mardi 29 mai 2018

De l'homme, de l'urinoir et des vastes questions métaphysiques


Sait-on toujours comment les discussions éclosent ? A-t-on idée de la manière dont surgissent les vastes questions métaphysiques ? Celle que je m'en vais vous soumettre a jailli (et c'est bien le cas de le dire…) dans la salle du rewriting de France Dimanche, voilà sans doute un petit quart de siècle. Elle le fit à peu près en ces termes :

Lorsque l'on va pisser dans des toilettes plus ou moins publiques, faut-il se laver les mains avant ou après ?

D'emblée, nous fûmes clivés comme des bêtes. D'un côté, les ultras de l'hygiénisme dû à autrui, les apôtre du vivre-ensemble-proprement, qui penchaient fortement pour l'après, auxquels se joignaient les faux indignés jurant que, leur appendice urinatoire étant d'une irréprochable cleanitude, ils n'avaient nul besoin de passer leurs mains sous l'eau avant de s'en saisir. En face, le clan des réalistes, de ceux qui, au profond des abysses de leur for intérieur, savent bien qu'on n'a jamais la queue aussi propre qu'un vain peuple se l'imagine, et que, donc…

Yves J., notre chef fort-aimé, qui malgré sa cinquantaine bien sonnée attachait une importance à mon avis exagérée à son organe et à ses différentes fonctions, Yves J. voulut jouer les jusqu'au-boutistes et préconisa le double lavage de mains : un avant, un autre après, ajoutant encore à la confusion qui menaçait de tourner à la sécession.

Personne ne songea à émettre l'hypothèse que l'on pourrait aussi bien aller pisser avec des gants, ce qui aurait pourtant été le bon sens même. Nous étions, en vérité, au bord de la lutte fratricide.

Je rétablis brusquement le calme et pulvérisai le clan des après, en faisant observer que, pour quitter le local, il fallait bien poser ses doigts sur la poignée, puis éventuellement serrer la dextre du bipède qui, dans le couloir, avait la pénible manie de vous la tendre dès que le hasard vous faisait vous croiser avec lui ; et que, par là même, on récupérait fatalement les bataillons de germes véhiculés par tous ceux qui ne se lavent ni avant ni après. 

Le clan des vaincus se retira en bon ordre, mais l'alerte avait été très chaude. Et aucun d'entre nous ne put, par la suite, contempler les urinoirs d'un œil tout à fait serein.

dimanche 27 mai 2018

L'air de la bêtise, 7


ESCHYLE

– Eschyle, comme quelques dramaturges de notre époque, avait toujours une pinte de vin quand il composait ses tragédies.
Le Moniteur viticole, 1856.


ESCLAVES

– L'esclavage est une très mauvaise préparation à l'exercice de la liberté.
Anthony Trollope, The West Indies and the Spanish Men, 1860.


ESPAGNOLS

– Les Espagnols n'eurent jamais beaucoup d'inclination pour les voyages.
Schwab, Dissertation sur les causes de l'universalité de la langue française, 1803.


ÉTOILE POLAIRE

– Polaire (étoile) ou la Polaire, étoile de troisième grandeur, ainsi nommée parce qu'elle est à une très faible distance du pôle Nord.
Nouveau Petit Larousse illustré, 1935.


FAMILLE

– Une vraie famille chrétienne, pour respecter les vœux divins, ne devrait pas avoir moins de quinze enfants, dont douze au moins seraient vivants.
Abbé Niolet, Nouveaux sermons pour les jeunes époux, 1829.


FEMME

– La femme a été peu ou mal étudiée. Nous avons des monographies complètes sur le ver à soie, sur les hannetons et les chats, et nous n'en avons pas sur la femme.
P. Mantegazza, Physiologie de la femme,  1911.


FILS UNIQUE

– MM. Jules Grasset, avocat à la Cour, et Albert Grasset, officier de marine, sont les fils uniques du défunt.
Le Soir, 20 juin 1893.


