mercredi 31 août 2011
La Shoah n'existe plus ! une bonne chose de faite…
mardi 30 août 2011
Mensonges politiques et vérité romanesque
Monsieur Cui-Cui découvre le journal et piaille un petit coup
« Mais comme seul, tout ce qui se rapporte à vous et votre petit monde étriqué est essentiel, on en revient systématiquement à votre petit ego, vos œuvres, vos lectures.
Alors que le sujet portait sur des évènements autrement plus douloureux que nos petites personnes, mon cher Monsieur Goux !
« Je maintiens mon opinion : votre "univers" (le terme est un peu fort) se révèle infiniment étroit, centré sur vous, fermé. Cela se lit, cela se ressent. »
lundi 29 août 2011
samedi 27 août 2011
À quand les tracteurs de savoir-vivre ?
(Je suis le sombre hidalgo qu'atterre Pilar, me souffle Don Ricardo Pastaga qui, depuis quelques jours, ne s'exprime plus qu'en alexandrins – sans césure à l'hémistiche parce qu'il trouve cela terriblement peuple.)
vendredi 26 août 2011
Le procureur Pinard et les petites robes de Marie-Paule
jeudi 25 août 2011
American Psycho, roman de sale gosse (billet fragmenté)
Cinq cents pages pour ça ? American Psycho est le type même du “roman à synopsis”. C'est un collier de fausses perles dans lequel le lecteur pressé ou amoindri de la pensarde est heureux et fier de bien voir le fil, sans s'apercevoir qu'on le lui a choisi vert fluo justement pour qu'il ait la satisfaction intellectuelle de le repérer du premier coup d'œil. Ensuite, évidemment, sur ce fil si voyant, l'auteur est obligé d'enfiler de très grosses perles, et vivement colorées elles aussi, s'il veut que l'ensemble ait à peu près l'allure d'un collier. Il en résulte une œuvre clinquante et infiniment paresseuse, qui à mieux y regarder, ressemble moins à un collier de perles qu'à ces lignes de démarcation flottantes que l'on tend au large de certaines plages afin de délimiter la zone de baignade sécurisée. Le roman de Bret Easton Ellis est une zone de baignade sécurisée…
Là-dessus, mon chef bien-aimé est arrivé de son déjeuner, avec une envie pressante et sonore de parler d'autre chose, à quoi j'ai consenti, remettant ce billet à plus tard, et par exemple au soir même. Lorsque je suis revenu devant cet ordinateur – le mien, cette fois, mon ordinateur d'après dîner – je me suis avisé qu'il n'y avait aucune raison de dérouler des phrases pour dire à quel point ce livre ne méritait pas que l'on déroule des phrases pour lui, ni même contre lui. Je ne retire pas un mot des quelques lignes écrites en bleu : “roman à synopsis” est parfaitement vu, par exemple. Et j'avais de quoi le montrer. “Roman pour cadres”, aurais-je pu dire, avec tout autant de justesse. Ou encore : “roman à sonnettes”, comme il y a des serpents paraît-il. L'affiche des Misérables : sonnette ! Les clochards et leurs suppliques écrites : sonnette ! Les deux émissions de télévision citées du début à la fin : sonnette ! Et ce panneau “sans issue” qui clôt le roman : sonnette au carré ! Au cube ! Que dis-je ? Sirène d'alarme !
Et puis, surtout, pour le lecteur vraiment distrait, ce procédé monotone (on sent que tout cela a été décidé au moment du synopsis et que l'auteur n'en a plus bougé ensuite) et finalement assez gamin : chaque personnage, à chacun de ses passages à l'avant-scène, est scrupuleusement habillé, mais reste non identifiable, toujours confondu avec un autre. Là, le lecteur idiot se sent intelligent et comprend le message qu'on essaie de lui faire passer – car on est finalement dans cette horreur risible : le roman à message : « Attention, lecteur imbécile et distrait, tu vois bien que ces jeunes gens n'existent que par leur enveloppe, non ? Mais si, voyons, regarde : personne n'est capable de les appeler par leur véritable nom ! » Et le lecteur, tout fiérot d'avoir repérer ça dès la page cinquante, se sent vraiment lecteur de continuer à pointer la même chose durant les quatre cent cinquante qui lui reste à lire : il se prend pour Beigbeder, rien de moins.
