...Pendant mon trajet de retour de ce soir, entre Les Mureaux et Mantes-la-Moche, approximativement. Les bitonios dans les oreilles, j'écoutais le premier acte (parce qu'il faut bien commencer par quelque chose) d'un opéra de Haendel, Ariodante. Ce faisant, je pensais à une personne de sexe féminin que je ne connais pas, et à une autre, de sexe hautement complémentaire, que je pensais connaître (et que je connais peut-être, en fin de compte, mais on n'est jamais sûr de rien). L'autoroute A 13 était fluide, voire fluviatile (je sais que c'est stupide, mais j'avais envie d'écrire fluviatile, là, maintenant, tout de suite), il ne pleuvait pas davantage sur la ville que dans mon coeur.
Soudain, il m'est apparu, comme une évidence, une certitude tranquille, un fait dûment avéré et facilement vérifiable, que j'étais parfaitement heureux. Que, de ma vie, il n'y avait rien à retrancher, ni rien à souhaiter ajouter. Ç'aurait pu être une sorte de flash sans suite, or il se trouve que, une grande heure après, cette impression étrange perdure.
Je suis présentement assis dans mon fauteuil, écoutant (vaguement, très vaguement) le vent qui s'engouffre par la porte laissée ouverte (il fait très doux ce soir : 10°5, d'après le thermomètre que j'ai sous les yeux) avec quoi joue, lutte, non : joue le premier mouvement de la première symphonie de Mahler (et, au moment où j'écris cela, passage au deuxième mouvement, plus lent, funèbre, menaçant, inquiétant, même si les rafales extérieures semblent ne pas s'en aviser : on sent bien qu'elles ne gagneront pas). Je tape ces pauvres phrases sur le MacBook de Catherine, dont je me sers pour la première fois, et mes doigts sont malhabiles sur ce clavier nouveau, je dois revenir toutes les trois ou quatre lettres en arrière afin d'effacer les fautes de frappe (disant cela, je suis précisément en train de prendre possession de cet espace restreint, plus plane, et tape de plus en plus vite, comme si j'étais chez moi).
Et cette sensation bizarre de bonheur inattaquable, inentamable ne me quitte pas. Pour atterrir en douceur, avant de me remettre au Brigade mondaine demain matin, je me suis servi un verre de Chablis (pas le meilleur de mon existence, mais suffisant pour accompagner discrètement cette félicité sans cause), qui sera très probablement suivi d'un second (pour ne pas dire d'un deuxième...). (Et voici les éclats du troisième mouvement de la symphonie.)
Tout concourt. Jusqu'au poids de cette machine sur mes genoux, et sa tiédeur, comme celle d'un chat endormi, à cause de qui on n'ose plus bouger, quitte à s'endolorir les muscles, à raidir tout son être sans qu'il en sache rien. L'Irremplaçable est occupée à lire au lit (que lit-elle ? Je ne sais pas, elle a dû me le dire, j'ai même dû le voir, mais je ne sais plus : incertitude douce où la négligence a sa part), et ce poids sur mes cuisses est d'une certaine manière le sien.
Et j'ai beau allonger démesurément ce texte qui ne dit rien et ne souhaite rien dire, demeure néanmoins ce fait indubitable, et peut-être scandaleux, que mon existence est, au moins pour ce soir (ce qui est déjà beaucoup et demeurera pour les siècles des siècles), idéalement heureuse.
[Il va de soi (mais non, bien sûr) que ce bonheur inopiné est tricoté chaque jour par l'Irremplaçable Épouse, sans qui je me serais probablement déjà dissous (et le fer à dix sous, c'est pas cher !) dans... dans ce que tu veux, mon ami inconnu, dans ce qui t'arrange, dans ce en quoi tu crois, ou ne crois plus, ou pas encore tout à fait, ou pas tous les jours, ou seulement à certaines heures, quand il fait bien nuit, c'est à toi de voir - disparu je serais, sans elle, tout le monde en est bien conscient, et aussi que je n'aurais manqué à personne, à pas grand monde, disons, comme tout un chacun. Je ne suis précieux que pour elle, et c'est amplement suffisant. Il fallait bien que cela soit dit, un jour ou l'autre - et donc ce soir, pourquoi pas ?]
Soudain, il m'est apparu, comme une évidence, une certitude tranquille, un fait dûment avéré et facilement vérifiable, que j'étais parfaitement heureux. Que, de ma vie, il n'y avait rien à retrancher, ni rien à souhaiter ajouter. Ç'aurait pu être une sorte de flash sans suite, or il se trouve que, une grande heure après, cette impression étrange perdure.
