Je sais, c'est difficile. Riton-la-pipe – dont nous parlions hier –, c'est ce qu'il y a de plus nauséabond, dans le souvenir de cette France d'avant. C'est San-Antonio, une photo noir et blanc, des gamins en culottes courtes et tous terriblement européens, etc. Alors que Jamel c'est la France d'aujourd'hui, en couleur, souriante,
sympa, ouverte sur l'ouverture, citoyenne à s'en pisser parmi. Jamel, c'est la France de demain même si t'en veux pas, connard de commis charcutier.
Néanmoins, Jamel, c'est aussi la France qui aime le Maroc. Pas le peuple : le roi. Ce Mohammed VI dont on nous dit qu'il n'est pas forcément le démocrate forcené qu'on aimerait voir en lui. Par exemple, il y a des filles qui ont des choses à dire sur ce qui se passe au Maroc.
Celle-ci, par exemple. On laissera de côté la
vomition des écolos présents à cette tribune, mais on me fera le plaisir d'écouter cette jeune femme d'un bout à l'autre.
Jamel, l'homme rigolo à la main dans la poche, celui qui est aussi-français-que-toi-et-moi, qui a joué le rôle d'un combattant de la dernière, d'un libérateur du territoire avec une seule main (c'est dire le niveau de crédibilité de ce film de propagande stalinoïde), qui peut parler des banlieues parce qu'il y a vécu quelques années avant de devenir millionnaire en euros, vient de dire qu'il aimait d'amour Martine Aubry. Il y a cinq ans, il aimait Ségolène Royal du même amour. : peu importe. Il nous dit surtout que si on vote pour qui on veut, c'est-à-dire pour qui lui ne veut pas, Sa Majesté va s'exiler. Personnellement, j'en tremble. Je me souviens, j'avais déjà tremblé quand cet abruti de Noah avait dit la même chose, avant de n'en rien faire : je ne veux pas que la France perde ces sommets personnifiés – pour rien au monde – mon pays dépend d'eux, rendez-vous compte.
Et surtout pas Jamel Debbouze. Parce que Jamel, contrairement à ces résidus antéfrançois dont je crains de faire partie, est vachement partie prenante de la démocratie – en général – et des démocraties – en particulier. L'homme à la main dans la poche, par exemple, tient beaucoup à ce que s'établisse la démocratie en Tunisie, ou en Égypte, ou en Libye. Et surtout, il trouve que la France devrait cesser de martyriser les immigrés dont il essaie de nous faire croire qu'il fait partie. Ça lui fait mal, à Jamel, de voir à quel point nous tyrannisons nos Arabes.
En revanche, il semble tout à fait mythridatisé pour ce qui concerne le sort des Marocains qui osent ouvrir leur gueule en ce moment, juste sous ses oreilles. Et qui, si j'ai bien compris, le paient au prix fort. On a l'impression que les gueulardes du genre de Zineb Razhoui, ça ne l'empêche pas de digérer tranquillement, notre milliardaire aubryesque. Il est vrai que Jamel organise, sourire aux lèvres et main dans la poche, des festivals du rire à Marrakech : en effet, il y a de quoi rire, surtout à Marrakech. Il est possible que Jamel n'ait jamais eu l'occasion de rencontrer Zineb, après tout : ils ne vivent pas tout à fait dans le même monde, excusez-le, notre gnome amusant.
Il lui reste d'être un garçon sensible : si on ne vote pas bien, ça lui fera tellement de peine qu'il nous a déjà menacés de s'expatrier. Il n'a pas dit où, notez. Mais on devine que ce sera vers un pays où, contrairement à cette France où il est né par hasard, on respecte les droits de l'homme, du citoyen, de l'immigré, du milliardaire-qui-passe-à-la-télé, du manchot qui joue les combattants et les libérateurs, etc. Le Maroc, par exemple. Ce pays merveilleux dont le prince est un enfant – et où on peut placer son argent sans trop risquer de le perdre.
Petit con.