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dimanche 16 février 2025

L'invasion des Scandinases

 


Aux temps lointains où les mâles de ma génération subissaient les tourments et tourbillons de l'adolescence, le fantasme numéro un était représenté par les longues et flexibles Scandinaves blondes, toutes supposées couver en leurs tréfonds les chaleurs qui manquaient à leur décor natal, et naturellement enclines à s'abandonner à la fougue des semi-Arabes que nous devions être à leurs yeux arctiques. 

J'en parle d'autant plus à mon aise que cette fixette boréale ne m'empoignait guère : j'ai toujours, dans mes goûts érotico-sexuels, été bien davantage “pourtour méditerranéen” que “fjords nordiques”. Mais enfin, je voyais bien les ravages qu'elle exerçait autour de moi, même si elle me demeurait en partie mystérieuse : si les femelles scandinaves étaient à ce point bandantes, pourquoi, sur les cartes, leur contrée ressemblait-elle autant à une grosse bite éternellement molle ?

Or, il est advenu que, ces dernières années, nous avons pris l'habitude vespérale de regarder quelques séries policières issues de ces contrées septentrionales, souvent vaguement ennuyeuses mais qui font plaisir à Catherine, car lui rappelant son enfance danoise. Et j'ai alors pu constater cette chose stupéfiante : presque toutes les jeunes comédiennes que l'on y voit évoluer sont soit laides, soit totalement éteintes, soit les deux.

Que s'est-passé, entre jadis et aujourd'hui ? Comment les Scandinaves ont-elles muté en Scandinases ? Par quelle diablerie les bombes à neutrons érotiques des années soixante-dix ont-elles été grand-remplacées par ces tristes assemblages de chair terne ? Sont-elles toutes restées emprisonnées dans les cassettes VHS des pornos suédois, que votre grand-oncle Victor conserve précieusement dans la solide armoire de sa chambre depuis l'orée des seventies ?

Du reste, il n'est nul besoin de regarder les productions netflicardes pour constater l'inquiétant phénomène dont je parle. Il suffit pour cela de répondre à cette simple question : quelle est aujourd'hui la jeune Scandinave la plus connue, et de fort loin, sur les cinq continents ? La réponse, morne, lugubre, jaillit aussitôt : Greta Thunberg

Or, il faut admettre l'évidence : aucun jeune mâle d'entre Meuse et Bidassoa, à moins d'être un végane particulièrement dépressif, n'aura jamais le moindre début d'amorce de projet d'érection en convoquant l'image renfrognée de cet acide petit pruneau, fripé avant d'avoir mûri. Constatant la totale léthargie de ses corps caverneux, il en viendra peut-être à se demander, tout comme je le fais, où ont bien pu passer toutes ces Ingrid, Ulla et autres Liselotte naturellement bandogènes qui faisaient tant rêver l'oncle Victor il y a un demi-siècle. Ce qui n'effacera pas l'image de la terrifiante Greta, à jamais imprimée sur sa rétine et régnant en souveraine sur ses cauchemars nocturnes.

Pour tenter de combattre sa déprime croissante, l'infortuné adolescent retournera faute de mieux sur Netflix. En se disant qu'il doit sans doute y avoir quelque chose de pourri au royaume de Danemark.

 

vendredi 20 décembre 2024

Les urnes et les autres

 

À Fredi Maque…

Conversation entre André Gide et Paul Léautaud, au Mercure de France, dans le bureau du second, janvier 1935. On parle de choses et d'autres, puis :

« Nous nous trouvons d'accord sur ce point : il n'a jamais voté, comme je n'ai jamais voté, et sur le même état d'esprit : d'une façon ou d'une autre, nous serons toujours dupes. Au moins n'y aurons-nous pas prêté la main. Ce que j'ai exprimé dans une note de Passe-Temps : supporter sans participer. »

Voilà.

jeudi 12 décembre 2024

Billet au décrochez-moi-ça

 Saint-Simon écrit : « [...] notre procès demeura accroché jusqu'à l'hiver suivant. » Le très-précieux Boislisle indique aussitôt en note : « C'est-à-dire suspendu. » 

Du coup se produit, pour nous du XXIe siècle, un phénomène curieux : jamais nous n'avions songé à trouver bizarre qu'une affaire, ou une activité, ou une conversation, pût être suspendue ; mais voici que, remplacé un instant par son synonyme, accroché, le mot devient tout à fait étrange à l'esprit, pas très loin d'être inexplicable d'emploi. 

