vendredi 31 octobre 2008

À table, les libertins !

Dans Juliette ou les prospérités du vice, l'ogre Minski, pour son repas, se fait servir « huit ou dix boudins faits avec du sang de pucelle et deux pâtés aux couilles ». Afin de n'en être point trop encombré, il s'accorde quelques glaces à l'odeur vomitive. Lorsqu'il prie la belle Juliette d'y bien vouloir goûter, celle-ci a une réponse fort diplomatique (ce qui est sagesse, vu la férocité du personnage) : « Il faut beaucoup d'habitude pour ces mets-là. »

En effet. Pour sa part, lorsqu'il n'avait pas la plume en main, le marquis de Sade avait des goûts plus conventionnels, si l'on ose dire. Embastillé, il fait parvenir à son épouse la liste de ses exigences culinaires : un pain de pâte de guimauve, un pâté d'anguilles, les premières fraises, un pâté de thon et un gâteau au chocolat (« qu'il soit noir en dedans à force de chocolat, comme le cul du diable l'est à force de fumée »). L'ordinaire des prisons n'est plus ce qu'il a été, dirait-on.

Autre grand queutard devant l'éternel, Casanova ne crache pas non plus sur les plaisirs de bouche, toujours si l'on peut dire : « J'ai aimé les mets au haut goût, écrit-il au narthex de son Histoire de ma vie : le pâté de macaroni fait par un bon cuisinier napolitain, l'ogliapotrida, la morue de Terre-Neuve bien gluante, le gibier au fumet qui confine, et les fromages dont la perfection se manifeste quand les petits êtres qui les habitent commencent à se rendre visibles. Pour ce qui regarde les femmes, j'ai toujours trouvé que celle que j'aimais sentait bon, et plus sa transpiration était forte plus elle me semblait suave. »

Comme écrivait l'autre au panache blanc : « Ma mie, cessez de vous laver : j'arrive ! »

Sac de...

La vie du rewriter ne ressemble pas toujours aux blancs ruisseaux de Chanaan. Notamment lorsque, soudain, dans l'article qu'on lui a confié pour qu'il en fasse un petit bijou ciselé, il tombe sur cette phrase, à propos de Fontanes :

C’est à lui que l’on doit les ballets russes avec un Nijinsky dans sa splendeur en faune de Debussy qui déchaîne le scandale du siècle.

Allez, détendez-vous, quoi !

La pouffe de relaxation ne peut être vendue séparément.

jeudi 30 octobre 2008

Tous les mômes

Le 26 novembre, l'Irremplaçable et moi serons à la Maroquinerie. Je ne sais évidemment pas ce qu'est cette salle, et m'en fous royalement. Sauf que, ce soir-là, Kent y chantera. Et nous y serons.

Pourquoi avons-nous passé dix ans sans voir Kent ? Et Freddie (sa femme) ? Et leur fils, dont le prénom m'échappe obstinément ? Antonin ! je viens de le retrouver ! Mais pourquoi diable Kent et moi avons-nous passé dix années sans nous parler ? Bergouze, tu en sais quelque chose ? Toi vivant, on aurait fait cela ? Non, non. Il me semble qu'Hervé et moi nous sommes éloignés - d'une certaine manière - à cause de toi. Ou en raison de toi. Comment t'expliquer ?

Tu étais le lien entre Hervé et moi. Essentiel. Indispensable. Enfin, je crois. Il n'est pas impossible que, sans toi, Hervé et moi ne nous serions jamais... rencontrés ? Parlé ? Connus ? Peu importe. Tu as bien compris que même après dix ans de silence, Hervé et moi sommes ligotés l'un à l'autre, par toi, et toi seul. Que, donc, forcément, on se reverra. Peut-être bien ce 26 novembre. Ou plus tard. En tout cas, au moment où nous nous retrouverons face à face, tu seras là - vivant (enfin : autant que faire se peut).

mercredi 29 octobre 2008

29 octobre 1994

C'était hier, donc. Pour les jeunes cons dans votre genre, 14 ans valent au moins trois vies ; pour les vieux de même espèce, à peine dix minutes : vous verrez. Quoi qu'il en soit, le 29 octobre 1994, l'Irremplaçable et moi-même nous épousâmes devant M. le Maire de Beaulieu-sur-Loire, en présence de nos seuls témoins, dont Kent, chanteur émérite et ami de longue date.

Cérémonie passée, nous fûmes boire quelques verres au bistrot de Beaulieu où nous attendait l'ami Petitpère (C'est son vrai nom, il n'a pas de site, à ma connaissance...). Pour le soir, le repas de noces, nous avions rendez-vous ici. Nous étions occupés à l'apéritif, lorsque je vis apparaître une superbe femme brune qui me dit quelque chose. Qui est-elle ? Je ne trouve pas... Pourtant, je la connais...

Je comprends une poignée de secondes plus tard, lorsque son homme arrive : c'est Alain Delon, donc, elle, c'est Mme Afflelou (évidemment que je ne me dis pas cela alors, vu qu'elle est encore Mme Delon). La star et son épouse disparaissent, nous finissons de siroter notre apéritif, avant de passer à table, suivant le maître d'hôtel dans cette enfilade de salles au carrelages multiséculaire d'un relais de poste du XVIIe siècle...

Et on nous installe à la table immédiatement voisine de celle d'Alain Delon et de Rosalie. La dite Rosalie est (à cette époque) une femme absolument superbe. A-t-on envie pour autant de la fréquenter ? Non : pour faire passer les plats magnifiques qu'on lui sert, elle boit du GINI : aux chiottes, la Hollandaise !

Nous, pendant ce temps, on carbure gentiment à... je ne sais plus, il y a déjà 14 ans. Kent est assis à ma droite, je ne l'ai pas revu depuis une dizaine d'années, je ne sais pas trop pourquoi, lui non plus je suppose. On reste indéfectiblement liés : il pense à Philippe Bernalin autant que moi, aussi souvent, sinon plus.

Poutre app'

Il portait un pantalon si moulant que non seulement on lui voyait le sexe mais on devinait sa religion.

Saint-Pierre-en-Port

Hier, nous avions donc rendez-vous dans ce village de la Seine-Maritime, perché pour partie sur la falaise surplombant la Manche - mais pas à la même époque. Nous étions attendus à dix heures et demie chez un couple d'amis d'ami, afin de visiter leur maison, en vue de l'acheter.

Car nous nous étions mis en tête (mais surtout l'Irremplaçable) de quitter le Plessis-Hébert et de nous éloigner encore de Paris, transhumance rendue possible par l'existence du studio de Levallois. (C'est bon, vous suivez ? C'est intéressant, hein ?)

La visite de la maison, à deux pas (et 286 marches...) de la mer, se passa fort agréablement, l'habitation nous convenait, il y a un jardin pour les Pépères, tout bien. Puis, nous passâmes aux choses sérieuses, à savoir l'apéro. Catherine se contenta d'un unique blanc-cass', vu qu'il était entendu qu'elle prendrait le volant au retour. Pour moi, trois ou quatre pastis - mais petitement dosés - suffirent à me mettre de bonne humeur, ce qui nallait pas de soi car nous étions arrivés en retard au rendez-vous, ce dont j'ai horreur. Ensuite de quoi, nous mîmes les voiles en direction d'Ermenouville où ma soeur nous attendait avec des pâtes alla putanesca et une bouteille de Bordeaux blanc à laquelle je fus seul à rendre hommage.

Nous reprîmes la route vers quatre heures, après une courte escale à Saint-Valéry-en-Caux. Afin de ne pas déconcentrer l'Irremplaçable dans sa conduite, je me suis dépêché de m'endormir à sa droite.

Retour de cette escapade, les chiens nourris, nous installés devant une bière et écoutant les sonates pour clarinette et piano de Brahms (vous chercherez l'opus vous-mêmes, hein ?), nous avons finalement décidé de ne plus déménager.

mardi 28 octobre 2008

Petite vadrouille

On passe toute la journée quelque part par là. Chez ma soeur Isabelle, mais pas seulement. Petit récit ce soir, s'il est des choses à raconter. Sinon, récit tout de même. Donc, pas de validation de commentaires avant... Désolé...

lundi 27 octobre 2008

Voici le vent cornant Novembre

L'arrivée de novembre m'a toujours plongé dans la joie. Oh, pas dans cette joie criarde et brouillonne que l'imminence de l'été instille dans le cerveau des cons, non : une joie tranquille, taiseuse, quoique teintée de cruauté à peine perceptible.

L'acmé de ce bonheur quasiment étale se produit au premier soir du retour à l'heure dite "d'hiver", lorsque la nuit, après avoir filé doux durant plusieurs mois - ces mois décérébrés empestant l'huile solaire -, semble soudain se remettre à croire un peu en elle-même, à oublier qu'elle est désormais blessée à mort et ne se relèvera qu'après notre double et définitive extinction.

Qu'on me comprenne un peu : ce que j'aime, c'est le retour à l'heure normale, et non le principe du changement d'heure bisannuel, bien évidemment nuisible, nocif, malsain - mortifère, si j'osais. Il ne faudrait d'ailleurs pas me pousser beaucoup pour que j'avoue être même nostalgique de l'inconnu, de cette heure solaire, méridienne, qui présidait à la vie de nos grands-parents, avant que les armées allemandes ne viennent planter leur zone dans les fuseaux. Je pense avec regret à certains romans de Simenon dans lesquels est noté le premier assombrissement du jour dès trois heures et demie de l'après-midi...

Alors que ces journées estivales étalant leur vanité satisfaite jusque des onze heures du soir, c'est de la pure imprécation ! La reddition sans condition de l'humain face au festif. Le renoncement de l'âme devant le hâle : le bronzage, c'est toujours la bêtise qui affleure.

