Philippe Muray, Moderne contre moderne.
samedi 31 mai 2008
On rentre
Philippe Muray, Moderne contre moderne.
vendredi 30 mai 2008
Réponse à Zoridae
j'aime bien Dorham, je continue à bien l'aimer. Il pense à l'opposé de moi, ce qui ne me dérange nullement. En revanche, il semble que cela le dérange, lui. Je suis devenu une sorte de monstre, puisque je n'ai pas la chance d'être de gauche et de penser comme il se doit.
En effet, je ne pense pas comme il se doit. Ce qui rend M. Dorham relativement fou, éructant, et le conduit à brailler n'importe quoi, ce qui est parfaitement son droit. Il peut même le faire ici si cela lui chante, ce n'est pas moi qui l'en empêcherai.
Que se passe-t-il ? C'est tout simple, en fait. Je suis censé être un "troll", j'ai joué ce jeu. Mais, dès le départ, je me suis placé, positionné, dites comme vous le souhaitez, en tant que réactionnaire. J'ai parfaitement assumé ce que je suis, ou crois être. Il se trouve que vous êtes deux ou trois à m'avoir trouvé plus ou moins sympathique. Pour le coup, il vous a semblé urgent de me transformer en ce que je ne suis pas, parce que vous n'aviez pas d'autres moyens de continuer à m'aimer bien.
(Je pense notamment au désarroi de Nicolas, disant, à mon propos, je ne sais plus en quel commentaire, chez lui, en substance, "je n'arrive pas à savoir s'il est vraiment de droite". Ce qui était le plus savoureux compliment que l'on puisse me faire, au fond.)
Vous êtes de sales gosses, ça oui, tout prompts à exclure, à rejeter, à bannir toute personne ne pensant pas comme vous. Avec des côtés «gamin» assez amusants. Par exemple, j'ai bien repéré que, dès ce matin, j'ai disparu des "liens" de MM. Balmeyer et Dorham : puni, le vieux réac ! Cela m'a fait sourire, évidemment.
Bon, il va être temps de conclure. Oui, c'est vrai, j'ai malmené cette personne qui se fait appeler Audine, et dans des termes que j'aurais pu éviter, je le reconnais. Néanmoins, elle a relayé (chez Dorham) des accusations contre Renaud Camus (qu'elle se flatte de n'avoir jamais lu) que je ne pouvais pas laisser passer. On a parfaitement le droit d'être idiot, de ne rien lire, de désigner à la vindicte des imbéciles des gens dont on ignore tout. Mais, si on le fait, il ne faut pas s'étonner de se prendre, parfois, des retours de boomerang en pleine figure. C'est ce qui lui est arrivé ici, je ne retire rien, et même je persiste et signe.
Et ne venez pas me parler de gens qui «partagent leur réflexion» : il n'y avait aucune réflexion chez Audine, juste un ressassement nauséabond (oui, moi aussi, je sais me servir de ce mot) de petit commissaire du peuple, visant un écrivain dont elle n'a jamais pris la peine de lire la moindre ligne. Ce que je ne pardonne pas. Ni à elle, ni à qui que ce soit.
La blogosphère bruit
Sauf que ce couple était naturellement musulman (aucun chrétien, même le plus rétrograde, ne se hasarderait plus à être aussi con). Et, du coup, ça s'agite sur les blogs, le vent de la sottise souffle à plein. Mais, heureusement, une belle âme (je ne sais plus où) nous ramène aux fondamentaux et siffle la fin de la récré : « Il n'est pas question d'accuser les musulmans. »
Ah ! bon, on a eu peur, durant une seconde ou deux...
Une couche supplémentaire
Des filles mères
Leurs mères, elles, traversent la vie avec ce sourire ignoble de qui sait être dans son bon droit, dans le sens de la vie. Elles y sont, en effet.
Dorham rame
Voilà ce qu'il nous écrit, le charmant Dorham. C'est un garçon qui pense être écrivain. Il n'est du reste pas impossible qu'il le soit, on a vu des choses plus surprenantes. Soudain, tout de même, il perd son calme. Il balance des gros mots (on le sent excité), il dit : "bite", "caca", "raciste". Des vrais gros mots, donc.
Il y a trois jours, M. Dorham a cru devoir pondre un interminable texte sur... sur... sur LE RACISME, mais oui, mais oui, forcément ! Il s'y montre d'une sottise (attendez, je vous le mets en lien... Voilà...) inattendue, mais solide. J'ai évidemment failli répondre (puisque ce petit poulet stupide était fait pour que je sorte du bois), et puis, finalement, non.
M. Dorham, en plus, parce qu'il passe la moitié de ses journées à torcher ses mômes, n'aime pas beaucoup que l'on ait des avis différents des siens concernant les enfants (ni sur le reste, d'ailleurs). J'aimerais quand même vivre assez vieux pour savoir comment ses rejetons jugeront le monde que lui et sa cohorte de crétins vigilants vont léguer à cette génération. Heureusement pour eux, ils seront morts et n'en sauront rien.
Sur plusieurs plans
Deuxième plan : un répugnant jeune homme moderne, à deux tables de la mienne, occupé à embaucher une jeune femme très laide et très disponible, tentant de lui prouver qu'il connaît l'essentiel du cinéma (il prononce les noms de José Garcia ou d'Emmanuelle Béart, par exemple), il parle très fort et il rit faux : les deux filles à sa table aussi, mais d'une manière davantage pitoyable, si l'on veut.
Troisième plan : passe une femme, d'environ 75 ans, en tailleur clair, regard droit, promenant un chien quelconque au bout d'une laisse. Elle est d'une beauté invraisemblable, d'une sorte de dignité allant de soit, elle est le contraire de ce petit commissaire du peuple qui se fait appeler Audine. Elle est extrêmement belle. Le contraire de la précédente. Elle ne me voit pas, je lui en sais gré.
Tremble, vil gazole !
Je n'imaginais pas le gazole si timoré, et, surtout, je n'ai aucun renseignement précis quant à la vélocité de l'essence. Je n'avais déjà pas grande estime pour les journalistes des magazines payants, je sais désormais ce qu'il convient de penser des titelmeister des gratuits.
Le Sourire à visage humain
On tourne autour, on cherche derrière, il n’y a plus personne, il n’y a jamais eu personne. Il n’y a que ce sourire qui boit du petit-lait, très au-dessus des affaires du temps, indivisé en lui-même, autosuffisant, autosatisfait, imprononçable comme Dieu, mais vers qui tous se pressent et se presseront de plus en plus comme vers la fin suprême.
