mardi 22 juin 2021

Audrey pulvarisée

Grâce à une phrase incidente dans le dernier billet de Nicolas, je découvre avec une certaine jubilation mauvaise, sans doute due à ma nauséabonderie congénitale et extrême-droitière, que la Mairie de Paris s'enorgueillit depuis quelque temps d'un adjoint à l'agriculture

Ou plus exactement, d'une adjointe – sans doute pour endormir la vigilance de toutes nos petites sœurs de parité aux aguets. En l'occurrence, la titulaire de ce poste clé est Mme Audrey Pulvar, ex-bouffonne télévisuelle chez Laurent Ruquier et, à ce qu'on me dit, plus ou moins journaliste dans une vie antérieure. 

Toujours d'après les rumeurs qui me parviennent, l'ex aurait été adoubée comme tête de liste pour la gauche parisienne – qui n'est pas obligatoirement liée à la Rive de même appellation –, lors des élections fantômes qui viennent de faire semblant d'avoir lieu, en s'offrant un premier petit tour sur la pointe des pieds. Il paraît que la dame n'y a pas rencontré tout le succès qu'elle était en droit d'espérer. 

Cela tient sans doute à ce que, dans sa campagne, elle n'aura pas suffisamment labouré le terrain.

dimanche 20 juin 2021

Ébriété calembourgeoise

Dans ses romans, Antoine Blondin semble en état presque constant d'ébriété. Je ne parle pas de celle que lui procurait l'alcool, mais d'une autre que je qualifierais de calembourienne – ou calembourgeoise, si je veux à mon tour m'y risquer une seconde. Voilà un homme qui ne sait pas s'arrêter à temps, lorsque les mots lui viennent sous forme de jeux. Prenons deux exemples tirés du début de la deuxième partie de L'Europe buissonnière – mais le phénomène pullule partout.

Parlant de l'exode français et de l'invasion allemande de mai 1940, Blondin écrit : « L'horloge s'arrêtait, le marguillier déménageait à la cloche de bois, le sous-préfet prenait du champ, le général couchait à la belle étoile. » C'est amusant, c'est léger, le lecteur sourit puis passe : effet pleinement réussi. 

Seulement, vingt lignes plus bas, il y revient et, du coup, devient insistant, presque lourd : « Le marguillier qui avait déménagé à la cloche de bois se tapait la cloche, le sous-préfet qui avait pris du champ faisait des vers, le général qui couchait à la belle étoile comptait les siennes. » C'est trop. C'est du surlignage intempestif. Le lecteur ne sourit plus, ou jaune, et se surprend à soupirer en direction de l'auteur quelque chose comme : « OK, mon vieux, on avait compris du premier coup… »

Même chose, plus avant de quelques lignes. Blondin commence ainsi une phrase : « Lorsqu'on apprit que le front se dégarnissait près d'Étampes… » Clin d'œil, sourire du lecteur, là encore objectif atteint. Sauf que Blondin l'intempérant se croit tenu d'ajouter aussitôt, entre tirets : « une histoire à se faire des cheveux ». C'est le verre de trop, celui qui vous brouille la vue et vous fait tituber – surtout si, comme c'est le cas, ce genre de “trop plein” se rencontre à tous les coins de page. 

Si bien que, devenu raisonnable dans son vieil âge, le lecteur barbouillé décide de se faire abstème et se résout à remiser Antoine Blondin derrière le comptoir, avec toutes ses bouteilles à peine entamées.

jeudi 17 juin 2021

Fait rarissime

Ce billet s'adresse à ceux de mes lecteurs les mieux nantis, qui disposeraient de 38 000 € dont ils ne sauraient trop quoi faire, et qui seraient par ailleurs, en matière d'automobile, à ranger dans la catégorie des m'as-tu-vu-quand-je-titille-le-champignon.

