mardi 29 novembre 2016

Bouge ta guérite, que je voie le port


C'est à la fin d'octobre que je suis rentré au garage…

dimanche 27 novembre 2016

Les cocus de babord


Depuis lundi matin, tout comme vous, je lis avec un intérêt teinté d'amusement les blogs des grands stratèges de la gauche, qui échafaudent de fort subtiles constructions, à propos du vote de ce jour, et appellent à y participer massivement. En gros, il me semble qu'ils se partagent en deux groupes d'importance à peu près égale : les optimistes d'un côté, les pessimistes (ou réalistes…) de l'autre. Chez les premiers, on appelle tous les progressistes à voter en faveur de François Fillon, au prétexte que, héraut de la droite, il serait un adversaire plus facile pour François Hollande – lequel n'est même pas encore candidat à sa propre primaire, mais passons. Chez les seconds, partant de la constatation que le futur champion socialiste a autant de chances de se retrouver au second tour que moi de chanter les bienfaits du vivre-ensemble, on préconise de voter pour Alain Juppé, arguant du fait qu'il ne fera guère plus, une fois à l'Élysée, que récupérer la très-fameuse boîte à outils de l'actuel président, pour en faire un usage tout aussi infinitésimal. Ces deux groupes étant apparemment à peu près égaux en nombre, il va résulter de ce “noyautage” satanique des primaires nauséabondes qu'ils n'en feront pas bouger le résultat d'un iota, mais que, en revanche, ils auront bien contribué à remplir la caisse du futur candidat de la droite, qui pourra ainsi, grâce à leurs piécettes accumulées, organiser tout un tas de petits meeting rigolos, avec drapeaux tricolores et musique de merde. Le moindre des savoir-vivre, je pense, serait d'aller à notre tour voter en lourdes cohortes à leur primaire à eux autres, afin de tirer leur porte-étendard d'une gêne financière qui, au bout du compte, serait embarrassante pour tout le monde.

vendredi 25 novembre 2016

Ne lâche pas la rampe, Zébulon !


Mon cher Ali Zébulon (on est entre nous, n'est-ce pas ?), on dirait bien que tu as réalisé pleinement ton vœu le plus ardent, ta plus essentielle aspiration, à savoir te faire aimer de la gauche ; et tu dois être bien aise d'entendre les sanglots et les bêlements désespérés de tous les progressistes à nœud rose, depuis ta gamelle d'anthologie de dimanche dernier, face au redoutable Adolf qui nous menace de son goupillon giclant l'acide sulfurique par tous ses petits trous bénits. C'est toi qu'ils voulaient comme président, et certainement pas l'autre gestapiste en costume sur mesure ! Du coup, te voilà bien désolé de ne pouvoir sans doute pas leur accorder cette légitime satisfaction. Mais tout n'est pas perdu, tu peux encore rebondir.

Pour accéder à l'Élysée, il te reste l'itinéraire de délestage : la primaire de la gauche. Je fais le pari que si tu viens frapper à leur porte, NKM roulée sous le bras, les camarades vont t'accueillir comme le Messie (oh ! pardon…), comme la grosse bouée dont ils ont besoin pour se sortir du marasme gluant dans lequel ils s'enfoncent de manière inexorable en glapissant et agitant leurs petits bras, tels des sémaphores-en-gueule. Et je suis bien certain que tu triompheras dès le premier tour de la bande de marionnettes effilochées qui auront été assez téméraires pour oser l'affronter. Le meilleur d'entre nous sera devenu le meilleur d'entre eux, et ainsi sera lavé l'affront de la primaire à droite, dans laquelle tu es allé te fourvoyer d'une manière qui me reste inexplicable ; mais il est vrai que je n'entends pas grand-chose à la haute politique.

mercredi 23 novembre 2016

Les pédés sont-ils des cons ?