C’est un sourire qui descend du socialisme à la façon dont l’homme descend du cœlacanthe, mais qui monte aussi dans une spirale de mystère vers un état inconnu de l’avenir où il nous attend pour nous consoler de ne plus ressembler à rien.
C’est un sourire tutélaire et symbiotique. Un sourire en forme de giron. C’est le sourire de toutes les mères et la Mère de tous les sourires.
Quiconque y a été sensible une seule fois ne sera plus jamais pareil à lui-même.
Comment dresser le portrait d’un sourire ? Comment tirer le portrait d’un sourire, surtout quand il vous flanque une peur bleue ? Comment faire le portrait d’un sourire qui vous fait mal partout chaque fois que vous l’entrevoyez, mal aux gencives, mal aux cheveux, aux dents et aux doigts de pieds, en tout cas aux miens ?
Comment parler d’un sourire de bois que je n’aimerais pas rencontrer au coin d’un bois par une nuit sans lune ?
Comment chanter ce sourire seul, sans les maxillaires qui devraient aller avec, ni les yeux qui plissent, ni les joues ni rien, ce sourire à part et souverain, aussi sourd qu’aveugle mais à haut potentiel présidentiel et qui dispose d’un socle électoral particulièrement solide comme cela n’a pas échappé aux commentateurs qui ne laissent jamais rien échapper de ce qu’ils croient être capables de commenter ?
C’est un sourire qui a déjà écrasé bien des ennemis du genre humain sous son talon de fer (le talon de fer d’un sourire ? la métaphore est éprouvante, j’en conviens, mais la chose ne l’est pas moins) : le bizutage par exemple, et le racket à l’école. Ainsi que l’utilisation marchande et dégradante du corps féminin dans la publicité.
Il a libéré le Poitou-Charentes en l’arrachant aux mains des Barbares. Il a lutté contre la pornographie à la télé ou contre le string au lycée. Et pour la cause des femmes. En reprenant cette question par le petit bout du biberon, ce qui était d’ailleurs la seule manière rationnelle de la reprendre ; et de la conclure par son commencement qui est aussi sa fin.
On lui doit également la défense de l’appellation d’origine du chabichou et du label des vaches parthenaises. Ainsi que la loi sur l’autorité parentale, le livret de paternité et le congé du même nom. Sans oublier la réforme de l’accouchement sous X, la défense des services publics de proximité et des écoles rurales, la mise en place d’un numéro SOS Violences et la promotion de structures-passerelles entre crèche et maternelle.
C’est un sourire près de chez vous, un sourire qui n’hésite pas à descendre dans la rue et à se mêler aux gens. Vous pouvez aussi bien le retrouver, un jour ou l’autre, dans la cour de votre immeuble, en train de traquer de son rayon bleu des encoignures suspectes de vie quotidienne et de balayer des résidus de stéréotypes sexistes, de poncifs machistes ou de clichés anti-féministes. C’est un sourire qui parle tout seul. En tendant l’oreille, vous percevez la rumeur sourde qui en émane et répète sans se lasser : « Formation, éducation, culture, aménagement du territoire, émancipation, protection, développement durable, agriculture, forums participatifs, maternité, imaginer Poitou-Charentes autrement, imaginer la France autrement, imaginer autrement autrement. »
Apprenez cela par cœur, je vous en prie, vous gagnerez du temps.
Je souris partout est le slogan caché de ce sourire et aussi son programme de gouvernement. C’est un sourire de nettoyage et d’épuration. Il se dévoue pour en terminer avec le Jugement Terminal. Il prend tout sur lui, christiquement ou plutôt ségolènement. C’est le Dalaï Mama du III e millénaire. L’Axe du Bien lui passe par le travers des commissures. Le bien ordinaire comme le Souverain Bien. C’est un sourire de lessivage et de rinçage. Et de rédemption. Ce n’est pas le sourire du Bien, c’est le sourire de l’abolition de la dualité tuante et humaine entre Bien et Mal, de laquelle sont issus tous nos malheurs, tous nos bonheurs, tous nos événements, toutes nos vicissitudes et toutes nos inventions, c’est-à-dire toute l’Histoire. C’est le sourire que l’époque attendait, et qui dépasse haut la dent l’opposition de la droite et de la gauche, aussi bien que les hauts et les bas de l’ancienne politique.
Un sourire a-t-il d’ailleurs un haut et un bas ? Ce ne serait pas démocratique. Pas davantage que la hiérarchie du paradis et de l’enfer. C’est un sourire qui en finit avec ces vieilles divisions et qui vous aidera à en finir aussi. De futiles observateurs lui prédisent les ors de l’Élysée ou au moins les dorures de Matignon alors que l’affaire se situe bien au-delà encore, dans un avenir où le problème du chaos du monde sera réglé par la mise en crèche de tout le monde, et les anciens déchirements de la société emballés dans des kilomètres de layette inusable.
Quant à la part maudite, elle aura le droit de s’exprimer, bien sûr, mais seulement aux heures de récréation. Car c’est un sourire qui sait, même s’il ne le sait pas, que l’humanité est parvenue à un stade si grave, si terrible de son évolution qu’on ne peut plus rien faire pour elle sinon la renvoyer globalement et définitivement à la maternelle.
C’est un sourire de salut public, comme il y a des gouvernements du même nom.
C’est évidemment le contraire d’un rire. Ce sourire-là n’a jamais ri et ne rira jamais, il n’est pas là pour ça. Ce n’est pas le sourire de la joie, c’est celui qui se lève après la fin du deuil de tout.
Les thanatopracteurs l’imitent très bien quand ils font la toilette d’un cher disparu. »
Philippe Muray, Moderne contre moderne.jeudi 29 mai 2008
Audine est une sotte
Pour faire bref : la dénommée Audine est une connasse de modèle courant. Et Renaud Camus reste un merveilleux écrivain. Pour preuve, je vous propose son dernier livre (Fayard) : Demeures de l'esprit.
Audine, vous êtes d'une sottise dont vous n'avez même pas idée...
Barrez-vous d'ici, retournez chez vos petits amis vigilants.
mercredi 28 mai 2008
Je ne t'aime pas tant que ça, au fond
Je suis en train de perdre le fil, là. Ah, oui, ce piège dans lequel ils m'ont fait retomber, le Carlos et l'Irremplaçable... tu vois ce que je veux dire ? Je t'ai trahis, une fois, j'étais tranquille : juste avant ton raidissement ultime, moi : "Oui, oui, je vais faire l'écrivain, tu verras !" Et, ensuite, renoncement raisonnable, très raisonnable, toi silencieux, fait à tout, tranquillement mort, raisonnable et silencieux - et moi entre deux vins, entre deux époques, entre deux... C'est ça : entre deux.
