jeudi 8 février 2024

À vos risques et périls : billet dangereux


 À celui qui voudrait découvrir Julio Cortázar et ne saurait par quel bout le prendre, je crois, tout bien pesé et profonde inspiration prise, que je conseillerais le recueil de nouvelles ayant pour titre Tous les feux le feu. Rien de mieux pour qui ne craint pas les expériences légèrement décoiffantes :

Cet énorme bouchon sur l'autoroute du sud, un dimanche d'août de retour vers Paris, qui se prolonge en direction de l'automne, puis sous les premières neiges, avec cette vie parallèle qui germe, cette nouvelle société d'automobilistes qui croît et s'installe... 

Ou bien cet Argentin de Paris, ami “de cœur” de Josiane la prostituée, amoureux des galeries et passages (Vivienne, Panoramas...) mais aussi du passage Güemès de Buenos Aires, où il est fiancée avec la patiente Irma : passe-t-il réellement d'une ville à l'autre, par ces galeries et passages, qui seraient donc autant de “trous de ver”, ou bien rêve-t-il ? Et, s'il rêve, dans laquelle des deux villes, sur quel continent est-il réellement ? Et à quelle époque au juste ?

J'ai employé exprès par deux fois cet adverbe “réellement” : en une sorte de conjuration. Car, chez Cortázar, s'il y a une chose qui se dérobe sans cesse, surtout au sein des petits mondes les plus tangibles et paisibles en apparence, c'est bien la réalité ; ou plutôt : la certitude rassurante que le lecteur pouvait encore avoir de son existence, juste avant de tourner la première page d'un livre de lui. 

Si, passé la dernière, ce même lecteur est toujours vivant, s'il a l'impression – probablement trompeuse – d'avoir conservé toute sa raison, s'il reste en dépit des indices contraires à peu près assuré de sa propre identité, alors il pourra peut-être se risquer au jeu de Marelle...

Mais qu'il ne vienne pas, ensuite, me reprocher quoi que ce soit !

5 commentaires:

  1. J'ai une pensée pour la traductrice.

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    1. Mme Laure Guille-Bataillon, qui a traduit presque toute l'œuvre de Cortázar. Et qui, je crois, n'est plus de ce monde...

      DG

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  2. Comment voulez-vous que je joue à la marelle avec mon poids ?

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  3. le seul avantage c'est que "uruguayenne" contient trois u

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.