Je suis présentement assis dans mon fauteuil, écoutant (vaguement, très vaguement) le vent qui s'engouffre par la porte laissée ouverte (il fait très doux ce soir : 10°5, d'après le thermomètre que j'ai sous les yeux) avec quoi joue, lutte, non : joue le premier mouvement de la première symphonie de Mahler (et, au moment où j'écris cela, passage au deuxième mouvement, plus lent, funèbre, menaçant, inquiétant, même si les rafales extérieures semblent ne pas s'en aviser : on sent bien qu'elles ne gagneront pas). Je tape ces pauvres phrases sur le MacBook de Catherine, dont je me sers pour la première fois, et mes doigts sont malhabiles sur ce clavier nouveau, je dois revenir toutes les trois ou quatre lettres en arrière afin d'effacer les fautes de frappe (disant cela, je suis précisément en train de prendre possession de cet espace restreint, plus plane, et tape de plus en plus vite, comme si j'étais chez moi).
Et cette sensation bizarre de bonheur inattaquable, inentamable ne me quitte pas. Pour atterrir en douceur, avant de me remettre au Brigade mondaine demain matin, je me suis servi un verre de Chablis (pas le meilleur de mon existence, mais suffisant pour accompagner discrètement cette félicité sans cause), qui sera très probablement suivi d'un second (pour ne pas dire d'un deuxième...). (Et voici les éclats du troisième mouvement de la symphonie.)
Tout concourt. Jusqu'au poids de cette machine sur mes genoux, et sa tiédeur, comme celle d'un chat endormi, à cause de qui on n'ose plus bouger, quitte à s'endolorir les muscles, à raidir tout son être sans qu'il en sache rien. L'Irremplaçable est occupée à lire au lit (que lit-elle ? Je ne sais pas, elle a dû me le dire, j'ai même dû le voir, mais je ne sais plus : incertitude douce où la négligence a sa part), et ce poids sur mes cuisses est d'une certaine manière le sien.
Et j'ai beau allonger démesurément ce texte qui ne dit rien et ne souhaite rien dire, demeure néanmoins ce fait indubitable, et peut-être scandaleux, que mon existence est, au moins pour ce soir (ce qui est déjà beaucoup et demeurera pour les siècles des siècles), idéalement heureuse.
[Il va de soi (mais non, bien sûr) que ce bonheur inopiné est tricoté chaque jour par l'Irremplaçable Épouse, sans qui je me serais probablement déjà dissous (et le fer à dix sous, c'est pas cher !) dans... dans ce que tu veux, mon ami inconnu, dans ce qui t'arrange, dans ce en quoi tu crois, ou ne crois plus, ou pas encore tout à fait, ou pas tous les jours, ou seulement à certaines heures, quand il fait bien nuit, c'est à toi de voir - disparu je serais, sans elle, tout le monde en est bien conscient, et aussi que je n'aurais manqué à personne, à pas grand monde, disons, comme tout un chacun. Je ne suis précieux que pour elle, et c'est amplement suffisant. Il fallait bien que cela soit dit, un jour ou l'autre - et donc ce soir, pourquoi pas ?]
Me relisant, une belle et bonne demi-heure plus tard, je me rends compte (car j'ai des comptes à me rendre, imaginez !) que je viens de tracer le portrait d'un parfait imbécile (heureux).
RépondreSupprimerTiens, moi je n'ai pas perçu le côté imbécile. Ni d'ailleurs le côté "parfaitement" heureux.
RépondreSupprimerJuste assez heureux, ce qui est déjà pas mal, et puis, surtout, heureusement écrit, qui peut faire plaisir à la personne qui le lit.
Allez, bonnes nuits à toi et à Catherine.
Bonne continuation de bonheur.
RépondreSupprimerQuand les imbéciles sont heureux de si belle façon, on aurait mauvaise grâce à leur en vouloir !
RépondreSupprimerProfitez-en bien, c'est le caractère éphémère qui en fait le prix, tout n'étant souvent que comparaison (qui n'est pas raison ...). Et sachez que vous avez de la chance, de l'esprit, de l'intelligence (au choix ou combinés) de vous en être rendu compte ... les authentiques imbéciles ne le savent pas, ou ne savent l'exprimer ...
Maintenant que les choses essentielles sont dites, epxliquez-moi pourquoi vous écrivez avec le portable de Catherine, qu'est-il arrivé à votre poste de travail ? des informations, des vraies !
RépondreSupprimerNon, Manue, il n'est rien arrivé à l'ordinateur. Hier soir, c'était juste la flemme de me transporter dans l'autre maison, où il se trouve.
RépondreSupprimerOh c'est cuuuuuuute !
RépondreSupprimerNo comment...
RépondreSupprimerMarcel et son pneu
" vs a dit...
RépondreSupprimerBonne continuation de bonheur."
Rien à ajouter.
Tais-toi donc!
RépondreSupprimerNe pensez vous pas que c'est le troisième mouvement de la 1ère symphonie qui a quelque chose de funèbre et menaçant ? (Vous aurez remarqué qu'il s'agit de "Frère Jacques" en mode mineur.) Le 2ème mouvement, lui, me parait assez lyrique,dansant et champêtre...
