C'est l'un des titres les plus connus – probablement en raison du film de Renoir –, il n'empêche que La Bête humaine est loin d'être parmi les meilleurs Zola ; en vérité, je ne le classerais même pas dans mon petit top ten personnel.
Dès le premier chapitre, j'ai eu l'impression nette que “ça n'allait
pas fonctionner”, ce qui n'a fait que se confirmer par la suite. Ce
n'est pas parce qu'il manquerait quelque chose, non : il y a l'huile, il
y a les œufs, il y a la moutarde et le sel, mais rien à faire : la
mayonnaise refuse de prendre. À aucun moment, Zola ne parvient à
amalgamer son “fond” (les chemins de fer) avec son intrigue, laquelle
pourrait parfaitement se dérouler n'importe où ailleurs que dans le
milieu des cheminots. Il en résulte que, si ses descriptions et ses
atmosphères sont aussi réussies que dans La Terre ou dans Germinal (tous deux relus ces jours derniers), elles ont une sorte de gratuité qui les rend beaucoup trop longues, et
vite ennuyeuses.
Si encore son intrigue juridico-policière “valait le
voyage”, comme ont dit au Guide vert… mais point : dans ce domaine, celui du crime, de ses motifs, conséquences, des réactions qu'il provoque, etc., Zola
n'est pas Dostoïevski, ni même Simenon. Et on ne croit jamais vraiment à
ses personnages, qui ne cessent de faire des embardées morales tout à fait
improbables. À commencer par ce pauvre Jacques Lantier, beaucoup trop
poussé au noir pour être intéressant : dès le début – disons : dès le
premier tiers –, on sait que l'on a affaire à un fucking
psychopathe et, du coup, on a beaucoup de mal à se passionner pour ce
qu'il fait ou ne fait pas, pense ou ne pense pas, sachant bien qu'il va
inéluctablement se mettre à trucider à tout va dans la seconde moitié du
roman. Les autres personnages (peu nombreux) ne sont pas beaucoup plus
vrais que lui, mais je n'ai pas envie de m'y attarder.
Le dernier quart du roman – lu très vite, je l'avoue… – n'évite que de justesse le ridicule, dans la (dé)mesure où tout le monde ou presque bascule, qui dans le crime, qui dans le suicide, voire dans les deux successivement. Tout cela devant une vague toile de fond politique, trop hâtivement et sommairement tendue pour retenir l'œil du plus indulgent des lecteurs.
La moralité de l'histoire, c'est peut-être que, quand on se mêle de relire les Rougon-Macquart, on devrait avoir la sagesse de n'en plus ouvrir aucun après Germinal, qui mérite grandement sa réputation de point culminant de la saga : on a vaillamment grimpé l'adret jusque-là, souvent avec enthousiasme ; on ne peut plus, après lui, que dégringoler l'ubac.