Il faut aimer la nuit et la souhaiter longue ; appeler les nuages et les vouloir bas ; rabattre sans peur son caquet au soleil et intimer l'ordre de disparaître aux troupeaux de plagistes. Du reste, il n'est nul besoin : sentant revenir le règne du repos contre celui du loisir, ils disparaissent d'eux-mêmes, se renfrognent, se diluent, s'effacent, se balaient tout seuls en même temps que le tapis d'immondices qu'ils ont abandonné derrière eux sur le sable. Ils reparaîtront l'année prochaine, soyons sans illusion.

Mais en attendant ce retour cyclique des bébés roses, il fait sombre, froid, pluie ; et les grands arbres laissent deviner leurs squelettes avec une satisfaction furieuse.

Vienne la nuit sonne l'heure...

dimanche 26 octobre 2008

De Barack Obama, du capitalisme américain et des bobos français

C'est ici...

Survitaminose

Je ne ne sais même pas si l'organisme va pouvoir suivre, résister à une invasion aussi massive de produits généralement considérés comme très toxiques par votre serviteur : les vitamines et les sels minéraux. En tout cas, il me semble qu'on aurait pu y aller progressivement ; se prendre le gastro-intestinal par la douceur ; lui faire la diététique murmurante.

Au lieu de ça, vlam ! posologie maximale de but en blanc ! À midi, gavage forcé aux légumes de pot-au-feu, avec juste une petite tranche de jarret, pour dire de ne pas s'effondrer en sanglots longs dans l'assiette fumante. Et, ce soir, régression pied au plancher : le bouillon du dit pot-au-feu avec des vermicelles, plus le poireau en vinaigrette, extrait du même plat.

Tout juste si, entre les deux, en guise de goûter, hautement perturbé par ce régime, aggravé lui-même par le changement d'heure, tout juste si j'ai pu, subrepticement m'octroyer une tartine de camembert au lait cru, que je me suis vite fait moulé à la louche dans le coin le plus sombre de la cuisine, en jetant des coups d'oeil furtifs vers le salon, d'où l'Irremplaçable Danger pouvait surgir à tout moment.

Pour couronner le tout, au début de cet étique dîner, nous avons cru bon - preux chevaliers du taste-flotte - de discourir doctement sur les mérites respectifs de la Vittel et de l'Évian, comparés à ceux de la Contrex.

Je crois qu'on est mûr pour le cabanon.

samedi 25 octobre 2008

Henri avait raison...

« On ne sait que penser, avec vous le définitif n'a qu'un temps. », écrivait Henri en commentaire de mon billet intitulé Décision couillue. Il avait raison, la preuve : la modération (de commentaires, parce que pour le reste...) est revenue. Il est plutôt flatteur de servir à tel ou tel de modèle au stacle rinaldo-girardien, mais si, de temps en temps, les stacles pouvaient aller modéliser plus loin, franchement...

Retard à l'allumage

Il y a des blogueurs étranges, tout de même. Des qui semblent avoir la comprenette assez lente. Ou qui font du retard à l'allumage, je ne sais pas. Durant des mois et des mois, ils viennent vous lire entre cinq et dix fois par jour et se répandent en commentaires à chaque passage. Puis, un matin, alors que votre blog est rigoureusement semblable à ce qu'il fut dès l'origine, ils s'avisent tout soudain que vous êtes un retentissant crétin, ou un menteur éhonté, ou un robinet d'eau sale, que sais-je encore. Ils n'auraient pas pu s'en apercevoir avant ? Ils sont à ce point embourbés du bulbe ?

vendredi 24 octobre 2008

Décision couillue

Je supprime définitivement la «modération de commentaires» ; parce que ça m'énerve, parce que ça empêche Poireau et Suzanne de savoir, en temps réel, ce qui est gras et ce qui ne l'est pas, parce que c'est donner de l'importance à des pitbulls édentés qui pensent qu'ils sont capables de mordre, parce que...

Parce que.

Roberto me fait chier (en même temps, non)

Tout à l'heure, fin de repas d'apéro, Catherine me dit : « Tu comptes faire un nouveau message ? Non, parce que j'en ai un peu marre de voir la tête de ton Roberto... »

Ben... non, justement. Ayant lu une cinquantaine de pages supplémentaires de cet écrivain, je n'ai envie de parler de rien d'autre que de lui. Mais qu'en dire ? Je ne sais pas trop. Il m'échappe encore. J'ai 900 pages devant moi, j'en jouis intensément, j'ai l'impression de m'en imbiber, mais je ne suis pas certain de bien comprendre ce qu'on me dit. J'ai d'ailleurs souvent cette sensation, quand je suis face à un vrai livre : qu'on me prend (l'auteur) pour un con - et que je le suis, en effet. Mais, dans le même temps, il y a cette main tendue...

jeudi 23 octobre 2008

Roberto, my name is Roberto

Dans ma crasse ignorance, je n'avais jamais entendu parler de Roberto Bolaño. Pourtant, il existe. En tout cas, existait, puisqu'il est mort - ce con. À cinquante ans tout ronds, je ne sais pas de quoi. Juste avant de replier son ombrelle, il a écrit un roman (parmi d'autres, avant), qu'il a à peine eu le temps de finir. Cela s'appelle 2666. Comme Pascal avait dit, ici même , en commentaire, je ne sais plus où, qu'il s'agissait du plus grand roman paru en 2008 en ce pays, et que je fais bêtement confiance à ce garçon, je l'ai acheté et ai commencé, aujourd'hui, à le lire.

39 pages lues (sur plus de 1000) : belle excitation. Et, d'abord, dès le départ, le lien avec le roman de Renaud Camus, Voyageur en automne : Exégèse d'un écrivain inconnu, insaisissable, à peine existant, imaginaire, mais peut-être pas, dont l'oeuvre, elle, est minutieusement décrite. Non, pas décrite : énumérée, cataloguée, recensée. Tentative de le trouver, cet auteur, de lui donner un corps, une vie, une figure. Je ne peux en dire plus après si peu, bien entendu. Mais cette correspondance m'excite. Et cet énorme fleuve compact qui m'attend (ou va me rejeter, c'est possible) j'ai plus que hâte de m'y plonger encore, forcément.

Hier, je lisais la nouvelle traduction française du Huckleberry Finn de Twain : on peut changer de radeau, on n'échappe pas au Mississipi.

[Rajout de vendredi, 10 h 30 : en commentaire, mon ami Carlos me signale qu'il m'avait parlé de Bolaño, la dernière fois qu'il est venu passer un week-end à la maison. Mais Carlos n'est pas un garçon raisonnable : il s'obstine à essayer de me faire découvrir de nouveaux écrivains après l'apéro ! Comment veut-il que je m'en souvienne ?]

mercredi 22 octobre 2008

Didier Goux est-il un homme comme les autres ?

D'après Jérôme Vallet, alias Georges, alias Boris Joyce, alias ce que vous voudrez, il semblerait que non. Ou peut-être, au contraire, est-il un homme trop comme les autres ? Ce qui, on peut bien le comprendre, serait susceptible de froisser la sensibilité exacerbée du (des) blogueur(s) sus-nommés.

Cela, qui suit, s'appelle : DG, ou l'alambic renversé :



De la tautolontologie immeuble et de ses avatars

Je crois que j'ai enfin compris ce que Georges pouvait trouver de remarquable à Frère n°1. En réalité, Didier Goux a une qualité qu'il serait dommage de passer sous silence :

Il est exactement ce dont il a l'air.

Cette transparence épaisse, cette éloquence digestive, est une chose assez rare (je veux dire : rare quand elle est à ce point réalisée) pour être observée attentivement. Il y a, dans ce personnage qui ment sur à peu près tout — avec une bonne foi tranquille —, une vérité de l'apparence qui dément le mensonge. On peut être étonné, inquiet, stupéfié, même, par la force de cette auto-inclusion : son être et son paraître se distinguent si peu qu'on cherche à toute force à les faire un peu se disjoindre, sans doute pour se trouver en terrain à peu près connu. Mais rien n'y fait, comme on s'en doute : la colle est du genre de celle qui rive un TGV à son rail, à l'arrêt. Vous pouvez toujours pousser, tirer, souffler, grogner, feinter, l'ombre suit sa proie comme si l'ombre était la proie, et la proie l'ombre. De temps à autre, on entrevoit, l'espace d'un clignement d'œil, ces deux réalités qui s'observent férocement, comme deux lutteurs de sumo avant qu'ils entrent dans le cercle, mais c'est fugace, très fugace, et l'instant d'après, on en revient à cette tautolontologie immeuble, sans plus comprendre qu'on ait jamais pu en douter.

L'habitude, avec les hommes, est de chercher à voir ce qu'ils cachent, de chercher à les percer, à les deviner, à aller plus loin, plus profond, que les apparences. Il y a du La Rochefoucauld en chacun de nous, du Freud, pour les plus modernes ; c'est devenu un réflexe, une seconde nature. Et toute cette science, tout ce savoir accumulé depuis des lustres, ne peut rien, ne sert à rien, quand vous êtes face à un DG (je dis "un DG", mais qu'il y en ait d'autres de ce format paraît très hypothétique). Oubliez tout ça, ne perdez pas votre temps à chercher une vérité derrière ce que vos yeux voient immédiatement : tout est là. Rien de plus, rien de moins. Rien ne dépasse, rien n'est caché, rien n'est après. Une table est une table est une table est une table… ? Même pas. Contentez-vous de "une table est une table." Je sais, au début, on la trouve assez raide, on se sent quelque peu frustré, on a peine à respirer, les yeux claudiquent en dedans. Mais c'est une habitude à prendre. Finalement, quand on s'est enfin calmé, c'est plutôt reposant.