FONTENELLE

– En 1755, le centenaire vivait encore : il avait près de quatre-vingt-dix-neuf ans.
F. Funck-Brentano, préface aux Mémoires de Mme de Staël, 1927.


FOOTBALL

– Foot-ball signifie littéralement “ballon-pied”, ce qui éveille tout de suite l'idée d'un ballon mis en mouvement avec le pied.
V. Dabat, Revue encyclopédique, 2 septembre 1899.

– La victoire revient quand même à Reims, mais Monaco aurait tout aussi bien pu être battu.
L'Équipe, 3 septembre 1974.


FRONT POPULAIRE

– Dans l'état présent des affaires de l'Europe, le temps travaille pour l'ordre et la paix.
Roland de Mares, Le Mercure de France, 1er septembre 1937.

– La cour d'assises de la Seine a acquitté M. Paul Cusinberche, industriel, qui avait tiré en l'air au cours d'une occupation de ses ateliers par ses ouvriers en grève et en avait tué un.
Le Courrier de Flers, 29 mars 1938.

lundi 21 mai 2018

Trois chiens dont deux fantômes


Trois générations de chiens, photographiés au même endroit de la Côte blanche, à quelques centaines de mètres de la maison ; trois chiens qui ne se sont jamais connus les uns les autres. Balbec d'abord, qui occupe la photo “qui est dans la photo”, puis Elstir, son successeur bernois…


… et, ce matin même, Charlus, dont on notera que sa pilosité crânienne a évolué de telle façon qu'il ne ressemble plus du tout au punk qu'il était vers trois ou quatre mois, mais qu'il prend chaque jour des allures de plus en plus donaldo-trumpiennes. D'ici à ce qu'il bombarde la Corée du Nord et nous brouille avec les mollahs iraniens, il n'y a pas des kilomètres.

dimanche 20 mai 2018

L'air de la bêtise, 6


DISSEMBLANCE

– Il n'y a pas besoin de vivre longtemps en Allemagne pour y constater une dissemblance frappante entre les marmots de dix à douze ans et les adolescents qui atteignent leur quinzième année.
G. Lenôtre, Prussiens d'hier et de toujours, 1915.


DIX-SEPTIÈME SIÈCLE

– Holà, mon bonhomme ! cria d'Artagnan à un paysan qui travaillait son champ de pommes de terre.
Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, 1844.

– Vous êtes, dit Colbert, aussi spirituel que M. de Voltaire.
Alexandre Dumas, Le Vicomte de Bragelonne, 1848.


DOS

– J'avais à peine tourné le dos que je le vis prendre son journal.
Gérard de Nerval, Portrait du Diable, 1839.


DREYFUS (Affaire)

– Il ne faudrait pas s'imaginer que l'affaire Dreyfus puisse exercer la moindre influence sur l'esprit public…
C. Blanc, Le Petit Caporal, 22 novembre 1894.


DRUIDES

– Les druides vivaient au fond des cavernes creusées dans les roches dont les Gaulois n'avaient pas à s'approcher. Ils sacrifiaient à leurs dieux des victimes humaines, soit des animaux, soit même des hommes.
Jean Guiraud (dir.), Nouveau cours d'histoire de France, cours préparatoire, 1930.


ÉCHECS

– Le jeu d'échecs, véritable sport de l'esprit, développe et épanouit les facultés mentales. Pour cette raison, le Secrétaire d'État à la jeunesse et aux sports a décidé de stimuler la pratique du bridge auprès de la jeunesse.
Bulletin de presse du Secrétariat d'État à la jeunesse et aux sports, 1976.


ÉCOSSAIS

– Leurs noms barbares sont le symbole infernal de leur naturel. Je ne m'attendrais à aucune commisération de la part d'un homme nommé Mac Colleitock.
John Milton (1608 – 1674).