Personnellement, jusqu'à ces jours derniers, j'aurais, à la question de mon titre, répondu “non” sans barguigner ; d'abord parce que je le pense, et ensuite parce que je ne veux pas d'ennuis avec la bigoterie ambiante. Mais depuis la dernière campagne de prévention du sida, lancée par le ministère de la Santé – donc par nous, en quelque sorte, ou au moins en notre nom –, je me pose des questions, forcément. Il me souvient fort bien que, dès l'apparition de ce mal mystérieux dont on cache le nom, comme chantait l'autre, c'est-à-dire au début des années quatre-vingt, les homosexuels se sont retrouvés les premiers sur la ligne de départ. À ce titre peu enviable, voilà donc plus de trente ans qu'ils sont informés et surinformés, de manière fort précise, sur les risques qu'ils encourent et la façon simple de les contourner. La plupart des jeunes homosexuels d'aujourd'hui n'ont même jamais connu un monde sans sida, on pourrait presque dire qu'ils sont nés avec déjà un préservatif déroulé le long de leur problématique appendice. Néanmoins, pour Mme Touraine (Marisol En Si, pour les intimes), il est plus que jamais nécessaire d'informer ces braves déviants qu'il sévit en nos murs une maladie nommée sida et que, ô étrange découverte ! il existe un petit ustensile appelé préservatif qui, comme son nom l'indique, permet de s'en préserver ; ce que ces bas du front ignoraient bien évidemment, ou alors ils avaient oubliés (on connaît la puérile insouciance de ces gens-là, n'est-ce pas ?). 

En revanche, Mme Marisol En Si n'a pas jugé bon de rappeler aux hétérosexuels qu'ils étaient exposés aux mêmes dangers exactement : chez ceux-là, les retardataires devront tâcher de s'informer tout seuls. Il est vrai que couvrir tous les abribus de photos montrant des blondes alanguies ou des brunes volcaniques se faisant peloter les seins juste avant d'aller à la saillie, voilà qui aurait donné une image honteusement dégradée de la femme. Alors que la même chose avec deux barbus pâmés et multiraciaux, c'est vrai, c'est frais, c'est fun. Au point que l'on se demande bien quelle mouche a pu piquer le maire d'Aulnay-sur-Bois, pour qu'il aille s'indigner de si vivifiants tableautins. Et qu'on ne tente pas de me faire croire que sa colère aurait pu être motivée par le fait que les populations résolument bigarrées représentant une part grandissante de sa commune ont tendance, elles, à ne trouver ces pratiques ni très fraîches ni très fun, comme elles le prouvent sans la moindre ambiguïté dans tous les pays où elles ont les moyens de les réprimer ! Je ne mange pas de ce pain-là.

samedi 19 novembre 2016

Va voter et remonte du pain !


Et si on allait y voter, à leur bon sang de primaire ? L'idée a point lorsque je me suis aperçu, entre poire et fromage, que nous disposions d'un bureau idoine à Pacy-sur-Eure, où il fallait bien descendre chercher une baguette fraîche ; la décision fut prise, pour ainsi dire dans la foulée. Comme nous sommes un couple uni, nous voterons évidemment pour le même primate. Lequel ? À vous de deviner.

jeudi 17 novembre 2016

La Pente et l'Abîme

Passionnantes et admirables sont les Choses vues de Victor Hugo, au moins dans leur première moitié (à compter du départ pour l'exil, les séjours à Jersey puis Guernesey ne lui donnent plus que de fort rares choses à voir, et, donc, l'intérêt des notes s'en ressent fâcheusement). Quand il s'abstient de poser au visionnaire – ce Hugo qui plaît tant aux progressistes d'aujourd'hui – et de buriner sa propre statue, il fait preuve d'une acuité de regard étonnante et, bien entendu, d'une formidable capacité de restitution, une fois la plume en main. Les images sont à la fois précises et évocatrices – ce qui, du reste, est le propre d'une image bien trouvée –, comme lorsqu'il dit, de deux médiocres statues descendues de leurs piédestaux et abandonnées dans l'herbe à l'aplomb d'un mur, qu'elles ont un faux air de tragédies sifflées.

Le 16 mai 1841, Hugo note cette remarque que vient de lui faire Émile de Girardin : « Ce qui est le plus dangereux et qu'il faut le plus craindre, ce n'est pas l'abîme, c'est la pente. » Les esprits lucides de notre temps verront tout de suite à quel point l'observation est juste. Et les plus désabusés d'entre ceux-là ajouteront peut-être, mais à voix basse, comme pour eux-mêmes, sachant l'inutilité de leur prédiction, que les deux ne sont pas inconciliables et que certaines pentes, raidement descendantes, déboucheront finalement sur l'abîme.

