jeudi 30 juillet 2009

L'Œuvre des mers, d'Eugène Nicole (brèves notations sans suite)

L'Œuvre des mers, d'Eugène Nicole, est un livre fascinant. Composée de quatre parties, écrites entre 1983 et 2003, foisonnante de personnages, elle ne s'occupe finalement que d'un seul : Saint-Pierre-et-Miquelon, où l'auteur est né et a passé son enfance.

(Saint-Pierre est la petite île en bas de la photo. Au-dessus, on rencontre l'île de Langlade, reliée à celle de Miquelon par une sorte d'isthme artificiel appelé "la dune". Saint-Pierre compte 6500 habitants et Miquelon environ 300.)

Géographie minuscule, et donc universelle, L'Œuvre des mers est en outre un va-et-vient incessant entre différentes époques, et ce ressac temporel épouse celui de la mer, aussi dangereuse qu'indispensable à la vie des îliens. La composition du livre, l'écriture elle-même se plient aux nécessités de la géographie, et même à celles de la météorologie, thème sans cesse présent, tout au long. Une brume presque continuelle estompe les silhouettes, brouille les contours des multiples anecdotes enchevêtrées, les onirise. C'est un livre où la chaleur et le froid s'affrontent sans cesse, exactement comme le font le Gulf Stream et le courant du Labrador au large des côtes, créant précisément les brouillards tenaces. Mais le brouillard n'est pas l'ennemi. Il est attendu, espéré même, par Lucien et Clément, les deux frères de retour de leur exil volontaire. C'est lui qui unifie le tableau et fait que le poudroiement des anecdotes devient finalement l'Histoire, celle de tous.

Il faudrait aussi dire quelques mots sur l'effet de grande familiarité des lieux, que Nicole parvient à faire naître chez le lecteur, lequel n'a pourtant jamais mis les pieds à Saint-Pierre, pas plus qu'à Miquelon, ainsi que sur la poétique des noms propres (Le Cap des morts, la route d'Iphigénie, etc.) – mais j'ai la flemme de développer – qui sont évidemment une seule et même chose.

L'effet global est que ce bout-du-monde, recréé à distance, par la mémoire, en devient assez vite le centre : le reste de la planète perd de sa réalité, à mesure que Saint-Pierre acquiert la sienne.

Centre de ce centre, véritable nœud du livre, L'Œuvre-des-mers, le théâtre au rideau rouge, d'où sortent toues les magies et où reviennent tous les personnages. Y compris ce narrateur finalement assez proustien (Eugène Nicole enseigne la littérature française à l'université de New York, et il est un spécialiste de Proust), qui a en projet d'écrire un livre intitulé Juillet sans brumes. Car il y eut, nous dit-on, dans l'histoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, un mois de juillet sans brumes – et on en parle encore.

mercredi 29 juillet 2009

Le Geai de Levallois-Perret

J'avais le choix entre aller déjeuner à la cantine (pardon : au R.I.E.) pour presque rien, et avaler un truc de pédé à L'Ambiance d'à côté pour beaucoup plus cher. J'ai naturellement choisi la seconde option, et ne cesse depuis de m'en féliciter.

Arrivant vers deux heures moins le quart, je constate que tous les cons encravatés et les perruches nichons-à-l'air sont en terrasse, je choisis donc l'intérieur. Le repas se passe sans incident, le quinoa passe normalement.

Soudain, par hasard, dehors, mes yeux avisent un gros oiseau, posé sur le dossier d'une chaise. Un geai ! Il n'y a guère d'oiseau plus fugitif, plus peureux que celui-ci, en principe. Mais, lui, il est là, perché, insoucieux des humains. L'une des serveuses va le chasser, il s'éloigne d'à peine deux mètres et revient se poser au même endroit. (Plus tard, le patron me dira qu'il a été obligé, une heure auparavant, de déplacer trois ou quatre connasses qui avaient peur de l'oiseau en question. Peur d'un geai : on en arriverait à leur souhaiter le cancer foudroyant ou, à tout le moins, la méchante descente d'organes.)

