il faut tout lire même si cela vous emmerde, je comprends de mieux en mieux votre socialisme exacerbé, vous ne lisiez point vos cours jusqu’à la fin du livre ou du chapitre.

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    3. Reste calme pépère. Je disais la même chose que toi. Sans avoir besoin de dire que j'ai lu des livres...

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    4. Personne ne vous aurait cru, de toute façon : je vous rappelle que vous êtes de gauche, et que les livres sont essentiellement de droite.

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    5. Hé ho ! Il n'y a pas que Mein Kampf.

      Ça me rappelle la foi où j'ai lu l'introduction du Kapital de l'autre barbu. J'ai arrêté après l'introduction. J'étais à jeun.

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  3. Dans la série Totem, vous avez oublié le Général Giap, récemment disparu, et pour lequel notre République, par la voie de son illustre ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius , s'est fendu d'un vibrant hommage émouvant (autant que scandaleux).

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  4. Ils ont ressorti Johnny Clegg, ce matin, sur la RSC™. En français dans le texte.

    Une chose m'étonne cependant sur l'éloge au totem. N'y a-t'il aucun nauséabond pour se rappeler si les "poings doux comme deux amphores d'huile sacrée moulées de terre glaise pétrie et polie", ce ne serait pas Winnie qui en parlerait le mieux ? N'avait-il pas la main un peu lourde, parfois ? Je dois avoir vraiment mauvais fond pour imaginer cela, alors...

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    1. Al, vous croyez vous en sortir comme ça, nous parler de Johnny Cleg, sans mettre ce lien:
      http://www.youtube.com/watch?v=cvyB2YgakMg

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  5. Grande forme revigorante pour autant que je puisse en juger..!

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  6. Au point que l'on se demande si ces années de prison ne sont pas une pure coquetterie de la part de Mandela.
    En tout cas votre façon nuancée de visiter l'histoire emporte l'adhésion et votre art pour vous confronter à la complexité du monde explique les raisons pour lesquelles vous entreteniez de si bonnes relations avec votre...chien.

    Emily

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    1. Je reconnais bien humblement que la complexité et la nuance sont tout entières de votre côté.

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    2. ... et la connaissance en matière d'histoire également. Bernard Lugan est un amateur à côté de vous.

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  7. Didier, je pensais à vous hier. Ca n'a rien à voir avec votre billet, mais je voulais vous faire part d'une anecdote.
    Hier j'étais chez Castorama, et sur une étagère/penderie de démonstration étaient scotchées deux notices explicatives pour ce produit, au sujet des rangements, fonctions, mesures...

    Et bien sur ces deux notices, qui étaient séparées d'à peine 10 centimètres, donc l'une à côté de l'autre, deux énormes fautes d'orthographe m'ont sauté aux yeux immédiatement. Et pourtant je n'ai pas tout lu. On a beau dire que c'est une science d'imbéciles, dans les endroits comme celui-ci, ils pourraient tout de même vérifier l'orthographe avant d'envoyer à l'impression. Je n'arrive pas à le prendre comme une simple anecdote. J'ai le sentiment d'un symptôme indiquant que la situation est grave. Plutôt que de ne rien lâcher sur l'enseignement de la langye, ces messieurs vont nous foutre de la théorie du genre et des cours de pâte à modeler au lieu d'élever le niveau linguistique.
    Je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec la baisse du niveau scolaire et l'intransigeance des supérieurs à faire respecter la langue. Ce soi-disant vivre-ensemble qui se traduit par une situation catastrophique dans certaines villes, la volonté de ne pas faire respecter les règles élémentaires de discipline (mai 68), ne serait-elle pas une des causes de ce déclin?
    Je me demandais, car la langue, quoi qu'on en dise, est ce que nous avons tous en commun.
    J'irai les prendre en photo bientôt car ces fautes étaient vraiment énormes.

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    1. Pourquoi voudriez-vous qu'un de chez de rayon chez Castorama s'exprime dans un meilleur français que le président de la République lui-même ? Il y aurait offense à Chef de l'État !

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    2. "Plutôt que de ne rien lâcher sur l'enseignement de la langye"

      Oyi hein !

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    3. "Un de chez de rayon" ? Bravo...

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    4. Mais c'est fini, de se moquer comme ça ?

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    5. Si vous me payez une bière seulement.

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    6. Une bière seulement ? Vous êtes malade ?

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    7. Non mais j'ai les moyens de me payer mes cuites sans faire appel à la solidarité nationale.

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    8. Une des fautes relevait d'une mauvaise conjugaison. Sujet singulier, verbe pluriel. "Il.. portent". Le correcteur électronique n'a pas du faire la conjugaison. Ce n'est peut-être pas son rôle. Même si ce n'est qu'un Casto, avoir deux fautes l'une à côté de l'autre, avec un corps de police d'au moins 16 points, vous avez l'impression que les mots clignotent.
      Heureusement, chez Casto, il y a tou cikifaut, mime li dimanche.
      Et le mec de chez rayon, il n'y pouvait pas grand chose à mon avis. C'était imprimé, scotché, bien visible; s'il l'avait signalé à sa hiérarchie, il aurait eu un blâme pour dénonciation, stigmatisation et non-respect de l'égalitarisme entre les peuples. Tout ceci finira en viol de chances pour tous. Et oui, ne dit-on pas qu'une loi, ça se viole? Remarquez je suis un peu perdu, car je ne sais pas si on est dans les valeurs ou dans les lois dans ce cas-là.

