Château de Ratilly-Treigny, Yonne. |
Dans les magazines de mots croisés que m'a légués mon père (ça commence mal, c'est faux : mon père ne m'a rien légué du tout, c'est ma mère qui a mis ces minces volumes entre mes mains, parce qu'elle n'aime pas que les choses payées se perdent) ; dans ces magazines, donc, que je noircis consciencieusement depuis quelques mois, en ayant la très agréable et douce impression de vieillir plus vite que mes contemporains, toutes les quatre ou six pages apparaît une grille muette. Une grille muette est une grille ordinaire dont on a effacé les cases noires, c'est-à-dire où le cruciverbiste ne peut s'appuyer sur la longueur du mot pour tenter de le trouver : il doit déterminer à la fois le mot et sa terminaison. « C'était les préférées de ton père. » Sachant cela, oracle maternel rendu, j'ai décidé qu'elles me resteraient inaccessibles, ces muettes, et depuis je les contourne avec une sorte de génuflexion mentale qui peut s'apparenter à du respect, de la crainte, de l'amour, et sans doute d'autres sentiments qui m'échappent un peu sur le moment : il faut bien laisser au père une supériorité quelconque, une terre dont il reste maître, où existe encore la possibilité d'être enfant pour ceux qui s'attardent ; et, après tout, celle-là doit bien en valoir une autre.
Mon père et moi, l'un mort, l'autre très momentanément vivant, nous contemplons désormais à travers des grilles ; certaines sont en effet muettes, mais d'autres parlent.
Poste-scripte-homme : j'ai oublié de préciser que le château qui illustre ce billet faisait la couverture du magazine dont j'achève les grilles en ce moment même.
Poste-scripte-homme : j'ai oublié de préciser que le château qui illustre ce billet faisait la couverture du magazine dont j'achève les grilles en ce moment même.
Très cher Didier, comme je vous comprends, et comme j'aime ce que je comprends.
RépondreSupprimerLes muettes, à part les gonzesses, je n'aime pas.
RépondreSupprimerVenez faire un tour porte de la Muette à 21h, vous y verrez des gonzesses très bavards. Sourire.
SupprimerJoli texte.
RépondreSupprimerLa, vous m'avez bluffé...
RépondreSupprimerPetit moment de nostalgie où, en contemplant la photographie de "votre" château, je me souviens de cette comptine chantée en faisant la ronde, dans la cour du pensionnat de mon enfance :
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=oL8CaHrvPzw
Mieux vaut des mots croisés dans des grilles que des grilles croisées sur les mots...
RépondreSupprimerHeu, en fait, non, ça ne veut absolument rien dire....
Très, très beau Château !!
Malheureusement bien enlaidi par les divers panonceaux qu'un office du tourisme quelconque s'est cru obligé d'apposer à sa façade.
SupprimerC'est terrible ça...
SupprimerIl n'y a même plus de gens suffisamment riches en France pour entretenir ces édifices culturels et historiques.
Alors que les prix sont particulièrement bas pour ce genre de bien compte tenu du pognon qu'il faut pour l'entretenir...
En parlant de ça, avez-vous entendu parler du théâtre de Fontainebleau, construit sous Napolzon? Indigeste, comme des langoustines à la harissa!
SupprimerDuga n'a encore rien dit à propos de la grille du parc du château ?
RépondreSupprimerJ'espère qu'on ne va pas se croiser.
J'aurais bien osé : "S'il suffisait de faire griller des cases noires pour rendre ses occupants muets..."
SupprimerMais je crois que je suis moi même un peu grillé ici.
Cramé
Duga
Et bien, tout arrive.
RépondreSupprimerNous voilà, cher Didier, avec un point commun :
je contourne de même les grilles muettes des mots croisés dont maman m'avait donné le goût
et une différence :
elle, elle les faisait, mais j'ai toujours été moins balaise qu'elle; un genre de pâle copie.
Mais non, il n'y a pas de différence : mon père aussi les faisait !
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