Et les deux autres se réveillent (peut-être de ta faute, c'est difficile à dire et à admettre). Et cette quiétude qui était la mienne, allant de soi, la voilà qui vole en éclats, et moi me retrouvant pour ainsi dire obligé de...
Tu y es pour quoi ? Pour quelque chose ? Tu serais moins mort que prévu ? Tu serais en train de me niquer grave ?
Pas impossible. Tu en es capable. Comme de m'avoir soufflé cette décision de ne plus parler à personne, sur les blogs, que j'ai prise hier soir. Il est très vraisemblable que tu sois seul responsable de cette volonté (mal assurée) de silence. D'un autre côté, je ne te crois pas capable de me casser les couilles à ce point - pas ton genre. Il faudrait donc admettre que je ne vis, toutes ces années passées, que par toi ? encore ? Que tu me pousses vers un silence pour lequel je ne crois pas être fait ? Que tu es un petit peu vivant ?
Alors ?
Rien. Et ce titre, stupide, venu au bout des doigts. Les bruissements frénétiques des oiseaux, dehors, le vent brusquement calmé, comme s'il te connaissait, un peu de Chopin, une gorgée de bière que tu ne goûteras pas, et moi non plus, en fait - puis le silence qui me bloque devant ce clavier, deux ou trois touches plus dures que les autres, qui me font ronchonner (tu m'entends ronchonner ?), les doigts malhabiles qui cherchent à te joindre, et les yeux qui se ferment seuls, parce que, demain, demain, bien oui, demain.
Tu te souviens : demain...
Du communautarisme et des grands singes
« Le communautarisme est un monstre. Par là, il reflète bien notre époque monstrueuse qui semble n'avoir plus d'énergie que pour en terminer de toutes les manières possibles avec la définition de l'être humain. Et c'est bien à cela que l'on travaille lorsqu'en exigeant, par exemple, que les grands singes bénéficient des droits de l'homme on contribue à faire disparaître la barrière qui se dresse encore entre l'humanité et le monde animal ; et c'est à cela aussi que l'on s'adonne lorsque, à l'occasion d'un crime, on fait ressortir que la victime était homosexuelle avant d'être une personne humaine. D'un côté comme de l'autre, c'est l'anthropos en général qui est nié ou en passe de l'être. »
Ph. Muray, Moderne contre moderne, p. 175.
mardi 27 mai 2008
Les sports de l'extrême, I : être chrétien en Algérie
On ouvre des succursales
Catéchisme pour tous les blogueurs (dont moi)
« (...) Une nouvelle pensée, une pensée magistrale du monde ne peut être discutée, pesée tranquillement, soupesée entre gens de bonne compagnie, amendée, corrigée, nuancée, tripotée, faisandée de pour et de contre jusqu'à ce qu'elle ressemble à une motion de compromis dans une assemblée syndicale ou à la misérable synthèse terminale d'un congrès de parti socialiste. Toute proposition originale est menacée, dans le débat, par ce qui peut lui arriver de pire : un protocole d'accord. Une nouvelle pensée du monde peut et doit être assénée comme un dissentiment irrémédiable, comme une incomptatibilité d'humeur. Il ne faut pas argumenter, il faut trancher dans le vif. Penser, c'est présenter la fracture. »
Philippe Muray, Moderne contre moderne (Exorcismes spirituels IV), p. 164, Belles-Lettres.
[Ce texte, recopié par moi, peut être lu comme une sorte de "critique au miroir", de vague remords, d'aveu de lâcheté, de faiblesse reconnue et pas totalement assumée...]
lundi 26 mai 2008
Journée de l'enfance (suite)
La Bruyère
Relisant Philippe Muray depuis hier, j'envisage d'en mettre un court extrait ici, chaque matin, pour bien (ou mal, c'est selon) commencer la journée...
Les béquilles de Cannes
Quant au cinéma et au festival de Cannes, on peut d'ores et déjà leur aménager un caveau commun : s'ils ont besoin de ces béquilles branlantes que sont les documentaires citoyens pour se donner encore une illusion de vitalité, c'est bien que leur agonie a déjà commencé.
dimanche 25 mai 2008
Hier matin, sur la plage de Veules-les-Roses
Coupable négligence
La scène se passe dans le restaurant où l'éditeur en question, appelons-le F, a invité deux de ses auteurs à déjeuner. L'un est jovial, disert, mange de bel appétit. L'autre tire une tête de six pieds de long, a le teint fleuri d'un cadavre fraîchement déterré, ne s'intéresse pas à la conversation, répond à peine par monosyllabes, ne touche quasiment pas aux plats qui lui sont servis. Au point que F finit par lui demander s'il a un problème, des soucis, une gastrite, que sais-je encore.
L'écrivain à la triste figure annonce alors aux deux autres convives qu'il a perdu son fils unique trois mois plus tôt et qu'il ne parvient pas à remonter la pente de son désespoir. Alors, l'autre auteur, levant les deux bras au plafond :
- Ne faire qu'un seul enfant : cher ami, mais quelle imprudence !
À propos du principe de précaution
Pierre Driout
vendredi 23 mai 2008
Ludovic à la trace
Aujourd'hui, coup de téléphone de Ludovic à sa mère, pour lui signaler qu'il venait de se faire sauvagement accoster par une certaine Mère Castor, dans une rue de Nîmes, lui demandant s'il était bien le fils de Catherine Goux.
Ce qu'il était, en effet. Ça n'a pas eu l'air de le surprendre plus que cela.
Ça tombe bien
À la fin d'une journée de printemps comme celle d'aujourd'hui, en l'année 1959, ma mère est venue, comme chaque jour, me récupérer chez la personne me servant de nourrice. Elle se nommait Mme Gouget, je ne sais plus son prénom. Christiane installe son premier né dans le petit siège fixé à l'arrière de son vélo et nous voilà partis, de la rue des Juifs jusqu'à celle de Saint-Éloi. Là, j'annonce fièrement à ma mère et à ma grand-mère :
« C'est la tête à Didier ! »
Les deux femmes s'interrogent et me questionnent : « Quoi, ta tête, qu'est-ce qu'elle a ta tête ?» Moi, énervé :
« Nooon ! C'est la tête à Didier ! »
On cherche deux ou trois explications, on explore quelques pistes qui ne mènent nulle part sauf à un énervement grandissant de ma petite (et maigrichonne, à l'époque) personne. Les adultes finissent par jeter l'éponge.