Heureusement Boislisle est encore là qui nous précise : « On sait que les pièces de chaque procédure se conservaient dans des sacs, qui pouvaient s'accrocher au mur ou au plafond, quand on n'en avait plus besoin. » 

Et voilà pourquoi, en notre âge d'ordinateurs, nous continuons à suspendre nos procès, nos activités, nos débats et conversations sans nous en étonner plus que ça.

Il nous resterait à nous demander si l'expression “l'affaire est dans le sac” aurait elle aussi quelque rapport avec les suspensions juridiques sus-évoquées. Mais il se trouve que l'heure du déjeuner approche, et qu'il y a tout de même des priorités dans l'existence qui ne sauraient être négligées sans conséquences plus où moins fâcheuses.

C'est pourquoi je m'en vas suspendre ce billet.



 

lundi 11 novembre 2024

Pensées impies


  Je me demandais tout à l'heure pourquoi le 11 novembre continuait à être jour férié, alors qu'il ne reste aucun ancien combattant vivant de la Première Guerre, et ce depuis déjà quelques années. À qui rend-on désormais hommage ? On me dira qu'il est bon, pour l'édification de nos chères têtes crépues, de perpétuer le souvenir de bla bla bla. Certes. Mais, à ce compte-là, pourquoi ne pas décréter férié le 27 juillet en mémoire de Bouvines, le 14 septembre pour commémorer Marignan, et ainsi de suite ?

La question, d'ailleurs, ne devrait pas tarder à se poser aussi pour la Seconde Guerre, les plus jeunes de ses rares anciens combattants survivants — deux ou trois mille à peine — devant désormais frôler le centenariat. D'autant plus que, à la victoire finale contre l'Allemagne nazie, la France n'a pris qu'une part infime, en dépit des gesticulations d'un de Gaulle.

On viendra m'objecter que l'on persiste bien à ne point travailler le 25 décembre, afin de célébrer une naissance s'étant produite il y a plus de deux millénaires. Mais quand toutes les raisons de célébrer Noël viendraient à s'évanouir, il en resterait toujours au moins une, et non des moins agissantes : celle d'emmerder jusqu'à la gauche nos islamolâtres-sous-X.

Plaisir qui, à l'instar du Paris des âges anciens, vaut bien une messe.

mercredi 16 octobre 2024

Tempête sous un crâne approximatif

Jacob Wassermann (1873 — 1934), écrivain ostracisé.
 

Voilà ce qui arrive, quand on prétend faire des économies de bouts de chandelles, dont on pourrait, en outre, se dispenser sans la moindre douleur budgétaire. Sur l'amicale incitation de Me Rosalie, experte en bizarreries (voir ma blogoliste, à gauche), j'ai acheté récemment L'Affaire Maurizius de Jacob Wassermann, écrivain juif allemand dont j'ignorais — honte sur moi pour sept générations — jusqu'à l'existence.

J'étais fort satisfait d'avoir trouvé un exemplaire du roman pour une somme ridicule, deux ou trois euros : quelle bonne affaire je réalisais là ! quelles savoureuses et longues heures de lecture pour le prix de deux ou trois baguettes, même pas “tradition” !

Las… Ce que j'ai reçu — j'aurais pu et dû m'en aviser au moment de la commande —, c'est un livre de poche aux pages jaunies par les années, le volume étant sorti des presses à peu près dans le temps où, résigné, fataliste, je quittais les entrailles de ma mère ; et les caractères en étaient si minuscules et tassés qu'après une soixantaine de pages péniblement lues, j'ai bien dû m'avouer vaincu et jeter l'éponge — ou plutôt le livre.