Tout le reste est à l'avenant et ne mérite finalement pas qu'on en parle. American Psycho est entièrement bâti pour que le (futur) lecteur se sente intelligent, se reconnaisse comme lecteur, une fois dans sa vie. C'est un roman passé au Stabilo Boss : il n'y a pas à se fatiguer, tout les trucs importants sont surlignés, on peut le lire en écoutant de la musique de merde et même en suivant la conversation de ses potes de bistrot : pratique.
Roman de sale gosse, disais-je en titre. Bien sage, le sale gosse, bien bien sage. Son Patrick Bateman peut bien faire subir tout ce qu'il veut à ses victimes, le lecteur ne bouge pas une oreille. La moindre Philosophie dans le boudoir est plus remuante que cet étalage de tortures mornes et puériles. Et j'ai bien compris (je ne suis pas plus con qu'un cadre moyen) qu'on voulait me faire comprendre que ce Bateman ne ressentait rien lorsqu'il torturait et que, de ce fait, il plongeait dans la folie, laquelle n'était pas très différente de la folie de tous les autres personnages du roman. Le problème est qu'il ne plonge dans rien : il obéit au synopsis, comme un sale gamin qu'il est. Son auteur étant ce qu'il est, même la folie lui est interdite : il lui faut filer droit, et c'est ce qu'il fait.
Au bout du compte, on prend cinq cents pages pour nous faire croire que Patrick Bateman n'existe pas. Mais il ne parvient même pas à ne pas exister. Peut-être que pour créer un homme qui n'existe pas, il faut être pleinement romancier, ce que Bret Easton Ellis ne me semble pas être.
Je vais retourner à Don DeLillo, tiens.
mercredi 24 août 2011
Les gentils soutiens du peuple libyen
À l'heure où nous écrivons ces quelques lignes subtilement teintées d'ironie (Pas la Couleur, rien que la nuance !), le président Hugo Chavez n'a pas encore trouvé le temps d'exprimer son propre enthousiasme devant la chute du caudillo des dunes : une distraction passagère, probablement.
lundi 22 août 2011
À la Poste, l'anthropomorphisme et l'anglolâtrie font rage
dimanche 21 août 2011
La Comète expatriée a refermé ses volets
Ce matin, au petit déjeuner, et tandis que Nicolas pianotait comme un furieux sur le clavier de cet ordinateur, le même Tonnégrande nous a brossé un tableau de la situation de sa Guyane natale qui était rien moins que réjouissant – même s'il y avait dans sa description des aspects comiques indéniables. Ce département (est-ce bien un département ? Un territoire ?) vit sous complète perfusion financière, il ne s'y produit strictement rien (même les œufs arrivent de métropole, nous a-t-il appris), presque tout le monde est fonctionnaire et la grande affaire de chacun c'est le carnaval, lequel peut s'étendre sur des mois. « Chez nous, c'est l'Afrique… » a-t-il conclu avec une certaine tristesse, ce qui n'est pas difficile à comprendre. M'a tout de même amusé le fait qu'il souligne, à propos de la délinquance préoccupante qui règne à Cayenne, qu'elle était directement liée à l'immigration. Ce qu'il avait énergiquement nié, la veille au soir, à propos de la France – je veux dire : de la métropole.
Nicolas, qui n'a pas in vivo la volubilité qui est la sienne sur les blogs, est comme souvent resté en retrait, mais c'est un homme à qui rien n'échappe de ce qui se dit. À un moment, il a tout de même filé un commencement de couplet antisarkozyste, mais comme tout le monde était d'accord avec ce qu'il pouvait dire de notre cher président, on est vite passé à autre chose. On s'est même offert un petit plaisir défoulatoire à front renversé, lui daubant certains blogueurs extrême-gauchistes (mais je ne dirai pas lesquels pour ne pas attirer la foudre révolutionnaire sur sa bouille de social-traître), et moi brocardant certains extrême-droitards que je ne nommerai pas davantage.