Je suis sorti, un morceau de pain à la main, afin de le lui émietter grossièrement. Il s'est saisi du plus gros morceau, est allé se poser sur une table, afin de le manger tranquillement. J'étais à un mètre cinquante de lui, il semblait se foutre absolument de ma présence, ce qui m'a fait penser qu'il devait s'être échappé d'une volière, et considérer les humains non comme des prédateurs mais plutôt comme des mangeoires ambulantes.

Son croûton de pain terminé, il a disparu. Jamais encore je n'avais vu un geai d'aussi près et aussi longtemps. Je suis bien content.

mardi 28 juillet 2009

Ma tendresse pour Franco (et son casque colonial, et son chien)

Il s'appelait Franco et il était Algérien ; ce qui, en soi, est assez ridicule, je vous le concède. C'était un petit homme très vieux (aux yeux du tout neuf adolescent que j'étais, en cette année 1969 : il faudrait demander à mon père ou à ma mère quel était son âge réel), très maigre et très ridé. Il était “l'homme à tout faire” (dit-on comme ça ?) de la cité militaire d'Aïn-el-Turck (photo), petite, toute petite ville algérienne située à une quinzaine de kilomètres à l'ouest d'Oran dans laquelle j'ai vécu la partie la plus incompressible de ma vie (comme de la vôtre) : le passage de l'enfance à l'adolescence. Mais ce n'est pas cela dont je veux parler ce soir. Juste de Franco. Il vivait dans le douar d'Aïn-el-Turck, il passait ses journées dans cette cité militaire française regardant la mer, par-delà ce court terrain vague chardonneux et sec que j'ai traversé mille fois.

Franco portait sur la tête un casque colonial qui le mettait hors de toute époque définie. Et en faisait une sorte de personnage de Tintin, puissamment décalé. Franco avait, si je me souviens, une fille taraudée par l'adolescence, qui lui faisait dire, avec l'accent d'un homme revenu de tout ou presque : Chiquito por chiquito, chiquita por chiquita. Mais tout le monde savait que la fille de Franco était plutôt du genre chiquita por chiquito. Car Franco, comme tous les gens de cette partie ouest de l'Algérie d'alors, parlait espagnol – au moins quelques mots.

Son casque colonial sur la tête, Franco était toujours là. Lorsqu'il n'avait rien à faire, il trouvait un coin d'ombre et s'asseyait sur ses talons. Les hommes arabes font ça avec un naturel étonnant. Essayez de vous asseoir sur vos talons : vous tiendrez douze minutes, à condition d'avoir moins de trente ans. Eux peuvent faire cela deux ou trois heures d'affilée, et sans qu'un muscle ne bouge de leur visage, ni ne sorte une parole de leurs lèvres. Ils en deviennent magnifiques, croyez-moi.

Franco avait également un chien – une sorte de berger allemand, si je me souviens bien (à cette époque, je m'intéressais plus à Marie-Paule, dans son petit maillot de bain jaune, qu'au chien de Franco – pardon), probablement un batard. Ce chien avait été dressé (par Franco, je suppose) et il ignorait que les races n'existaient pas. Ainsi, n'importe quel Européen pouvait pénétrer dans notre cité sans lui faire bouger une oreille ; mais dès qu'un Arabe faisait mine de s'approcher de l'entrée, il sortait de sa léthargie, se dressait sur ses pattes et se mettait à aboyer comme un furieux. Je me demande, encore aujourd'hui, comment on avait pu apprendre à ce chien à différencier les Algériens des Français, alors que n'importe quel petit post-moderne débutant sait très bien qu'il n'existe aucune différence entre un Algérien et un Français. Dans mon esprit, dans ma vie, le chien de Franco demeure l'ultime témoin d'un monde perdu, oublié, nié, méchant – il n'empêche : il ne se trompait jamais.