Il ne me reste, asteure, qu'une alternative : racheter le roman de Herr Wassermann, cet écrivain que je viens de méchamment ostraciser, stigmatiser, invisibiliser, tout ce qu'on voudra, par le truchement de la poubelle jaune — jaune comme l'étoile que sa mort judicieusement précoce l'a empêché de porter —, dans une édition meilleure, et donc probablement plus coûteuse ; ou bien renoncer à sa lecture.

Au moment de cliquer sur “publier”, aucune décision irréversible n'a encore été prise...

samedi 12 octobre 2024

Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau

 

Parlant des millions de morts provoquées tant par Hitler que par Staline et Pol Pot, Daniel Mendelsohn évoque vers la fin de son extraordinaire livre (1) “les pensées qui ne seront jamais pensées, les découvertes qui ne seront jamais faites, l'art qui ne sera jamais créé”.

Pour l'art et les pensées, nous sommes d'accord. Mais je crois qu'il se trompe pour ce qui est des “découvertes” ; lesquelles seront, elles, nécesssairement faites ultérieurement par quelqu'un d'autre. Car on ne peut découvrir que ce qui est pré-existant. L'objet d'une découverte est toujours déjà là, comme dirait l'autre. 

Ainsi, avant même la naissance d'Einstein, et depuis la plus haute Antiquité, l'énergie de masse était déjà égale au produit de cette masse dans un référentiel par le carré de la vitesse de la lumière dans le vide. Et, donc, si Albert était malencontreusement tombé dans le Danube, ou la Blau, ou l'Iller vers 1885, par exemple, un autre physicien aurait fini par établir que E vaut MC2, et vice-versa. 

En revanche, Rembrandt succombant à une quelconque fièvre puerpérale à cause de l'humidité malsaine des canaux amstellodamois, personne, jamais, n'aurait peint la Ronde de nuit. Ce qui aurait été une perte sèche pour le Rijksmuseum. 

De même, si le petit Marcel s'était étouffé avec sa madeleine en mangeant comme un goinfre, nul n'aurait, à sa place, écrit À la recherche du temps perdu — et les boulangers-pâtissiers d'Illiers (qui ne serait pas devenu Illiers-Combray en 1971) ne pourraient que pleurer leur manque à gagner.

À moins qu'ils ne se soient décidés à vendre des macarons.

(1) Daniel Mendelsohn, Les Disparus, Flammarion, 650 p.

samedi 5 octobre 2024

Petit billet franchement librairophobe


 Il n'empêche : si l'on m'avait dit, il y a seulement une quinzaine d'années, qu'un jour j'achèterais la plupart de mes livres à une société allemande par l'intermédiaire d'une entreprise japonaise, et tout ça sans même soulever le cul de mon fauteuil, je crois que j'aurais eu un certain mal à le croire.

D'un autre côté, je suis plutôt content de ne plus rapporter le moindre liard aux “petits libraires” qui, de plus en plus — mais je sais qu'il subsiste d'héroïques exceptions —, se comportent comme de minuscules idéologues à la mords-moi-la-nouille, prétendant décider à la place de leurs malheureux clients de ce qu'ils peuvent lire et de ce qu'ils doivent fuir avec des moues de dégoût, des livres fréquentables et de ceux qui mériteraient le bûcher ou, à défaut, le plus épais et gluant silence : qu'ils crèvent.

Vivent Herr Momox et Rakuten-san, bon sang !

mardi 23 juillet 2024

Les dessous de la gastronomie hospitalière


 Durant ces cinq jours où je fus exclusivement nourri de l'incomparable gastronomie hospitalière, j'en suis arrivé à une conclusion que je juge irréfutable. Il doit exister, quelque part en France, probablement en des infrastructures souterraines afin de prévenir d'éventuelles insurrections paysannes contre elle, il doit exister, disais-je, une école particulière de cuisine, dans laquelle on forme les futurs marmitons hospitaliers. Ce n'est pas possible autrement.

Le but principal de l'enseignement qui leur est dispensé, leur Premier Commandement en quelque sorte, est de leur apprendre à surtout ne jamais réussir un plat, ni même à ne le rater qu'à demi. Un plat mangeable, c'est l'avertissement ; deux, le blâme ; trois, le renvoi définitif. C'est moins facile qu'un vain peuple pourrait le penser. 