Un peu plus tard, ma mère, dont les yeux viennent de tomber sur le calendrier de la cuisine : « Tiens ! on est le 23 mai, c'est la fête à Didier... » Moi, à la fois soulagé et scandalisé du temps qu'il a fallu pour me rendre justice :
« Ah ! c'est la tête à Didier ! »
J'ai longtemps eu du mal, avec certaines consonnes récalcitrantes.
jeudi 22 mai 2008
Lucide, le presque centenaire...
« Comme ethnologue, je suis convaincu que les théories racistes sont à la fois monstrueuses et absurdes. Mais en banalisant la notion de racisme, en l'appliquant à tort et à travers, on la vide de son contenu et on risque d'aboutir au résultat inverse de celui qu'on recherche. (...) Que des cultures, tout en se respectant, puissent se sentir plus ou moins d'affinités pour les autres, c'est une situation de fait qui a existé de tout temps. Elle est dans la normale des conduites humaines. En la dénonçant comme raciste, on risque de faire le jeu de l'ennemi car beaucoup de naïfs se diront : si c'est cela le racisme, alors je suis raciste. »
C. Lévi-Strauss et D. Eribon, "De près et de loin", Paris, Odile Jacob, 1988, p. 208.
Apocalypse now à Sainte-Scolasse-sur-Sarthe
La journée avait bien commencé : nous étions à pied d'oeuvre à huit heures du matin, par un froid de gueux. Les déménageurs arrivent... et embourbent leur camion dans la cour (déserte heureusement) de nos futurs voisins. Nous voilà obligés d'aller sonner à toutes les portes de fermes, afin de trouver un tracteur suffisamment musclé pour nous sortir de cette ornière. Nous trouvons. La journée se passe à aller faire des tours de voiture uniquement pour la joie ineffable de se réchauffer les pieds dans le véhicule en question.
Finalement, les gros bras se tirent, on s'arsouille gentiment, on dîne (probablement à la fortune du pot) et on va se coucher. La campagne est ce qu'elle est de tout temps : étale, accueillante, sereine, silencieuse. Tranchant fort agréablement sur les passages d'avions de lignes qui, l'avant-veille encore, berçaient nos nuits à Villeneuve-la-Garenne. Nous fermons nos jolis yeux rougis.
Et le vacarme se déchaîne. Avions, hélicoptères, projecteurs, vacarme d'enfer : il n'y manque que la chevauchée des Vaches qui rient. Nous réalisons que nous venons de nous faire royalement fourrer, acquérant une maison située à l'épicentre d'un terrain aérien d'entraînement militaire. L'affaire dure plusieurs heures, nous nous endormons à l'aube, prévoyant l'enfer qui nous incombe désormais.
Or, non.
Le lendemain, lorsque nous allons faire quelques courses, l'oeil hagard et le sourire hébété, le village ne bruit que de ces manoeuvres inattendues "que mêmes les plus anciens du village ne se souviennent pas d'en avoir subies de semblables", c'est vous dire.
En effet, durant les trois années que nous passerons là, pareil cirque ne se reproduira plus. Il n'empêche que notre première nuit à Sainte-Scolasse en fut légèrement ternie.
Silence, je télétravaille !
Pour l'instant j'attends toujours. Et mets à profit ce temps libre en me demandant pourquoi je ne suis pas autorisé à rester tous les jours chez moi, puisque le système fonctionne. Je serais même prêt à négocier une diminution de mon salaire afin de pouvoir travailler moins.
En quoi on me découvre comme l'anti-sarkozyste type, ce qui n'est pas le moins savoureux de l'affaire.
mercredi 21 mai 2008
Les quatre fils Aymon (dont une fille)
Il ne l'a pas pas fait. Parfois, je me demande si Nicolas n'est pas un sous-marin de la droite (remontez vers la photo, regardez-la bien...).
mardi 20 mai 2008
Travelingue
À peine avions-nous goûté le Sancerre blanc, attendant patiemment nos entrées, que nos Pieds Nickelés partaient pour un tour de chauffe. Au menu : les femmes, les divorces, les pensions alimentaires, comme dans un film de Pascal Thomas. Rien que de très normal jusque-là. L'un des trois tenait le rôle du comique, les sous-entendus graveleux pétillaient et retombaient en postillons sur la nappe grenat infroissable.
Nous attaquions notre plat principal, lorsque Croquignol, Ribouldingue et Filochard dérapèrent brusquement dans la géopolitique spatio-temporelle. En une vingtaine de minutes, tout fut passé au tamis de leurs intelligences groupées, depuis la politique de George Bush, jusqu'au conflit israélo-arabe, en passant par le génocide arménien (« Moi, ça me dépassera toujours, qu'une espèce humaine puisse vouloir anéantir une autre espèce humaine »), les Croisades, ou les rapports Nord-Sud (« Nous, on a une tradition de grande sagesse, mais on a obligé les Africains à évoluer dix fois plus vite que nous »).
Parvenu au plateau de fromages, je frisais l'hébétude, lorsque j'ai soudain compris. Nos voisins (dont le plus proche de moi arborait une attendrissante moustache taillée à la française) n''étaient rien de moins que la réincarnation trinitaire du coiffeur de Travelingue, ce personnage de Marcel Aymé qui dirige la marche du monde, puisque tous les grands de la planète viennent en son échoppe montmartroise lui demander conseil avant toute décision politico-stratégique.
Je m'émerveillai alors de la stupidité aveugle de mes contemporains, s'obstinant à organiser de dispendieuses élections pour choisir leurs dirigeants, alors qu'il aurait suffi de confier les affaires du monde à mon trio omniscient pour que toute difficulté s'aplanisse et que Dieu lui-même décide de prendre une retraite méritée, rassuré quant au devenir de sa créature.
La commotion fut de forte magnitude, pas au point cependant de me faire bouder les mignardises que la petite serveuse blonde, marchant sur ses talons comme moi sur des échasses landaises, venait de nous servir.
Exilé en mon pays lui-même...
Pas eux. Hier matin, peu après huit heures, une escouade artisanale a investi notre paisible demeure et s'est mise à tout casser. Sonnant la retraite sur des bases préparées à l'avance, nous nous réfugiâmes alors avec les deux chiens dans la Case, où nous sommes encore confinés aujourd'hui et le serons tout autant demain (sauf moi qui irai bosser).
Voilà pourquoi vous nous voyez, à cette heure, moi assis à mon bureau devant le iMac et Catherine installée dans l'un des deux Lafuma - prématurément sorti de son hivernage -, le iBook sur les genoux. Hier soir, après le départ des ouvriers, nous avons tout de même réintégré l'habitation principale. Nous avons bu une bière (plusieurs, en fait) dans un salon partiellement dévasté, avec des cartons dans tous les coins et les cadres descendus des murs (en raison de la poussière que ces gens adorent produire chez les autres).
