lundi 30 janvier 2017

Tu parles, Charles !


Parce qu'il fut question de Darwin en décembre

samedi 28 janvier 2017

Tu reviendras à Robert Rodriguez


N'hésitons pas à le dire liminairement (Catherine devrait rapidement m'appeler son liminaire céleste, je pense) : Robert Rodriguez est le meilleur cinéaste vivant ; en tout cas celui qui donne naissance aux films les plus réjouissants – ou jubilatoires, pour jargonner comme mes ex-confrères. Par Wikipédia, j'apprends qu'il a vu le jour en 1968 et mesure 1,87m : cela lui fait un point commun avec votre serviteur, je vous laisse deviner lequel, hélas. On apprend aussi que, né à San Antonio, Texas, il est d'ascendance mexicaine, ce qui ne surprendra personne, au vu de son nom ridicule (on ne peut pas s'appeler Robert Rodriguez, bon sang ! pas plus que Marcel Kurosawa ou Karl-Heinz Perrichon).

Depuis un quart de siècle, notre Chicano-texan a œuvré dans différents genres. Les deux où il réussit le mieux sont d'une part ce que j'appellerais le burlesque horrifique, et d'autre part une ultra-violence volontairement outrancière, qui n'est pas sans rappeler Bip-Bip et Vil Coyotte, ou encore certains dessins animés de Tex Avery. Dans ce dernier genre, je recommanderai le diptyque Machete et Machete kills, avec Danny Trejo, qui est par ailleurs le cousin de Robert. Comme souvent chez Rodriguez, on y croise d'assez nombreuses vedettes (De Niro, Steven Seagal, Don Johnson, Bruce Willis, Quentin Tarantino et d'autres), visiblement ravies de venir camper de véritables ordures durant deux ou trois scènes. On peut aussi se risquer du côté de Desperado, dont la vedette est Antonio Banderas.

Pour ce qui est du burlesque horrifique, deux titres s'imposent ; d'abord Une nuit en enfer, film de vampires totalement à l'ouest (du Pecos) mettant en scène George Clooney, Harvey Keitel, Juliette Lewis et Quentin Tarantino (avec une brève mais commotionnante apparition de Salma Hayek), qui se retrouvent coincés dans une sorte d'immense “bar à sang” où ils doivent tenir jusqu'au lever du jour ; ensuite, on ne manquera sous aucun prétexte Planète terreur. Comme le titre le suggère, il s'agit d'un hommage aux séries B des années soixante et soixante-dix, que l'on projetait dans les cinémas dits “de quartier” (rappelons pour les moins de 50 ans qu'à l'époque le mot “quartier” s'employait au singulier et n'était nullement synonyme de casbah ou de village nègre). L'hommage est aussi réaliste que possible, puisque l'image a tendance à trembler un peu (par moment…) et à être traversée de zébrures et de points lumineux intempestifs (là encore, à certains instants judicieusement choisis). Le clou est, aux deux tiers du film, lorsque la pellicule prend carrément feu et qu'un panonceau intercalaire nous prévient qu'une bobine est manquante ; moyennant quoi, effectivement, on se retrouve avec un gros “blanc” dans le déroulement de l'intrigue, des personnages qui étaient séparés se retrouvent au même endroit, d'autres qui vaquaient sur leurs deux jambes agonisent sur un grabat, etc., sans qu'aucune explication ne soit donnée, ce qui est rigoureusement sans importance, vu le côté foutraque du scénario. Dans cette joyeuse pochade, où un gaz secret fabriqué par un ignoble militaire (Bruce Willis) transforme les gens en monstres pustuleux, avides de bouffer votre cervelle (et davantage si gros appétit), on retrouve le petit Freddy Rodriguez, qui n'a pas de lien de parenté avec Robert et que connaissent bien ceux qui ont regardé la série Six feet under ; il y a aussi l'indispensable Quentin Tarantino, en violeur psychopathe. On notera que, pour accroître encore le côté “séance de quartier”, Rodriguez propose, au début du film, une bande-annonce, avec Danny Trejo ; laquelle bande deviendra Machete trois ans plus tard : c'est probablement le seul cas, dans l'histoire du cinéma, où une bande-annonce a entraîné la réalisation du film lui correspondant, et non l'inverse.