Le vent de l'esprit souffle sur le Gard...


Sinon, chez le même, qui décidément perd beaucoup de sa superfétatoire existence à scruter ce blog, on a également ceci :


Hé ! Oh ! Position en échappement libre.

Hé, dis-donc, t'as vu, ya débat chez les Digoux. Ça débatte sur le crépi, dis-donc ! Ya Papa qu'a dit que pas de crépi yen a vilain, alors le Digoux, avec ses chaises en plastique, i'sdit, merde de merde, comment j'vais m'en sortir de c't'histoire-là, encore ? Et ça débatte sec, ça y est, on réalise chez Digoux, que le crépi est en enjeu plus important que la chute du CAC 40 et toutes ces histoires à la con. Ça crépite sec, chez les Digoux, avec le débile numéro un, Nicomète Colas, qui la ramène, en un étourdissant finale : « Finalement (bis), je suis donc bien content de ne pas être d'accord avec Camus... et avec Didier qui pousse le vice à nous montrer une magnifique photo en pierre pour nous démontrer qu'elle serait mieux avec du crépis [sic]. Les intellos ont des positions qui m'échappent... Je persiste à penser qu'il faut enlever le crépis [resic] qui ne sert à rien et qui a été ajouté "par mode" par quelques gugusses après la guerre sur des maisons centenaires en pierres [reresic]... ce qui n'empêche pas d'entretenir les maisons. »

Effarant ! Ça faisait longtemps qu'on n'était pas retourné voir chez les Digoux, mais c'est toujours aussi fun. SICLOL !

La photo en pierre, c'est un concept porteur et innovant sur lequel Georges va se pencher pas plus tard que ce matin, une fois qu'il aura été décrépir le crépis de son "s", ajouté après la guerre du goût par les fusées décoiffantes de chez Digoux.

« Les intellos ont des positions qui m'échappent » qui dit le Nicomète ! Nico, Nico, laisse tomber, on va dire, laisse tomber, c'est rien que des intellos qu'ont des positions, si tu vois ce que je veux dire… (if you see what i mean)

Zoridae est une feignasse !

Le titre est dur, mais c'est le titre. Zoridae a trouvé le truc pour alimenter son blog sans en bouger une : elle contraint de pauvres filles exilées dans des pays de sauvages et barbotant dans l'huile d'olive frelatée à écrire ses billets à sa place. Et, en plus, elle a le front de leur en imposer le sujet. Remarquez, elle n'a pas tort dans la mesure où les macérations corticales que vient de lui livrer l'époustouflante Nefisa sont absolument irrésistibles de drôlerie.

Gastrorama


À midi, j'ai mangé un poireau à la vinaigrette.

Autant dire que j'ai bouffé du gauchiste.

J'espère ne pas avoir trop de peine à le digérer.

Pour le moment, ça me fait comme une impression de (Fila)plomb dans l'estomac...

mardi 21 octobre 2008

Heureux anniversaire

À Catherine, cet anniversaire impromptu...


Si c'est aimer, Madame, et de jour, et de nuit
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu'adorer et servir la beauté qui me nuit :

Je vous aime...

Si c'est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi-même et d'être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre et me taire,
Pleurer, crier merci, et m'en voir éconduit :

Je vous aime...

Si c'est aimer de vivre en vous plus qu'en moi-même,
Cacher d'un front joyeux une langueur extrême,
Sentir au fond de l'âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :

Je vous aime...

Honteux, parlant à vous de confesser mon mal !
Si cela est aimer : furieux je vous aime !

Pierre Ronsard


[Ponctuation incertaine... Comme la mémoire...]

Enquête chez les bisounours enturbannés

C'est là.

Petit coup de pub

Ceci est un message publicitaire non rémunéré, que les choses soient bien claires. Je veux juste vous donner deux bonnes raisons de lire ce roman de Brice Moulin, tout fraîchement sorti aux éditions Le Manuscrit.

La première, c'est qu'il est fichtrement bien écrit, drôle, incisif, parfois vachard, et que le portrait que l'auteur trace de ce zombi téléphage est irrésistible, tout comme le sont les dégâts en chaînes que sa "maladie" provoque partout sur son passage.

La seconde est que Brice Moulin, en plus d'un ami, est mon chef de service à France Dimanche et qu'il m'a menacé, en cas de lectorat trop maigrelet, de me confier à l'autre Brice (Hortefeux), et de me faire par lui reconduire à la frontière, après séjour dans un centre de détention pour clandestins.

Donc, un seul mot d'ordre, mes braves et bravesses : en format PDF ou sur exemplaire classique, LISEZ ZAPMAN !

Exercices bathmologiques

Dans le message où je vous relatais mes deux jours de stage à la Prévention routière, j'écrivais entre autre ceci, à propos de l'un de mes compagnons de banc : « coiffeur (ainsi qu'il nous le dit) et, comme il se doit, visiblement pédé ».

Or, le lendemain, lors de notre unique et courte conversation, durant une pause cigarette-café, par deux fois il mentionna sa femme et leurs deux enfants, d'une manière qui laissait entendre qu'ils vivaient effectivement ensemble. Je sais bien que l'on peut être marié, père de famille ET homosexuel - au moins à temps partiel, si je puis dire -, néanmoins, ce jeune homme fit se lézarder ma belle et sotte assurance, à propos de ses moeurs. Pour le coup, il valait la peine de s'interroger afin de tenter de comprendre comment j'avais pu ainsi me fourvoyer, si tant est, encore une fois, que je me sois fourvoyé.

Le première idée qui vient à l'esprit est que, malgré que j'en aie, je serais tombé victime du cliché coiffeur = homosexuel. Ici, il faut noter que le garçon en question n'a donné aucune précision quant à son travail. Or, toujours d'après le même cliché, ce sont les coiffeurs pour dames qui sont censément homosexuels.

Il se peut aussi que j'aie été influencé par les signes extérieurs de "marginalité" qu'il arborait : piercing au sourcil gauche et clou dans la langue. Mais ce serait là une mauvaise excuse que je me donnerais, dans la mesure où je ne sache pas que, chez les hommes, le piercing soit un "marqueur" spécifiquement homosexuel. Donc, retour au cliché seul.

Ai-je pensé et écrit cela (coiffeur et, comme il se doit, pédé) en y mettant du mépris ? Je ne le pense pas, je suis même persuadé d'être totalement exempt de cette tendance-là, dans ce domaine particulier. Lorsque l'on fait mine de m'en soupçonner, ou si l'on m'en accuse franchement, j'ai coutume de répondre qu'il est difficile d'être à la fois lecteur de R. Camus ET infecté d'homophobie.

Mais justement : qui me dit que, en l'espèce, je n'utilise pas Camus comme un étendard ou, pour mieux dire, un bouclier ? En d'autres termes, ses livres ne me formeraient-ils pas une sorte de rempart, derrière lequel je pourrais discrètement abriter une homophobie ne demandant qu'à resurgir au grand jour, le plus souvent maquillée en plaisanterie, ou en provocation ? Un peu comme ces gens qui vont publiquement traiter un ami noir de grand con de nègre, avec force sourire, à seule fin de maquiller en largesse d'esprit décomplexée leur propension non avouée au racisme.

Un autre problème surgit aussitôt, dans la mesure où s'interdire absolument l'emploi du mot pédé pour désigner les homosexuels peut être, et est souvent, la preuve du mépris voire de la haine dans laquelle on les tient. Ainsi, dans les années quatre-vingt, Jean-Marie Le Pen et ses sbires employaient-il le terme Maghrébin de préférence à Arabe ou Nord-Africain, beaucoup plus fâcheusement connotés à l'époque.

Il est sans doute utile de préciser que je ne me sens pas le moins du monde homophobe, ni ne me souviens me l'être senti jamais. Mais comme dirait l'autre, avoir un bouc émissaire c'est ne pas savoir qu'on l'a.

Revenons à mon coiffeur. Je peux essayer de botter en touche, en avançant le fait que ses manières (gestuelle, élocution, poses de tout le corps) le désignaient assez fortement comme homosexuel, ou au moins comme possiblement homosexuel. Mais c'est contourner un piège pour tomber dans un autre. Car c'est là étendre à tous les homosexuels l'image restrictive de l'homosexuel efféminé, c'est-à-dire au fond le seul que voient réellement les hétérosexuels et celui dont ils ont donc le plus tendance à se moquer. Ce qui trahirait chez moi l'existence, même à basse fréquence, de ce qu'on pourrait appeler un «fond beauf » (et j'en vois déjà se présenter sur le devant de la scène afin d'y proclamer qu'ils n'ont eu besoin d'aucun raisonnement tordu pour se convaincre de l'existence d'un tel fond chez moi...).

Du reste, ces manières, mon coiffeur les avait-il au point que j'ai dit ? N'est-ce pas moi qui les lui ai attribuées (ou au moins outrées), à partir de son identité de coiffeur ? Ou de ses malencontreux piercings ? Il s'ensuivrait que j'aurais littéralement fabriqué un homosexuel, uniquement sur la conjonction de trois indices, dont l'un (le piercing) est absolument impertinent, et les deux autres à peine moins. Pour les coiffeurs, inutile d'y insister ; quant aux allures quelque peu efféminées, j'ai eu il y a longtemps un ami (une relation plutôt) qui en était affecté et qui, par ailleurs, était l'un des plus ardents foufounophiles qu'il m'ait été donné de croiser.