Essayez par exemple, en dehors de toute formation rigoureuse, de transformer un honnête steak haché en une sorte de feuilleté de contreplaqué, à peine entamable au couteau : seuls les plus inspirés y parviendront peut-être. Ou bien, prenez un filet de poisson parfaitement frais (les services sanitaires sont au taquet 24 heures sur 24) et concoctez-lui une sauce qui puisse faire croire qu'il a été pêché il y a trois mois et conservé ensuite dans une remise bien chauffée : humiliant échec garanti.

Il reste maintenant à déterminer à quels signes aussi discrets que mystérieux ces gâte-sauces démoniaques se reconnaissent entre eux.

Et si, parfois, une puisssnce encore plus diabolique qu'eux-mêmes les contraint à ingérer ce qui sort de leurs chaudrons.

samedi 18 mai 2024

Défaire le tout fait


 Les expressions toutes faites. Ce qui les caractérise le plus souvent est que, justement, on ne comprend pas comment elles ont pu être faites, ni pourquoi. 

En vertu de quel impératif cet homme se porte-t-il comme le Pont Neuf, tandis que son voisin est sourd comme un pot ? Ils pourraient tout aussi bien être sourd comme le Pont Neuf — dont il est à peu près prouvé qu'il n'a jamais rien entendu — et se porter comme un pot, les jarres, amphores, marmites et autres pichets jouissant généralement d'une excellente santé — tant qu'on ne les heurte pas contre un pot de fer —, et étant en outre, sauf les plus volumineux d'entre eux, assez faciles à porter.


On pourrait d'ailleurs tenter le même genre de permutation avec quantité d'autres. Par exemple : “n'être qu'un second couteau” et “pleuvoir des hallebardes” ; ou encore : “enculer les mouches” et “ ne pas casser trois pattes à un canard”.

(On citera pour mémoire le cas particulier de “entre chien et loup”, qui présente l'intéressante particularité d'être auto-permutable.)

vendredi 10 mai 2024

La paix des jardins


 Les charmes de la vie à la campagne, que tous les citadins, n'en doutons pas, nous envient ; à part, peut-être, celles-zet-ceux en situation de mal-audition  :

L'hiver, on vit toutes portes et fenêtres fermées pour tenter de se protéger du froid, des rafales de vent, des paquets de pluie qu'elles apportent ; et aussi des vendeurs de calendriers de l'année à venir.

L'été, on vit toutes portes et fenêtres fermées pour tenter d'assourdir les chants harmonieusement fondus des tondeuses, taille-haies, mini-tracteurs, débroussailleuses, taille-bordures et j'en oublie sûrement. Sans même parler des pique-nique “entre copains” chez ces voisins qui, pour bien montrer leur satisfaction d'eux-mêmes, conforter leur être-là, se sentent obligés de hurler lorsqu'ils s'adressent à l'un ou l'autre de leur commensaux, pourtant assis à moins de deux mètres d'eux-mêmes.

Et c'est alors que, malgré les vocalises et roucoulements des piafs en pleine baisade ou en sage couvaison, l'on se prend à soupirer après les rigueurs mornes de l'hiver, tout enveloppé et ouaté par l'imperturbable silence des grands arbres morts.


dimanche 5 mai 2024

Simple conseil aux jeunes mâles d'aujourd'hui


 Si, malgré tous vos efforts d'auto-déconstruction, vous persistez à répandre autour de vous les effluves paludéens de votre masculinité toxique, l'astuce consistera à ne jeter votre dévolu sexuel que sur des femelles restées toxicomanes, voire toxicolâtres :

elles sont encore beaucoup plus nombreuses que vous-mêmes ne le croyez et que ne le proclament les criailleries de leurs sœurs phallifuges et mal-sevrées.

jeudi 14 mars 2024

Profs déprimés derrière leurs barreaux dyonisiens


 La toujours solidaire Élodie s'énerve ce matin de ce qu'il est de plus en plus difficile, pour un professeur, de quitter la Seine-Saint-Denis, d'obtenir de la Garderie nationale sa levée d'écrou pour aller dispenser ses méfaits dans une autre contrée françoise. Il paraît que “ils et elles sont des milliers dans cette situation”, dixit la belle indignée. 

