L'arrivée de novembre m'a toujours plongé dans la joie. Oh, pas dans cette joie criarde et brouillonne que l'imminence de l'été instille dans le cerveau des cons, non : une joie tranquille, taiseuse, quoique teintée de cruauté à peine perceptible.
L'acmé de ce bonheur quasiment étale se produit au premier soir du retour à l'heure dite "d'hiver", lorsque la nuit, après avoir filé doux durant plusieurs mois - ces mois décérébrés empestant l'huile solaire -, semble soudain se remettre à croire un peu en elle-même, à oublier qu'elle est désormais blessée à mort et ne se relèvera qu'après notre double et définitive extinction.
Qu'on me comprenne un peu : ce que j'aime, c'est le retour à l'heure normale, et non le principe du changement d'heure bisannuel, bien évidemment nuisible, nocif, malsain - mortifère, si j'osais. Il ne faudrait d'ailleurs pas me pousser beaucoup pour que j'avoue être même nostalgique de l'inconnu, de cette heure solaire, méridienne, qui présidait à la vie de nos grands-parents, avant que les armées allemandes ne viennent planter leur zone dans les fuseaux. Je pense avec regret à certains romans de Simenon dans lesquels est noté le premier assombrissement du jour dès trois heures et demie de l'après-midi...
L'acmé de ce bonheur quasiment étale se produit au premier soir du retour à l'heure dite "d'hiver", lorsque la nuit, après avoir filé doux durant plusieurs mois - ces mois décérébrés empestant l'huile solaire -, semble soudain se remettre à croire un peu en elle-même, à oublier qu'elle est désormais blessée à mort et ne se relèvera qu'après notre double et définitive extinction.
Qu'on me comprenne un peu : ce que j'aime, c'est le retour à l'heure normale, et non le principe du changement d'heure bisannuel, bien évidemment nuisible, nocif, malsain - mortifère, si j'osais. Il ne faudrait d'ailleurs pas me pousser beaucoup pour que j'avoue être même nostalgique de l'inconnu, de cette heure solaire, méridienne, qui présidait à la vie de nos grands-parents, avant que les armées allemandes ne viennent planter leur zone dans les fuseaux. Je pense avec regret à certains romans de Simenon dans lesquels est noté le premier assombrissement du jour dès trois heures et demie de l'après-midi...
Alors que ces journées estivales étalant leur vanité satisfaite jusque des onze heures du soir, c'est de la pure imprécation ! La reddition sans condition de l'humain face au festif. Le renoncement de l'âme devant le hâle : le bronzage, c'est toujours la bêtise qui affleure.
Il faut aimer la nuit et la souhaiter longue ; appeler les nuages et les vouloir bas ; rabattre sans peur son caquet au soleil et intimer l'ordre de disparaître aux troupeaux de plagistes. Du reste, il n'est nul besoin : sentant revenir le règne du repos contre celui du loisir, ils disparaissent d'eux-mêmes, se renfrognent, se diluent, s'effacent, se balaient tout seuls en même temps que le tapis d'immondices qu'ils ont abandonné derrière eux sur le sable. Ils reparaîtront l'année prochaine, soyons sans illusion.
Mais en attendant ce retour cyclique des bébés roses, il fait sombre, froid, pluie ; et les grands arbres laissent deviner leurs squelettes avec une satisfaction furieuse.
Vienne la nuit sonne l'heure...
Mais en attendant ce retour cyclique des bébés roses, il fait sombre, froid, pluie ; et les grands arbres laissent deviner leurs squelettes avec une satisfaction furieuse.
Vienne la nuit sonne l'heure...
T'as ben raison. On va pouvoir faire les choux-navets...
RépondreSupprimerMoi, je m'en fous.
RépondreSupprimerJ'aime bien l'automne, et le retour des collants noirs, j'aime bien l'été et le retour des décolletés.