Nous avons quitté Aïn-el-Turck très précipitamment, pour des raisons de basse politique franco-algérienne, entre le 26 et le 30 décembre 1970. Il m'est arrivé plusieurs fois (et ce soir notamment, l'évoquant pour l'Irremplaçable) de me demander ce qu'il avait pu advenir de Franco, cet homme dont le travail consistait à protéger notre cité désertée contre ses frères. J'espère que... que rien de fâcheux... Mais je ne peux que l'espérer. Parce que, enfin, ce vieil homme, assis sur ses talons, avec son chien qui aboyait à contre-temps, n'est-ce pas... Et son casque colonial...

La burka de Bénédicte

Quand les bobos bourrent le crâne des bobos (avec votre argent et le mien)

J'ai découvert cette affiche, déjà un peu ancienne mais plus que jamais d'actualité, chez l'excellent Pélicastre jouisseur. Je vous invite chaleureusement à aller lire le billet que ce calamiteux document lui a inspiré (et à ne pas zapper les commentaires !). Je ne vois pas l'intérêt de gloser à mon tour sur ce qu'il a fort bien dit.

Simplement ceci : il faudra bien, un de ces jours, qu'on se décide à m'expliquer comment une société, une civilisation tout entière peut en arriver à ce degré de décervelage qui la pousse à chanter sur toutes les gammes existant en ce monde les charmes de la diversité, et, en même temps, à prôner le métissage qui en est la négation radicale, surtout s'il est généralisé et vu comme fin dernière de l'homme. Lorsque sera en effet accompli cette espèce de sabayon eschatologique, vous pourrez toujours vous brosser pour trouver de la diversité quelque part, mes doux agneaux.

En attendant, mérinos à béret basque et à baguette sous le bras que nous sommes, le 27 novembre prochain nous aurons plutôt intérêt à planquer nos lainages.

lundi 27 juillet 2009

Les Invasions barbares (d'après Métastase)

On ne se méfie jamais suffisamment des zapping-dodo. Il est près de minuit, le film vient de se terminer, vous êtes résolu à vous coucher de bonne heure (dans un premier temps, j'ai écrit : “de bonheur”...), ou en tout cas pas trop tard. Et puis, vous vous autorisez tout de même un rapide petit tour des chaînes en activité. Et vous tombez sur le générique de début des Invasions barbares, ce film de Denys Arcand que vous aviez bien aimé, mais sans plus, la première fois, peu après sa sortie.

Je me suis laissé embarquer et l'ai regardé jusqu'à la fin, avec un plaisir bien supérieur, plus intense, que lors de sa découverte. C'est un film sombre, pas amer mais très désenchanté, au parfum d'irrémédiable. Le titre est à lui seul une superbe trouvaille, puisque ces “invasions barbares” parlent tout autant du réensauvagement du monde, et singulièrement de l'Occident, de ce que d'autres ont appelé sa Grande Déculturation, que des métastases qui envahissent le corps de Rémy afin de le tuer. Les invasions barbares sont aussi à entendre au sens premier, historique, ou plutôt, pour ce qui nous occupe, post-historique. L'un des personnages parle du 11 septembre 2001 (le film est de 2003) comme d'une sorte de coup de théâtre, une inauguration : c'est la première fois, dit-il, que l'Empire (cet empire américain dont le même Arcand annonçait le déclin, près de vingt ans plus tôt) est frappé en son cœur, pour ne pas dire en son principe, en son essence, et ne fait plus seulement l'objet d'escarmouches à ses limes (Corée, Vietnam...).

Le film a bien sûr ses faiblesses : le personnage du fils de Rémy, trader inculte mais brillant dans son domaine, sert peut-être un peu trop de deus ex machina, chaque fois que se présente un problème matériel à résoudre. On en arrive à croire qu'il est la clé commode pour resserrer les boulons un peu lâches du scénario. Mais il y a aussi cet ultime face-à-face avec son père, et ce renversement soudain des positions, des statuts, qui fait que, pour l'ultime passage, c'est au fils de prendre en charge son père, de le protéger, de le guider, de dégager la route devant lui – au sens le plus plein, c'est lui qui doit mener la barque.