Mais d'où peut bien leur venir, à ces milliers d'incarcérés, un si ardant désir de s'évader à toute force du beau 93, ce département modèle, si riche de son mélange des cultures et de son ouverture-à-l'Autre ? 

Serait-ce que, tout en proclamant bruyamment son soutien à une France joyeusement métissée, et tournée vers l'avenir à s'en prendre les pieds dans le tapis de prière, on préférerait tout de même aller exercer son petit sacerdoce dans le Cantal ou le Finistère, où, pourtant, vit une majorité de Français moisis, racistes et aussi repliés sur eux-mêmes que des mille-pattes chatouillés ? 

Une telle duplicité, une si alarmante schizophrénie… je ne parviens pas à y croire…

dimanche 18 février 2024

Père mutation et mère putation


 Parce que le mot est du genre féminin, et parce que l'on parle couramment de la mère patrie, il m'aurait semblé logique que tous nos woketeux post-féministoïdes adoptassent sans hésiter, et même dans l'enthousiasme le plus progressiste, ce mot, patrie, comme indiscutable et splendide emblème transgenre : cette fusion parfaite du masculin et du féminin aurait dû d'emblée les ravir en extase. 

Or, après avoir consulté de droite et de gauche, sondé les esprits et ausculté les grimoires, j'ai comme l'impression qu'il n'en est rien. J'ai même ouï que certaines excitées du vocabulaire, du genre “MeTooLexique” ou quelque chose d'approchant, proposaient, lors de leurs réunions des soirées de pleine lune, de le remplacer par matrie.

Après tout, pourquoi pas ? Abattons les pères et vivent les mères ! Personnellement, je suis tout près de l'adopter, cette matrie tant désirée. Mais pas n'importe comment ni à toute condition. Afin de respecter le transgenrisme initial, qu'il serait bien dommage de perdre, il faudra impérativement que ce mot tout brillant de l'éclat du neuf soit décrété de genre masculin. Et que chacun puisse dès lors, avec émotion et fierté, évoquer son inaltérable amour pour le père matrie.

Et c'est ainsi qu'on abat des patriarcats comme en se jouant.

dimanche 31 décembre 2023

Petite devignette ou : mes prédictions pour 2024

 

        Bientôt, se retirant dans un hideux royaume,
        La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome,
        Et, se jetant, de loin, un regard irrité,
        Les deux sexes mourront chacun de son côté.

lundi 18 décembre 2023

La nostalgie du XVIe


 Élégante formule de Jean Orieux, biographe talentueux de Catherine de Médicis, parlant du cardinal de Lorraine, compagnon de François 1er et célèbre pour la largesse de ses dons aux pauvres : « Avec les dames il était encore plus généreux, car ce cardinal de la Renaissance ne récompensait pas leur vertu mais le talent qu'elles mettaient à n'en pas avoir. »

 Heureux temps où les dignitaire d'Église pouvaient trousser les cotillons sans que personne y trouve à redire ! Aujourd'hui, ce pauvre Lorraine, on aurait tôt fait de lui concocter un genre de MeTooConclave une “section d'asso” dont les troupes, à force de lui piailler après, parviendraient vite à transformer la pourpre cardinalice en rouge de l'opprobre et de la honte…