ÉGLISE CATHOLIQUE

– L'Église catholique est la première organisation financière du monde, car elle totalise toutes les juiveries.
Augustin Chirac, Les Rois de la République, 1883.


ENVIRON

– On avait relevé environ dix-sept cadavres.
Hurlevent, feuilleton de Lyon-Républicain, 12 avril 1937.


ERRATUM

– Une inversion regrettable dans notre édition d'hier nous a fait mettre le tableau concernant les prix de la viande de porc à la place de celui qui traitait des départs en vacances des personnes âgées.
La Charente libre, 15 août 1975.

– Plougasnou (rectificatif). – Dans l'avis mortuaire de remerciements concernant M…, il fallait lire “ainsi qu'aux six porteurs bénévoles” et non “ainsi qu'aux supporters bénévoles”.
Le Télégramme de Brest, 11 octobre 1976.

vendredi 18 mai 2018

Les méritoires tentatives de Chronopost


Quand je disais, il y a quelque temps, que la Poste ressemblait de plus en plus à une administration africaine, peut-être me montrais-je d'une trop grande sévérité envers les dites administrations sub-sahariennes. J'attendais ce matin le dernier volume paru du journal de Renaud Camus, Juste avant après. Il m'étais dûment annoncé par mon “suivi de colis”, mais, en réalité, je ne l'attendais qu'à moitié, et même au quart : je commence à connaître les zigotos employés par Chronopost. De fait, ça n'a pas manqué : peu après neuf heures, lorsque j'ai de nouveau consulté le suivi en question, il m'a été notifié qu'une “tentative de livraison” avait été faite et que, pour la suite, je devais me référer à l'avis de passage déposé dans ma boîte aux lettres ou encore contacter mon “transporteur”. Contacter, il n'y fallait bien sûr point songer : sans doute tout à leurs transports, ces gens ont décidé une bonne fois pour toutes d'être résolument injoignables. Quant à l'avis de passage, il ne pouvait y en avoir, ni dans ma boîte, ni ailleurs, puisque, de passage, il n'y avait pas eu non plus.

C'est une fatalité assez récente mais qui se multiplie à l'envi, ces tentatives de livraison, et je crois avoir compris ce qui se passait. Avant de donner mon explication (hypothétique, certes), je dois préciser qu'à moins d'accomplir sa tournée avant cinq heures du matin, le livreur de Chronopost n'aurait eu aucun mal à voir sa tentative pleinement couronnée de succès : il y a une grosse cloche accrochée juste à droite du portail, et toujours l'un de nous deux – Catherine ou moi – à l'intérieur de la maison pour l'entendre et accourir.

Donc, mon avis, c'est qu'aucune tentative n'a été faite. Pourquoi ? Parce que, dans sa nonchalance et son manque de conscience professionnelle, mon livreur a dû s'apercevoir qu'il n'avait pas assez de colis à déposer au Plessis-Hébert pour que je méritasse qu'il fît un détour : il devait être bien plus agréable pour lui de terminer sa tournée avec une demi-heure d'avance, voire davantage. La dernière fois qu'un tel contretemps s'est produit, la première tentative a été suivie d'une seconde, le lendemain. Et ce n'est que le troisième jour que mon colis m'a été remis… par notre factrice habituelle lors de sa tournée quotidienne. Je serais prêt à parier une assez grosse somme que c'est encore elle qui va m'apporter le journal de Camus demain. À moins que le fantôme de chez Chronopost ne se décide à une nouvelle tentative sabbatique, auquel cas le colis ne m'arrivera que lundi – ou plutôt mardi, puisque lundi sera pentecostal.