mardi 15 novembre 2016

Nino Ferrer et Paul Morand

Le verve burlesque n'est pas, quand on se plonge dans l'œuvre de Paul Morand, ce qui frappe d'abord ; pourtant, elle existe bien. Pour la trouver, il faut ouvrir le roman qu'il écrivit en 1933 et qui s'intitule France-la-Doulce, lequel a fait beaucoup pour asseoir à notre époque sa nauséabonde réputation. De quoi s'agit-il ? D'une satire, on pourrait presque parler de “pochade”, se déroulant dans le milieu cinématographique parisien de ce début des années trente. Morand sait de quoi il parle puisque, l'année précédente, il a travaillé à une adaptation de Don Quichotte, que devait tourner le grand cinéaste allemand Pabst, et qui lui a valu un certain nombre de frustrations, agacements et déboires. Dans le roman, un petit groupe de producteurs, évidemment désargentés mais furieusement cosmopolites, se met en tête de tourner une adaptation de La Chanson de Roland. Le but n'est évidemment pas de faire œuvre artistique, mais simplement  de renouveler les traites des films précédents. Et l'on va suivre, durant 150 pages, les tribulations de ce film – de ce bateau ivre, devrais-je dire –, depuis le lancement de l'idée jusqu'à la première aux Champs-Élysées, en présence du président du Conseil.

Pourquoi France-la-Doulce a-t-il valu et vaut encore à Morand de subir les foudres des habituels foutriquets tonnants (les foudriquets) ? Parce que les producteurs du film, douteux chevaliers d'industrie, sont presque tous des Juifs d'Europe de l'Est, lesquels ne cessent d'affluer à Paris depuis que, à Berlin, un certain Adolf Hitler a été nommé chancelier. Que Paul Morand ait été antisémite, cela ne fait guère de doute. Mais son roman l'est-il ? Ma réponse est : non. D'abord, tous les financiers gentiment crapuleux qu'il fait s'agiter ne sont pas juifs : il y a aussi un Grec, un Roumain, deux trois Arméniens, etc. Sans parler des acteurs et des techniciens du film qui, eux, sont irréprochablement “de souche” et n'en sont pas moins fort bien assaisonnés. Ensuite, qui viendra nier que, à cette époque, aussi bien en France que du côté de Hollywood, les Juifs étaient particulièrement présents, et féconds, dans le monde du cinéma ? Enfin, même si l'on se focalise sur notre petit groupe de producteurs sémites, il convient de noter qu'ils sont extrêmement drôles et, au bout du compte, très attachants, car animés par un féroce appétit de vivre et un optimisme jamais pris en défaut : par moment, le lecteur a l'impression de voir évoluer les cousins (ayant plutôt mal tourné, je vous l'accorde) des Valeureux d'Albert Cohen, qui naissent à la même époque. Des caricatures ? Oui, certes. Mais tout le roman, j'y insiste, est une satire, une bouffonnerie, et on serait mal avisé, je crois, de s'appuyer sur lui pour établir l'antijudaïsme de Morand : Mangeclous fait-il de Cohen un antisémite ? Taxe-t-on Alfred Jarry d'antiroyalisme sous prétexte qu'il a donné vie au Père Ubu ?

Reste une question, dont je vois bien que l'on brûle de me la poser : que signifie l'intrusion de Nino Ferrer dans cette histoire ? Elle vient d'une réplique trouvée à la page 433 des œuvres romanesques de Morand dans la Pléiade. Elle est dite par Hermeticos, le producteur grec qui, à l'instar du baron de Nucingen et de Schmucke, le fidèle ami du cousin Pons, est affligé d'un fort accent typographique ; lequel lui fait donc dire ceci : « Je son, je son au téléphon, mais person ne répon ! » D'où ma déduction, un peu hasardeuse, que Nino Ferrer avait dû lire Paul Morand, ou bien que, comme on l'assure, il arrive aux esprits taquins de se rencontrer.

vendredi 11 novembre 2016

Paradoxes et sottises de nos petits politiciens


Les politiciens n'ont nul besoin d'attendre d'accéder aux plus hautes responsabilités pour se montrer nuisibles et sots : même lorsqu'ils se contentent de grenouiller dans le marécage municipal, ils savent déjà faire la preuve de leur nullité pompeuse. Témoin celui-ci, homme de Progrès (de Lyon) bien évidemment, qui prend prétexte du jour où nous sommes pour jouer les esprits forts et, ce faisant, s'enduire d'un ridicule qui, rassurons-nous, ne le tuera pas. 