Voilà, d'ailleurs, une époque où il devait être plutôt plaisant de vivre : naître vers 1510 ;  connaître les fastes italianisants des années trente et quarante ; enflammer sa jeunesse en liant connaissance avec Gargantua et Pantagruel, tout chauds sortis des presses ; entre deux fêtes galantes dans quelque château des bords du Cher ou de Loire, tenter de se faire une âme romaine en feuilletant Plutarque, récemment traduit en langage françois par M. Amyot ; croiser, par hasard et par chance, le vieux Léonard dans les rues d'Amboise, ou encore Diane de Poitiers traversant Pacy-sur-Eure pour se rendre à son château d'Anet flambant neuf ; voir valser les rois sur le trône de France, les François I et II, les Henri II et III, sans oublier Charles IX flanqué de son archer, plus tard chanté par le malheureux Lucien de Rubempré ; et puis s'éteindre, nonagénaire, plus ou moins consolé de devoir remettre son âme à Dieu, qu'il soit huguenot ou ligueur, par le nouveau livre du Bordelais Montaigne, sous le règne du bon roi sponsor de poule au pot – tout cela en ayant sagement évité de se mêler de ces palinodies confessionnelles qui auront bien pimenté le siècle dans sa seconde partie.

Oui, vraiment, on devrait toujours arriver en ce monde au début du XVIe siècle.

mercredi 6 décembre 2023

Restons optimistes !


  « Croyez-vous, dit Candide, que les hommes se soient toujours mutuellement massacrés comme ils font aujourd'hui ? qu'ils aient toujours été menteurs, fourbes, perfides, ingrats, brigands, faibles, volages, lâches, envieux, gourmands, ivrognes, avares, ambitieux, sanguinaires, calomniateurs, débauchés, fanatiques, hypocrites et sots ?

– Croyez-vous, dit Martin, que les éperviers aient toujours mangé des pigeons quand ils en ont trouvé ?

– Oui, sans doute, dit Candide.

– Eh bien ! dit Martin, si les éperviers ont toujours eu le même caractère, pourquoi voulez-vous que les hommes aient changé le leur ? »


Je ne suis pas coutumier du fait, mais il se trouve que je me rappelle fort bien où et quand j'ai lu Candide pour la première fois. C'était en janvier de l'année 1971, au numéro 13 du boulevard Fabert *, à Sedan, Ardennes. Je n'avais pas tout à fait 15 ans.

Mes parents, ma fratrie et moi-même venions, le 29 décembre précédent, de rentrer assez précipitamment d'Algérie, où nous avions passé un an et demi. En attendant que mon père reçût sa nouvelle affectation – ce serait à la base aérienne de Châteaudun, dès les vacances de février –, nous nous étions recasés chez mes grands-parents maternels, à l'adresse sus-indiquée, où ma mère avait vécu son adolescence, au milieu d'une fratrie assez nettement plus nombreuse que la mienne. La petite maison était la conciergerie de la Chambre de Commerce sedanaise, dont mon grand-père, ancien militaire, était devenu le concierge juste après la guerre. 

(Je suppose que, officiant aujourd'hui, il  bénéficierait d'un titre autrement ronflant ; quelque chose comme “surintendant du parc” ou “grand chambellan des clés”. À moins que ce ne fût “personne en situation de gardiennage”. Bref…)

J'avais donc, quant à moi, sauté du lycée Pasteur d'Oran au lycée Turenne de Sedan – en attendant le CES Beauvoir de Châteaudun. Passant, du même saut, de la douceur oranaise à un putain de froid ardennais.  Et c'est là qu'un jour, en fin d'après-midi, sortant de cours, j'ai poussé la porte d'une librairie, probablement située aux alentours de la Place d'Armes, juste avant de redescendre vers la place Turenne par la rue Gambetta, puis, franchissant le bras de Meuse, emprunter la rue Thiers filant vers Torcy jusqu'à l'entrée du boulevard Fabert (on pourra vérifier sur Goople Maps que je ne raconte pas n'importe quoi). 

C'est dans cette échoppe, probablement remplacée depuis longtemps par une boutique de fringues pour collégiennes pétassoïdales ou par un kebab bien de chez nous, que j'ai acheté ce volumineux livre de poche qui contenait, sinon tous, du moins un grand nombre des contes du sieur Arouet. Et je crois bien que, si j'ai commencé ma lecture par Candide, c'est parce que son titre était le seul, alors, à me dire vaguement quelque chose.

Pourquoi, moi qui jusque-là n'avais quasiment jamais acheté de livres depuis les Bibliothèques rose et verte de l'enfance, pourquoi ai-je ce jour-là jeté mon dévolu précisément sur Voltaire ? La question restera sans réponse, je le crains. Toujours est-il que c'est lui qui – soyons pompeux une minute – m'a ouvert à deux battants les portes de la littérature.