J'ai passé deux heures que je pourrais difficilement qualifier d'agréables, mais que je ne regrette nullement, tout en me demandant si je n'aurais pas mieux fait de passer outre. Car, allant finalement me coucher, je me suis avisé que je souffrais d'un effroyable mal de tête – lequel a disparu très rapidement, dès que la lumière fut éteinte et le silence établi.

dimanche 26 juillet 2009

Devinez qui je pastiche, là ?

Ce matin, j'ai réussi à monter dans ma voiture sans prendre le téléférique, ni même desserrer ma cravate à chier, alors que je voyais des petits cons de buveurs d'eau complètement essoufflés au volant de la leur. Un peu plus tard, devant la terrasse de L'Aérolithe, j'en suis ressorti sans utiliser le démonte-pneu. C'est peut-être ça, être numéro un, finalement...


--Post From My iPhone.

Je ne suis pas méchant (hommage à Franssoit)

Tout à l'heure, en allant à Pacy chercher deux baguettes “tradition” (« Bien cuites, s'il vous plaît... »), j'ai d'abord constaté que la boulangère avait profité de ses trois semaines de vacances pour mettre bas. Et déjà au boulot : on croirait Rachida. En sortant de là, je me suis dit : « Tiens ! et si j'en profitais pour acheter le Vieil Observateur ? » (J'ai une vie passionnante et des lectures hebdomadaires teintées de masochisme...)

Ni une ni deux. Maison de la presse, au rayon voisin de celui des “news”, je tombe en arrêt devant la couverture du Magazine littéraire. Un dossier consacré à la méchanceté, aux délices de la polémique, aux haines d'écrivains : vous auriez fait quoi, à ma place ? J'ai cassé ma tirelire et je vais illico aller m'y plonger, les glandes salivaires déjà tout en émoi. Du coup, l'éditorial soporifique et bla-blateux de Jean Daniel attendra.

samedi 25 juillet 2009

Plus criminel que Barabas Cornu comme les mauvais anges

Qu'est-ce qu'un blog ? C'est un lieu de parole publique, ouvert par un gazier – une gazière – qui pense que sa parole a suffisamment d'importance pour être révélée. Fort bien. À partir de cet instant, lorsque l'opinion de tel ou tel devient publique, il me semble légitime que tout lecteur puisse, s'il le souhaite, combattre cette opinion, voire la rejeter sans même avoir à fournir d'explication.

Ainsi pratiqué-je. Dans les deux sens : lorsqu'il m'arrive de lire, sur un blog, un billet m'étant entièrement consacré, à seule fin d'expliquer que je suis un gros con néo-nazi, je ne m'en offusque nullement : je me suis exprimé publiquement, on me répond publiquement, tout me semble dans l'ordre.

Il semble que je sois assez isolé sur cette position. La plupart des blogueurs tolère très mal la contradiction – encore moins la moquerie, le sarcasme, voire l'insulte pure et simple. (Je ne dis pas que l'insulte soit une chose merveilleuse, mais enfin, de temps à autre, elle soulage.) Les couronnes de laurier, les fleurs tressées, les hommages vibrants, oui, tant qu'on en peut déverser : on n'a encore jamais vu un blogueur censurer un commentaire pour cause de louange excessive et stupide. Or, Dieu sait s'il y en a.

Pour ce qui est des critiques et des sarcasmes, ça y va du ciseau. Et le chœur des bisounours s'indigne volontiers de la méchanceté de tel ou tel, même lorsque le chœur n'est concerné de nulle part : rien ne doit troubler la fraternité glorieuse, l'éclat des “sourires lumineux”, la grande et harmonieuse blog pride. C'est “Touche pas à mon pote” à tous les étages.