Quelle conclusion tirer de tout cela ? Aucune, évidemment. On pourrait continuer encore longtemps, il ne surgirait jamais que de nouvelles questions ; lesquelles, invariablement, nous ramèneraient à notre point de départ, puis à nouveau nous en éloigneraient, mais toujours avec un petit quelque chose en plus, ou en moins. De toute façon, je m'en fous, je ne vais jamais chez le coiffeur.

lundi 20 octobre 2008

On s'en remet une couche (de crépi)

À Nicolas...


« Parmi les plus beaux crépis qu’on puisse voir en France — ou qu’on ait pu voir, car il font l’objet d’un massacre systématique, et ils disparaissent les uns après les autres — sont ceux de la Gascogne, qui se distinguent entre tous par la richesse de leur matière, par le génie qu’elle a pour accrocher la lumière et pour se mélanger à elle, par la profondeur et le velouté de leurs ocres. Les épais crépis des anciennes façades de Gascogne, c’est vraiment de la terre qui monte au ciel, tant leur tonalité chaleureuse et leur substance vibrante fait heureusement la liaison entre le sol de ce pays, ses champs, ses sillons, ses cultures, ses chemins, et l’atmosphère changeante de ses hauteurs, de ses lointains. »

(Mêmes auteur et origine que le précédent texte sur le sujet...)

Erreur d'aiguillage

Aujourd'hui, à 14 h 55, un malheureux internaute a échoué ici après avoir demandé à Mme Goux gueule : "Comment être moins con ?" Je doute qu'il ait trouvé la réponse dans ces parages...

L'école doit-elle rester propriété de la gauche ?

La question est posée...

Cruel constat

« La maladie, la douleur, le malheur, le grand âge ou la peur de la mort peuvent inciter à toutes les régressions, religieuses, familiales, sexuelles, intellectuelles ou domestiques. Toutes peuvent avoir leurs vertus, leur douceur, leur sagesse même et leur efficacité balsamique. La seule qui soit fatale, c'est la régression esthétique. Car l'artiste, mais tout homme et toute femme aussi bien, se tient ultimement où son art et son goût le situent. Sa vérité campe là. Le reste ne relève que du sens, cette monnaie de singe. »

(Renaud Camus, Esthétique de la solitude, p. 267-268, P.O.L.)

Si cette affirmation camusienne est vraie, et il semble bien qu'elle l'est, cela signifie que, malheureusement, ce n'est pas sur cette échelle-là que je risque de souffrir du vertige...

dimanche 19 octobre 2008

Première leçon : Enlevez les crépis

« Le retrait des crépis mérite pleinement de faire l’objet de la première leçon, et je n’ai pas hésité une seconde à le placer dans cette position flatteuse, parce que c’est à lui que revient l’honneur, à mon avis, parmi tous les mauvais traitements qu’on peut infliger à une maison de campagne, d’être celui qui a le plus efficacement contribué, au cours du demi-siècle écoulé, à l’enlaidissement du territoire. »

(Renaud Camus, Comment massacrer efficacement une maison de campagne en dix-huit leçons.)

Ces quelques lignes que je viens de citer (ainsi que la photographie qui les illustre) sont les premières, hors introduction, d'un petit livre fort divertissant - et instructif non moins - d'un écrivain dont il me semble vous avoir déjà touché quelques mots, ici ou là. Opuscule qui peut constituer, me semble-t-il, une excellent introduction à la manière de l'auteur, pour ceux qui n'y seraient point encore allés voir. En outre, il présente l'avantage d'être consultable en ligne.

Ultime refuge

En vue d'échapper aux deux petits monstres qui ont entièrement tchernobylisé le salon (pour reprendre le verbe forgé par Renaud Camus à propos de tout autre chose), Bergotte n'a trouvé qu'une solution...

samedi 18 octobre 2008

Les intellos monolithiques

Ce n'est pas parce que la taulière a le sadisme d'écrire en blanc sur fond noir qu'il ne faut pas la lire...

Ted Mac Yver et Jim Buckley

Je ne sais pas comment s'écrivent les noms de ces deux connards, qui doivent avoir à peu près 70 ou 80 ans, à l'heure où je vous cause. Cela s'appelait Les Hommes volants. C'était un feuilleton sur la chaîne unique de télévision. Dans les années 1964 ou, à la rigueur, 1965 (mais pas au-delà : de cela, je suis certain). Un épisode par jour, un quart d'heure ou vingt minutes, je crois, je ne sais plus à quel moment de la journée, probablement en fin d'après-midi - il faudrait demander à ma mère, mais elle n'est pas là.

On regardait ça, mon frère, Philippe (4 ou 5 ans), et moi (8 ou 9), avec passion. Ensuite, on jouait aux hommes volants, dans le salon-salle à manger du bloc 2 de la cité Glockengumpen, à Lahr, Allemagne (pour de plus amples renseignements, voir ici). Nul besoin d'accessoires : sous la table de la salle à manger se trouvait un tapis, qui figurait l'avion ; au-delà s'étendait le parquet, qui était le ciel.

On hésitait toujours beaucoup, avant de se lancer dans le vide : même jeunes, on n'était pas des fondus. On communiquait d'abord avec le pilote, comme dans le feuilleton en noir-et-blanc dont l'image tremblotait, s'allongeait, s'étrécissait brusquement, pâlissait ou se grisait, tout ce que vous voudrez. Juste avant de sauter, la peur au ventre : "Deux degrés ouest !", exigeait l'un de nous de l'invisible pilote. " Trois degrés sud !", répliquait l'autre, ne voulant pas être en reste.

Enfin, certains que l'avion présentait la meilleur inclinaison possible, la peur au ventre, nous sautions. Sur le parquet. Bras et jambes écartés et levés, ainsi qu'en l'azur. Combien de temps mettions-nous à rejoindre la terre ? Je ne sais plus. On perdait le sens de la durée, probablement , en raison de l'ivresse des altitudes. À peine au sol, l'avion-tapis était là, qui nous attendait, prêt pour un nouveau tour. Repliions-nous nos parachutes ? Probable que non : nous ne manquions pas, à cet âge, de petit personnel pour nous en fournir d'autres, impeccablement empaquetés sur eux-mêmes. Et nous repartions à la conquête des airs raréfiés, avec un courage tranquille que je n'ai jamais plus ressenti depuis. Philippe et moi, alors, étions de la graine de héros. La vie s'est chargée du reste, tranquillement pas vite...

Ensuite, surtout le jeudi, il y avait Zorro - c'était bien aussi.

Je sais bien que vous n'allez pas me croire...

J'arrive à la maison, hier soir, le portail est ouvert, j'enquille la voiture dans la descente de garage, comme toujours. Que vois-je, en levant un peu les yeux ? Gaston ; petit bonhomme d'à peine un an et demi. Il est là, debout face à la porte-fenêtre dont nous parlions hier, celle qui sert de résidence hivernale au troupeau de coccinelles. Lorsque je m'extirpe du tombeau roulant, il me reconnaît et donne les signes d'une joie exubérante. Je pénètre dans la maison et, aussitôt, il tend les bras vers moi, dans l'intention manifeste de passer de ceux de sa grand-mère aux miens - ce qui s'accomplit ; il blottit sa tête au creux de mon épaule et ne bouge plus.

Je me sens bizarrement ému.

Señor... El sombrero !

Pleurer de rire en lisant le Nouvel Observateur, ça vous est déjà Arrivé ? Moi non plus. Jusqu'aujourd'hui, au grand étonnement de Malena à qui pareil spectacle n'avait encore été offert. Évidemment, ce n'est pas le pénible déchiffrage de l'éditorial de Jean Daniel, le grand endormisseur en chef, Sa Très Haute Suffisance, qui a provoqué ma soudaine et irrépressible hilarité, mais la lecture d'un article de François Forestier, à propos d'un guide touristique d'un genre nouveau, article que je me permets donc de vous recommander.

vendredi 17 octobre 2008

On refait le match France-Tunisie

Je n'aurais pas dit mieux ! Mais en essayant (gérondif...) de l'écrire un peu moins pataudement...

À propos de gérondif (participe présent originaire de Bordeaux)

Au milieu des torrents de boue dont m'accable depuis hier une centurie de blogueurs ignares et satisfaits d'eux-mêmes, une pépite, ô combien précieuse : un courageux et raffiné amoureux du Grand Style monte au créneau, afin de déverser sa poix bouillante sur la margoulette des fâcheux ricanants.

Pour Balmeyer, qui demandait des nouvelles...

Malena dans le panier de Bergotte
La même sur le dos de Swann...

jeudi 16 octobre 2008

Le gang des coccinelles

C'était ce soir. La maison ne ressemblait à rien de connu : nous avions les deux kékés d'Adeline, et nous les avons jusqu'à lundi. Mais rien à voir. L'Irremplaçable, après une journée qui passerait à n'importe quel humain normal l'envie de se reproduire, s'effondre dans le canapé (j'étais déjà moi-même vautré dans mon fauteuil, supportant sans trop de difficultés de considérables décibels suraigus). Bref, nous nous servons un verre (les adultes assommés), et entrouvrant la porte-fenêtre du salon, afin de pouvoir fumer en toute bonne conscience - ce que nous faisons illico.

Dans la minute suivante, entrent dans le salon sept ou huit coccinelles, à ma grande surprise. Dix minutes ensuite, elles étaient douze ou vingt. Bizarre. Une bière ensuite, j'avise, dans le coin du volet (de la porte-fenêtre que, d'ordinaire, nous n'ouvrons jamais) une sorte de grappe de mini-raisins. Me levant, je constate qu'il s'agit en fait d'une colonie de coccinelles : elles sont bien, à touche-touche, cinquante ou soixante.

Pour le coup, en raison du nombre, la sympathique "bête à Bon Dieu", par le nombre, redevient insecte. On se sent, face à l'essaim, dans la situation du puceron des rosiers faisant connaissance avec les mâchoires de la bête cauchemardesque - et on referme la porte-fenêtre.