Pendant ce temps, lorsque Amazon a la bonne idée de faire appel à une véritable entreprise, du genre d'UPS, le colis promis m'arrive toujours, non seulement au jour, mais également à l'heure annoncés. Ce qui est évidemment très mal car c'est, sans doute possible, l'une des conséquences visibles de l'ultralibéralisme qui ravage notre pauvre France ; et contre lequel Chronopost lutte de plus en plus efficacement.

jeudi 17 mai 2018

La démolition du Crétin


Le point commun le plus remarquable aux écrivains de droite du second XIXe siècle et du premier XXe, c'est leur détestation quasi frénétique de Zola. De Barbey d'Aurevilly à Kléber Haedens, en passant par Goncourt ou Daudet, ils ne peuvent s'empêcher de le piétiner, puis de cracher sur ce qu'ont laissé leurs lourdes bottes. Le plus enragé est bien entendu Léon Bloy. J'ai passé les deux premières heures de la matinée à lire son Je m'accuse…, tout entier consacré à sa bête noire (ou devrais-je dire : à l'une de ses bêtes noires ?). Je dois reconnaître que la charge est si outrée qu'elle devient rapidement fort réjouissante, et même d'une irrésistible drôlerie par endroit. Il est vrai aussi que Bloy se fait le jeu facile en choisissant pour cible Fécondité, ce roman aussi grotesque qu'illisible (je le sais : j'ai essayé). Il me répondrait sans doute qu'il n'a pas choisi. Et, en effet, c'est ce roman-là qui, alors, au tournant du siècle, paraissait en feuilleton dans L'Aurore, la gazette de Clemenceau (et du J'accuse zolien…). C'est donc un journal de bord de sa détestation du Crétin – surnom dont il l'affuble – que nous donne Bloy, qui s'astreint chaque matin, avec un masochisme dont il est le premier à rire, à lire la tartine du jour et à nous rendre compte, avec une féroce maniaquerie, de ses énervements, écœurements, colères, éclats de rire, etc. Lecture jubilatoire, finalement, même pour quelqu'un comme moi, qui ai toujours placé Zola assez haut sur ma petite échelle personnelle.

lundi 14 mai 2018

Petit exercice de zénographie


On pourrait dire de Zeno ce que Michel Foucault affirmait d'Hervé Guibert : « Il ne lui arrive que des choses fausses. » À bien y regarder, on pourrait encore dire la même chose d'Italo Svevo, l'auteur de La Conscience de Zeno, l'un des meilleurs romans du XXe siècle, paru en 1923.

(Il est d'ailleurs intéressant, et curieux, de noter que presque tous les très grands écrivains européens du XXe siècle sont concentrés dans son premier tiers : Proust, Kafka, Joyce, Pessoa, Musil, Mann – pardon pour ceux que j'oublie – et, donc, Svevo.)

Italo Svevo, comme son prénom l'indique, est un romancier italien. Sauf qu'il ne s'appelle pas comme ça et qu'il a attendu l'âge de 57 ans pour devenir italien : né à Trieste en 1861, Ettore Schmitz devra attendre 1918 et le rattachement  de sa ville natale à l'Italie pour cesser d'être autrichien.  Quant à son pseudonyme, il signifie “Italien Souabe”, double affirmation correspondant à l'origine juive allemande de son père et à la langue dans laquelle il va choisir de devenir écrivain. Lui-même prétendra avoir opté pour le pseudonyme afin de se déschmitzifier

Ses débuts en littérature sont rien moins que fracassants : en 1892 et 1898, il a publié – à compte d'auteur – deux romans, Una Vita et Senilità, dont les ventes et le retentissement feraient passer Le Chef-d'œuvre de Michel Houellebecq pour un triomphe de librairie. Découragé par ce double silence abyssal, il décide de renoncer à toute ambition littéraire. (Sauf qu'il continue d'écrire, presque en cachette, “pour le tiroir”. Un peu comme le fumeur qui, après avoir annoncé à tous qu'il arrêtait, va furtivement s'en griller une dans les toilettes.) Dans sa vie officielle, Ettore Schmitz s'occupe des usines de son beau-père, lequel a mis au point une peinture spéciale pour coques de  navires qui est en train de faire sa fortune.