Si après ça vous n'êtes pas convaincu de vous y précipiter, vous pouvez toujours vous rabattre sur l'un ou l'autre de ces films français “de fille”, mettant en scène des trentenaires-qui-s'interrogent-sur-leur-couple-et-leur-désir-d'enfant : c'est tout ce que vous aurez mérité.

mercredi 25 janvier 2017

Michel Houellebecq ou la bourde présidentielle


À la page 235 de La Carte et le Territoire, on tombe sur une énorme bourde, due évidemment à Houellebecq lui-même, mais qui semblerait prouver en outre que, chez les éditeurs en général et chez Flammarion en particulier, les livres sont relus par des gougnafiers, voire pas relus du tout. Voici ce qu'on trouve : « Il se souvenait également [Jed Martin] de “La force tranquille”, ce slogan inventé par Jacques Séguéla qui avait permis, contre toute attente, la réélection de François Mitterrand en 1988. Il revoyait les affiches représentant la vieille momie pétainiste sur fond de clochers de villages. Il avait treize ans à l'époque, etc. » Or, c'est évidemment en 1981 que ce slogan a permis non la réélection mais l'élection de Mitterrand. Que Houellebecq se soit emmêlé les crayons, c'est tout à fait plausible, et même compréhensible ; ce n'est en tout cas pas moi qui lui jetterai la pierre : d'un bout à l'autre du Chef-d'œuvre, à propos de Charlie et de son père, j'ai imperturbablement confondu les Kabyles avec les Berbères sans jamais m'en apercevoir, à aucun moment de l'écriture ni dans l'une ou l'autre de mes nombreuses relectures. Mais au moins, là, c'était une bourde que le correcteur des Belles Lettres n'avait aucun moyen de détecter (Charlie, après tout, aurait très bien pu être réellement kabyle…). Tandis que la confusion entre les deux élections de “la vieille momie pétainiste” aurait dû sauter aux yeux de n'importe qui, à plus forte raison d'une personne dont c'est le métier de traquer ce genre d'absences. Du boulot de Berbère, quoi.

(Depuis une semaine, je fais l'expérience de relire les six romans de Houellebecq, dans leur ordre chronologique et sans la moindre interruption entre chaque : lecture massive qui permet de dégager quelques lignes de force, pas forcément apparentes en mode “lecture courante”, et de constater que ces six livres sont fortement liés les uns aux autres, chacun agissant comme une rampe de lancement pour le suivant. Je parle de tout cela de manière plus développée dans le journal – parution prévue le 27 février – depuis quelques jours, mais ne pense pas que j'aurai la patience de tout reprendre pour en faire un billet…)

mardi 24 janvier 2017

Salon d'attente


Non, rien… c'est seulement que j'en avais un peu assez de tomber sur le râtelier jaunissant de Son Éminence Lévy (je sais, ça sonne bizarre ; presque aporétique…), chaque fois que j'ouvrais ce blog. Il fallait tourner la page… Mais, comme je n'ai, malgré d'intenses efforts cérébraux, trouvé d'inspiration pour vous écrire le moindre poulet, laissez-moi, en guise d'amuse-esprit temporaire, vous proposer ce petit Poussin.

vendredi 20 janvier 2017

Bernard-Henri et moi

Bernard-Henri Lévy tentant de se faire la tête d'Élie Wiesel.