Imagine-t-on la mine scandalisée et furibarde du seigneur de Ferney, se voyant non seulement reçu dans une maison de gardien, et en plus chargé d'y ouvrir les portes, devenant ainsi le concierge des concierges, un concierge au carré ?

Mais peut-être aurait-il su en rire.


* Comme la forme d'une ville / Change plus vite, hélas, que le cœur d'un mortel, je viens de constater avec un peu d'accablement que le 13 bd Fabert de mon enfance est désormais le 19… et que la Chambre de commerce n'est plus la Chambre de commerce.  Salauds de post-modernes ! Mais je suppose que je puis m'estimer heureux de ce que Fabert est resté Fabert : il pourrait aussi bien être maintenant le boulevard de la Transition-écologique, ou l'allée du vivre-ensemble…

dimanche 19 novembre 2023

Petit manifeste situationniste

Personne en situation de distribution de courrier.

 Il n'y a pas de raison : je tiens, moi aussi, à apporter ma modeste contribution au salutaire travail d'épuration du vocabulaire, destiné à le débarrasser de ces mots immondes qui font à coup sûr le lit de l'extrême droite, sans doute aussi le jeu du réchauffement climatique, et participent peut-être même de la culture du viol. 

Je propose donc, pour commencer, de remplacer l'ignoble manchot par le plus pimpant “personne en situation d'unimembrisme supérieur” et l'infect cul-de-jatte par le davantage seyant “personne en situation de non-guibolisme”. 

Eh bien, voyez : je me sens déjà beaucoup mieux de cette mienne contribution, parfaitement en situation de néo-syntaxisme, soulagé et ravi de ne plus être l'une de ces repoussantes personnes en situation de réactionnariat, qui effraient si fort les personnes en situation d'enfance que celles-ci n'hésitent pas à ramasser des cailloux et, les lançant, à mettre les monstres en situation de lapidarisme, sous les applaudissement de tous les parents 1 et parents 2, en situation d'inclinaison à leurs fenêtres.

Bref, me voici, par cette initiative, tout à fait en situation de redresser ma situation.

jeudi 16 novembre 2023

Le hasard, la nécessité et la petite fille d'Awasa




Dans Notre existence a-t-elle un sens ?, livre de Jean Staune que je relis ces jours-ci, il est fait plusieurs fois allusion à Jacques Monod, prix Nobel de médecine 1965, et à ses écrits. Je me souviens très précisément d'où et quand j'ai lu Le Hasard et la Nécessité, son plus connu ouvrage : c'était en août 1973, en Éthiopie, au bord du lac d'Awasa, dans l'hôtel de M. Blazer (orthographe non garantie). 

Nous vivions alors à Orléans, ma mère, mon frère, ma sœur et moi, cependant que mon père faisait l'encaserné volontaire à Djibouti, encore Territoire français à cette époque. D'où nos vacances communes en Éthiopie, à une altitude qui rendait les chaleurs tropicales tout à fait supportables.

Cet hôtel – fréquenté presque uniquement par des Français, avec en prime quelques Américains pour corser un peu le jeu –, je l'ai retrouvé quelques années plus tard dans un livre. C'est là en effet que Gérard de Villiers a situé les ultimes chapitres de son SAS intitulé Le Trésor du Négus.

L'hôtel de M. Blazer – devenu Müller chez Villiers – proposait à ses hôtes une fantomatique bibliothèque dont la majorité des volumes épars étaient en anglais. Parmi les quelques titres en français, donc, Le Hasard et la Nécessité de Monod. L'adolescent imbu de culture que j'étais s'est rué sur lui comme un végan sur un steak de tofu. Et je l'ai lu non seulement avec conscience, mais aussi très ostensiblement, au bord de la minuscule piscine de l'hôtel, dont l'eau empestait le soufre, dans le but d'impressionner de ma puissance intellectuelle une jeune créature qui s'en foutait éperdument, n'ayant d'yeux et de moiteurs, elle, que pour un Yankee d'une vingtaine d'années, stupidement grand et musclé ; qui, en outre, se prétendait apparenté à Charles Bronson – et si ça se trouve c'était vrai. Pour couronner le tout, il me battait systématiquement au ping-pong. En somme, il y avait de ma part Nécessité de séduction, violemment barrée par un Hasard malencontreux.