Compte tenu de toutes les bouteilles qui furent proprement vidées, je me sens un peu “en dessous” ce matin. Tout devrait être rentré dans l'ordre demain, d'autant qu'il ne reste plus une goutte d'alcool dans la maison. Avec cela que nous re-arrêtons de fumer demain. En principe.
samedi 20 août 2011
Les Palestiniens, ou le peuple inexistant
Ce soir, on fait Comète…
vendredi 19 août 2011
Mr Goux se rebelle, puisqu'il n'existe pas
Par conséquent – notez-le, soyez aimables –, à partir de maintenant, tout commentaire s'adressant à moi en tant que Mr Goux (soit Mister) sera impitoyablement supprimé, quel que soit l'intérêt du commentaire en question. Ce qui revient à dire ceci : à compter de demain (parce que, là, j'envisage d'aller me coucher), toute personne ne sachant pas manier la langue française, laissant des commentaires imbitables, écrits dans une langue n'ayant que de lointains rapports avec le français, sera irrémédiablement censurée. J'ai bien dit : censurée.
Je sais bien ce que vous pensez : on peut avoir des choses très intelligentes à dire et les exprimer à tort et à travers. Eh bien non, plus ici. Désormais, tout intervenant (au moins) qui m'appellera “Mister” plutôt que “Monsieur” disparaîtra dans les limbes – Tenez-vous-le pour dit.
Louis-Ferdinand Céline et les ombres du passage Choiseul
jeudi 18 août 2011
Double chassé-croisé amoureux
L'intrigue est gentiment retorse et plaisamment absurde. (Pour simplifier, je vais donner aux personnages le nom des comédiens qui les incarnent.) Au début du film, dès la première scène, Spencer Tracy, rédacteur en chef d'un magazine people, ainsi que l'on ne disait pas en 1936, s'apprête à épouser Jean Harlow – on sent que, bien qu'amoureux, il y va à reculons. Du reste il n'y va pas du tout, car c'est le branle-bas de combat à son journal, lequel vient de publier un article accusant à tort Myrna Loy – fille d'un multi-milliardaire ennemi intime du propriétaire de la dite gazette – d'être une briseuse de ménage. Du coup, la fausse briseuse mais vraie calomniée porte plainte et réclame cinq millions de dollars de dommages & intérêts : si elle gagne, le journal est mort, il y a donc le feu à la maison. C'est alors que Tracy imagine un stratagème destiné à rendre vraie l'information fausse, de manière à ce que la plainte devienne irrecevable par le tribunal : il réquisitionne William Powell, un ancien journaliste qu'il a lui-même viré avec pertes et fracas, playboy notoire, lui fait contracter un mariage blanc avec sa propre fiancée, Jean Harlow, avant de l'envoyer séduire Myrna Loy qui, du coup, si elle tombe dans le piège, deviendra en effet une “briseuse de ménage”. À partir de là, les péripéties obéissent allègrement aux lois du vaudeville, selon les règles ainsi posées. Ce qui est amusant c'est justement l'irruption du désir mimétique dans ce scénario, au moment précis où chacun se met à jouer un rôle qu'il croit de tout repos.
William Powell entame un jeu classique de séduction auprès de Myrna Loy. Se plantant sévèrement, il en tombe illico amoureux et se met à lui dire ses quatre vérités, ce qui a pour effet de transformer le dédain non feint de la petite fille riche en intérêt grandissant.
De son côté, après avoir détesté le mari que son fiancé lui impose, Jean Harlow se met à s'attacher à lui à partir du moment où elle s'aperçoit que, possédant la clé de sa chambre, William Powell aurait pu l'y rejoindre pour tenter sa chance (après tout, n'est-elle pas son épouse ? Pas de “viol conjugal”, en cette époque bon enfant…) mais qu'il ne l'a pas fait. Et elle s'attache encore bien davantage à ce mari factice lorsqu'elle comprend que Myrna Loy est bel et bien en train de le lui ravir.
Quant à Spencer Tracy, voyant grandir la complicité de sa fiancée (Jean Harlow : faites un petit effort…) avec le mari qu'il lui a donné d'autorité, il se met à considérer un mariage avec elle comme une chose éminemment désirable…
Tout s'arrange bien entendu à la fin, même si cette fin est assez étrange dans la mesure où, lorsqu'elle intervient, William Powell est encore en situation de bigamie avérée et que le réalisateur ne prend absolument pas la peine de nous dire, même pas de nous suggérer, comment ce petit problème va se régler, une fois les projecteurs éteints.