Eh bien ! moi, je touche à ton pote, et continuerai à la faire, fort probablement. Si ton pote trouve quelque gloriole à s'exprimer publiquement, il ne faudra pas qu'il s'étonne de recevoir une ou deux gifles au milieu des habituelles compositions florales – surtout s'il ronronne comme un gros matou consensuel dans les sentiers bien balisés de la rebellitude de confort. En un mot, les Olivier, les Céleste et consort peuvent continuer à répandre leur sirop, je me conserve le droit d'y mêler mon filet de vinaigre. Que celui à qui cela déplaît passe outre, une bonne fois.

Pétronille est de retour !

Et elle habite ici...

vendredi 24 juillet 2009

Mon cerveau sait que les races n'existent pas ; mais ma bite n'a pas l'air au courant...

La Petite Dame note avec une aisance absolument impossible de nos jours ceci : André Gide éprouve une sorte de répulsion physique face à la race indienne (on parle des habitants de l'Inde, pas des Peaux-Rouges, mais ne dites rien à Céleste, elle pourrait le prendre mal). Les gens d'aujourd'hui frissonnent : comment un gens-de-gauche comme Gide peut-il dire une chose aussi abjecte ? C'est simple : il ne savait pas que les races allaient disparaître, passer à la trappe. Personne, à son époque, ne savait qu'on allait nous faire cette entourloupe.

Dans les années naissantes du vingtième siècle, tout le monde savait fort bien que les noirs, les asiatiques, les blancs, étaient de races différentes. Aujourd'hui aussi, mais il est devenu impossible de le dire. C'est très amusant.

Or... Or, le cerveau n'est pas tout. Le cerveau humain se plie volontiers aux injonctions de nos maîtres du moment, mais nos bites beaucoup moins, pardonnez-moi mes maîtres – et c'est pour ne rien dire de vos chattes, mes sœurs.

Nos bites sont assez rétives au politiquement correct, faites-en l'expérience. Imaginez une tablée de quatre hommes, parlant de femmes. L'un dit : « Désolé, mais les grandes blondes pâlichonnes me laissent le bitogramme absolument plat. » Et l'autre : « Moi, les négresses, je m'en fous. » Le troisième : « Les petites grosses brunes du pourtour méditerranéen, je te les laisse. »

Bon. Maintenant, imaginez cette discussion en vrai. Celui qui se fout des grandes blondes scandinaves minces (ce qui est parfaitement mon cas) dira simplement : « Je ne fous des grandes blondes scandinaves minces », et personne n'y trouvera rien à redire. Imaginez le même homme, que les femmes africaines laisse de marbre (ce qui est toujours mon cas). Que va-t-il dire ? Quelque chose comme ça : « Je n'aime pas les Africaines, mais... mais... mais... c'est JUSTE ÉROTIQUE, HEIN ! », ce que nul ne lui aura demandé de préciser concernant les Scandinaves.

En outre, personne ne sera surpris que tel homme n'aime QUE les petites femmes, ou QUE les grosses, ou QUE les longilignes, ou QUE les blondes, ou QUE les Asiatiques. Voire QUE les noires. Ou QUE les Méditerranéennes, comme c'est plus ou moins mon cas.

Le problème est qu'il ne semble pas exister de noires, d'asiatiques, d' arabes, de rien du tout : c'est écrit dans les journaux. D'accord, mais enfin... ma queue, moi, elle me dit autre chose... Ta queue a tort, connard ! Ah ? Oui, elle a tort : il n'y a que des individus, pas de races ! Bon... C'est dommage... Moi, je continue à bien aimer toutes ces femmes du pourtour méditérranéen...

Raciste ! Sale con !

(Calme-toi, fringante : on va se mettre aux Scandinaves et aux négresses, puisqu'il le faut...)

Les Caves du Vatican ? C'est idiot...