C'est même parce qu'une nouvelle usine va s'implanter en Angleterre (la Navy s'intéresse à la peinture pour coques…) qu'Ettore est contraint, en 1907, de se mettre à l'anglais. Il s'inscrit à l'école Berlitz de Trieste, où on le confie à un jeune Irlandais de 25 ans. Un certain James Joyce. Bien que séparés par un quart de siècle, les deux hommes deviennent amis et vont rendre chacun un inestimable service à l'autre : Joyce va redonner à Svevo le goût d'écrire un nouveau roman, par son enthousiasme pour les deux premiers ; Svevo (ou plutôt Schmitz) va fournir à Joyce l'un des modèles principaux du Leopold Bloom d'Ulysse

C'est en 1923 que paraît La Conscience de Zeno. Joyce, devenu entretemps ce que l'on sait, qualifie le roman de chef-d'œuvre – ce qu'il est en effet – et l'expédie dare-dare à Paris, où il atterrit entre les mains de Benjamin Crémieux et de Valery Larbaud ; lesquels vont, dès 1926, révéler et imposer le génie de Svevo en France, cependant qu'Eugenio Montale (poète italien, futur prix Nobel) fait la même chose dans son pays, en déclarant que “ce méconnu est un second Proust”, parenté que souligne également Crémieux.

Enfin déschmitzifié, Italo Svevo va donc enfin pouvoir vivre pleinement la vie d'écrivain auquel il n'a au fond jamais cessé d'aspirer… Ah ! non : en 1928, il se tue bêtement dans un accident de voiture.

Que des choses fausses, je vous dis, que des choses fausses…

(Et je m'aperçois que mon but initial était de braquer mon petit projo sur La Conscience de Zeno, que je finis de relire avec jouissance et jubilation, mais que je n'ai fait que parler de son auteur. C'est dommage, parce qu'il s'agit d'une œuvre profondément originale (surtout pour son époque : premier grand roman inspiré par la psychanalyse, mais déjà fort critique envers elle), d'une intelligence scintillante et profondément drôle. Mais, après tout, vous n'avez pas besoin de moi pour vous en apercevoir : lisez-le et puis c'est tout.)

dimanche 13 mai 2018

L'air de la bêtise, 5


CHÔMAGE

– Le chômage, né du manque de travail, n'a qu'un seul remède : le travail. Tout le reste n'est que palliatif.
Journal d'Argenteuil, 2 janvier 1932.


CONFLIT ISRAÉLO-ARABE

– Arabes et Juifs doivent régler ce problème dans un véritable esprit chrétien.
Warren Austin, délégué des États-Unis à l'ONU, 1948.


CRAYON

– Lui aussi avait été de toutes les batailles, au premier rang, revolver d'une main, carnet de l'autre, et la mitraille ne faisait pas trembler son crayon.
Jules Verne, L'Île mystérieuse, 1874.


CRI

– Au cri que la Pudica avait jeté, à ce cri sorti comme d'une vulve de louve, tant il était sauvage, et qui me vibrait encore dans les entrailles, une femme de chambre était montée.
Jules Barbey d'Aurevilly, À un dîner d'athées, 1874.


CROCODILE

– Les femmes en Égypte se prostituaient publiquement aux crocodiles.
P.-J. Proudhon, De la célébration du dimanche, 1850.


CULTURE

– Moi qui suis cultivé, je ne trouve pas de mal en moi, et spontanément en toute chose je me porte à ce qui me semble le plus beau. Si tous étaient aussi cultivés que moi, tous seraient comme moi dans l'heureuse impossibilité de mal faire.
Ernest Renan, L'Avenir de l'intelligence.


CYCLISTES

– Tout porte à croire maintenant que la cause des cyclistes combattants est à peu près gagnée.
Commandant Mordacq, Les Cyclistes combattants, 1910.