Personne n'est effrayant s'il est seul : le nombre est tout.

Les humoristes déchaînés du Point

On lit de drôles de choses, dans la presse hebdomadaire française, et même parfois des choses drôles. Y compris dans les magazines les plus sérieux. Ainsi, ouvrant Le Point de cette semaine à la page 72, on peut lire le "chapeau" suivant : Alors qu'elle devrait lui profiter, la crise financière brouille la ligne politique du Parti socialiste. Et sème la discorde, moins d'un mois avant le congrès de Reims.

En seulement deux petites phrases de rien, le rédacteur parvient donc à nous faire croire 1) que le PS possède une ligne politique, 2) que la plus douce harmonie y régnait avant la survenue de la crise. Ce qui est tout de même d'un humoriste chevronné, à tendance légèrement surréaliste.

À Nicolas et Zoridae (mais les autres peuvent s'exprimer aussi)

Il paraîtrait que les deux personnes citées (et peut-être d'autres) rencontrent depuis ce matin (hier soir ?) des problèmes pour venir sur ce blog mirifique, en raison d'une page de pub tyrannique. Pensant que cela pouvait être l'origine de ce bug, je viens de supprimer le compteur de visites : merci de me dire si ça va mieux maintenant...

mercredi 15 octobre 2008

Le parti de l'in-nocence déclare ceci :

« Le parti de l'In-nocence juge que plus accablants encore que les sifflets qui ont accueilli une fois de plus la "Marseillaise" lors du match de football opposant hier à Saint-Denis la France et la Tunisie sont les divers commentaires autorisés qui se font entendre depuis lors et qui pour la plupart, à propos des insulteurs de notre hymne national, brodent sur le thème « il faut les comprendre ». Les Français d'origine tunisienne et les Tunisiens de France qui bafouent la Marseillaise agiraient de la sorte à cause du prétendu "racisme ordinaire" dont ils seraient quotidiennement les victimes. C'est le contraire exactement qui est vrai. Il est même bien étonnant que leur attachement exclusif pour leur patrie d'origine et leur animosité souvent haineuse pour leur terre d'accueil ne suscite pas plus de réactions chez les Français plus anciennement installés en France.

« Le parti de l'In-nocence estime que de telles manifestations désormais coutumières, et la passivité honteuse qui les accueille, marquent de la plus éclatante et piteuse manière l'échec de l'illusoire "intégration à la française", radicalement condamnée dès lors qu'elle ne portait plus sur des individus mais sur des peuples entiers qui conservaient leur caractère de peuples et leurs préférences nationales d'origine. Ce qui est clairement annoncé là, ce n'est nullement une quelconque intégration que ne souhaitent en rien les virtuels intégrés mais, au mieux, un partage belliqueux de territoire.

« Le parti de l'In-nocence, à titre de mesure minimale, renouvelle son voeu que soient entendus ceux qui renient expressément, d'une manière ou d'une autre, leur nationalité française, et qu'elle leur soit en effet retirée. Il ne saurait y avoir d'appartenance purement administrative à la nation, simple assortiment d'avantages matériels dont la contrepartie en loyauté et en attachement sentimental et patriotique serait clairement répudiée en actes ou en paroles par les intéressés eux-mêmes. »

Je soutiens, expressément, le parti de l'In-nocence, au moins sur ce communiqué (et sur beaucoup d'autres, à dire vrai). Il semble aller de soi que ce pays - la France, puisqu'il faut la nommer une dernière fois, avant liquidation - est en train de disparaître, que ces gens étranges que l'on appelait autrefois "Français" (et quelle que soit leur origine) semblent décidés à cesser immédiatement d'être, résignés à ce que leurs enfants, déjà faits ou à venir, vivent dans un pays occupé, dhimmis sur la terre de leurs ancêtres, résignés aussi à ce que ces mêmes enfants, peut-être bien, les régurgitent violemment d'ici 20 ou 30 ans, leur demandent des comptes quant au monde qu'ils leur auront légué, ricanent ou pleurent - c'est selon -, pensant à ce que chacun, en ce jour, devra affronter, au nom de ce qu'est aujourd'hui le Parti du Bien.

Je ne vous aime pas beaucoup, mes jeunes amis ; je n'aime surtout pas le monde que vous allez donner à ces enfants que vous prétendez aduler : un jour, ils vous verront pour ce que vous êtes. Vous serez vieux, vous ne pourrez pas revenir en arrière ; vous vous excuserez, humblement, humblement fatigués, et il sera trop tard. Du reste, il est déjà trop tard : continuez comme vous êtes partis, ça n'a déjà plus d'importance.

Gaston du côté de chez Swann

Plutôt que d'aller au lit seul, Gaston, le fils d'Adeline, a trouvé la solution...
Photos : Irrempe

mardi 14 octobre 2008

Fatigué...

Je n'ai répondu à personne, je suis fatigué, je n'ai plus l'habitude des journées de cours de huit heures : on verra tout cela demain, si vous le voulez bien...

Je sens que je vais passer pour un con...

... Mais tant pis : j'ai vraiment bien aimé ce petit stage de deux jours. J'ai d'abord appris beaucoup de choses, très intéressantes - si, si, vraiment. J'ai aussi passé deux jours avec quinze personnes que je n'aurais autrement jamais rencontrées, et que je ne reverrai sans doute jamais : vous avez beau ricaner, et vous avez probablement raison de ricaner, sur les coups de cinq heures et demie, lorsqu'on s'est dit au revoir, avec ce petit air gêné et adorable que l'on apprend dès la première année de colonie de vacances, j'ai éprouvé une sorte de pincement imbécile et délicieux.

Et puis (désolé Olivier P.), mais j'ai vraiment bien aimé ces deux jours. Même cette bonne Germaine (voir le billet d'hier), à la limite du mongolisme extérieur, mais si pleine de joie fondamentale, qui m'a sauté dessus dès huit heures ce matin (j'étais en avance, elle aussi), pour m'expliquer qu'elle avait perdu sa clé de garage, qu'elle avait appelé son gendre-qu'est-dans-la-police, mais que, finalement, elle avait retrouvé une autre clé du même garage et que tout s'était très bien arrangé et que c'était pour cela qu'elle était là en avance, et que...

Je ne reverrai probablement jamais Germaine, je suppose. Elle m'est toutefois précieuse : son visage disgracieux, son oeil éteint, son sourire vide, tout cela existe désormais. Son mari mort (dans un accident de voiture, il y a 33 ans), elle faisant tourner la boucherie-charcuterie de La Bonneville (où les flics, si on écoute les balbutiements de Germaine, concentrent leurs radars et leurs forces de nuisance justement contre elle), avant de baisser les bras et de prendre sa retraite, parce que, n'est-ce pas....

Qu'est-ce que Germaine a compris du monde ? Elle qui n'a pas réussi à savoir ce qu'elle faisait à ce stage ? Elle qui a fait rire tous ceux qui se pensaient plus intelligents qu'elle, à peu de frais - y compris moi, je dois bien l'avouer. J'ai ri avec les autres : j'aurais aussi bien renié trois fois Jésus, l'époque étant autre.

D'une certaine manière, nous avons communié : je sais que c'est idiot. Néanmoins, mes frères... Dès ce matin, s'échangeaient des regards complices. Complices de quoi ? De rien, forcément. Mais complices. Presque heureux de se retrouver, après une nuit d'éloignement. Et suis-je le seul à ressentir pesamment ce voile de mélancolie, pensant que je ne reverrai jamais aucun de ces gens ? Je pense que non, ce soir.

(Mais je triche et le sais : nul d'entre nous n'y pensera plus demain matin, c'est sans doute heureux. Ou indispensable.)

Vous le voulez comment, votre permis ? Saignant ? À points ?

Donc, on y est. Pour deux jours. Tout cela est parfaitement ficelé, rien à dire. à l"aurore du premier jour, les mines sont longues ; on sent bien chacun tout prêt à récriminer. Sauf moi - et sans doute quelques autres, mais c'est difficile à savoir, si tôt dans l'épreuve. (Écrivant, cela, les pièces pour piano de Mompou donnent une sorte de légèreté, de virevolte, à ce qui pourrait être pesant si l'on n'y prenait garde. Et d'ailleurs...)

Or, il faut il prendre garde : ce serait une défaite en rase campagne, que de ne trouver rien d'agréable à cet épisode. On l'a accepté, on l'a même à dire vrai sollicité, il importe je crois d'y trouver un bénéfice. Non le bénéfice officiel que l'on nous vante, certes : celui-là est frelaté, languide, étiré sur deux interminables jours, justificateur (et rien d'autre) des 250 € que l'on va pour finir nous réclamer, et que l'on aurait pu, tout aussi bien, glisser par un guichet, en deux minutes, en échange des quatre points précieux que nous sommes venus chercher ici.

Mais enfin, il faut se soumettre à la règle, et, finalement, on le fait volontiers ; on se replie sur les marges. D'abord, on s'intéresse à ce qui se passe ; mieux : on prend le parti, avant même de prendre place, de s'intéresser à ce qui va peut-être se passer ; par peur de s'ennuyer, on en deviendrait presque avide des inconnus qui, 48 heures, vont investir la vie, la nôtre - et nous la leur.

On se replie sur les marges, donc, disais-je. Parce que, tout de même, il y a des moments de vide, des petites plages de temps où l'on n'a plus envie d'aparté humoristique avec son voisin immédiat, où la complicité devient soudain plus difficile, contrainte, presque douloureuse parce qu'on pense qu'il va s'apercevoir, le voisin, de la tricherie. Il ne s'avise de rien, mais l'alerte est chaude. Les marges, donc. Ce peut être la contemplation rêveuse, à peine consciente d'être, du cul de l'une des deux...

