Gloire ! C'est la première “biographie” de notre seul oscarisé masculin à paraître. On me l'a refilée hier matin, non pour mon plaisir mais parce qu'il faut bien que je fasse tomber quelques écus dans mon escarcelle à multi-trous. Apparemment, mes patrons me font confiance, de ce point de vue : si on peu tirer un sujet d'un livre, Didier Goux le trouvera. Bref.
J'ai lu le truc, hier après-midi. En “diagonale pentue”, comme je le fais pour n'importe quel genre de guignolade que j'aurais moi-même torchée en une semaine.
L'auteur de ce papier hygiénique broché s'appelle… On s'en fout, on ne va pas contribuer à le sortir de son anonymat. On va dire qu'il s'agit de Samuel Mayrde, pas métonymie basique consistant à remplacer le contenu par son contenant.
Ce Samuel Mayrde que nous venons de créer se présente comme un “critique de cinéma”, en quatrième de couverture de la bouse qu'il essaie de vendre. Même si on connaît son vrai nom et qu'on cherche du côté de Goux Gueule, on ne trouve rien : ce type n'existe pas. C'est la moindre des choses : les “critiques de cinéma” n'existent pas, même quand on connaît leur nom. Les critiques de cinéma sont de pâles reflets d'intelligence, et le pire est qu'ils le savent très bien.
Samuel Mayrde, lui, est un pauvre inutile qui a eu une fausse bonne idée : publier une biographie de Jean Dujardin. Dans sa préface, il avoue qu'elle est “non autorisée”. Comprenez ceci, en langage courant : il n'a jamais rencontré Dujardin, il s'est contenté de compiler des articles de presse et de sites internet – il a tenté un coup de fric, en gros. Je vous assure d'une chose : il va se ramasser, notre ami Mayrde ; j'espère pour lui qu'il a soutiré le maximum d'à-valoir à Balland (c'est l'éditeur), parce que son opuscule ne dépassera pas les mille exemplaires – et je me sens l'âme généreuse.
Si Samuel Mayrde avait passé une semaine – deux, à la rigueur – à boutiquer cette méchante compilation, je ne pourrais décemment pas le lui reprocher : j'ai déjà fait la même chose. La différence est que, moi, quand je me lance (ou plutôt me lançais) dans ce genre de projets, je le faisais en bon français, alors que Samuel, quand il cesse d'écrire plat c'est pour tomber dans de ridicules boursouflures de manque de style qui, finalement, produisent un résultat assez drôle.
Mais il n'y a pas que cela. Samuel Mayrde est avant tout un progressiste, un type qui a bien pigé à quels lambeaux d'idées il fallait se raccrocher pour se vendre, et qui tient à le faire savoir. Et il y va. Pas à chaque page, mais pas loin. Il est de gauche, il est moderne, il veut passer chez Ruquier, il le dit à claire et haute voix (sans le dire, évidemment). Si demain, pour passer à la télé, il convenait d'être de droite, d'extrême-chose, martien ou je ne sais quoi, il rajouterait les paragraphes idoines à son méchant petit bouquin.
Et, du coup, Samuel Mayrde (dont on comprend au bout de vingt pages que son sujet – Jean Dujardin – ne l'intéresse absolument pas) ne perd aucune occasion de dévier et de raconter n'importe quoi, du moment qu'il s'agit de prouver que lui, Samuel, est dans le sens du courant. J'aurais mille exemples de la sottise pontifiante de notre ami ; je vous propose ce paragraphe, pris à la page 128 de “l'ouvrage” (j'en ai coché dix autres, aussi ridicules, mais il faut bien choisir, n'est-ce pas ?) :
« Jean Dujardin, sous les traits de OSS 117, nous paraît être un butor. L'est-il plus que ces citoyens helvètes qui font interdire par référendum la construction de minarets ? Jean Dujardin a le mérite de nous interpeller. »
Voilà. Jean Dujardin est un type dont, personnellement, je n'ai rien à faire, ni dans un sens ni dans l'autre. Une chose dont je suis sûr est qu'il n'a jamais fait chier personne avec ses opinions politiques personnelles, contrairement aux guignols abonnés aux émissions de Ruquier sus-évoquées.
Mais c'est sans importance, puisque, redisons-le, ce sous-produit de 250 pages ne parle pas de Jean Dujardin, dont il ne nous apprend rigoureusement rien. En revanche, il est très bavard à propos de son auteur.