Le 20 mai 1947, André Gide rencontre un autre André, Malraux. De retour “au” Vaneau, il dit ceci à la Petite Dame : « Nous avons vraiment parlé de tout, de tout, il est plus éberluant que jamais ; vraiment, si j'habitais sa cervelle, je ne songerais qu'à fuir. »

Sept jours plus tard, Maria Van Rysselberghe consigne cette anecdote :

« Petite histoire : un jeune Italien, d'aspect plutôt minable, vient voir Gide. Il raconte qu'il vend du savon et gagne 2 000 francs par mois, ce qui est très insuffisant pour vivre. “ Mais vous touchez peut-être un pourcentage sur le vente ? lui dit Pierre [Herbart], qui assistait à l'entrevue. – Oui, fait l'autre, mais on vend jamais rien dans cette boutique. – Comment avez-vous eu l'idée de vous adresser à moi ? lui demande Gide. – Quand j'étais plus jeune, un ami m'avait prêté Les Caves du Vatican. – Et alors ? dit Gide, déjà tout alléché. – J'ai trouvé ça idiot ”, répond-il. “ Et, du même coup, raconte Gide, je lui ai donné 5 000 francs. ” »

Et, pour finir, tenez (parce que j'ai du boulot, sinon on pourrait y passer la fin de la journée et au-delà), cet aphorisme gidien, noté par la Petite Dame en octobre de la même année :

« C'est un art de contempler ce que les ans nous apportent plutôt que ce dont ils nous privent. »

Une pensée qui commence à me concerner plus que de raison.

jeudi 23 juillet 2009

Connerie durable (billet gauchiste)

Quelle merveille que la crise ! J'ai découvert ça aujourd'hui. C'était placardé partout, dans les couloirs, les ascenseurs, pratiquement les chiottes, de l'entreprise qui me fait vivre (et réciproquement, mes frères, et réciproquement). Appelons-la Lebossu Active.

Chez Lebossu Active, on se soucie beaucoup des actionnaires. C'est-à-dire qu'on ne s'en soucie nullement, mais ce sont eux qui décident de tout. Donc, on ploie l'échine, on leur dit “Bonjour Monsieur”, voire “Bonjour Madame” quand ce sont des femmes. En réalité, on ne leur dit rien, puisqu'on ne les rencontre jamais : ce ne sont pas des gens, mais des idées. Même pas : des concepts – et encore.

Ces actionnaires savent qu'il y a une crise. Ils s'en foutent. Ils ont investi de l'argent, il s'agirait que ça rapporte. Là, maintenant, tout de suite, et beaucoup. Ils l'ont signifié à mes patrons. Lesquels, petits valets surpayés, ont obtempéré. Avec le sourire. Eux-mêmes sont actionnaires d'autre chose : ils savent de quoi ça cause.

Ce qui est amusant, dans une mondialo-boîte comme Lebossu Active, c'est qu'il n'y a, finalement, pas de patron. Que des grouillots. Très bien payés, mais grouillots. Mon super-grouillot-en-chef, on va dire qu'il s'appelle Gustave (pardon, M. Flaubert) Mescouilles.

Gustave Mescouilles, donc, a des tas de sous-grouillots sous ses ordres : c'est à ça qu'on reconnaît le super-grouillot comme Gustave. Les sous-grouillots sont évidemment très mal payés (mais mieux que vous, bande de salauds de pauvres cons !). Ils espèrent néanmoins “grimper dans la hiérarchie” – et, en effet, dans la plupart des cas, ils y parviennent.

Bref, pour les grouillots cravatés (costumes bon marché, minables, chaussures ressemblant à des écrase-merde, coupe de cheveux standard – même leur visage en vient à ressembler à celui de leur camarade de bureau, c'est fascinant...) qui commandent à nos vies, il importe de faire des économies, parce que les actionnaires (ces gens qui ne branlent rien, contrairement à ce que leur nom semble indiquer) en ont ainsi décidé. Des É-CO-NO-MIES. Mais il s'agit surtout de les faire passer pour ce qu'elles ne sont pas. Parce qu'il ne suffit pas de nous enculer, il faut surtout que l'on dise merci et qu'on se persuade d'y prendre du plaisir. Donc...