Il s'en est suivi l'impression étrange que nous venions de prendre possession d'une nouvelle demeure et que, l'emménagement tout juste achevé, nous fêtions notre première soirée dans ce domicile encore inconnu. La vie ancienne était soudain abolie, tout recommençait, dans un ailleurs tout de même familier. Ce fut très rafraîchissant.
La bière aussi.
lundi 19 mai 2008
Dodo, les damnés de la terre
Bathmologisons un peu
Jouons à Goliath et David
Ils étaient l'information, ils étaient la presse, ils étaient tout à la fois la liberté et ses garants. Ils voulaient le beurre et l'argent du beurre, les obtenaient sans difficulté. L'argent était souvent liquide, le beurre en motte - ce dernier leur étant fort utile pour se lubrifier la déontologie quand le directeur de la rédaction, au nom d'intérêts supérieurs, exigeait d'eux qu'ils revoient leur copie.
Ils savaient, pratiquement par décret, par constitutive aptitude, ce qui est bon pour le peuple, et aussi ce qui est mauvais pour lui - ils ne se faisaient jamais faute de le lui rappeler, au peuple, d'une voix doctorale et apaisante, mais qui savait aussi se montrer sévère en cas d'avis de tempête. Lorsque le bon devenait mauvais, et l'inverse, au hasard d'un changement d'équipe gouvernementale, ils tournaient leur clavier dans l'autre sens et continuaient de dispenser la bonne parole. Et le rêve continuait, un état de grâce perpétuel.
Ils s'appelaient eux-mêmes des journalistes. Ils revendiquaient une parfaite connaissance du terrain. Et l'habitude fut prise, en effet, de les nommer ainsi et de leur concéder ce mystérieux savoir d'arpenteur.
Or, il advint qu'un matin, d'autres voix se firent entendre, d'abord très faibles, puis de plus en plus audibles. Des voix non autorisées, pas encartées le moins du monde, qui ne prenaient pas leurs ordres au Château. Tels de joyeux barbares abattant les statues de César et faisant rôtir les oies du Capitole, les blogueurs prirent possession de l'espace public, ou, tout au moins, s'y répandirent, firent des émules, s'armèrent de porte-voix et en profitèrent pour rire de tout, de chacun, et même des journalistes.
Les folliculaires prirent très mal cette intrusion d'une parole libre, et parfois débraillée, au milieu de leurs discours policés, de leurs délicates musiques d'antichambres. Bientôt, ils brandirent des chartes comme des baïonnettes, exigèrent des lois, les obtinrent, elle furent inopérantes. Gambadant entre les colonnes de leurs temples, les blogueurs installaient sans gêne leurs étals au pied de l'ancien autel, devant quoi plus personne ne songeait à s'agenouiller. Tout était en l'air dans le landernau médiatique et le monde s'en moquait. Les blogueurs disaient certes beaucoup de sottises, mais au moins n'étaient-elles pas rétribuées. Et puis, les grains de vérité qui s'y mêlaient faisaient çà et là exploser quelques dents de sagesse - c'était bien réjouissant.
Quelques grands noms de la presse proposèrent d'interdire les blogs ou, au moins, de les museler aussi solidement que l'étaient leurs propres journaux. Une telle perte de sang-froid ne pouvait signifier qu'une chose : le roi était nu et chacun pouvait désormais s'en apercevoir.
La ronde continua, des blogueurs rigolards et querelleurs, cependant que de méchants courants d'air balayaient les salles de rédaction. Un autre matin, enchifrenés et chagrins, les journalistes purent constater qu'ils s'étaient mis à parler du nez. Nul ne leur tendit de mouchoir.
dimanche 18 mai 2008
Ne salissez pas votre joli costume
Le ton fut très vite donné, par la voix de crécelle de l'animateur lui-même : bien sûr, on était pour la liberté d'expression ; évidemment, condamner à mort un homme pour un tribune dans Le Figaro, c'était très vilain. Là-dessus, ces préliminaires expédiés, on passa à l'essentiel : la condamnation sans nuances de Robert Redeker lui-même.
Le parterre était choisi : outre les deux Éric, Zemmour et Naulleau, nous eûmes à supporter ce clown pitoyable de Richard Bohringer, l'insupportable harpie Pascale Clarck dans le rôle de l'écrivain raté-qui-va-vendre et un Métayer dont j'ai cru comprendre qu'il était le fils d'Alex, mais sans réussir à deviner à quel titre il était là.
Tous ces minuscules ludions se sont fait fort d'expliquer à Robert Redeker que, s'il était honnête durant quelques secondes, il serait bien obligé de reconnaître qu'il ne l'avait pas volé, son appel au meurtre. Car, comme l'a doctement expliqué la scribouillarde télévisuelle, « c'est pas bien du tout de critiquer une religion que y a plein de gens qui y croient dedans ». L'inénarrable Bohringer, prétendument comédien, a ensuite administré la preuve qu'il était incapable de jouer une scène d'indignation crédible et s'est, comme à son habitude, couvert de grotesque en invoquant la souffrance du vieux patriarche musulman du bled découvrant horrifié la tribune de Redeker dans Le Figaro - la lecture favorite dans le dit bled, ainsi qu'il est notoire.
Éric Naulleau, qui sait ce qu'il convient de dire sinon de penser lorsqu'on veut obtenir son "label gauche", a "élevé le débat" en déclarant à Robert Redeker que sa tribune était parsemée d'erreurs et d'exagérations, voire de stupidités. Il n'a pas précisé lesquelles.
Zemmour, toujours impeccable, a fait ce qu'il a pu face à cet absurde déferlement d'orthodoxie couchée, mais il a peu pu. Il faut dire que, comme à l'accoutumée, les histrions du bien-penser étaient portés par les meuglements du troupeau docile que l'on appelle le public.
Lorsque le "débat" s'est clos, durant lequel Robert Redeker, malheureusement peu armé pour ces jeux du cirque, n'a pas cédé un pouce de terrain sous les marshmallows dont on le bombardait, tout ce petit monde s'est détendu, en s'entre-admirant d'avoir si courageusement défendu la liberté d'expression.