La sottise, ou la mauvaise foi, est en place dès le titre : Non aux fêtes du 11 novembre, vestige d'une guerre civile européenne. Difficile d'accumuler autant d'erreurs en si peu de mots. D'abord, aucune fête n'a jamais eu lieu le 11 novembre, mais des commémorations. (Je passe sur ce “vestige” au singulier, dont on ne sait pas à quoi exactement il se rattache.) Ensuite, il y a cette étrange guerre civile européenne, qui est un non-sens complet. Une guerre civile, nul ne l'ignore, est un conflit se déroulant à l'intérieur d'un État, ou de toute autre entité politique reconnue. On ne voit donc pas comment la guerre de 14 – 18 pourrait être à la fois civile et mondiale. En revanche, on comprend bien le “raisonnement” de M. Blachier, qui non seulement considère que l'Union européenne est d'ores et déjà une entité de ce type, mais qui, en outre, l'applique rétrospectivement à l'Europe de 1914. À ce compte, toute guerre pourra désormais être dite civile, si l'on prend pour repère le jour lointain et hasardeux où toute la terre sera unifiée politiquement. Par exemple, en Irak, les Américains ont donc mené une guerre civile mondiale.

Autre lambeau de phrase : Bien sûr je me rends aux célébrations du 8 Mai, pour célébrer celle qui fut réellement la der des der et la victoire contre le nazisme […]. Pourquoi “bien sûr” ? Mais voyons : parce que M. Blachier, en inoxydable progressiste qu'il est, reste tout entier dressé contre le nazisme, et qu'il ne peut même pas imaginer que l'on en doute. Et comme, de plus, il a vu dans sa boule de cristal aux reflets roses que cette guerre fut réellement la der des der, nous n'avons plus qu'à nous incliner. 

Du reste, M. Blachier fait preuve d'une cohérence intellectuelle que l'on devrait lui envier. Ainsi : […] évidemment je suis partisan de maintenir le souvenir, la mémoire. Mais je trouve aujourd’hui que commémorer solennellement la guerre de 14-18 est obsolète. Maintenir la mémoire sans commémorer, n'est-ce pas… 

Et pourquoi une telle commémoration est-elle “obsolète” ? Pour ceci : Déjà plus  un poilu n’est encore vivant. On s'étonne, les sans-culottes ayant sans exception trépassé depuis longtemps, que M. Blachier ne jette pas toutes ses forces citoyennes dans la lutte pour la suppression du 14 juillet. Ensuite, on revient aux errances du titre : Mais si la seconde guerre mondiale fut une victoire contre le nazisme, 14-18 fut un conflit entre nations européennes, une guerre civile entre européens. La grande cohérence intellectuelle de M. Blachier, la même qui lui faisait dire qu'il convenait de maintenir la mémoire sans commémorer, lui fait donc poser comme rigoureusement équivalents un conflit entre nations et une guerre civile. 

Et quand bien même la Première Guerre serait ce qu'en dit M. Blachier ? Il semble lui avoir tout à fait échappé que, le 11 novembre, cela n'a jamais été la guerre qu'il était question de célébrer, mais au contraire sa fin. À ce titre, il n'y a pas de différence essentielle entre le 11 novembre et le 8 mai. Lequel 8 mai ne fut qu'accessoirement une victoire contre le nazisme, et avant tout contre l'Allemagne et ses alliés (dont le Japon, qui n'était pas nazi).

Je ne résiste pas au plaisir de citer les trois dernières lignes de ce billet, dont la misère conceptuelle n'a d'égale que sa richesse d'involontaire cocasserie ; les voici : Je voudrais, qu’à la place de ce qui est pour moi une tragique guerre civile européenne [c'est bon, vieux, on a compris…], on célèbre sérieusement le 9 mai, fête de l’Europe, fête de notre nation à venir, vraie fête de notre futur à construire en ces temps incertains.

Commémorer ce qui reste à naître, fêter ce qui est à venir : s'il est un endroit où je n'aimerais pas habiter, c'est bien la tête de M. Blachier.

jeudi 10 novembre 2016

Il faut laver cet affront, mes sœurs !