Donc, aujourd'hui, ceci. Placardé partout, cette annonce comme quoi nous devons, d'ici lundi, nous munir d'un nouveau badge (un de plus) afin de pouvoir utiliser les imprimantes. Très bien. Tout le monde pige qu'il s'agit d'empêcher tout salarié d'imprimer les deux pages de sa facture EDF, ou la lettre de son proprio, ou... enfin, bon : on ne peut plus imprimer quoi que ce soit de personnel. Or, on se trompe lourdement...

Oui, car le titre de cet inestimable document est le suivant : IMPRESSION DURABLE.

Vous avez parfaitement lu, et je vous prie de retenir votre éclat de rire. Il ne s'agit nullement, aux yeux de Lebossu Active, de racler les fonds de tiroirs pour conserver leurs sourires aux actionnaires, il est question de sauver la planète, d'être soudain vertueux en diable. Et, accessoirement, de prendre des centaines de salariés pour des cons. Car, enfin, qu'est-ce qu'une “impression durable” ? Est-ce que, la semaine dernière, nos impressions s'effaçaient dans la seconde ? La minute ?

Cet adjectif (au départ aussi noble qu'un autre) de “durable”, tout comme ce nom, “diversité”, ou ce merveilleux qualificatif de “jeune”, est-ce qu'il ne serait pas temps de vomir sur eux tout ce qu'ils méritent ? À vous de voir. Mais faites gaffe : les actionnaires sont en embuscade.

Mon beau navire ô ma mémoire

Ce matin, dans ma voiture, entre Mantes-la-Jolie et Poissy, à peu près à hauteur de l'aire de... (oui, bon, on s'en fout !) Bref : sur l'autoroute, il m'est venu une idée de billet. C'était une très bonne idée, et j'entrevoyais le billet superbe : fin, intelligent, sensible et hyper gentil avec tout le monde – un truc très inhabituel, en somme.

Et puis, l'idée s'est évaporée. Depuis presque une heure, j'ai beau me torturer les méninges avec tous les raffinements de cuauté imaginables, m'astiquer le neurone avec frénésie, rien à faire : cette belle et débordante imagination qui ne me vaut que des envieux dans la blogosphère reste aussi sèche et infertile que ce désert où je parlais hier de me retirer. Arrive au lac, pus d'lac.

Elle reviendra peut-être dans le courant de la journée. Seulement, là, ce sera encore pis. Car puisque je l'ai oubliée, cette idée, comment saurais-je si c'est bien elle qui revient ? Et si c'était en fait une autre idée ? Ce serait terrible.

mercredi 22 juillet 2009

Portrait d'un vrai journaliste

Olivier B., c'est son nom. On va lui ménager l'anonymat, pour lui faire plaisir : il se croit connu. Et important. Et journaliste. Il ne fait pas trop la différence entre journaliste et blogueur : il n'est pas le seul, Dieu sait, mais, lui, il devrait.

Olivier B. est blogueur, en fait ; en plus d'être un con, mais, ça, il le partage avec plein d'autres blogueurs – dont moi, sans doute, plus souvent qu'à mon tour.

Olivier B. est un blogo-journaliste de gauche. C'est sa gamelle. Il aimerait faire passer à la trappe son côté “blogo” pour qu'on croie qu'il est journaliste. Alors, il pond des billets de ce genre.

(.......... Le temps que vous lisiez la prose de ce cuistre...........)

Donc, voilà. Pour M. Olivier B., le scandale est tout simple : Nicolas Sarkozy nous trompe sur le nombre de voiture brûlées, soit à Pâques, soit à la Trinité. Du coup (n'oubliez pas que M. Olivier B. est journaliste), notre héros enquête. Et ce n'est pas le genre qu'on va niquer en deux ou trois phrases : il est journaliste, bordel !