Voilà pour le film, tel qu'en lui-même, mais le jeu de miroirs ne s'arrête pas là. Durant le tournage, Jean Harlow file le parfait amour avec William Powell, son mari factice du film. Seule la mort brutale et stupide de Jean, l'année suivante, à 26 ans, les empêchera de se marier. De son côté, Myrna Loy, réputée fort sage (à juste titre : elle a déjà repoussé les assauts & manœuvres de Clark Gable, John Barrymore et Leslie Howard, entre autres), vit une liaison torride avec le très marié Spencer Tracy. Pour la garder secrète et ne pas faire passer Myrna pour une briseuse de ménage, comme il tient tant à le faire dans le film, Tracy, en dehors des prises de vues, ne manque pas une occasion de critiquer sa partenaire et de tenir à son sujet les propos les plus acides.
De ces amours il ne reste rien, qu'un film encore capable de charmer une soirée lorsqu'il passe à la télévision – ce qui n'est pas négligeable –, et un parfum si diffus qu'il ne tient même pas à être exprimé trop clairement.
Durant de nombreuses années, à partir de 1937, chaque semaine William Powell fit fleurir la tombe de Jean Harlow.
Les Sages de Sion prennent un petit coup de jeune
mardi 16 août 2011
Ortega y Gasset, pour une politique aristocratique
Pourquoi aristocratique ? Parce qu'Ortega assigne un rôle prépondérant à des minorités d'individus dans le processus de structuration du corps social. Lorsque ces minorités, ces élites, cessent de tenir leur rôle, le corps social se défait et c'est la voie royale pour toutes sortes de régressions, dont la plus dangereuse semble bien être l'étatisation de tout le champ social et, en parallèle, la montée de la violence, le recours systématique à la force, ce que le philosophe appelle l'action directe, et qui n'est autre, les élites ayant renoncé leur rôle de médiateurs, que l'intervention directe des masses dans la vie publique : « L'étatisme est la forme supérieure que prennent la violence et l'action directe constituées en normes. À travers et par le moyen de l'État, machine anonyme, les masses agissent par elles-mêmes. » C'est cette observation qui conduit Ortega y Gasset à réaffirmer la supériorité indépassable du libéralisme politique, ou si l'on préfère de la démocratie libérale, et, donc, à renvoyer dos à dos les deux totalitarismes de son siècle.
Comment une telle pensée aurait-elle pu se frayer un chemin dans les esprits oblitérés des années trente, quand, en ces mêmes années, la plupart des intellectuels occidentaux s'obstinaient à croire que, du fascisme et du communisme, le second constituait un rempart contre le premier, en était en quelque sorte l'antidote ? Alors qu'il ne signaient tous deux que l'irruption de l'homme-masse sur le devant de la scène politique. Homme-masse qui ressemble d'assez près à l'homme sans qualités de Musil, et dont Ortega dit ceci :
« La perfection avec laquelle le XIXe siècle a donné une organisation à certains ordres de la vie est la cause même qui fait que les masses qui en bénéficient ne la considèrent pas comme une organisation mais comme la nature. Ainsi se définit et s'explique l'état d'esprit absurde que révèlent ces masses : rien ne les préoccupe que leur bien-être et, en même temps, elles ne se sentent pas solidaires des causes de ce bien-être. Comme elles ne voient pas, dans les avantages de la civilisation, une invention et une construction prodigieuses qui peuvent se soutenir seulement avec de la prudence et de grands efforts, elles croient que leur rôle se réduit à les exiger de façon péremptoire, comme s'ils étaient des droits de naissance. »
lundi 15 août 2011
L'information “pouet-pouet” du jour
Des dizaines d’étudiants iraniens extrémistes se sont rassemblés devant l'ambassade britannique à Téhéran aujourd'hui pour condamner la répression «sauvage» d’un «soulèvement populaire» contre «le régime royal dictatorial d’Angleterre».
Quel dommage, se prend-on à songer in petto, que nos gauchistes petits-bourgeois n'aient pas su cela à l'avance : ils auraient pu affréter un charter pour aller soutenir la juste indignation de leurs camarades iraniens. Pour une fois qu'ils parviennent à trouver des cerveaux capables de penser comme les leurs…
dimanche 14 août 2011
Les météorologues sont-ils des communistes old style ?