Beau texte, M.Goux! Je suis content d'avoir lu ça avant de me coucher.
RépondreSupprimerAh mais je crois qu'il y a encore quelques toutes petites bourgades en France qui sont rythmée par le soleil.
RépondreSupprimerSi;
Et que même les gens se portent à merveille.
Mais c'est joli et triste.
Faut arrêter l'eau en bouteille.
L'automne est ma saison préférée et je déteste ce changement d'heure. Petit détail, les écervelés (au figuré comme au propre !)roulant en scooter se gèlent les roubignolles et utilisent le casque, ce qui nous donne un peu moins de travail en cas d'accident.... Ah les cons !
RépondreSupprimerMerci d'être passés ! Pas le temps de répondre avant ce soir...
RépondreSupprimerMême si pour ma part, je redoute Novembre et surtout avoir froid... Mais je n'adore pas non plus l'été et pour les mêmes raisons que celles que vous énoncez dans un texte somptueux, je dois l'admettre... Quel talent Monsieur Goux quand vous êtes inspirés!
RépondreSupprimerBon, je passe ma journée à Beauvais et j'espère que cela va donner du sens mon écriture...
Bonne journée à vous
Quelle que soit la saison, il fait bon polémiquer chez vous alors...
RépondreSupprimer1- Ce n'est pas vous qui surveillez d'interminables récrés le nez au vent.
2- Cela dit, j'aime beaucoup votre texte et l'automne. (Dommage qu'il y ait l'hiver ensuite.)
3- Cet été c'était moins l'huile solaire que le ciré qui ornait nos peaux de niais vacanciers.
4- Vous trouvez les imbécillités hivernales plus réjouissantes ? Les peaux blanchies aux néons des magasins vomissant leurs carrioles pailletées plus attrayantes ? Les cadavres de sapins râpés, les promotions sur le poisson élevé aux croquettes pour chien, les forêts d'"idées cadeaux" toutes plus à pleurer les unes que les autres... ?
Vous, il vous faut une bonne base en Antarctique. Des pingouins taiseux, des ours taciturnes, des éléphants de mer patibulaires...
RépondreSupprimerJe vous vois bien en militant anti-chaperon rouge, pour la réintroduction massive des loups dans les forêts obscures...
Oui, oui, des loups. J'adore les loups.
RépondreSupprimer"Quel talent Monsieur Goux quand vous êtes inspiréS!"
RépondreSupprimerOui, il est très nombreux.
Le fond de l'air est frais sinon.
Balmeyer, vous semblez oublier qu'il n'y a pas de pingouins en Antarctique, mais des manchots, et qu'on n'y trouve pas davantage d'ours polaires.
RépondreSupprimer(excusez-moi de pinailler ainsi, mais il faut bien que je justifie l'adjectif exagérément flatteur dont vous m'avez gratifié ici même il y a deux jours)
Cela dit, au train où va la fonte de la banquise arctique, peut-être assisterons-nous dans quelques années à des tentatives d'introduction par l'homme de ces animaux au pôle Sud, voire au spectacle passablement surréaliste de migrations massives par charters entiers d'ours blancs ou de pingouins vers les terres australes.
Quant à l'automne du mois de novembre, oui, pas de doute pour moi, c'est une infiniment belle saison, quoi qu'on en dise.
Je profite d'ailleurs de cette puissante remarque pour lancer à mon tour un appel au peuple. Quelqu'un connaîtrait-il en effet ce petit poème (cette comptine ?) anglais, sans doute intitulé November, dont chaque vers commence par « No » (il y a peut-être même, si je me rappelle bien, un « No place to go » quelque part), à l'exception du vers final, qui est tout simplement November.
J'ai dû apprendre ça en classe de cinquième, mais ne l'ai malheureusement pas retenu. Or, Internet ou pas, je n'ai jamais pu le retrouver. Si quelqu'un, donc, en a une vision moins brumeuse, il fera toujours un heureux en m'indiquant les références de ce texte.