DELAWARE

– Le Delaware coule parallèlement à la rue qui suit son bord.
F.R. de Chateaubriand, Voyage en Amérique, 1827.


DIDEROT

– Lorsque j'entendis l'hôte s'écrier de sa femme « Que diable faisait-elle à sa porte ! », je me rappelai l'Harpagon de Molière, lorsqu'il dit à son fils : « +Qu'allait-il faire dans cette galère ? »
Denis Diderot, Jacques le fataliste.


DIEU

– Dieu jouit continuellement par 810 passions différentes qu'il satisfait et développe continuellement.
Charles Fourier, Égarement de la raison, 1847.

– Si Dieu existait, pourquoi les hommes auraient-ils d'inutiles et inallaitables mamelles ?
Octave Mirbeau, L'Écho de Paris, 25 août 1890.


DISETTE

– La disette fit aux Français le plus beau présent que puisse recevoir un peuple, en lui enseignant l'économie des comestibles.
Des causes de la révolution et de ses résultats, brochure anonyme, 1797.

jeudi 10 mai 2018

Quel imbécile que moi-même !


Depuis avant-hier, je m'étonnais de ce qu'un certain nombre de lecteurs du journal de mars mis en ligne (et “caviardé”) aient pu mettre en doute sa cohérence temporelle ; il m'arrivait même d'en sourire de pitié. Ce n'est qu'il y a une heure que je me suis aperçu de ma grotesque bévue : celui qui fut publié avant-hier n'était pas le journal de mars mais d'avril.

Voici donc (tout aussi caviardé), le véritable journal de mars.


(La conséquence de ce micmac est qu'il n'y aura aucune publication de journal fin mai…)

Mais où est passé Charlus ?


Il joue les céréales killer

mardi 8 mai 2018

Journal caviardé


Changement d'épaule pour le fusil : j'ai finalement décidé de reprendre la publication du journal mensuel, mais en caviardant impitoyablement (moi aussi, je puis être vigilant…) les parties que vous n'êtes pas censés lire ; lesquelles seront signalées par des […] disposés au milieu de “blancs” plus ou moins importants selon la longueur des passages supprimés. Voilà donc ce qui reste du journal de mars

dimanche 6 mai 2018

Pleins feux sur l'éclairage public


Depuis quelques semaines, j'ai un nouveau passe-temps, rendu possible par le fait que je continue à me lever avant cinq heures, c'est-à-dire alors qu'il fait encore nuit. Plutôt qu'un passe-temps, d'ailleurs, je devrais dire un relevé. Ou un compte à rebours. Enfin… Dans la rue de l'Église, au Plessis-Hébert, les lampadaires publics ont été programmés pour s'allumer à six heures précises ; ce qu'ils font avec une ponctualité dont il convient de les féliciter. Il se trouve que c'est également l'heure de l'un de mes cafés du matin, après ceux de cinq heures puis cinq heures et demie, et avant ceux de six heures et demie puis de sept heures. Ma ponctualité à moi tient à la cafetière électrique qui, dans le but probable de sauver la planète, s'éteint automatiquement toutes les demi-heures, comme j'ai déjà eu le bonheur de vous le narrer ici même : pour ne pas oublier d'aller à la cuisine la remettre en route, j'ai pris l'habitude de me “caler” sur le carillon du salon, lorsqu'il sonne la demie et l'heure juste. Une fois debout, j'en profite naturellement pour me servir quelques gorgées du breuvage, allumer une cigarette et aller consommer le tout sur la terrasse, en compagnie du chien. Je suis donc aux premières loges pour voir les lampadaires s'allumer, d'autant que René, le carillon, avance souvent d'une minute ou deux.

