dimanche 5 janvier 2020

Le serpent et le révolutionnaire : fabliau


Parmi les âneries que mâchouillent constamment nos amis révolutionnaires, mon slogan préféré est sans conteste : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » D'abord parce qu'il a l'ancienneté pour lui : on imagine que c'est ce qu'a dû grommeler le premier homme qui, ramassant un gros os d'animal, a eu l'idée de s'en servir comme gourdin pour intimer le silence à son voisin de grotte. Mais c'est surtout son côté aporétique qui me réjouit. Parce qu'enfin…Si l'on proclame que les ennemis de la liberté doivent être privés de liberté, cela signifie que l'on devient soi-même, à l'instant de la proclamation, un ennemi de la liberté. Donc, en tant que tel, on devrait, quasi simultanément, être de facto privé de sa liberté d'expression. Mais alors, il n'y a plus personne pour réclamer la suppression de liberté pour les ennemis de la liberté. Si bien que le bâillon que l'on vient tout juste de nouer tombe de lui-même, et que notre réduit-au-silence peut de nouveau réclamer la suppression de liberté pour les ennemis de la liberté, etc. : le serpent croyait mordre à pleins crochets sur le réel, il a juste attrapé le bout de sa queue. S'il pouvait se la bouffer et s'auto-empoisonner, ça ne ferait de peine à personne.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.