(En revanche, j'avais réussi sans coup férir l'amicale conquête de la mère de ma naïade – naïade dont le prénom semble avoir déserté à jamais ma triste mémoire –, ce qui n'était pas, on l'aura deviné, mon objectif premier.)

Qu'ai-je compris à ce livre que je ne lisais que d'un œil, dans les vapeurs de soufre, et pas du plus attentif des deux ? Probablement rien. Ou fort peu. Mais Jacques Monod, s'il vivait toujours, serait sans doute très surpris d'apprendre que, chez un de ses lecteurs au moins, son Hasard et la Nécessité a encore aujourd'hui le pouvoir étrange de déclencher des visions de lac éthiopien et d'adolescente en mini-maillot.




 

samedi 4 novembre 2023

En situation de ridicule

 

 

La phrase grotesque – mais impeccablement moderne – du jour, trouvée dans un certain marais touitteresque où il m'arrive de traîner mes charentaises quand je suis d'humeur primesautière : 

« Les personnes en situation de rue meurent à 49 ans. » 

Doublement grotesque – et donc doublement moderne –, comme on voit. D'abord, bien sûr, grâce à l'expression “en situation de rue”. Comme si le bon vieux “à la rue” était soudain devenu salissant, ou trop abrupt, ou radioactif, quelque chose comme ça. 

Ensuite, par le fait que si, dans la péremptoire affirmation citée, on ne précise pas “en moyenne”, le verdict de mort à 49 ans (pas 48, ni 50 : 49 très précisément ; on aimerait d'ailleurs savoir aussi le jour et le mois) a un petit côté surréaliste qui prête à sourire – ce qui n'était sans doute pas le but recherché par nos vertueux lanceurs d'alerte

On imagine très bien, au douzième coup de minuit, des dizaines, des centaines de clochards se précipitant ventre à terre dans n'importe quel abri de fortune, la veille de leur 49ème anniversaire, afin de fuir à tout prix cette rue de laquelle ils étaient en situation, soudain devenue diaboliquement mortelle.

 

(Pour celles-zé-ceux qui ne parleraient pas encore couramment le post-moderne, rappelons qu'une personne en situation de rue est une personne qui pratique le sans-abrisme. Si, si !)

mercredi 25 octobre 2023

Le calvaire de Dame Budé

 

J'ai toujours beaucoup aimé cette anecdote – authentique ou controuvée, peu importe – concernant Guillaume Budé, à qui un de ses valets, affolé, vient annoncer que la maison est en feu, et qui, sans lever le nez du livre qu'il est occupé à lire, lui répond tranquillement : « Avertissez ma femme, vous savez que je ne me mêle point du ménage. » 

Je m'en amuse, tout en sachant que je devrais sans doute m'en offusquer plutôt. Car la remarque dénote chez l'ignoble Bill un sexisme parfaitement inacceptable : quel déplorable exemple pour nos chères têtes blondes crépues, que ce refus méprisant d'un généreux partage des tâches ! Et personne pour se demander comment la pauvre Dame Budé s'est tirée de ce mauvais pas...

Sait-on seulement comment elle s'appelait, cette triste victime du patriarcat de style Renaissance ? Gertrude Budé ? Solange Budé ? Guillermine Budé ? Rien, pas un mot à son sujet, même chez Dame Ternette ! Encore une pauvre invisibilisée, sacrifiée sur l'autel d'un mâle probablement cisgenre et arrogamment content de l'être !
 
Bien heureuse encore si, entre deux déchiffrements de grimoires hellènes, son prédateur d'époux ne se soit pas, sur l'agnelle sans défense ni recours, livré à quelque viol conjugal récréatif, selon la triste habitude de ces butors à pourpoint et haut-de-chausse qui pullulaient en cette sombre époque.