C'était beau.
vendredi 16 mai 2008
Jouons à David et Goliath
Cela devait arriver, tout le monde s'y attendait plus ou moins : à force de coasser dans les marais virtuels, les blogueurs se sont découvert des envies de carrures bovidées. Meugler : voilà ce qu'ils veulent faire, désormais. Faire dresser les cheveux sur la tête des petits enfants, ceux-là mêmes qui, durant toute leur existence de grenouilles de mare, se sont amusés à leur arracher les membres pour voir s'ils parvenaient encore à sauter sur leur feuille de nénuphar.
Même sur trois pattes, nos petits batraciens blogosphériques entendent désormais entrer dans l'arène et faire mouiller les belles dames en exhibant leur encolure. On leur a dit que les journalistes étaient des boeufs, ils ont compris taureaux, ils veulent en être.
Mais voilà que les encartés renâclent quelque peu. Ils trouvent, ces cuistres, que parcourir France-Soir ou le Parisien, voire la "PQR" chaque matin, en trempant son croissant, n'est pas tout à fait suffisant pour prétendre informer ses semblables. Oh ! ils sont plutôt modestes, dans leur ensemble, les journalistes, vous savez ! Ils ne prétendent pas, à part quelques rodomonts télévisuels, prendre chaque jour la vérité à la hussarde et vous la restituer toute pantelante de jouissance. Ils savent qu'ils se trompent souvent, ou sont trompés.
Les blogueurs, eux, on ne risque pas de les tromper. D'abord parce qu'ils se foutent bien de la vérité : seul le Bien les préoccupe, la belle âme que chaque réveil du monde leur procure. Ne compte que la qualité de la propagande. Vérifier l'information, la recouper, tenter de deviner par où on essaie de les fourrer, tout cela est inutile. De toute façon, ils n'ont pas le temps : ils ont un vrai métier, à côté, il ne s'agit pas de déconner non plus.
Au début, les blogueurs ressemblaient souvent aux mimiles à casquettes qui, vermillons de vin tiède et distendus de sandwichs aux rillettes, regardent sur le bord de la route passer les coureurs du Tour en insultant ceux qui lambinent dans la montée du col.
Et puis, l'appétit est venu en mangeant, forcément. Aujourd'hui, ils veulent du respect, de la considération, ils veulent être craints, ils veulent peser. Sur quoi ? Ils ne savent pas trop. Mais ils pèsent, c'est vrai, voilà au moins un acquis qu'on ne peut leur disputer. Il s'agit de compter avec eux, avec leurs petits filets de bave goguenarde, déposés au kilomètre le long de l'article du jour. Ils se copient, se congratulent, se recopient, se re-congratulent, se réunissent, s'entre-observent attentivement, avec de bons sourires, afin de ne pas rater l'instant où ils vont devenir les hommes de l'avenir.
Le pire est qu'ils le sont déjà. Mais ils n'en savent rien : ce n'est pas encore dans le journal.
jeudi 15 mai 2008
mercredi 14 mai 2008
Emprunt
« Sauf peut-être en matière strictement scientifique, et alors seulement au sein des sciences dures, un des grands moyens de l'aveuglement, et de l'asservissement de la parole, et de la sujétion de la pensée, c'est l'exigence de vérités pures. Veut-on faire taire un homme et le ridiculiser, il n'est que d'exiger de lui que chacune des propositions qu'il émet et le moindre de ses mots soient strictement exacts en tout point. Veut-on étouffer une idée, empêcher une révélation, obnubiler le dévoilement d'une situation (et les plus évidentes sont les mieux offusquées, quand elles ont la langue contre elle…), il suffit de ne tolérer, en leur expression, aucun raccourci et nulle approximation.
« Tous les censeurs savent cela : la vérité n'est pas pure. Elle est stratifiée, mélangée, contradictoire, pleine d'enclaves et d'enclaves dans les enclaves ; et ces enclaves au sein de la vérité sont des faussetés, des contrevérités comme on dit des contre-courants, des vérités de second rayon, qui contredisent la vérité mais n'en sont pas moins vraies et n'en font pas moins partie de son empire. Que dans la transmission des messages on interdise la perte et la déperdition, les malentendus, les approximations abusives du sens par chacune des parties, il n'y aura plus de messages. »
Renaud Camus
Rogations
Temporisation
mardi 13 mai 2008
Question incorrecte
(Chérie, va ouvrir, s' il te plaît : ça doit être les p'tits gars du CRAN...)
L'allumeuse de vrais pervers
(Pour ceux qui auraient été déconnectés durant cet interminable week-end de feignasses, il y a donc DEUX extraits à lire (et y aura interro).)
lundi 12 mai 2008
Pas trop mécontent de moi, j'avoue...
Bon. Pourquoi pas ? Je lui ai à mon tour répondu :
Je sais, c'était facile, mais j'étais tout de même content de moi.
La reconnaissance, enfin !
Georges, 11 mai 2008.
Retirez-vous, s'il vous plaît... laissez-moi savourer seul ce nectar...
dimanche 11 mai 2008
Des effets pervers de l'antiracisme
« Exaspéré de ne pouvoir atteindre son idéal et instaurer l’harmonie et la paix entre les hommes, entre les peuples, entre les ethnies et les religions par le seul appel à la raison et à la justice, il a procédé (un peu comme les grammairiens qui, désespérant d’expliquer les subtilités de l’usage de de suite, en viennent à interdire complètement cette locution parce que c’est plus sûr) à un fatal coup d’État, et forcé tout un chacun à croire, et à professer, non seulement qu’il n’y a pas de races, mais que les ethnies ne sont rien, et les peuples non plus, et que, s’ils ne sont pas rien, ni les religions, ni les civilisations, il faut faire néanmoins comme s’ils ne comptaient pas – littéralement ne pas en tenir compte. Il a rendu ainsi le monde inexplicable, et plus il est obscur plus il est dangereux. »
Renaud Camus, Corée l’absente, pp. 52-53.
Crìa cuervos ou les 4 fantastiques
J'ai revu Crìa cuervos, quelques semaines plus tard, avec ma mère, toujours en salle et toujours à Paris. Que faisait ma mère seule à Paris ? Je ne sais plus trop. Un stage pour son travail, je crois. Car ma mère, alors bien plus jeune que je ne le suis aujourd'hui, travaillait, à cette époque ; mon père aussi ; le monde était immuable - pour peu de temps encore.
C'est moi qui avais choisi le film, et Christiane s'était laissé entraîner. J'étais rien fier : c'était comme des galons d'adulte, si vous voulez. Elle avait aimé le film, en tout cas c'est ce qu'elle m'avait dit, à la sortie. J'avais pris ma mère en charge, pour la première fois. J'espère ne pas être à la veille de devoir le faire à nouveau ; mais on ne sait pas. J'aurais certainement dû retenir plus de détails de cette soirée, des petits, des insignifiants, des très précieux.