Comme je m'y attendais plus ou moins, mon dernier billet a provoqué une sorte de mini-bronca chez certains de mes commentateurs habituels, qui ont trouvé que j'avais fait preuve, envers Bernard-Henri Lévy, d'une excessive bienveillance. Voici, par exemple, ce que m'écrivait avant-hier, dans un himmel, l'excellent Jacques Aboucaya : « Si les lettres houellebecquiennes présentent un intérêt certain parce qu'elles respirent, si je puis dire, le “premier degré”, celles de son interlocuteur me semblent beaucoup plus fabriquées, artificielles. J'ai eu l'impression qu'il adoptait une posture, ce qui est bien dans la manière d'un personnage pour lequel je vous trouve plutôt mansuet...  » Cela étant, juste après ces lignes, leur auteur précisait qu'une nouvelle lecture d'Ennemis publics ne serait sans doute pas superflue, pour, peut-être, nuancer voire contredire son impression initiale. D'autres honorables correspondants se montraient moins amènes, affublant le sieur Lévy des épithètes malsonnantes qu'on lui accole généralement ; et, du même coup, daubaient un peu sur mon compte, moi le gogo qui m'étais laissé prendre dans les rets d'un escroc de cette envergure.

Ils ont peut-être raison ; et je sais bien, depuis fort longtemps, à quel point il convient de mépriser le personnage, ou au moins d'afficher hautement ce mépris commun. Je noterai, de façon liminaire, qu'il est tout de même curieux de voir tant de gens se préoccuper si fort et si régulièrement d'un individu dont ils professent à grand bruit la complète inexistence. Cela écrit, il me faut confesser une chose : je n'ai jamais lu le moindre livre de Bernard-Henri Lévy ; ni même un chapitre d'aucun ; pas le moindre petit paragraphe. Je ne l'ai jamais non plus écouté ni regardé lorsqu'il passe à la télévision, ou alors deux minutes, le temps d'un zappage express. Tout au plus ai-je dû lire une douzaine des Bloc-note qu'il publie chaque semaine dans Le Point : aucun ne m'a jamais soulevé d'enthousiasme, mais je n'y ai pas trouvé non plus matière à détestation de leur signataire. En résumé, je puis dire que je ne connais pas Bernard-Henri Lévy et que, de ce fait, je n'ai aucune prévention contre lui : c'est à peu près dans cet esprit que j'ai abordé la lecture de sa correspondance croisée avec Michel Houellebecq.

Je dis “à peu près” car, tout de même, les deux épistoliers n'étaient pas égaux sur la ligne de départ ; d'abord parce que je connais assez bien et aime beaucoup l'œuvre de Houellebecq, ainsi que l'homme qu'il semble être ; ensuite parce que, malgré tout, les flots d'injures déversés sur la tête de Lévy depuis plusieurs décennies étaient parvenues jusqu'à mes oreilles et avaient bien sûr tendance à m'influencer  au détriment de l'écrivain. Ce sont d'ailleurs elles, ces injures, qui, par une sorte d'effet de retour, m'ont fait éprouver une agréable surprise en découvrant ses lettres. Bien sûr – et je l'ai dit dans mon billet précédent –, M. Aboucaya n'a pas tort lorsqu'il note que Lévy ne peut s'abstenir d'une certaine esbroufe, de prendre la pose ; mais il m'a semblé, à moi, que cette tendance à ne jamais se défaire de son armure, à toujours se considérer comme sa propre statue et, donc, à refuser de se risquer au bas de son cheval ni de son socle, tout cela faisait partie de lui, intimement ; et que, par conséquent, c'est peut-être en jouant le jeu du naturel et du “sans façon” qu'il serait devenu artificiel. 

Au fond, la seule chose que je pourrais reprocher à Bernard-Henri Lévy – mais elle est essentielle à mes yeux –, c'est que ses lettres à Michel Houellebecq ne m'ont à aucun moment donné envie d'ouvrir l'un ou l'autre de ses livres. Ce qui revient, finalement, à me montrer nettement plus implacable que tous ses détracteurs habituels, ma sentence n'étant rien d'autre, à ma minuscule échelle, qu'un arrêt de mort.

mardi 17 janvier 2017

Ennemis publics


J'y suis allé un peu en traînant les pieds ; pas tout à fait comme un électeur de gauche se préparant à voter pour Chirac en mai 2002, mais pas loin. Du reste, lorsque ces Ennemis publics avaient paru, en 2008, ils avaient été le premier livre signé par Michel Houellebecq que je renonçai à lire. C'est, on l'aura sans doute compris, qu'il ne le signait pas seul…

Qu'est-ce qui m'a fait changer d'avis ? La lecture du Cahier de L'Herne, probablement, où il est fait allusion à cette correspondance d'un genre particulier. J'ai donc sauté le pas (et, croyez-moi, sauter le pas tout en traînant les pieds, voilà qui n'est pas donné à tout le monde…) ; en me disant que je pouvais bien, compte tenu de mon amour pour lui, faire à Houellebecq ce menu sacrifice de lire aussi les lettres de Bernard-Henri Lévy : après tout, les siennes étaient peut-être son chef-d'œuvre, comment le savoir ?

