Le maniement du participe passé associé à l'auxiliaire avoir est parfois un peu délicat, notamment lorsqu'il est suivi d'un verbe à l'infinitif dans une proposition subordonnée. Cela vaut également pour les verbes pronominaux, ainsi que je m'en vas le montrer tout à l'heure.
La règle veut que ce participe s'accorde avec le complément d'objet direct de la proposition principale uniquement si celui-ci est également sujet du verbe à l'infinitif. J'en vois déjà qui haussent les épaules, pensant qu'il s'agit là d'un byzantinisme hors de saison, et que l'important est “que tout le monde comprenne”.
Mais justement…
Prenons ces deux phrases presque identiques d'apparence mais de sens tout à fait différents :
– Je vous présente la femme que j'ai laissée peindre
– Je vous présente la femme que j'ai laissé peindre
La première signifie en gros : “la femme que j'ai autorisée à se mettre à la peinture” ; alors que la deuxième veut dire : “la femme dont j'ai permis que l'on fasse le portrait”. Dans le premier cas, la femme est sujet de peindre, dans le second elle n'en est que l'objet.
(On notera que, pour lever d'un coup toutes les difficultés, il suffit de faire preuve d'un peu d'autorité mâle, d'abord en supprimant à cette pétasse tout ce qui peut ressembler à un pinceau, d'autre part en virant de chez soi le barbouilleur prétendant la portraiturer ; d'autant plus qu'il est très certainement son amant.)
C'est la même chose, disais-je, avec les verbes pronominaux, lorsqu'ils sont eux aussi suivis d'un verbe à l'infinitif. Ainsi, la malheureuse de tout à l'heure, privée de peinture, devra écrire à sa meilleure amie : “je me suis fait niquer” ou, plus correctement : “je me suis laissé avoir”, sans accorder son participe, vu que qu'elle ne s'est pas eue elle-même – encore moins niquée. En revanche, elle devra écrire : “je me suis vue piquer ma crise”, car c'est bien elle qui risque de se rouler par terre en bavant et avec des cris suraigus.
Pour finir, on notera que s'il est un domaine où les hommes conservent un net avantage sur leurs compagnes, n'en déplaise aux dragonnes égalitairolâtres, c'est bien celui de l'accord des participes passés.
Ce qui est assez réconfortant.