Finalement, ce soir, on va peut-être bien regarder les 4 Fantastiques. Ce sera plus cool.
Nom de filles : le nom
Faut bien s'amuser un peu...
Conseil pédagogique
Les enfants d'aujourd'hui réclamant une éducation musclée, les futurs parents auront tout intérêt à développer leurs doltoïdes.
samedi 10 mai 2008
La morgue de Claire Valdemar
vendredi 9 mai 2008
Promesse de crétin
Comme, à la lecture de l'énoncé de cette pantalonnade, un hasard malencontreux a voulu qu'une idée me vienne, je n'ai pu m'empêcher de plastronner et de clamer
Le résultat est que, depuis trois ou quatre jours, l'idée en question métastase salement, au point que je vois mal, au stade où j'en suis, comment je pourrais m'en tirer à moins de quarante pages - et c'est un strict minimum. Nous sommes donc face à deux issues alternatives, aussi piteuses l'une que l'autre :
1) Le vieux cheval en bâtiment refuse l'obstacle, n'écrit finalement rien et se couvre de pipi (hypothèse optimiste) ;
2) le même écrivain de labour va au bout du sillon et contraint tout le monde à se taper les interminables feuillets de sa prose (version Avoriaz).
Dans les deux cas, j'aurais probablement mieux fait de fermer ma gueule.
jeudi 8 mai 2008
Putain, je suis grillé !
Ce n'est pas demain que je pourrai prétendre à travailler dans la grande presse de la gauche Lubéron, moi...
mercredi 7 mai 2008
C'est nous, les gars du 19ème !
Personnellement, j'ai d'abord été assez tenté par la période 1170 - 1245, pour le plaisir gamin de voir se construire les grandes cathédrales. Et aussi d'aller voir sous le chêne de Vincennes si le bon roi Saint Louis accepterait de me rendre mon permis de conduire. Finalement, j'ai renoncé, lorsque j'ai appris que les dentistes de l'époque étaient de vrais bouchers.
Mon choix définitif est donc le suivant : 1835 - 1910. Long moment de paix, d'opulence (mal partagée certes), de bourgeoisie triomphante et assurée d'elle-même, de christianisme conquérant. Et puis, Louis-Philippe, le Second Empire, tout de même...
Période bénie où les plus aventureux franchissent d'un bond la Méditerranée et vont se couvrir de gloire à seule fin d'apporter la civilisation aux sauvages pittoresques, où les timorés se contentent de faire fructifier le capital dans l'ombre de ce bon baron Haussmann ; véritable âge d'or durant lequel ce n'est pas pécher que de retrousser malicieusement le tutu des petits rats de l'opéra qui ne demandent pas mieux ; ère éclectique où l'on peut passer la même semaine d'Offenbach à Wagner, aller s'empiffrer d'huîtres au Rocher de Cancale avec Balzac ou Flaubert, pour se préparer dignement à terminer au bordel en compagnie de Maupassant ; avant de goûter un repos bien mérité à la campagne, à trois kilomètres à peine, au-delà du pont de Neuilly.
Non, vraiment, quelle magnifique invention, que le XIXe siècle !
À vous...
Café littéraire
- Il y a plus de vérité dans une tragédie de Racine que dans tous les drames de monsieur Victor Hugo, répondit M. de Charlus.
- C'est tout de même effrayant, le monde, me dit Saint-Loup à l'oreille. Préférer Racine à Victor, c'est quand même quelque chose d'énorme ! Il était sincèrement attristé des paroles de son oncle, mais le plaisir de dire "quand même" et surtout "énorme" le consolait. »
Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs.
mardi 6 mai 2008
Un blanc, un Null
Je n'ai pas d'explication.
Exultate jubilate
Et rien. Profitant de cette petite poche de solitude, je n'ai pas écrit une ligne. Je n'ai même pas fait mine d'ouvrir le document Word que je suis censé nourrir.
Pour chaque livre écrit, il y a toujours une ou deux de ces demi-journées que je vole au travail. Et toujours quand Catherine est absente. Avec une jubilation disproportionnée au larcin. Ces quelques heures - deux ou trois, au maximum - sont étonnamment précieuses. On les dirait comme arrachées au flux avec lequel elles auraient dû faire corps, et suspendues à mon seul usage, pour ma jouissance toute personnelle, comme des jambons accrochés à la solive.
À moins qu'il ne s'agisse d'une sorte de voie de garage, d'une dérivation dissimulée à tous vos regards. Je m'arrête un moment au milieu de la voie déserte, envahie d'herbes courtes et jaunies dans le bout, et je vous regarde passer à vitesse régulière, fonçant vers la prochaine gare nocturne, où il me faudra bien vous rejoindre.
Mais, pour l'instant, je n'y pense pas. Je suis là pour une heure ou deux encore, dissimulé derrière un rideau de peupliers, immobile, goûtant solitairement le silence de ce temps arrêté.
lundi 5 mai 2008
Ressuscitons les blogs morts !
Mon très jeune et très vieux Bergouze, une image étrange m'occupe l'esprit depuis quelques jours. Elle te concerne, tu es dedans - et vivant. Mais il va de soi que tu es toujours vivant dans mes images - il n'est pas impossible que les images servent à cela, d'ailleurs, je laisse à plus intelligent que toi et moi d'en statuer.
Tu es ici, au Plessis-Hébert, chez nous. Ce n'est pas la première fois que tu viens. Tu es presque chez toi. Tu es déjà ami avec l'Irremplaçable (et c'est très important, dans l'image).
C'est l'été, probablement, puisqu'on est installé dehors, sous le tilleul. Il me semble que c'est la fin du repas. Tu es confortablement carré dans ton fauteuil de plastique blanc, je suppose que tu as allumé un Café noir ou un Café crème, l'un ou l'autre de ces petits cigares que tu aimais (et dont je ne sais même pas s'ils existent encore).
Il doit rester un peu de vin dans la bouteille, sur la table (de toute façon, il y a de la réserve dans l'arrière-cuisine, ne t'inquiète pas, je veille, ton ivresse m'est chère).
Nous ne parlons pas. Catherine parle. Je ne sais pas ce qu'elle te raconte. Car c'est à toi qu'elle s'adresse. Ce doit être (ce doit, au sens de "il faut" - pour la beauté de l'image) une chose sans importance, un petit fait de la vie quotidienne, un fragment d'insignifiance, une poussière de temps - rien.
Et je vois ton regard, posé sur elle, comme je ne l'ai pas vu depuis plus de vingt ans, je te vois l'entendre et la comprendre - ce regard que tu avais, à la fois flottant et fixe, comme rendu lointain par l'épaisseur des verres.