De fait, ils me rappellent assez bien ces derniers reliquats du stalinisme à la française que j'entendais à la télévision dans les années soixante-dix, et jusqu'assez avant dans la décennie suivante ; lesquels consentaient parfois, du bout du bout de la lippe, à reconnaître que, bon, c'est vrai, tout n'était pas encore parfaitement parfait dans les dictatures chères à leurs belles âmes, mais que l'anticyclone idéologique centré sur la Kolyma n'allait pas tarder à produire ses bienheureux effets, chasser enfin cette grosse dépression bourgeoise stationnaire, que l'avenir radieux était attendu pour le milieu de l'année prochaine et que les libertés individuelles rejoindraient alors tout naturellement les normales saisonnières.
Pendant ces soliloques, cependant, par une sorte de surimpression mentale, on pouvait deviner que les camarades de l'Est, avec cette résignation goguenarde qui les a longtemps caractérisés, s'obstinaient à garder bottes aux pieds et parapluies ouverts. Et je me demande si aujourd'hui Ossis, Polonais, Tchèques et autres Roumains ou Bulgares parviennent tout comme nous à s'intéresser au temps qu'il fera peut-être, eux qui ont vécu durant plus de quarante ans dans un interminable et gigantesque bulletin météo.
samedi 13 août 2011
Le goulag ? Première à gauche ! Une fois à Bruxelles, vous demanderez, hein ?
Ç'a quand même du bon, le ramadan !
Voilà un métier comme on les aime, vigile blanc : tu travailles pendant le mois du ramadan – et encore, pas trop, puisque les cailleras digèrent et roupillent pendant les heures d'ouverture –, et après tu fais assisté social le reste de l'année durant. Et, pour l'embauche, même pas besoin d'avoir lu La Princesse de Clèves, dis donc.
On en fait quoi, de ces voyous de merde ?
« Les émeutes de Londres excitent ceux qui fantasment sur un printemps arabe à l’occidental. Ils y voient une condamnation en acte des politiques « néolibérales » appliquées depuis les années Thatcher et une révolte contre l’exclusion générée par la société. Cette dernière tarderait à donner une place aux jeunes générations, parmi lesquelles des populations immigrées exclues des avantages de la société occidentale.
Notons que cette interprétation est régulièrement avancée dès qu’on assiste à des émeutes urbaines dans les grandes sociétés occidentales. En France, on a ainsi expliqué les émeutes de 2005 en pointant du doigt la responsabilité d’un système prétendument exclusionnaire, discriminatoire et raciste. A en croire ce discours fort répandu, l’universalisme républicain entretiendrait de nombreuses couches de la population dans l’assistanat et pousserait à la révolte ceux à qui il ferait la promesse de l’égalité sociale sans jamais la tenir. Au Québec, pendant les émeutes de Montréal-Nord en 2008, la plupart des analystes ont reproduit le même verdict : la société est coupable. (…) »
vendredi 12 août 2011
Il y a parfois des p'tits regrets qui viennent vous pincer le cœur
Tout d'abord je voudrais marquer mon désaccord avec ceux des amoureux de Trenet – et ils sont très nombreux, je crois – qui considèrent que le sommet de son œuvre se situe au début de sa carrière, c'est-à-dire en gros durant les cinq années séparant ses débuts en solo de la guerre. Ensuite, à les entendre, il n'aurait fait que se prolonger avec plus ou moins de bonheur, un peu comme un paquebot continuant, moteurs silencieux, à courir sur son erre. Il me semble au contraire que les chansons les plus belles, les plus profondes-sans-en-avoir-l'air datent plutôt de la fin des années quarante et des années cinquante. Parce que la fantaisie débridée des premières œuvres s'y stabilise tout en restant bien présente, et que viennent s'y ajouter une expression de la nostalgie, un sens du temps qui passe, qui me paraissent sans égal, dans ce petit univers de la chanson bien sûr. La mélancolie aussi fait son apparition, mais elle sait rester élégante, ne pas se pousser du col et même, suprême raffinement, rester camouflée aux oreilles de qui ne souhaiterait pas l'entendre. Où un Brel nous balance au visage de pleins baquets de larmes et nous troue les tympans de ses sanglots, Trenet nous dit : « Il y a parfois des p'tits regrets qui viennent vous pincer le cœur. » – Et Brel disparaît instantanément, sauf si l'on est resté coincé dans sa propre adolescence.