La très-excellente surprise de ces trois cents pages est qu'il n'y a rien à en jeter. Les lettres de Houellebecq sont sans doute les meilleures, les plus rageuses, les plus sombres, les plus émouvantes aussi, parfois (suis-je bien objectif ?) ; mais celles de Lévy se maintiennent à une hauteur d'intérêt tout à fait respectable. Certes, il ne peut pas complètement s'empêcher de matamoriser, lorsqu'il parle de ses guerres ou de ses croisades ; cependant, il joue le jeu du débat, l'échange est sans complaisance excessive de part ni d'autre ; et bien qu'il ait averti d'entrée de jeu son correspondant qu'il était absolument rétif à ce que tous les deux appellent la “littérature de l'aveu”, Lévy semble néanmoins parvenir à fendre un tant soit peu la carapace. Je dis “semble”, car il se pourrait qu'il s'agisse d'une habileté calculée de sa part. D'un autre côté, pourquoi l'évidente sincérité dont paraît faire preuve Houellebecq ne serait-elle pas, elle aussi, le produit du talent et d'une certaine rouerie ? Après tout, cette correspondance de six mois a été entreprise dans le but, reconnu dès le départ, d'une publication immédiate, dès la dernière missive écrite.

Mais le lecteur candide que je sais être parfois a d'emblée décidé d'ouvrir aux duettistes une ligne de crédit illimité ; et il s'en est, ma foi, fort bien porté.

mardi 10 janvier 2017

Houellebecq diffracté

Le Cahier de L'Herne consacré à Michel Houellebecq – reçu ce matin et, donc, simplement feuilleté, humé, pour l'instant – présente les qualités et les défauts de cette publication bien connue ; lesquels procèdent d'ailleurs tous deux d'une même cause, qui est la multiplicité des contributeurs. L'avantage de ce foisonnement d'esprits divers, c'est que cela donne, à la lecture, une impression de… foisonnement ; aussi bien dans les styles que dans les thèmes abordés, les éclairages, les angles, etc. Son inconvénient est que cela rend la qualité de l'ensemble pour le moins hétérogène : si certains intervenants semblent avoir réellement quelque chose d'un peu original à dire sur l'écrivain pris pour cible, d'autres, moins inspirés, se contentent de délayer de plates explications de texte, à peine supérieures à ce qu'on pratiquait en classe de terminale, au temps où les lycées de France faisaient autre chose que de la garderie. Enfin, il y a les pas-inspirés-du-tout qui, pour dissimuler le vide, l'emplissent de phrases amphigouriques et péremptoires, laissant au lecteur une irritante impression de sottise : la sienne ou celle de l'auteur, c'est péniblement indécidable. Mais enfin, n'y aurait-il d'intéressant qu'un tiers de ces presque quatre cents pages – et il me semble en avoir compté davantage –, cela vaudrait encore la peine.

D'autant que, au fil du volume, on tombe à plusieurs reprises sur Michel Houellebecq en personne, soit pour des textes inédits, soit pour des articles publiés à l'origine en revues et devenus difficiles à trouver, surtout si, comme moi, on ne prenait pas la peine de les chercher. Je me suis arrêté dans mon feuilletage sur une double page intitulée La Fête, datant de 2009. Il s'agit d'un texte emblématiquement houellebecquien, c'est-à-dire profondément déprimant et d'une irrésistible drôlerie. En six paragraphes assez courts, il examine les différents types de fêtes que l'on est amené à subir et les effets ravageurs qu'elles ne manquent jamais d'avoir sur ceux qui ont eu la faiblesse d'y participer. Le tout est surmonté d'une sorte de chapeau, que je vous livre en guise de cerise :

