« Normes et contraintes sociales ont pour rôle de contenir sinon de supprimer la rivalité mimétique. L'esprit révolutionnaire s'éveille au sein d'un ordre social déjà à moitié désintégré où normes et contraintes sont en train de se déliter quand, au contraire, les rivalités s'exaspèrent. La mystique révolutionnaire s'origine dans les victimes de cette situation, les maniaques de l'obstacle qui imputent la responsabilité de leur propre mal-être aux limites qu'impose traditionnellement l'ordre social à la conduite individuelle. Les révolutionnaires mettent un acharnement passionné à réaliser leur dessein : la destruction complète de cet ordre social.
« Loin de réduire les rivalités, la perte progressive de l'ordre social les exaspère. Voilà pourquoi beaucoup de révolutionnaires ne trouvent aucun apaisement personnel dans la "permissivité" sociale et politique des périodes pré-révolutionnaires. Leur désir de révolution redouble alors pour se "radicaliser". Perçu à travers nos propres imbroglios mimétiques, l'ordre social nous paraît d'autant plus rigide et tyrannique que nous sommes davantage enchaînés, même si, en fait, il s'effondre. Plus la société s'affaiblit, plus elle semble oppressive et répressive aux révolutionnaires dostoïevskiens. »
René Girard, Le Désir mimétique dans le souterrain, in La Voix méconnue du réel.
« Loin de réduire les rivalités, la perte progressive de l'ordre social les exaspère. Voilà pourquoi beaucoup de révolutionnaires ne trouvent aucun apaisement personnel dans la "permissivité" sociale et politique des périodes pré-révolutionnaires. Leur désir de révolution redouble alors pour se "radicaliser". Perçu à travers nos propres imbroglios mimétiques, l'ordre social nous paraît d'autant plus rigide et tyrannique que nous sommes davantage enchaînés, même si, en fait, il s'effondre. Plus la société s'affaiblit, plus elle semble oppressive et répressive aux révolutionnaires dostoïevskiens. »
René Girard, Le Désir mimétique dans le souterrain, in La Voix méconnue du réel.
Merci, cher Didier, pour ce beau texte.
RépondreSupprimerLa petite planète déchue. ;)
Il a le mime éthique ce monsieur, il adore ce mot,faudra que je cherche la définition dans un dictionnaire (mimétique).
RépondreSupprimerle mimétisme c'est quand on baille dans la salle d'attente du dentiste et que tous les gens qui attendent avec vous sont pris du besoin irrésistible de faire de même et de présenter à votre œil dégoûté un assortiment proprement rebutant d'abcès purulents et de caries.
RépondreSupprimerC'est pas ça ?
Je vais lire le texte et je ne reviens pas commenter.
Didier, rassurez moi, j'espère que mon absence prolongée sans ordi ne m'a pas changé en troll..!
RépondreSupprimerPluton troll d'occasion
Pluton : merci à R.G. : je n'ai fait, moi, que le recopier...
RépondreSupprimerHenri : cela vaut mieux que le mime étique, non ?
Néfisa : vous avez tout compris, même pas la peine d'aller lire...
Re-Pluton : En troll, vous ? Mais non, pourquoi ?
J'ai une sorte de troll dans la boite crânienne - j'évite le mot cerveau, dans cette circonstance - qui coupe automatiquement le courant entre cette catégorie de discours et ce qui me sert à déchiffrer l'écriture imprimée. Il fait le ménage aussi, comme lorsque je me suis assise devant un clavier, après des années d'abandon, sans savoir situer les notes.
RépondreSupprimerAllez, je vais rouvrir ma boite à couture (comme le troll est occupé ailleurs, je vais peut-être la retrouver).
Je pense que le temps est venu d'un nouveau cycle, d'une nouvelle montée aux extrêmes, d'un nouveau sacrifice, de nouvelles victimes. Aujourd'hui on encule ouvertement à sec. Je redoute demain. Passez-moi le beurre !
RépondreSupprimerMifa : qu'entendez-vous par "cette catégorie de discours" ?
RépondreSupprimerGirard encore, décidément je vais devoir m'exécuter !
RépondreSupprimer«Perçu à travers nos propres imbroglios mimétiques, l'ordre social nous paraît d'autant plus rigide et tyrannique que nous sommes davantage enchaînés, même si, en fait, il s'effondre. Plus la société s'affaiblit, plus elle semble oppressive et répressive aux révolutionnaires dostoïevskiens.»
RépondreSupprimerHannah Arendt avait perçu le même paradoxe (pour des raisons différentes) : la haine de la noblesse a atteint un niveau critique au moment même où la bourgeoisie devenait la classe "dominante". L'antisémitisme s'est endurci, les mythes de la domination juive secrète eurent pignon sur rue, alors que la communauté juive perdait ses privilèges et sa place bien particulière de diplomate européen neutre (je résume très grossièrement).