La conséquence de cette légèreté des doigts, sur le clavier qui lui est propre, c'est que Trenet me semble être le seul capable de susciter chez celui qui l'écoute une véritable tristesse, diffuse et prenante, très difficile à combattre (et pourquoi la combattre ?). C'est le cas d'une chanson en apparence très anecdotique : Kangourou. Pourquoi ? Parce que. Nous touchons là à l'inexplicable. Du reste, quand on se mêle de parler de Trenet, ou même simplement d'y penser, on débouche toujours très vite sur l'inexplicable – et c'est tant mieux.
Pour ce qui est de la nostalgie, je ne crois pas que l'on puisse faire plus réussi que cette chanson presque inconnue : Qu'est devenue la Madelon ?, qui, de mémoire, doit dater de la fin des années cinquante, ou encore Le Piano de la plage, qui lui est contemporain. L'extraordinaire, dans la première citée, est qu'elle présente, quand on l'écoute aujourd'hui, une nostalgie “à double fond”, si l'on veut bien : la première strate est celle qui est exprimée dans le texte, qui en est le sujet – un homme, 40 ans ans après la fin de la Première Guerre, se demande ce qu'a bien pu devenir la Madelon – ; et il vient s'y superposer la seconde, la nôtre ; nous qui pensons à ce temps lointain où l'on pouvait encore se poser cette question : qu'est devenue la Madelon ? Cette époque un peu sépia aux yeux du souvenir, où les poilus de 14 se croisaient encore au bar-tabac tous les matins, ou en grande tenue devant le Monument aux morts – des morts que ceux qui tenaient les drapeaux avaient connus personnellement.
Cela ne nous éloigne pas de Trenet, malgré les apparences. Aucun chanteur ne sait faire passer le temps comme lui, l'accélérer brusquement, le stopper pour une image, le faire repartir, l'enrouler sur lui-même – et tout cela en moins de trois minutes. Il faut écouter cette chanson miraculeuse – années cinquante encore une fois – au titre volontairement plat, Histoire d'un monsieur : toute une vie s'y déploie, pleines de joies, de douleurs, d'espérances et de désillusions. Et, à la fin, c'est le temps lui-même qui referme la porte. Lorsque Georges parle de “contour”, de “silhouette” et mieux encore de “parfum”, c'est tout de suite à cette chanson-là que sa remarque m'a fait penser – et à dix autres juste après, bien entendu.
Me frappe aussi chez Trenet un sens particulier de la rime. Très souvent, elle arrive au bout de son vers dans une totale insouciance du sens qu'elle va produire ; elle se donne à voir ostensiblement pour ce qu'elle est : une rime et rien d'autre, de préférence légèrement incongrue – la boule de billard qui désordonnance le triangle. Trenet a inventé la rime-clin d'œil. Et le plus étonnant est que, malgré cela, elle parvient encore à épouser avec beaucoup de naturel la place qui lui est faite. Évidemment, il faudrait là deux ou trois exemples, lesquels me reviendront en foule dès que je ne serai plus devant ce clavier, mais qui pour le moment me font totalement défaut.
Tout cela est tristement fragmentaire et incomplet, évidemment. Mais Trenet est inépuisable et farceur, c'est donc un tour qu'il joue à l'apprenti exégète. Une chose encore : alors que les textes de ses chansons peuvent paraître un peu “simplets” à un esprit inattentif, ce sont en fait les plus difficiles à retenir par cœur que je connaisse – mais il se peut que ça vienne de moi.
jeudi 11 août 2011
Je me souviens d'un coin de rue…
mercredi 10 août 2011
Angleterre : des émeutes non raciales ?
« Il est évidemment tentant de transposer notre petite expérience de 2005 dans l’Angleterre d’aujourd’hui. D’autant que le point de départ semble similaire : un criminel coloré flingué avec raison, ce dont on ne peut que féliciter la police de Sa Majesté.