Il y a, en ce moment, au garage Ford de Pacy-sur-Eure, une Ferrari à vendre, exactement pour la modique somme sus-indiquée. Ce qui est, si je puis risquer le calembour, un fait rarissime. Je ne garantis nullement que le modèle soit conforme à celui présenté ci-dessus, mais je puis au moins en certifier la concordance de couleur.

Quant à moi, à qui le goût des monstres rutilo-vrombissants a passé depuis jolie lurette, si tant est que je l'eusse jamais eu, je me trouvais au dit garage pour y récupérer le volume “Bouquins” contenant les romans d'Antoine Blondin que, Dieu seul sait pourquoi – et encore –, j'ai eu soudainement envie de relire et qui, comme il se doit, s'étaient évaporés de leur rayonnage.

Je suis reparti de là aussi heureux que si je l'avais fait sur le cheval cabré – et nettement moins délesté d'argent.

vendredi 11 juin 2021

Staune, le monde est Staune

Je ne me souviens déjà plus comment j'en suis arrivé là. Peut-être par mutation et sélection naturelle, allez savoir…

Toujours est-il que, depuis quelques jours, délaissant pour un temps cette pauvre Joyce Carol, je suis occupé à relire les trois ouvrages de Jean Staune que je possède, à savoir : Notre existence a-t-elle un sens ? pour commencer, puis : Au-delà de Darwin, et enfin, celui qui est le plus récent des trois mais également, et d'assez loin, le plus polémique : La Science en otage.

Lorsque j'en aurai fini avec le dernier cité, j'ai d'ores et déjà prévu un genre de complément de programme : L'Évolution a-t-elle un sens ? de Michael Denton. C'est un peu fou, tout de même, quand on y songe, tous ces gens qui semblent passer leur vie à chercher des sens…

Enfin, tout cela pour dire que ce n'est pas demain que je me sortirai du Big Bang, de la double hélice de l'ADN, de Darwin ni d'Einstein, pour ne rien dire de ce brave Niels Bohr ;  ni, d'une manière plus générale, de la guerre paradigmatique dans laquelle je me suis bien légèrement engagé – guerre de coups de main et d'embuscades, guerre presque silencieuse, mais guerre bel et bien.

En tout cas, si je ne puis savoir combien d'heureux ce court billet engendrera, je suis au moins assuré qu'il fera un mécontent : j'ai nommé M. Brunet ; lequel, s'il n'est pas un grand-prêtre du néodarwinisme le plus “tradi”, en est tout de même le fidèle bedeau. J'espère qu'il aura la grandeur d'âme suffisante pour me pardonner ces relectures impies, sacrilèges et blasphématoires.


P.S. : si l'on tape “Jean Staune” dans le petit moteur de recherche situé en haut et à gauche de cette page, on trouvera les deux ou trois billets que j'ai déjà consacré à ses livres ; billets que, pour ma part, je n'ai pas eu la patience – ou le courage ? – de relire…

jeudi 10 juin 2021

En suivant les éboueurs…

La signification d'un acte, son sens profond, dépend en grande partie, ce me semble, du regard que l'on porte sur lui. Je pensais à cela il y a quelques minutes, en regardant passer les éboueurs.

L'ensemble de l'attelage est composé d'un camion-benne, d'un conducteur et d'un second homme chargé de transvaser le contenu des poubelles dans la benne : rien que du classique, en somme. 

À la ferme qui est derrière chez nous, et que l'on voit fort bien de notre terrasse, il y a toujours beaucoup de poubelles, plus des cartons et emballages divers empilés à côté. Arrivé là, et contrairement à ce qui se passe devant les simples maisons d'habitation à une ou deux poubelles seulement, le conducteur du camion descend de sa cabine afin d'aller prêter main forte à son coéquipier. 

« Altruisme ! Solidarité ! Sens de l'entraide ! » s'exclameront, ravis, les progressistes.  « Calcul purement égoïste ! grommelleront les pessimistes de la nature humaine : en aidant son acolyte, le conducteur du camion permet à la tournée de durer moins longtemps et sera donc, ainsi, rentré plus vite chez lui. » 

Il est probable que les deux auront raison, mais il resterait à déterminer dans quelle proportion, c'est-à-dire la part exacte de l'altruisme et celle de l'intérêt personnel. 