« Le but de la fête est de nous faire oublier que nous sommes solitaires, misérables et promis à la mort : autrement dit, de nous transformer en animaux. C'est pourquoi le primitif a un sens de la fête très développé. Une bonne flambée de plantes hallucinogènes, trois tambourins et le tour est joué : un rien l'amuse. À l'opposé, l'Occidental moyen n'aboutit à une extase insuffisante qu'à l'issue de raves interminables dont il ressort sourd et drogué : il n'a pas du tout le sens de la fête. Profondément conscient de lui-même, radicalement étranger aux autres, terrorisé par l'idée de la mort, il est bien incapable d'accéder à une quelconque exaltation. Cependant, il s'obstine. La perte de sa condition animale l'attriste, il en conçoit honte et dépit : il aimerait être un fêtard, ou du moins passer pour tel. Il est dans une sale situation. »

Un peu plus bas, dans le paragraphe intitulé Réunis pour s'amuser, Houellebecq assure que, dans les bals populaires, boîtes de nuit, boum”, etc., l'homme qui parvient à la pénétration d'une femme « ressent alors quelque chose d'analogue au claquement de la partie gratuite sur les anciens flippers ». 

Michel Houellebecq est le grand romancier de notre époque.

mardi 3 janvier 2017

Sur place ou à emporter ?


La cabane à graines, c'est un peu comme un Mac Do suspendu : chacun y consomme à sa convenance, ou selon les exigences de sa race. Les chardonnerets, de plus en plus nombreux à mesure que l'hiver gagne en intensité, sont adeptes du “sur place” : quand l'un arrive à la mangeoire, tel celui de la photographie, on peut être sûr, si rien ne vient le perturber, qu'il ne quittera pas la place avant d'être rassasié. Les mésanges, par contre, aussi bien charbonnières que bleues (une de chaque sorte sur la photo) pratiquent un “à emporter” de stricte observance : elles arrivent, se posent, piquent rapidement une graine de tournesol et s'envolent pour aller banqueter plus loin ; certaines se contentent de monter dans le cerisier de deux ou trois branches, d'autres disparaissent dans le verger des voisins ; avant de revenir une minute plus tard quérir une nouvelle graine : un repas très physique, comme on voit. Il y a aussi ceux que l'on pourrait appeler les miséreux – moineaux, pinsons, rouge-gorge essentiellement –, qui se contentent de picorer les graines tombées au pied de l'arbre, sans jamais oser s'inviter au restaurant lui-même : ils “font” les poubelles du fast-food, en quelque sorte. Heureusement pour eux, le gâchis est d'importance, notamment grâce aux verdiers.

J'ai déjà évoqué ici même ces oiseaux qui ne se déplacent qu'en bande et que nous avons surnommés les cailleras, pour ce qu'ils passent plus de temps à s'empêcher les uns les autres d'accéder à la mangeoire qu'à se nourrir ; résultat prévisible de leurs incessantes chicanes : ils font tomber force graines par terre, dont profitent nos miséreux. L'ardeur des verdiers à se battre entre eux, jointe au fait qu'ils semblent néanmoins inséparables et toujours prêts à s'allier contre les mésanges et les chardonnerets, tout ce modus vivendi nous a conduits à l'hypothèse que, peut-être, comme chez certains mammifères affligés de bipédie, il y aurait des verdiers chi'ites et des verdiers sunnites, ce qui expliquerait l'ambiance particulière qu'ils instaurent dès qu'ils arrivent. Nous formons régulièrement des vœux pour qu'il n'existe pas de verdiers salafistes, car l'idée de voir le jardin parcouru en tous sens par de petites bombes volantes n'a rien de rassurant.

Il faudrait aussi parler des merles et de leurs merlettes, chez qui l'ornitho-féminisme ne semble pas encore avoir répandu ses bienfaits ; mais on verra une prochaine fois : pour l'heure, ma propre mangeoire m'attend pour y casser une petite graine.