(Des deux quoi ? Animatrices ? Organisatrices ? Monitrices ? Directrices ? On ne sait pas. Toujours est-il que l'une, quoique trop blonde pour entraîner votre rêverie bien loin, possède des rondeurs (et un âge) qui vous font par moments traîner le regard vers elle lorsque le discours se fait ronronnant et que la digestion agit. On ne bande pas, à proprement parler, on a juste une ébauche de sourire consentant, en dedans.)

On se surprend, et c'est un peu surprenant, à oublier (alors qu'on ne pensait qu'à cela, le matin, en arrivant) qu'on est ici pour récupérer des points de permis de conduire. On en arrive presque à se dire qu'on pourrait sans doute passer le reste de sa vie à venir tous les jours, dans cette salle hideuse, s'asseoir sur ces sièges malcommodes, pour écouter ces deux femmes discourir sans fin sur les sujets les plus divers ; et que l'on deviendrait tout à fait ami avec les assis qui nous entourent, qu'ils nous deviendraient essentiels, qu'on en arriverait à oublier les autres, les amis d'une vie incertaine parce que trop ancienne, y compris les morts qui n'ont aucune idée du permis à points.

Oui, sans doute, on pourrait presque, ici, commencer un existence neuve.

lundi 13 octobre 2008

Déformation professionnelle

Bon, ce garçon est mort. C'est probablement triste. Personnellement, je m'en fous un peu, et même beaucoup. C'est-à-dire que je m'en fous. Comme de la mort de Désiré Michard, de Yolande Pichegru, ou de tous ces gens que je n'ai pas connus. Mon premier réflexe a été de me dire que nous sommes lundi, jour de "bouclage" à France Dimanche, et que mes petits camarades de chaîne allaient immanquablement "repiquer" et rester très tard devant leurs écrans. Il arrive ainsi que les palinodies professionnelles vous repeignent la mort de tel ou tel d'une façon un peu effrayante.

Quinze hommes en colère (dont deux femmes)

Jérôme est à ma gauche, Mohammed à ma droite - ce sont leurs vrais prénoms -, il est huit heures vingt-cinq du matin, à Évreux, rue Joséphine, au premier étage du syndicat de la Boulangerie. Car, aussi curieux que cela paraisse, les stages de récupération de points de permis, organisés par la Sécurité routière d'Évreux, se passent au premier étage du syndicat de la Boulangerie - avec B majuscule, je vous prie. C'est ce qui explique que, au mur du fond de la salle où nous nous apprêtons à passer deux jours, se trouve une carte de France grotesquement peinturlurée et parsemée de petits pains dorés, mais non odorants. Il est huit heures vingt-cinq, on s'installe.

Nous sommes quinze : treize hommes, deux femmes. On apprendra, plus tard dans la journée, que cette proportion est sinon normale du moins courante. Germaine est retraitée et veuve, elle adore conduire vite, elle emmerde les gendarmes ; Lallia est plus jeune (d'assez loin), plus délicieusement exotique, elle se montre prudente quand ses enfants sont dans la voiture et fait n'importe quoi quand elle y est seule (j'ai changé les prénoms, là) : c'est elle qui le dit. Germaine ne comprend visiblement pas ce qu'elle fait là, ne comprends d'ailleurs rien à rien, - la plus humble question lui est un casse-tête -, et fait beaucoup rire Lallia dès qu'elle ouvre la bouche. Les tables sont disposées en U, comme il se doit, Lallia est assise dans ma branche de U ; ce qui me permet, dans les moments de moindre attention au discours des deux G.O., de glisser un oeil vers les huit centimètres de sa chute de reins se dévoilant entre le jean et le tee-shirt : ça aide.

Voilà pour les deux femmes. Les hommes, compte tenu de mon déficit d'homosexualité, m'intéressent moins. Sauf peut-être celui qui s'exprime le mieux, semble l'un des plus intelligents parmi nous, coiffeur (ainsi qu'il nous le dit) et, comme il se doit, visiblement pédé : du genre langue et sourcil percés, doté d'un certain humour et d'un esprit de répartie qui, peut-être, si j'ai le courage, se vérifiera plus tard. Pédé mais peu cultivé, suppose-t-on, puisque me voir avec les Élégies pour quelques-uns de Renaud Camus à la main ne lui fera pas bouger une oreille, ni rien d'autre. C'est dommage : rencontrer un camusien en ces circonstances m'aurait bien fait plaisir.

Les hommes, disais-je, n'ont que peu d'intérêt, ne présentent que de maigres surprises : tout le mal vient de la police. Et, si la police n'y est pour rien, dans leur profond malheur, c'est que c'est de la faute de la gendarmerie : on ne sort guère de là. Là-dessus, deux ou trois tentent de broder, de dévier, de subvertir, s'il est possible ; mais nos deux cerbères aguerries, rompues à l'exercice, ont tôt fait de désamorcer, souriantes et bénignes. Il est neuf heures moins le quart, l'ascension commence...

dimanche 12 octobre 2008

Renaud ! Renaud ! De guerre reviens !

Encore une photo de Renaud Camus ?!? Ben oui, encore. Simplement parce qu'il va en être question. Je viens d'apprendre, par la principale intéressée, qu'hier, à La Comète, profitant de ce que j'étais sorti fumer, vomir, discuter intelligemment avec je ne sais qui, cette chienne arachnéenne de Zoridae a poussé mon chauffeur à me ridiculiser en lui faisant raconter notre premier dîner avec Renaud Camus. Bien évidemment, le seul Rital-à-la-con présent à cette soirée, s'est précipité sur cette occasion, telle la vérole sur le bas-clergé armoricain, promettant de me réduire à quia dans les prochains jours.

Pour lui prouver que je ne le crains nullement (d'après Michel Audiard, les hommes de 180 kg n'ont jamais rien à craindre de ceux de 42 (j'exagère dans les deux sens, qu'on se rassure)), je republie le compte-rendu de ce premier choc frontal, entre votre serviteur, l'Irremplaçable, l'excellent M. Pierre et l'écrivain vivant le plus jouissif qu'il se puisse trouver (même en cherchant mieux que je ne l'ai fait).



Tout a commencé par une nuit bleue et froide de décembre, alors que je venais de faire l'objet d'un tir croisé de sottise crasse, dans la salle du rewriting, où vous êtes désormais accoutumés de me retrouver. Légèrement abasourdi par ces pleins baquets de stupidités déversés sur la pauvre tête, qu'est-ce qui me poussa à adresser un mail à Renaud Camus, dans le seul but de pleurnicher sur son épaule ? Allez savoir.

Toujours est-il que, cinq minutes plus tard - alors que je n'en attendais évidemment aucune - je recevais une réponse. Dans laquelle, en substance, le châtelain de Plieux me faisait savoir que mes soucis, auprès des siens, relevaient de la pure félicité, qu'il avait violemment à se plaindre des personnes chargées de lui installer un nouveau système de chauffage, onéreux mais susceptible de faire repasser la température de la Salle des vents légèrement au-dessus de zéro sur l'échelle de Celsius.

Réponse compatissante de ma part, re-réponse de la sienne, le ton vire à l'humour, dérape dans le burlesque, nous fait passer le temps à tous les deux, lui là-bas, moi ici (cha-bada-bada...). Pour finir, Renaud Camus m'adresse un ultime mail intitulé En direct de la ferme, qui se trouve être la page de son journal du jour (que j'ai gardée précieusement depuis, vous pensez bien : je compte me faire un blé noir, avec ce truc, pour quand je serai vieux).

Là-dessus, l'écrivain en bâtiment rentre dans sa Normandie.

Une heure et deux pastis plus tard, une idée point dans mon cerveau en légère surchauffe. Je m'installe ici même, devant le clavier, et expédie un nouveau mail en direction de la Lomagne, dans lequel je prie Renaud Camus d'être, avec M. Pierre, notre invité à dîner, à L'Irremplaçable et moi, le samedi suivant, en l'hôtel de Bastard. Assortissant l'invitation d'un trait d'esprit piteusement approximatif, du style : " Si notre compagnie n'a rien de bien exaltant, vous aurez toujours passé deux heures au chaud " - voyez le niveau.

Prenant connaissance de ce message un peu plus tard, la Petite Frisée Gracieuse (alias L'Irremplaçable, pour ceux qui n'auraint pas pris connaissance de ma Généalogie) s'inquiète quelque peu :

- Tu as vraiment l'intention de faire 1600 km aller-retour, pour un dîner ?

Moi, très mâle-qui-domine-la-situation :

- Voyons, ne sois pas sotte, ma pauvre fille (j'aime bien ce petit ton condescendant, je l'utilise parfois) : n'importe qui ayant lu le Journal de Renaud Camus sait très bien qu'il a horreur des invitations à dîner, surtout venant de gens qu'il ne connaît pas ! Il va trouver une excuse polie pour décliner et on n'en parlera plus...

Le lendemain matin, dans ma boîte mail, un message de Renaud Camus, disant en substance : "Mais avec grand plaisir, cher ami !" Suit une invitation à venir prendre l'apéritif à Plieux sur les coups de sept heures et demie.

Bon. On étais mardi, le dîner était prévu pour le samedi. Après ça, ont suivi pour l'Irremplaçable et moi (mais surtout moi) quatre jours de torture mentale sans précédent - et j'espère sans postérité non plus.