Or, si l'éclairage publique s'allume selon l'heure qu'il est, il échappe au temps des hommes pour ce qui est de s'éteindre : c'est alors la luminosité naturelle de l'aurore qui prend la relève du commandement et décide de l'extinction. Si bien que, selon le processus, maintenant bien connu, de l'allongement des jours entre le 24 décembre et le 21 juin, la durée d'éclairage des lampadaires héberto-plessistes tend à subir le même sort que la peau de chagrin balzacienne.  J'ai senti que le tragique dénouement était proche il y a une douzaine de jours, lorsque le temps des illuminations est tombé sous la demi-heure. Ensuite, l'agonie a été rapide : les lampadaires, hier, sont restés allumés exactement cinq minutes et demie, et ce matin cinq.  Je crains qu'avant une semaine ils ne s'enfoncent pour plusieurs mois dans un long jour, qui est pour les lampadaires ce qu'une longue nuit est pour les humains. J'en ressens comme une vague mélancolie, de celles qu'il est préférable de garder pour soi si l'on ne veut pas faire figure de demeuré.

samedi 5 mai 2018

Un plongeon dans l'immaturité

Witold Gombrowicz, 1904 – 1969.

Relire Gombrowicz, c'est en quelque sorte s'offrir une cure de doute, un bain d'incertitude touchant parfois à l'angoisse ; c'est en tout cas s'exposer à voir le monde autour de soi devenir flou, et vaciller ses garde-fous les mieux établis. C'est, en un mot, se laisser aller à un plongeon en saut de l'ange dans cette immaturité qui est le pivot des quatre romans écrits par le Polonais (qui, bien sûr, me haïrait pour le réduire ainsi à sa polonité), à commencer par le tout premier, Ferdydurke, par quoi il me semble nécessaire d'aborder l'ensermble. Les thèmes principaux de toute l'œuvre y sont déjà agissants : l'infantilisation, la cuculisation, la dissolution de la forme, le “viol par les oreilles”. Le titre du roman n'a rien à voir avec son contenu : Gombrowicz prétendait l'avoir choisi parce qu'il était rigoureusement imprononçable pour un larynx polonais.

On poursuivra avec Trans-Atlantique. (Une chose, en préambule : si l'on n'a pas aimé Ferdydurke, il est à mon sens inutile d'aller plus loin. Mais je puis me tromper.) En 1939, un peu plus d'an après avoir publié à Varsovie le roman dont je viens de parler, Gombrowicz s'embarque pour l'Argentine, dans ce qui est censé être une sorte de “tournée promotionnelle” des intellectuels polonais. Il est à Buenos-Aires depuis huit jours lorsque les armées allemandes envahissent la Pologne ; alors que le bateau de retour s'apprête à larguer les amarres, Gombrowicz redescend à terre avec ses deux valises : après de violentes hésitations, il vient de choisir de rester en Argentine ; il va y passer 24 ans. Ce sont les huit premières années de cet exil qui forment le sujet de Trans-Atlantique, ou plutôt sa source, car il s'agit bel et bien d'un roman, où l'action est condensée en un mois. La communauté polonaise en exil réagira assez violemment contre Trans-Atlantique, qu'elle ressent comme une inqualifiable agression envers “le pays”. Après ce livre-ci, viendront encore La Pornographie et enfin Cosmos ; c'en sera fini de l'œuvre romanesque.