Je comprends la double déception des féministes (nos “petites sœurs de parité”, disait Muray), et aussi leur amertume. Première désillusion : elles s'attendaient à voir l'une des leurs entrer à la Maison-Blanche en janvier prochain, une ère toute de caresses et de lingettes hypoallergéniques allait s'ouvrir. Une femme dans le bureau ovale, c'était l'assurance d'une politique maternante, ouatée de rose, avec tout plein de petites lumières clignotantes autour, ainsi que l'ont déjà amplement démontré dès qu'elles en ont eu l'occasion Mmes Golda Meir, Indira Gandhi, Margaret Thatcher, Benazir Bhutto, Angela Merkel et une poignée d'autres. Au lieu de ce rêve pur sucre, seconde déception, corollaire de la première : c'est une brute, un monstre, un incube antédiluvien, dont elles vont devoir, durant quatre ans et plus si affinités, supporter les saillies patriarcales et l'humour de cro-magnon.

Heureusement, je connais le moyen de leur faire relever le menton et d'accrocher de nouveau un sourire fier à leurs frimousses enchafouinées. Non, mes sœurs de combat, mes chères walkyries du partage des tâches, voir un mâle obtus et méprisant accéder aux plus hautes responsabilités des États n'est pas une fatalité. Prenez votre destin en main, relevez les robes longues et faites un beau plongeon synchronisé dans l'avenir gorgé de futur : en avril et mai prochain, dites un grand “non” à tous ces porteurs de gonades en breloques et envoyez massivement Marine Le Pen à l'Élysée. Ainsi, et ainsi seulement, pourra être, à grande eau brune, lavé l'affront américain.

mercredi 9 novembre 2016

La catastrophe américaine : graves dommages collatéraux


À peine élu, pas encore en fonction, et voici que, déjà, les dommages collatéraux tombent comme à Gravelotte, suite à l'arrivée en fanfare dans l'histoire du monde du rubicond Gremlin. C'est ainsi que, au saut du lit ou quasi, sans la moindre préparation psychologique, j'apprenais tout à l'heure qu'un quarteron de brillants intellectuels français étaient en passe de ne pas digérer leur croissant auroral, deux ou trois auraient même repoussé leur ligne de coke réveille-matin, ce qui est assez dire peur profond désarroi. Il s'agit de MM. Hanouna Cyril, Beaugrand Christophe, Minne Olivier, Cymes Michel et Starr Joey, tous penseurs appointés de la télévision française, ainsi que La Fressange Inès de, ex-portemanteau de luxe. Ne serait-ce que pas sollicitude pour ces grands sensibles, il me semble que les électeurs américains, ces brutes, auraient pu faire un petit effort.

samedi 5 novembre 2016

Au déplaisir de l'homme



Au plaisir de Dieu, donc. J'en ai lu avec beaucoup de plaisir les cinquante premières pages : je trouvais que d'Ormesson avait une façon très agréable de planter le décor du roman qui allait venir, d'en dresser le cadre, un peu comme le fait magnifiquement Balzac dans nombre de ses romans des Scènes de la vie de province. Passé la centième, il m'a semblé que, pour un roman de six cents pages, l'exposition commençait à devenir un peu large. Et j'ai finalement compris que ce que j'attendais, la mise en branle de personnages, leurs interactions, ce qui allait leur arriver, etc., j'ai compris que tout cela ne se produirait jamais. Pour la raison que d'Ormesson n'a pas écrit un roman (au sens où je l'entends, au moins), mais construit une sorte de théâtre de marionnettes, ou d'ombres chinoises, qui ne sont là que pour illustrer sommairement ce que raconte la voix off – et qui est d'ailleurs loin d'être inintéressant. En fait, pour donner une idée encore plus précise de ce livre, je dirais que son équivalent moderne le plus proche serait le “docu-fiction”, ce genre d'émissions de télévision didactiques, le plus souvent à caractère historique, où l'on illustre le propos du narrateur invisible au moyen de courtes saynètes sommairement interprétées par des figurant en costumes et muets. Encore une fois, ce n'est pas que ce que raconte d'Ormesson soit dépourvu d'intérêt, bien au contraire ; et c'est en outre écrit dans une langue agréable, quoique sans trace de génie. Mais c'est que, au bout de trois cents pages, ce déroulé de trottoir mécanique devient un tantinet ennuyeux, que le spectateur a envie de quitter son fauteuil, de sauter sur la scène, d'arracher le rideau, de pénétrer dans les coulisses,  de secouer ombres et marionnettes, d'écouter résonner les éclats de voix, les pleurs, les cris, les larmes, les grincements de dents, bref : d'entrer dans un roman ; désir dont on sent qu'il sera insatisfait jusqu'au bout. Et, du coup, ayant atteint la gage 350, on referme le livre, en se résignant d'autant mieux à n'en pas connaître la fin que, d'une certaine manière, on en est encore à attendre le début. 