Le soir-même, on a commencé, elle et moi, à traquer les "c'est vrai que" et les "c'est h'évident" qui empuantissaient notre langage quotidien. Courageuse mais pas téméraire, l'Irremplaçable a déclaré tout net que, n'étant pas assez cultivée ni intelligente (ben tiens !), elle ne dirait pas un mot de toute la soirée, et que ce serait à moi de me débrouiller. Moyennant quoi, j'ai passé un bon tiers des quatre nuits qui ont suivi à faire la liste des sujets de conversation possibles, en cas de "blanc". Et, même, à commencer à les tenir, ces conversations, faisant à la fois Renaud Camus et moi, étudiant les relances, prévoyant les réponses : l'horreur à l'état pur.

Comme si ces tourments spirituels n'étaient pas suffisants, sont venus s'y greffer de petits tracas matériels. Nous venions d'avoir la chienne Bergotte (trois mois à l'époque), quelques semaines plus tôt. Comme il lui manquait un certain vaccin nouvellement inventé, il était hors de question de la laisser au chenil avec Swann. Nous devions donc partir pour le Gers, et bivouaquer à l'hôtel de Bastard, avec nos deux chiens, dont l'un qui, vu son âge, avait une très nette tendance à faire ses besoins à l'endroit où il se trouvait quand l'envie l'en prenait.

Néanmoins, l'aventure était fort excitante.

Comme je tenais absolument à voir le château de jour, nous décollons du Plessis-Hébert le samedi matin, aux environs de cinq heures. Les huit cents kilomètres se font gentiment, avec arrêt toutes les heures pour les chiens. L'Irremplaçable et moi nous partageons les tâches : je conduis, elle rattrape le sommeil que nous avons en retard.

Nous découvrons Plieux vers trois heures de l'après-midi, et je fais remarquer à l'Irremplaçable que le château est à l'image de l'homme qui l'habite : dressé d'orgueil mais sans une once de vanité. Cette pensée sublime me vaut un long regard admiratif de celle qui a la chance inouïe de m'avoir pour mari.

Ensuite, nous filons vers Lectoure, afin de poser nos bagages (et nos chiens) dans la chambre qui nous est réservée. Petit tour de la ville, qui doit être charmante lorsque ses habitants n'accrochent pas de gros Père Noël rouge fluo à tous les balcons, et qu'il n'y a pas les micros beuglants de la quinzaine commerciale.

À mesure que le temps passe, la tension monte...

Retour à l'hôtel de Bastard, douche, change. Je ne pousse tout de même pas l'obédience aux principes camusiens jusqu'à mettre une cravate (c'est mon côté rebelle irréductible). Et nous voilà repartis pour Plieux - les chiens toujours à l'arrière. Naturellement, ma peur d'être en retard fait que nous arrivons un quart d'heure trop tôt, et ces quinze minutes passées à attendre dans la voiture, sur la petite place du village, qu'il veuille bien être sept heures et demie, resteront comme le plus long quart d'heure de mon existence.

Enfin, d'une main ferme, j'empoigne la chaîne, tire dessus, la cloche retentit, les dés sont jetés. Un pas dans l'escalier, la porte de bois s'ouvre...

C'est M. Pierre, souriant, d'emblée charmant. Nous nous présentons. Comme chaque fois que je suis censé enregistrer un nouveau nom, je l'oublie instantanément (d'où le "M. Pierre" que j'emploie depuis...). Nous le suivons dans l'escalier, découvrons la première salle, dans laquelle, finalement, nous sommes rejoints par le maître de céans.

Renaud Camus nous invite à passer dans son bureau, si le terme convient à une salle aussi magnifique. La première impression (idiote, il va sans dire) que l'on éprouve, entre ces deux haies de bibliothèques pleines, devant ces murs lourds, face au grand bureau qui occupe le fond de la pièce, c'est que n'importe qui, installé à écrire en ce lieu, aurait obligatoirement du talent. Comme quoi, il faut se méfier de ses premières impressions.

À peu près à mi-longueur de la salle, dans un renfoncement du mur, est installée une petite table autour de laquelle nous prenons place, Renaud Camus, l'Irremplaçable et moi sur des chaises, Pierre sur le banc de pierre (pas pu éviter la répétition, là...) sortant de l'épaisseur même du mur.

Le champagne arrive, la conversation s'engage. Elle a un peu de mal à prendre, au début, forcément. Oubliant ses voeux de silence, l'Irremplaçable se met à la relancer et s'en tire plutôt bien - on trouve le rythme, tout en vidant la bouteille.

Vers huit heures et quart, on s'apprête à repartir au Bastard, mais, avant, petite visite des principales salles, celles où sont exposés les oeuvres de Jean-Paul Marcheschi. Ma connaissance de l'art en général, et contemporain en particulier, étant ce qu'elle est (nulle), je reste muet devant ces
grands panneaux austères, sombres mais troués de lumière.

C'est-à-dire que j'aurais dû rester muet. Mais comme la chose m'est à peu près impossible, il a bien fallu que je profère je ne sais plus quelle banalité pompeuse qui a dû consterner notre hôte. Courtois et bien élevé, il n'en a rien laissé paraître.

Une vingtaine de minutes après, nous entrons dans la salle à manger de l'hôtel de Bastard, pièce agréable, chaleureuse même. On nous conduit vers une table ronde. C'est le moment d'affronter la torturante question qui a hanté une partie de mes nuits précédentes : comment dois-je placer mes hôtes, puisque, puissance invitante, il paraît que c'est à moi de le faire ?

Comme il n'y a qu'une chaise pour tourner le dos à la salle, il est normal que je me l'attribue. Mais ensuite ? L'Irremplaçable me sauve la mise en décrétant que Renaud Camus prendra place en face de moi, Pierre à ma gauche et elle à ma droite. Renaud Camus proteste courtoisement que la place d'honneur doit revenir à Catherine, seule femme de l'assemblée. L'Irremplaçable clôt le débat en déclarant avec un petit sourire qu'elle préfère contempler Pierre que la salle.

Là, sale moment de honte pour votre serviteur, lorsqu'il réalise que Renaud Camus attend que Catherine ait fini de s'installer pour faire de même... alors que j'ai déjà le cul sur ma chaise depuis une poignée de secondes ! Petite plage de solitude...

Le dîner va se dérouler de façon tout à fait agréable (en tout cas de notre point de vue...). M. Pierre se révèle un homme charmant, agréable, intelligent, doté d'humour. Je pose à Renaud Camus des questions sur ses livres, passés ou futurs, en m'efforçant de ne pas non plus monopoliser la conversation sur ce seul thème. Se sentant à l'aise, l'Irremplaçable tient parfaitement son rôle, relançant sur des sujets davantage "d'intérêt général".

Renaud Camus fait preuve d'un bel appétit, et je n'ai pas besoin de le supplier à genoux pour le voir vider son verre de vin blanc. Je me dis qu'après cela, il ne faudra pas qu'il s'étonne de souffrir d'insomnie - je suis allé vérifier quelques semaines plus tard dans la Chronologie : elle s'est effectivement produite.

Nous nous séparons 'round midnight, après un armagnac pris au bar... où j'ose enfin m'autoriser une cigarette !

Il ne nous restait plus qu'à faire faire un dernier tour aux chiens, à dormir autant que possible, et à rembobiner nos huit cents kilomètres dans l'autre sens.

Ce qui fut accompli.

État cométeux

Une irremplaçable à main droite, un verre de petit chablis dans l'autre : comment la soirée aurait-elle pu être mauvaise ? De fait, elle fut bonne, animée, discoureuse (en ce qui me concerne). On a essayé de la noyer sans tout à fait y parvenir. Enfin, surtout les autres car, pour ce qui me concerne, j'ai principalement bu de l'eau-qui-pique. Ce qui fait que j'étais bien en forme, au retour, pour conduire dormir. On était treize à table, ce qui n'a pas manqué d'alarmer Catherine, mais elle s'en est remise assez vite. Je ne vous dirai pas qui était là, afin de ne pas compromettre de fort honorables réputations, en particulier celles des jeunes femmes présentes, toutes plus regardables les unes que les autres, et d'une jeunesse qui m'a assez considérablement agacé - mais bon.

Après avoir fait la fermeture de la Comète, nous fîmes l'ouverture du bar privé de Nicolas, chez lui, ce qui a permis à Catherine de faire une photo de sa collection de cravates à chier : nous gardons la pièce à convictions, des fois que nous aurions l'occasion de faire chanter ce triste sire. Il paraît qu'en toute fin de parcours je me suis lancé dans un cours magistral sur René Girard, qui a dû finir d'assommer tout le monde.

Retour à la maison, sur les coups de trois heures, je me suis avisé qu'il restait une 1664 dans le frigo. L'ayant dépucelée à la hussarde, j'ai posé la Sonate de requiem (pour violoncelle et piano) d'Olivier Greif sur la platine et me suis installé confortablement dans mon fauteuil. Si confortablement que, lorsque j'ai ouvert un oeil, Greif était parti se coucher depuis longtemps, il était cinq heures du matin. J'ai jeté la bière dans l'évier de la cuisine et suis allé me coucher aussi.

Voilà.

samedi 11 octobre 2008

Le triomphe d'Alceste

« Ce qui me frappe chez les champions de la sincérité, outre leur dogmatisme, c'est leur vanité. Qu'est-ce qui leur donne à croire que le fond de leur pensée soit si précieux ? On n'a pas acheté leurs sentences, ni quêté leurs arrêts. Et pourtant ils continuent de les prodiguer, et même ils les multiplient.

« L'horrible, c'est qu'on est contre eux sans défense. Car, sauf accès de fureur, on ne peut pas leur répliquer sur le même ton. Le démon de la sincérité, l'incube de l'agression, ils vous possèdent ou non. Et s'ils ne sont pas en vous, vous aurez beau vous entendre dire bien en face que vous avez une mine de déterré, que vos livres sont exécrables ou vos moeurs infâmes, jamais vous ne pourrez répliquer, même si vous ressentez au fond de l'âme, que votre agresseur est ignare, que ses cravates sont révoltantes, son haleine fétide ou son français une poubelle. Ça ne passe pas. Vous n'avez, fors la patience ou la divine sagesse, aucun recours ; sauf, peut-être, d'écrire Manières du Temps. »

Renaud Camus, Notes sur les manières du Temps, p. 362, P.O.L, 1985.