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  8. La cellule de Mandela a été "arrangée" après sa libération pour ajouter à la légende: plus de lit ni de draps, plus de table ni d'étagères.

    Voir l'"avant" et l'"après" ici:

    http://praag.co.za/?p=20224

    T.Fellman.

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    1. Trop drôle ! Le totem avait le sens de la mise en scène…

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    2. Pour un peu, ils nous cachaient toutes les pires dont il bénéficiait.

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    3. Les communistes historiques avaient bien, retenu les leçons de Potemkine...

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    4. Vous vous rendez compte?
      Ils ont même censuré sa plante verte!
      ;-)
      T.Fellman

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  9. Robert Marchenoir7 décembre 2013 à 14:58

    Attention, il y a Castoramaphobie. Je serai très strict sur le sujet.

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    1. Vous étiez déjà ikéolâtre ! Vous ne craignez pas la surchauffe cérébrale, à multiplier ainsi les casquettes ?

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    2. Robert Marchenoir7 décembre 2013 à 23:01

      Et ousskon va acheter la perceuse, pour monter l'étagère ?

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    3. Bein, chez Bricolex Robert!

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  10. Peut-être qu'en homme "juste" qu'il était, Nelson avait le sentiment de mériter sa peine, sachant qu'il en sortirait béatifié. La repentance, ça ne vous dit rien?
    No pain, no gain.

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  11. Un point particulièrement pénible avec les blogs est que des qu'on est occupé à autre chose d'hyper intéressant, on perd le fil des élucubrations bloguieres. Contrairement à ce cher DG, peu de temps après la petite main jaune, j'étais particulièrement intéressé par le zoulou blanc. Ok mais j'ai aucune dévotion ou début d'admiration pour tous les illustres cités car un homme de gauche, même modéré, surtout extrêmement modéré, n'a jamais besoin d'idole ou même de leader ; c'est justement le contraire et c'est peut être ça le pb d'ailleurs

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  12. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé à Serge Gainsbourg et Eugénie Sokolov. Est ce que notre inconscient est plus perspicace que notre surmoi dévié, même si on essaie toutes les formes décontamination (1)

    Note 1 : il y a ces recettes de grand-mère, et de grand père, tout à fait rancies (voire blanchâtres au sens de Domenach), mais qui fonctionnent très bien).

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  13. Ce matin, dans l'église de mon petit village, deux vieilles dames tout à fait charmantes ont demandé à ce que l'on prie pour "Nelson Mandela, prophète de la paix" et les écologistes qualifiés pareillement.

    Voilà enfin une Eglise sympa avec ses nouveaux martyrs (Taubira ?), prophètes (Yann Arthus Bertrand) et esprits simples bénis (re-Yann Arthus Bertrand) ! J'attends impatiemment saint dalaï lama et saint Danny.


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  14. La prochaine fois, dans votre église, demandez-leur qu'on prie pour Georges de la Fuly, prophète de la raie.

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  15. Robert Marchenoir9 décembre 2013 à 02:31

    Très peu d'êtres humains peuvent être comparés à Jésus-Christ. Nelson Mandela était l'un d'eux.

    -- Peter Oborne, éditorialiste en chef au service politique du Daily Telegraph, grand quotidien conservateur de Londres.

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    1. Mais n'est-ce pas rabaisser Mandela, que de le comparer à un simple fils de Dieu ?

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  16. Robert Marchenoir9 décembre 2013 à 12:51

    Mon PC met tellement longtemps à s'éteindre que je l'appelle Nelson Mandela.

    Vous trouvez ça drôle ?

    Moi aussi, mais cette blague, balancée sur Internet, a valu à un Anglais un interrogatoire de la police, huit heures de garde à vue, la prise de ses empreintes ADN et la confiscation de tous ses ordinateurs.

    Il avait été dénoncé par un conseiller municipal de sa ville.

    Je crois que Staline a gagné la Deuxième guerre mondiale.

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    1. Eh bien, avec ce que je viens de mettre sur Facebook, je suis bon pour le goulag de mille ans. (D'un autre côté, je ne fais que citer Didier Goux et Robert Marchenoir ; avec un peu de chance, vous prendrez ma place dans la charrette pour la Sibérie françoise.

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    2. J'ai déjà ma petite laine sur le dos et je suis sûr que Marchenoir fera un compagnon de Sibérie fort agréable.

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  17. La Sibérie française, Mouthe, que vous pouvez découvrir dans le film Poupoupidou, malheureusement sans Guillaume Canet ni Marion Cotillard...

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.