mercredi 2 novembre 2016

Jacasser en attendant l'égorgement


Je crois pouvoir affirmer qu'aucune télévision du monde occidental n'avait accouché d'une série aussi ennuyeuse depuis Derrick, voire L'Homme du Picardie. Dans The walking dead, même les zombis ont l'air abasourdis d'être coincés là, et on s'attendrait presque, lorsqu'ils surgissent enfin, à les entendre s'excuser de l'ennui qu'ils contribuent à nous infliger – malheureusement, ils ne sont pas doués de la parole.

J'eusse été mieux inspiré d'écrire : « Heureusement, ils ne sont pas affligés de la parole. » Car tous les autres personnages, eux, le sont dramatiquement. Accroché aux bras de son fauteuil, le pauvre spectateur se met à ruisseler d'angoisse chaque fois que deux de ces fâcheux s'approchent l'un de l'autre : il sait que, n'ayant rien d'essentiel à se dire, ils vont passer d'interminables minutes à s'entretenir de la vie, de Dieu, de l'amour, du remords ou du prix de l'essence dans le monde d'avant. Et, quand ils en auront terminé de leurs filandreuses considérations, deux autres prendront aussitôt le relais : la véritable dimension horrifique de la série est là. Je ne sais si le scénariste est pédé ou impuissant ou misogyne ou un peu tout cela, mais les personnages féminins sont particulièrement éprouvants, qui ne cessent de récriminer que pour se mettre à pleurnicher. C'est au point qu'on se demande pourquoi les tristes mâles que le hasard leur a attribués pour compagnon d'errance ne vont pas d'eux-mêmes se précipiter entre les mâchoires des morts-qui-marchent, plutôt que de continuer à subir leur larmoyante et âcre présence.

Les zombis, eux, sont vraiment réussis, on ne remerciera jamais assez les maquilleurs et les bidouilleurs d'effets spéciaux, pour nous sauver de la léthargie totale. De même les scènes gore, dès que ces sympathiques affamés interviennent dans le non-récit. Seulement, ils n'interviennent que fort peu : en général deux fois cinq minutes par épisode. Le reste du temps, on attend comme dans une pièce de Beckett, on s'interroge longuement pour savoir si on devrait faire plutôt ceci que cela, et en général on ne fait rien, sauf entamer une nouvelle discussion sur un autre sujet essentiel, comme par exemple de déterminer si les armes à feu doivent être réservées aux plus de 18 ans ou si on peut apprendre au gamin à s'en servir, des fois que ça lui sauverait la vie un de ces jours. Et tout ce petit monde continue de jacasser en couronne.

Pendant ce temps, il ne se passe rien, ou si peu. Dès que le scénariste imagine une péripétie, il se dépêche de l'étaler sur une demi-saison, sachant bien que, sauf miracle, il n'en trouvera pas d'autre. Je n'exagère pas : au milieu du premier épisode de la saison 2, une gamine se perd dans la forêt qui borde l'autoroute (ce qui va permettre à sa mère de chouiner durant des heures et des heures). Déjà, l'incident n'est guère palpitant en soi. Mais la véritable épouvante, c'est que, à la fin du sixième épisode, soit au juste milieu de la saison, les autres andouilles ne l'ont toujours pas retrouvée, alors qu'il ne s'est passé à peu près rien d'autre que sa recherche. 

Du reste, on se fout grandement de savoir s'ils vont la retrouver ou non, ni dans quel état, dans la mesure où, bien que fort bavards, les personnages sont d'un solide inintérêt : personnellement, les zombis pourraient bien venir s'en becqueter une demi-douzaine pendant que j'ai la paupière en berne, il n'est pas certain que je m'aviserais de leur disparition au sortir de somnolence.

Il me semble superflu d'annoncer que je n'achèterai pas la troisième saison.