Une tâche d'autant plus délicate que cette proportion doit varier assez fortement selon que le camion est ce jour-là conduit par Marcel, “qui a le cœur sur la main, une vraie crème”, ou par Jean-Paul, “qui n'en a jamais rien à foutre des autres”…

Mes puissantes réflexions se sont arrêtées là, car il fallait encore que j'aille rentrer mes propres poubelles, irréprochablement vidées.

jeudi 3 juin 2021

La Fleur de l'Appenzell

Bien malin, au vu de son improbable nom, qui pourrait dire d'où, de quelle contrée à peine cartographiée, sort cet écrivain, Fleur Jaeggy : ça sentirait presque le pseudonyme goupillé à la hâte, à la va-comme-je-te-signe. La suite renforce cette impression de “pas tout à fait en place” : née à Zurich, contrée de langue allemande donc, ayant passé une grande partie de ses vingt premières années dans quelques pensionnats “internationaux” de l'Appenzell, vivant depuis le début des années soixante à Rome d'abord puis à Milan, cette Suissesse teutonne écrit en italien. C'est Marc Fumaroli – écrivain français au nom italien, on le notera – qui m'a tiré par la manche afin de me signaler l'existence de la dame. 

Son premier livre paru en France s'appelle Les Années bienheureuses du châtiment – titre assez peu engageant, je l'accorde volontiers. C'est Gallimard, “Du monde entier”, qui a publié ce bref récit d'à peine cent pages et c'est Jean-Paul Manganaro qui l'a excellemment traduit – pour autant que j'en puisse juger, le texte italien m'étant, comme de juste, inaccessible aux deux sens de l'adjectif. Car c'est bel et bien ce livre-là que j'ai acheté, reçu et commencé.

Le mince volume n'a pas eu à voyager beaucoup, pour arriver ici, puisque, durant un temps qui restera indéterminé, il a somnolé dans les rayonnages de la bibliothèque municipale de Saint-Jacques-sur-Darnétal – ainsi que nous l'apprend un coup de tampon donné au bas de la page 21 –, petite commune de la Seine-Maritime, comme nul n'en ignore. Si vous vous y trouvez un jour, en ce Saint-Jacques-là, sachez que vous pourrez y emprunter l'un des bus de la ligne 22, lequel vous conduira sans coup férir, du moins en temps normal, au centre de Rouen en trente minutes, ce qui n'est pas mal.

Mais revenons à nos années bienheureuses et à leur châtiment. Est-ce une lecture qui mérite que l'on ? Assurément. D'abord parce que ce n'est pas si souvent que nous est donnée l'occasion de séjourner en Appenzell, et encore moins dans un pensionnat de jouvencelles venues du monde entier (il y a même la fille d'un président nègre, lequel est accueilli par les pensionnaires avec tout le respect et l'enthousiasme dus à son rang). Ensuite parce que ce sera l'occasion de belles et répétées promenades, car, nous le savons tous, “dans l'Appenzell, on ne peut faire autrement que de se promener”. Et enfin parce que, dès la deuxième phrase, surgit le fantôme de Robert Walser, qui fut longtemps interné dans ces mêmes parages, qui y mourut même, et dont le haut patronage est toujours signe prometteur.

Cependant, méfiez-vous : si vous suivez Fleur Jaeggy dans ses tours et détours, sachez qu'elle est capable,  dans sa sage tenue de collégienne, d'ouvrir des gouffres sous la neige et de vous y précipiter sans cesser d'arborer ce sourire à la fois distrait et volontaire que l'on voit se dessiner dès les premières pages de son livre.

Vous voilà prévenus.

mardi 1 juin 2021

Sous le signe du chat


 Il fut fort félin, ce mois de mai.