Mais à l’évidence ces émeutes ne sont pas raciales. Autant celles de 2005 en France étaient clairement des émeutes du Ramadan et avaient non une composante raciale mais un caractère racial essentiel, réunissant surtout des noirs et des musulmans, autant les émeutes de Londres n’ont qu’une — ou plutôt ont des composantes raciales indéniables, mais pas plus.
D’abord les émeutiers ne sont pas tous noirs ou « asiatiques » — ce qui en anglais poli veut dire pakistanais, indien, musulman et tout ce qui s’y ramène. Même en supposant que certains medias anglais trient les photos, il y a des pillards blanc, bien anglais, et qui ne se font pas bolosser pour leur butin par leurs compagnons d’émeute.
Ensuite, il y a des victimes qui ne sont pas blanches, en nombre important. Ainsi des Turcs se sont-ils mis à taper sur des noirs qui voulaient mettre à sac leur quartier plutôt que de se joindre aux émeutiers pour se diriger vers un quartier blanc, ce qui aurait été concevable dans une émeute raciale. (…) »
mardi 9 août 2011
Mais puisqu'on vous dit que l'antisionisme n'a rien à voir avec l'antisémitisme, bordel !
J'ai trouvé ça en allant, comme chaque matin, m'agenouiller devant la Sainte-Étable… C'est extrait d'un commentaire de Lou Ravi, jamais décevant, mais je vous recommande chaleureusement le long billet de la Vieille Crapule qui l'a suscité. Tout cela vous a un petit parfum “presse française des années trente” qui ne pouvait que charmer un passéiste dans mon genre, on s'en doute bien.
lundi 8 août 2011
Au Mont Saint-Michel, la galette ne se partage pas
Les étrangers en question, avons-nous appris de l'un des restaurateurs solidement implantés dans la rue aux œufs d'or, se répartissent en deux groupes : les trois millions de touristes annuels, qui sont les bienvenus ; et les quelques investisseurs qui aimeraient bien profiter du pactole mais qui sont repoussés à coups de fourche ou peu s'en faut.
Ceux-là, les Montois les appellent des hors-venus. Et font alors tout ce qu'ils peuvent, toujours avec succès, pour les transformer immédiatement en hors-va-t-en, si je puis me permettre.
On se doute que l'expression m'a ravi et qu'un élan de sympathie solidaire m'a spontanément poussé vers ces braves cousus d'or ; et nul ne s'étonnera si je prétends avoir tout de suite vu quelle acception très élargie on pourrait attribuer à leur si heureuse formule.
dimanche 7 août 2011
Les blogauches s'ennuient le dimanche…
[À propos de ce mot, prof, je me demandais l'autre jour si les camarades enseignants – obsédés par les nains jusqu'à en deviner au plus haut sommet de l'État – ne le revendiquaient pas avec autant d'empressement que dans l'espoir que l'on ne les prît point pour Simplet.]
Bref, à l'instar des enfants de Charles Trenet (un petit bonjour à Marie-George au passage), les blogauches s'ennuient le dimanche. Sauf quelques-uns qui, aujourd'hui même, se sont trouvé une nouvelle activité, ô combien passionnante et utile.
« Dis donc, Mamour, et si on envoyait les gosses porter un signal fort aux marchés ? Ça nous laisserait le temps de tirer un petit coup avant que ta mère n'arrive pour déjeuner… »
samedi 6 août 2011
vendredi 5 août 2011
Béni sois-tu, carillonneur
J'ai écrit “génération” au singulier, car il s'agit de la mienne, celle des petits-enfants, celle dont je suis l'aîné absolu (fils aîné de la fille aînée). Il est très mystérieux de savoir pourquoi et comment un couple est plutôt un fondateur de lignée qu'un continuateur, alors même que la chose ne souffre aucune contestation. René et Suzanne, mes grands-parents, étaient des fondateurs. Mes parents (et mes oncles et mes tantes…) sont des continuateurs ; et nous-mêmes, les petits-fils, les cousins, des liquidateurs de ce qui fut. À partir de nous, tout repart à zéro (et personne ne trouve ça drôle). C'est ainsi de tout temps, je pense – sorte de cycle, qui doit bien dépendre de quelque chose, mais de quoi ?