Mais pas de l'œuvre tout court. Car il reste ce monument central qu'est le Journal, commencé en 1952 et poursuivi jusqu'à la mort, en 1969. C'est après avoir lu celui de Gide que Gombrowicz en a l'idée. C'est aussi un moyen de gagner quelque argent – dont il a grand besoin –, en le publiant, mois après mois, dans Kultura, la revue littéraire de la diaspora polonaise. C'est d'ailleurs parce que je suis occupé à relire entièrement les mille trois cents pages de ce livre que je vous inflige la lecture de ce billet. Si l'on voulait tenter de comparer le journal de Gombrowicz avec d'autres, il faudrait se tourner plutôt vers celui de Kafka, ou encore de Pavese, que vers celui de Gide – et encore moins vers Léautaud. (Maintenant que j'y pense, on pourrait aussi trouver quelques points de ressemblance avec le Livre de l'intranquillité de Pessoa.)  C'est-à-dire qu'il n'y faut guère chercher le tableau d'une vie quotidienne (même si le quotidien y a sa part), ni beaucoup d'anecdotes, de “petits faits vrais”. Et, lorsqu'il y en a, des anecdotes et des petits faits vrais, ils sont passés à la moulinette du regard scrutateur et toujours un peu douloureux de l'auteur. D'ailleurs, rien ne nous dit qu'ils ne sont pas inventés pour les besoins de la page. En un mot, nous ne sommes pas devant un journal-agenda, mais plutôt devant une sorte de miroir prismatique dans lequel un certain Witold Gombrowicz tente  de discerner ses véritables traits ; et, ce faisant, nous faire apparaître les nôtres.

Je terminerai en disant que la lecture de Gombrowicz m'a toujours plongé dans un climat particulier, fait, comme je le suggérais en commençant, d'une grande incertitude vaguement teintée d'angoisse. Les quatre romans surtout me font me sentir comme un homme ne sachant pas nager et qui se retrouverait au milieu d'un lac, touchant le fond du bout des orteils, et l'eau affleurant sans encore l'atteindre sa narine : la noyade est envisageable à chaque page qui se tourne.

En définitive, il est possible que je n'aie jamais rien compris à l'œuvre de Gombrowicz.

vendredi 4 mai 2018

L'air de la bêtise, 4


BELGRADE

– La ville de Belgrade est, en quelque sorte, le carrefour de l'Europe occidentale et orientale : elle est à mi-chemin entre Paris et Berlin, d'une part, Constantinople et Varsovie de l'autre.
L'Ère nouvelle, 26 août 1926.


BICYCLETTE

– Une bicyclette ne peut avancer que mise en mouvement.
L'Intransigeant, 14 décembre 1906.


BLAGUE

– Blague ! Blague ! Blague ! l'antisémitisme d'Hitler.
Charles Maurras, L'Action française, 19 septembre 1935.


BLANC

– C'est un fait reconnu que le Blanc qui fréquente les milieux des nègres tombe dans un état de dégénérescence le rendant inférieur aux nègres.
Warrington Dawson, Le Nègre aux États-Unis, 1912.


BOLCHEVISME

– La mentalité bolcheviste est aussi vieille que l'histoire. Le Caïn de la bible avait déjà une âme bolcheviste.
Gustave Le Bon, Psychologie des temps nouveaux, 1920.


BOURGET (Paul)

– Avec Paul Bourget, c'est la plus haute figure des lettres françaises qui disparaît.
René Doumic, La Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1936.


BRAILLE

– Comprenant qu'il avait affaire à un sourd-muet, l'agent le conduisit au poste. Il fallut faire appel au concours d'un gardien de la paix connaissant l'alphabet Braille pour interroger le voleur.
Le Petit Parisien, 8 juin 1936.


BRAS

– Je dus tâter, à travers l'étoffe légère de la jupe, les muscles de ses bras.
Marcel Prévost, Voici ton maître, 1930.


BRETAGNE

– La place que la Bretagne occupe au centre de l'Europe la rend beaucoup plus curieuse à observer que le Canada.
H. de Balzac, Les Chouans, 1829.


CACTUS

– Est-ce qu'un homme vertueux, un bon époux ne sont pas plus précieux et plus utiles qu'un cactus ou un rhinocéros ?
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, 1796.


CALS

– Comme les Juifs, les Anglais détestent avoir des cals aux mains. Les ouvriers et les paysans y ont des mains de duchesse.
Louis Martin, L'Anglais est-il un Juif ?, 1895.


CAVALERIE

– La guerre de l'avenir verra se produire de très grandes charges de cavalerie.
Général Bonnal, Journal des sciences militaires, 1903.