C'est beau un Goux la nuit...
RépondreSupprimerAprès une nouvelle recherche, plus méthodique, je suis finalement parvenu, cette nuit, à retrouver ce poème, dont l'auteur, ai-je appris, est Thomas Hood (1799-1845). Il reste que la version qui figurait dans mon manuel d'anglais avait été considérablement raccourcie par rapport au texte d'origine, tel que reproduit ci-dessous :
RépondreSupprimerNo
No sun – no moon!
No morn – no noon!
No dawn – no dusk – no proper time of day –
No sky – no earthly view –
No distance looking blue –
No road – no street – no "t'other side this way" –
No end to any Row –
No indications where the Crescents go –
No top to any steeple –
No recognitions of familiar people –
No courtesies for showing 'em –
No knowing 'em!
No traveling at all – no locomotion –
No inkling of the way – no notion –
"No go" by land or ocean –
No mail – no post –
No news from any foreign coast –
No Park, no Ring, no afternoon gentility –
No company – no nobility –
No warmth, no cheerfulness, no healthful ease,
No comfortable feel in any member –
No shade, no shine, no butterflies, no bees,
No fruits, no flowers, no leaves, no birds –
November!
Chieuvrou : « Balmeyer, vous semblez oublier qu'il n'y a pas de pingouins en Antarctique, mais des manchots, et qu'on n'y trouve pas davantage d'ours polaires. »
RépondreSupprimerVous savez ce que j’ai pensé en rédigeant ce commentaire ? Il va y avoir un pour me dire qu’il n’y a pas des pingouins, mais des manchots. Mais non. Pas possible. Une chance sur deux. Tant pis, j’y vais. Mais rien ne vous échappe !
À votre décharge, cher Balmeyer, il s'en est fallu de peu que les manchots, plutôt que d'être désignés sous ce nom péjoratif et, pour tout dire, bien peu scientifique, ne s'appelassent, comme en anglais, pingouins. Le nom de manchot, utilisé en 1760 par l'ornithologue Brisson, fut en effet adopté par l'Académie des sciences à seulement une voix de majorité, ai-je entendu récemment. Dans la préface de L'Île des Pingouins, Anatole France prend d'ailleurs le parti de désigner ces deux espèces, qui ont peu à voir l'une avec l'autre, sous le même vocable. Oserai-je d'ailleurs, quitte à passer pour pédant, vous infliger la citation en question ? Cette bonne blague ! Comme si j'allais m'en priver ! Voilà donc la chose :
RépondreSupprimer« Le docteur J.-B. Charcot affirme au contraire que les vrais et les seuls pingouins sont ces oiseaux de l’antarctique, que nous appelons manchots, et il donne pour raison qu’ils reçurent des Hollandais, parvenus, en 1598, au cap Magellan, le nom de pinguinos, à cause sans doute de leur graisse. Mais si les manchots s’appellent pingouins, comment s’appelleront désormais les pingouins ? Le docteur J.-B. Charcot ne nous le dit pas et il n’a pas l’air de s’en inquiéter le moins du monde.
Eh bien ! que ses manchots deviennent ou redeviennent pingouins, c’est à quoi il faut consentir. En les faisant connaître il s’est acquis le droit de les nommer. Du moins qu’il permette aux pingouins septentrionaux de rester pingouins. Il y aura les pingouins du Sud et ceux du Nord, les antarctiques et les arctiques, les alcidés ou vieux pingouins et les sphéniscidés ou anciens manchots. Cela embarrassera peut-être les ornithologistes soucieux de décrire et de classer les palmipèdes ; ils se demanderont, sans doute, si vraiment un même nom convient à deux familles qui sont aux deux pôles l’une de l’autre et diffèrent par plusieurs endroits, notamment le bec, les ailerons et les pattes. Pour ce qui est de moi, je m’accommode fort bien de cette confusion. »