RépondreSupprimerMais je t'emmêêêêêêêêêêêrde, mon Pneu, je t'emmêêêêêêêêêêêrde !
RépondreSupprimerSerait ce le début de la sagesse ?
RépondreSupprimerComme dirait la psy de mes fesses,
bonne continuation !
Trame pour un prochain Brigade...
RépondreSupprimerGeorges, un honnête homme, fin, exigeant, pas sympathique, haineux, etc... envoit un tapuscrit aux éditions Brigade Demi-mondaine sous le pseudo Imles Brise. Une histoire de meurtres dans la blogosphère dont les clefs de compréhension et de mise en série sont éparpillés dans les multiples commentaires, les menaces, les jugements définitifs semés dans différents blogs par une certain "Marcel et son pneu". Les victimes : Cinglin-glin, Mon Ange, Anne Onisme, Faute de Goux au singulier. Les uns sont étouffés dans les livres qu'ils n'ont pas lu, les autres confits dans leurs bêtises, certains sont tués à la tâche dans l'accomplissement de leur destin ménager, d'autres sont condamnés à mourir en écoutant des pièces de Bach "qu'ils n'aiment pas trop"... le dernier est fondu et transformé, moyennant l'addition de soude, en savon liquide. Le prestigieux éditeur oublie le tapuscrit jusqu'au jour où... la série de meurtre démarre...
Marcel et son pneu
Quelques ssss fournis ici au secours des singuliers indus.
RépondreSupprimerL'intendance ... et son pneu
Ca s'appellera "BWV contre BMW" je suppose !
RépondreSupprimeriPidiblue un pneu
Brigade Mondaine Werke
RépondreSupprimerBrise Missel Werke
Hé les amateurs de pneu, j'en ai un à vendre pour tour de taille ....
RépondreSupprimerNV, vous avez raison pour ce qui concerne l'ensemble du mouvement, mais les premières mesures ont néanmoins quelque chose de grave, solennel, et même vaguement inquiétant (ce fut en tout cas mon impression hier soir, au moment où j'écrivais).
RépondreSupprimerBienvenue, M'am' Perez...
RépondreSupprimerVotre remarque m'a donné l'occasion de faire le point sur quelques versions.(Solti, Kondrachine, Giulini, Walter, Chailly).
RépondreSupprimerDonc : Pompin- Pimpompin-
Pompin-Pimpompimpompin...
Le plus dynamique et lumineux dans ce passage est sans contestation possible Solti.
Kondrachine est à l'extrême opposé. En effet, il y met toute la gravité et le dramatisme possible. C'est à la limite du terrifiant.
Les trois autres, sont entre les deux. Ils ménagent la chèvre et le chou. Par rapport au deux premiers, ils sonnent terriblement mou... mou...
Le vôtre, c'était qui?
Bien sûr, en 20 minutes, je n'ai comparé que les Pompin- Pimpompin-
RépondreSupprimerPompin-Pimpompimpompin...
Dieu que j'ai eu du mal à trouver cette nouvelle demeure. Pour l'impression de félicité, ne cherche pas, c'est effectivement l'effet Mac.
RépondreSupprimerYiens ! Les Pitous ! Il y avait longtemps qu'on n'avait pas eu de vos nouvelles, dites...
RépondreSupprimerNV : j'ai deux versions, celle de Boulez et celle d'Abbado. C'est en l'occurrence Boulez que j'écoutais hier. Mais ne comptez pas trop sur moi pour un commentaire musical intelligent...
RépondreSupprimerIl est fou ce NV, parler de chèvres sur un blog !
RépondreSupprimerSinon un petit avertissement quand même à Monsieur Marcel : celui qui touche à mon mec, je lui remonte les testicules par les trous de nez, et si vous êtes une femme c'est pas grave ....
Non, je crois que c'est l'effet "Haendel"
RépondreSupprimerUn grand des grands, celui-là
Laissez tomber Mahler, c'est un vieux con aussi boursoufflé que son compère Proust.
D'ailleurs, il est mort à Venise ce pitre à sots (ou autre paradis de merde) : Florence eut été un plus grand tombeau, mais bon...
On a la connerie qu'on mérite.
J'aime beaucoup "fluviatile"
Je l'adopte ; comme vous dites si souvent.
Haendel, c'était plutôt un grand comique ... comme on le voit ici:
RépondreSupprimerhttp://fr.youtube.com/watch?v=D09DCZryG2U&feature=related
Monsieur,
RépondreSupprimerIl vous est arrivé quelque chose, moi aussi est curieusement à la même latitude que vous puisque c'était à Lîle de Vaux où je me rend régulierement chez des amis, tout cela est fort étrange...
Claudel