Moi, je suis un peu décalé, par rapport à vous, de biais, peut-être un peu dans l'ombre, je ne sais pas. Je pense que Catherine est debout (elle débarrasse la table ? Elle vient d'apporter le dessert ? Oui, c'est possible.), toi assis, les yeux légèrement levés, donc.
Vous ne me voyez pas, mais, moi, à cet instant, je ne vis que par vous, par ces paroles sans importance qui passent d'elle à toi. C'est une sensation puissante, tellement que je ne veux pas sortir de la pénombre, du fugitif oubli où je suis. Et ce n'est pas tout.
Balbec est venu, et il a posé sa tête sur tes genoux, comme il le faisait avec nous. Tu le caresses distraitement, de la main droite, avec lenteur, presque sans t'en apercevoir. Il n'est pas impossible qu'une légère brise se soit mise à passer, mais je ne jurerais de rien. Le chien ne bouge pas. Ses yeux sont levés vers toi, qui ne le regardes pas, ce qui fait remonter les petites pastilles brunes qui lui servent de sourcils.
Il semble te connaître de toute éternité et posséder l'assurance que tu ne bougeras jamais de ce fauteuil de plastique blanc, et que Catherine ne cessera pas de parler.
C'est une innocence que je lui envie.
vendredi 4 mai 2007
Alors, elle t'a dit quoi ?
Le cerveau vide.
Je viens de relire ce que je t'écrivais hier, à peu près à cette même heure. (En réalité, ce n'est pas vrai : je l'ai relu au moins quatre ou cinq fois, depuis le matin de cette journée blanche, au cours de laquelle je n'ai absolument rien fait - sinon tondre la pelouse, ce qui était bien la seule chose à ma portée.)
Il est des images qu'on ne devrait pas faire naître, parce qu'elles prennent corps, ensuite. Et qu'en l'occurrence elles prennent le tien. Cette soirée d'été sous le tilleul, imaginée, rêvée, voulue, que j'évoquais, elle s'est constituée en réalité, elle a pris un poids, une épaisseur, elle est devenu un désir, une attente - et fatalement un manque. Même le goût du vin que nous avons bu ensemble, hier soir, il me reste dans la bouche - il me la fait pâteuse et amère. Non, non, pas amère... autre chose... Je ne sais pas... Mais pâteuse, en tout cas, ça oui.
Cette idée, cette envie de te réunir à l'Irremplaçable (me voilà donc affublé de deux irremplaçables : c'est beaucoup pour un seul homme, et si peu homme...), je l'avais déjà eue, bien sûr. Mais je l'abordais de loin, de biais, sur la pointe des pieds, pour éviter qu'ellle ne se retourne et me saute à la gorge.
Ce qu'elle a fait, dès ce matin, au réveil. Et sous l'oeil incompréhensif (interrogatif, plutôt) et doux de Balbec, que j'ai eu l'imprudence stupide, la vaniteuse témérité de convoquer dans le tableau.
On peut dire que j'ai réussi mon coup.
Même agencés aussi pauvrement que je le fais, les mots ont donc un pouvoir de nuisance - ce pourrait être une bonne nouvelle, au fond. Ce l'est sans doute, mais il faudra attendre quelques jours, je suppose, pour digérer ces nourritures trop riches que je me suis cru capable de soutenir.
Au moins, maintenant, je sais pourquoi, au fil des semaines, j'en suis venu à te réveiller de moins en moins souvent, à remplacer nos dialogues univoques par d'anodins babillages avec des vivants indubitables.
Il n'empêche que j'aimerais quand même bien savoir ce que Catherine te racontait, hier soir, cependant que je me fondais dans l'ombre.
À propos de M. de Norpois
« Il avait puisé dans la Carrière l'aversion, la crainte et le mépris de ces procédés plus ou moins révolutionnaires, et à tout le moins incorrects, que sont les procédés des oppositions. Sauf chez quelques illettrés du peuple et du monde, pour qui la différence des genres est lettre morte, ce qui rapproche, ce n'est pas la communauté des opinions, c'est la consanguinité des esprits. »
Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs.
dimanche 4 mai 2008
samedi 3 mai 2008
En 1985, Guy Debord parlait de l'immigration et de la France
Pour l'édification de M. Tonnégrande
Réponse toute faite...
Marcel Proust, Du côté de chez Swann.
vendredi 2 mai 2008
Retour d'enfer
Donc, on pense. Plutôt, on s'écoute essayer. Pour ne pas regarder la route, ni les autres humains à gros yeux jaunes, pas davantage la campagne morte, envahie de lumières ricanantes, accusatrices, dédaigneuses. On s'efforce de se ramasser autour de quelque chose de sombre, d'immobile, quelque chose qui aurait l'air d'avoir toujours été là - et bienveillant si possible.
Donc, toi. Mon idée, plié en huit dans la minuscule voiture de l'Irremplaçable, était de te trousser un petit compte rendu de ce début de soirée au Kremlin-Bicêtre, d'essayer de faire cliqueter tes mâchoires en sourire, au moins de faire passer une vague brise odorante dans ta suspension d'existence.
Finalement, non. Pour quoi faire ? Tu ne connais pas ces gens. Ils te connaissent encore moins et s'en foutent, ce que toi et moi pouvons comprendre fort bien. Déjà, les vivants, on se demande : trop occupés à refaire le monde qui ne leur a rien demandé, ils restent droits figés au pied du comptoir, en cercle clos, en paroles égales et connues d'avance, ils se répètent ce qu'ils se sont déjà dit, et la planète proche tourne autour d'eux, le muffle en alerte, sans qu'ils songent à s'en apercevoir.
Ils préparent notre bonheur futur, ce qui donne plus ou moins envie d'être mort - mais cela équivaudrait à les rejoindre, donc on reprend une bière et on s'accroche encore un peu, afin qu'ils prennent un minimum de champ. Ne plus sentir cette haleine de poussière, que l'eau minérale qu'ils avalent sans y penser transforme en une boue translucide se déposant et séchant rapidement dans les jointures de leurs phrases prévues.
Ils ne sont pas d'ici, mon pauvre Bergouze, d'ailleurs pas davantage. Expulsés d'aujourd'hui, ils érigent des camps comme d'autres vomissent des zones pavillonnaires ; pour nous y installer. Même leurs sourires sont menaçants, et l'on se prend à rêver de ton caveau pour échapper à leurs regards.
Aéropage
Il vaut mieux le savoir, avant de sortir imprudemment sa petite motion de synthèse...