Néanmoins, éparpillement ou non, nous avons ceci, les cousins et cousines, en commun : le carillon ; que les plus vieux (dont moi) ont connu dans cet univers entier et doux qu'était la cuisine du boulevard Fabert, et les autres ailleurs, dans une autre maison – mais il doit leur être aussi cher, je suppose.
J'ai posé le premier mes griffes sur cet objet imposant, immobile, sonore, argentin et incongru. Incongru parce que mes grands-parents, sauf vers la fin de leur vie (phrase scabreuse, puisque Suzanne est encore vivante, à l'heure où je…), n'ont jamais eu plus d'argent qu'il n'en faut pour nourrir leur nombreuse marmaille, et que le carillon n'a pas été acquis à l'économie : je voudrais, aujourd'hui encore, que vous le voyiez et l'entendiez. À quoi, en 1950, qui est à peu près sa date de naissance, ou au moins d'achat, a-t-il correspondu ? Tout le monde en ignore, ma mère y compris. Devait-il présider à la naissance de cette défilongée de petits-enfants dont je fus le premier ? J'ai du mal à le croire : je connais bien René et Suzanne – pas trop le sens des symboles.
Il n'empêche que ce carillon fut, et moi aussi. Un jour, ou un soir, et je ne sais plus quand, et ma mère non plus je le crains, la conversation virant sur des bords alors sans danger, j'ai dit ceci : « Quand vous serez morts, moi, j'aimerais bien avoir le carillon ! » C'était presque une plaisanterie, alors, tellement nous étions tous loin de la mort. Et René a dit : « Tu l'auras, mon gamin, tu l'auras ! »
Personne d'autre ne m'a jamais appelé “mon gamin”, évidemment. René appelait tous ses petits-fils “mon gamin” (et je me rends compte que j'ignore tout à fait comme il appelait ses petites-filles, mais bon) – mais j'étais le premier. J'étais aussi, je crois, le seul qui lui réclamait dix fois fois par jour de lui chanter cette chanson, que l'on doit je suppose retrouver facilement : « Le bon vin m'endort, l'amour me réveille… »
Donc, ce jour très ancien, il a été admis que le carillon devait me revenir. Lorsque René est mort, en 1993 si je me souviens, il ne s'est rien passé, puisque Suzanne était toujours vivante. Ensuite, longtemps après, on est entré dans cette période où les vieux deviennent très vieux, puis excessivement vieux, puis… plus tellement là.
Le 4 juillet dernier, à Sedan, c'était la première fois depuis longtemps que je voyais mes parents seul – Catherine étant restée à la maison. Et le hasard a voulu que ce soit ce jour-là (avec un empressement et un enthousiasme auquel je m'en veux un peu de n'avoir pas répondu tout de suite) qu'ils m'aient, mes parents, entraîné dans leur sous-sol pour me montrer ce qu'ils avaient de précieux à me donner : le carillon.
Il est désormais au mur, comme il se doit. On l'a accroché au-dessus de mon fauteuil. Il sonne tous les quarts d'heure. Entre deux sonneries, il fait “tic-tac” ou plutôt “cling-clong”, à la réflexion : ce sont les stupides réveils qui font “tic-tac”. Deux fois par semaine, depuis sa conception, il faut le remonter : je le fais – chaque mercredi et chaque samedi. Il ne faut pas le remonter trop fort, ce carillon, ne pas bloquer les délicats mécanismes. Il avance un peu : quelques minutes par semaine, je n'ai pas encore compté…
Je commence, c'est plus étonnant, à ne plus l'entendre, sauf lorsque je suis assis juste en dessous. Je me souviens, lorsque j'allais dormir chez mes grands-parents et que René me demandait : « Tu veux que j'arrête le carillon pour la nuit ? », je lui répondais toujours : « non ! » Et j'écoutais avec un bonheur indicible – vraiment indicible – ce son qui a plus ou moins présidé à ma naissance. Si j'ai la chance de mourir à domicile, il devrait aussi hériter de cette présidence-là.
Notre manie de baptiser d'un prénom humain un certain nombre d'objets familiers étant toujours aussi active, nous avons décidé très logiquement que le carillon s'appellerait désormais René. Pour le moment, nous n'avons pas encore osé le présenter à Roselyne, mais on y songe sérieusement.