Anniversaire

C'est là-bas que ça se fête...

vendredi 10 octobre 2008

Les blogueurs ont des choses importantes à dire

Parfois, chez eux, on trouve des aveux de ce genre :

J'ai toujours été réfractaire à Woody Allen. Sans doute par pur snobisme. Je n'ai vu qu'un film de lui et je n'en ai même pas retenu le titre.

(C'est moi qui souligne.)

L'as-tu vu, oui j'l'ai vu, l'abricot d'la cantinière...

En fait, non, je ne l'ai pas vu. Je n'ai même pas cherché à l'entr'apercevoir, pour tout dire. Cela étant, je suis effectivement retourné à la cantine de Lagardère...

Pause : quand je dis "la cantine de Lagardère", il faut comprendre qu'il s'agit du restaurant de la société Lagardère, et non que ce brave Arnaud y déjeune tous les jours, ni même une fois par semaine.


...de Lagardère, après des mois d'abstinence. Pourquoi une telle épreuve ? Parce que, ce matin, je suis venu travailler en voiture. Et qu'il ne pouvait être question de boire du vin à midi : en cas de contrôle, c'eût été du plus mauvais effet, de dépasser les sacro-saints 0,50 g.

Pour supporter au mieux de genre d'expérience pénible, j'ai trouvé la solution. Elle consiste à poser son ticket de caisse devant soi, à ne pas le quitter des yeux une seconde et, tandis que l'on mastique tristement des nourritures strictement comestibles, à se répéter en boucle, tel un mantra :

Je déjeune pour deux euros quarante... Je déjeune pour deux euros quarante... Je déjeune pour...

Ce n'est pas la panacée, mais ça aide considérablement.

jeudi 9 octobre 2008

Hommage, jalousie et (à venir) camembert généreusement tartiné

À Balmeyer, pour le texte ; à Dorham, pour l'environnement musical


Comment reconnaître un écrivain ? Ou, plus exactement, un possible écrivain ? À ceci qu'il fait (parfois, pas toujours) jaillir des formules qu'à première lecture vous trouvez simplement amusantes, bien trouvées, comme on dit. Ensuite, vous en parlez à votre Irremplaçable (si vous en avez une, ce qui n'est pas donné à tout le monde, loin s'en faut). Et, là, discourant, vous vous apercevez, les phrases se déroulant, que cette image qui vous a d'abord fait sourire présente des étages, des arrière-plans, des tiroirs secrets ; et que, plus vous l'évoquez, plus elle acquiert de richesse. Et, même, au risque du ridicule, de profondeur. Prenons par exemple, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, cette image de Balmeyer, parlant d'une banale gueule de bois que, comme chacun l'a fait au moins une fois dans sa vie (ou alors, sortez d'ici : vous n'êtes pas assez franchouillard et je vous envoie la police...), il a soignée "par le mal", le lendemain matin :

On aurait dit une petite voiture compressée par César qui reprenait peu à peu sa forme initiale.

Peu de mots, mais qui, à mesure qu'on se les répète, prennent forme et prolongements, exactement comme ces papiers japonais dont parle Proust, dans Du côté de chez Swann, au moment du célébrissime épisode de la madeleine, qui, d'informes qu'ils sont au départ, deviennent, trempés dans l'eau chaude, des maisons, des jardins, etc.

Cette phrase en gras que je viens de citer a ce genre de pouvoir de déploiement ; elle rend compte, avec une superbe économie de moyens, d'une réalité plus profonde qu'il n'y paraît - et sans quitter le sourire. C'est une phrase d'écrivain. Peut-être.

Une certaine jalousie me point : je vais reprendre une bière, ce sera de sa faute, à ce con.


Consommations : 1/2 bouteille de muscadet sur lie pour l'Irremplaçable ; quatre bières Goudale pour moi.

Environnement musical : Sarah Vaughan (compilation), Louis Armstrong (Good Book et extraits du concert au Town Hall de New York, 1947). Écrivant ce billet et lisant les vôtres : l'oratorio de Pâques, de J.S. Bach.

En voiture !

C'est une feuille de papier pelure, avec ma photo (hideuse) agrafée en bas à gauche. Il y a aussi mon nom et mon prénom, à peine lisibles. C'est mon permis de conduire provisoire, récupéré ce matin à la Préfecture d'Évreux, après une glorieuse et prompte visite médicale. Le rendez-vous était à neuf heures et quart. Deux femmes avaient trouvé le moyen d'arriver avant moi, mais bon : rien de dramatique, par rapport aux soixante-douze personnes qui se pressaient au guichet des permis et des cartes grises.

Une semaine avant cette glorieuse confrontation avec le corps médico-préfectoral, j'avais pu constater que mon taux de gamma GT était de 95, lorsque la "fourchette" permise se situe entre 20 et 55. Je ne m'en inquiétais nullement, ayant vu sur internet que certains affichent jusqu'à 1000 ou 1500 : on appelle alors cela des Gamma GTI - 16 soupapes.

Les deux femmes devant moi furent expédiées en sept minutes chacune, ce qui me parut d'excellent augure. À mon entrée, je pus constater que les médecins étaient deux, une femme qui posait les questions d'usage (du genre : "vous arrive-t-il parfois de ne pas réussir à être bourré avant onze heures du matin ?"), tandis que l'homme se livrait aux examens proprement dits.

J'ai eu tout bon, j'ai même réussi à ne pas me vautrer comme un crétin lorsqu'on m'a demandé de fermer les yeux, d'étendre les bras à l'horizontale et parallèlement, puis de lever un pied. En fait, en dehors d'une fugace sensation de ridicule, il ne m'est rien arrivé du tout. Apparemment, mon taux de Gamma GT leur en a touché une sans faire bouger l'autre, puisqu'il n'en fut tout simplement pas question. Et je suis ressorti avec le précieux papier, après avoir passé une demi-heure tout compris dans ce vénérable bâtiment très moche.

En me disant que j'avais bien eu raison de ne pas arrêter de boire trois semaines avant la prise de sang comme on me l'avait obligeamment conseillé.

Du coup, samedi soir, c'est moi qui prendrai le volant pour nous emmener, l'Irremplaçable et moi, à la Comète bicêtro-kremlinoise. À l'aller, hein, pas au retour...

mercredi 8 octobre 2008

Autopromo éhontée

La toujours excellente Zoridae publie ce que je considère sincèrement, lucidement et objectivement, comme son meilleur billet à ce jour. Chapeau, Madame !

(Smiley au carré...)

mardi 7 octobre 2008

Isabelle, si le Bloy savait ça...

C'est la criiise ! C'est la criiise ! Et ça frétille chez les blogueurs de gauche, notamment chez les têtes de série ! On te vous empoigne le sort des grandes banques internationales, on te réfléchit sur les fusions, leur sort, leur avenir, la casse, tout ça ! Et il faut lire les commentaires : tout le monde a mis son manche à balai dans le cul, on ne rigole plus. On vitupère comme coassent les crapauds quand la mare fait des plis - c'est beau.

Reviens, Léon, j'ai les mêmes à la maison !

Car surtout, on pleurniche, on se tord les mains, on torchonne le bas de sa chemise de ses larmes : que vont devenir ces pauvres petits actionnaires, poussières innocentes, broyés par les messieurs à cigares et à huit-reflets ?

Ils vont crever, Léon, et ce sera bien fait ! Tu l'aurais dit bien mieux, si tu avais eu le malheur de vivre jusqu'aujourd'hui. Comme tu les aurais cloués, ces gagne-petit ne sentant même plus la sueur, mais toujours la vieille urine rance ! On aurait bien ri, grâce à toi, de leurs piteux trois sous que, par la magie du capitalisme, ils comptaient fermement transformer en cinq sans rien foutre !

Les ignobles fonds de pension internationaux, ignoblement rapaces ? Mais ce sont eux ! Eux, les Robert et les Suzanne, qui espéraient pouvoir aller se pavaner au Maroc ou en Tunisie, avec leur retraite miteuse, miraculeusement gonflée par les licenciements massifs de leurs enfants, les délocalisations de leurs usines, les saloperies singapouriennes qu'on leur fait avaler en guise de nourriture ! Ils en salivaient, des domestiques basanés qu'ils pourraient s'offrir, des fatmas qui torchonneraient leur carrelage "typique", pendant que Suzanne irait détendre ses varices au bord du bassin de chlore bleu ciel, plus ou moins mélangé d'eau !

Des nababs ! Grâce aux manoeuvres frauduleuses des messieurs à cigares, dans l'ombre des hémicycles, dans les torpeurs des arrière-corbeilles, voilà ce qu'ils seraient devenus ! Robert et Suzanne, rois du monde et du pétrole !

D'un coup, paf ! Finis, les 12 % annuels en se tournant les orteils ! On revient à la réalité, on bavoche dans son tapioca, on chipote sur ses frites surgelées : la vraie vie reprend ses droits, et comment ! Brutale, la vraie vie, parfois, hein ?

Le problème des Robert et des Suzanne, voyez-vous, c'est qu'ils sont aussi cons, aussi répugnants, aussi bas que les huit-reflets qui ne devraient pas tarder à se jeter par les fenêtres- du moins l'espère-t-on. Seulement, ils n'ont pas les moyens de leur politique de goinfres. On leur a vendu le bec du rapace sans leur en fournir l'estomac.