Comme si, finalement, la haine du puissant ne s'exprimait ouvertement qu'à partir du moment où le puissant (ou jugé comme tel) perdait sa puissance. Sans doute parce qu'il faut plus de courage pour s'élever contre un "puissant" véritable. Et sans doute parce que finalement les "impuissants" refusent d'être dominés (ou de croire l'être) par... des impuissants.
Un exemple remarquable est sans doute la dernière campagne présidentielle. Les deux candidats ont fais leur le désir populaire (et démocratique) d'une classe politique qui parlerait le langage du peuple, qui parlerait au peuple, et ferait parler le peuple. Mais lorsque Nicolas Sarkozy a prit les reines du pouvoir, et s'est conduit en homme du peuple (le Yacht ; Walt-Disney etc.), ce fut un scandale : il n'est pas à la hauteur du rang auquel il fut porté par le peuple français !
Tout comme la noblesse inspirait l'envie, la jalousie et parfois la haine du peuple, lorsque cette noblesse a perdue de son pouvoir et des représentations matérielles de ce pouvoir, le peuple la haït pour ne pas savoir tenir la force qu'elle revendiquait ; de même Sarkozy fut haït par le peuple pour s'être abaissé aux désirs de ce même peuple.
Raison simple : l'homme n'aime pas les chefs car il se sent petit à côté d'eux ; mais il ne peut s'en passer, car il n'a ni la carrure ni l'envie de prendre les risques liés à la prise de pouvoir ; puisque cette prise de risque est inévitable dès que l'on touche de près ou de loin au politique, toute pensée anarchique ne peut être que dictatoriale puisque jamais nous ne rencontrerons un groupe humain dans lequel tous les membres disposent d'un sens profond et sérieux du politique ; sachant cela, l'homme du peuple accepte la domination du gouvernement, avec un brin de ressentiment à son égard ; mais refuse de voir le gouvernement s'abaisser, car ce serait automatiquement pour lui un abaissement, et préfère donc le renier en profitant de la puissance de la masse populaire mécontente pour les mêmes raisons (ce qui lui permet de faire enfler son orgueil).
Je m'excuse, Didier, je n'ai pas trouvé les mots adéquats, ayant d'abord écrit "ce genre de discours" mais trouvé l'expression peu aimable, ce qui n'était pas mon intention. Le mot "catégorie", plus lourd, correspondait mieux à ma pensée qui n'était pas de porter un jugement de valeur. Après réflexion, je crois que cette sorte de texte qui superpose des abstractions aisément identifiables ("révolutionnaire"), la subjectivité de l'auteur ("acharnement passionné"), et une affirmation péremptoire (celle de la phrase en question) qui mélange des deux en y ajoutant sa propre logique (subjective), provoque chez moi ce court-circuit... de mon unique neurone, et le texte devient illisible, au contraire des poèmes (par exemple) qui peuvent faire la même chose sans provoquer de malaise.
RépondreSupprimerJean-Baptiste : merci pour ce long copmmentaire ! L'analyse de Girard - pour autant que l'ai comprise - est sensiblement différente. Lui dit que, lorsque la classe dominante est forte, structurée, sûre d'elle-même, etc., nous sommes, vis-à-vis des classes inférieures, dans le cadre d'une médiation externe, tout comme, sur le plan littéraire, Don Quichotte l'est par rapport à Amadis de Gaule : le chevalier mythique est son modèle, mais en aucun cas, étant bien trop éloigné de lui, il ne peut se muer en obstacle. Il en va de même pour le bourgeois médiéval qui, même très riche, n'envisage pas une seule seconde qu'il pourrait devenir comte ou duc (même si cela a pu, exceptionnellement, se produire) : les nobles sont encore dans une sphère totalement inaccessible, et même inenvisageable.
RépondreSupprimerEn revanche, lorsque Richelieu d'abord, mais surtout Louis XIV entreprennent de domestiquer la noblesse et, parallèlement, de hisser la bourgeoisie jusqu'aux portes de Versailles, il transforme leur médiation externe, en médiation interne, c'est-à-dire, en un mot, qu'il fait naître de l'envie, du ressentiment, de la haine et, pour finir, inévitablement, de la violence.
Il se produit visiblement la même chose de nos jours, notamment depuis la fin de la Seconde guerre, entre la bourgeoisie "ancienne" et la petite-bourgeoisie, dont Renaud Camus soutient qu'elle est en train de supprimer toutes les autres classes et de régner seule sur le monde.
Mifa : ne vous excusez pas, c'est juste que je ne comprenais pas bien où se situait votre problème. Maintenant, oui.
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