"Les chiffres ne sont pas disponibles pour l’instant", a-t-on répondu à notre demande."

Voilà ce qu'il écrit, Olivier B. “À notre demande” : les journalistes des années cinquante du précédent siècle adoraient se donner ce pluriel de majesté, ils avaient l'impression d'être cohorte, légion, centurie, etc. J'ai écrit comme ça, moi aussi, à mes débuts : il m'attendrit, Olivier B. Cela étant, dressé sur ses ergots, il s'insurge. Il a raison, cet homme : il pose la bonne question, carte de presse au bord du chapeau, et on ne lui répond pas ! Quand un journaliste (libre, toujours libre) pose une question et qu'on ne lui répond pas, c'est forcément parce qu'il vit en dictature avérée. Jamais parce qu'il a posé une question idiote. Jamais.

Par exemple, ce n'est pas du tout une question idiote, de savoir si, dans telle circonstance, on a cramé douze voitures plutôt que trente. Ou l'inverse. Aux yeux d'Olivier...

[Et puis, là-dessus, un appel de ma mère, pour me donner des nouvelles de mon père. Le téléphone raccroché, je m'aperçois que je n'ai plus rien à foutre de cette escarmouche en cours. Plus certainement encore, la certitude que Olivier B., s'il lui arrive de lire ceci, comprendra fort bien que je laisse tomber tout cela. Au bout du compte, comme toujours, c'est Nicolas qui gagne : une rencontre dans la “vraie vie”, une bière prise en commun – et rien d'autre.]

Monsieur Bonnet, j'avais encore bien des gifles à vous donner : considérez-les comme non avenues (je vous les administrerai une autre fois, peut-être, si je redeviens suffisamment gamin – et vous me les rendrez : toujours le bac à sable, n'est-ce pas...). Mon père va mieux. Le reste...

Meurtre gastronomique dans un potager à l'italienne

Après avoir sottement laissé passer l'heure d'ouverture du R.I.E (je deviens moderne), et avoir reculé devant le sandwich au saucisson de la boulangerie (pour une raison qui sera peut-être dévoilée ultérieurement), je me suis résolu à une expérience coûteuse (pas fâchée, Catherine, pas fâchée !) mais très riche en vitamines et protéines : L'Ambiance d'à côté.

J'aurais aimé que vous fussiez là, pour voir la mine de Mme Catherine (pas la mienne, cette de L'Ambiance), lorsque je lui ai commandé “l'assiette fraîcheur”. Charitablement, tout en enregistrant mon souhait d'une écriture nerveuse, elle m'a prévenu que ce n'était pas forcément le genre de plat que j'aimerais.

Là-dessus, l'assiette arrive. Déjà, elle est carrée au lieu de ronde, ce qui induit immédiatement la méfiance, le soupçon, le plissement de nez. Quant au contenu, qui ressemble curieusement à un potager arcimboldesque, c'est en effet, emphatiquement, superlativement, ce qu'il convient d'appeler de la “bouffe de pédé”.

[Pause : avant que les chasseurs de ----phobes n'enclenchent les chargeurs des kalach', je signale que cette amusante expression, “bouffe de pédé”, je l'ai entendue pour la première fois il y a environ 28 ou 30 ans, émise par deux potes homos. Elle entendait désigner (et flatteusement, ce soir-là) le type de restaurants apparus dans ces années, où l'on vous nourrissait de petites purées de légumes, de saumon cru à l'aneth, à l'extrême limite de chèvre-chaud-sur-son lit-de-frisée, le tout dans des proportions éloignant toute idée d'adiposité chez le consommateur – on ferme le ban.]

Donc, mon assiette carrée arrive, très joliment colorée. Autour de moi, parmi le personnel, la tension est palpable, l'appréhension épaisse. On s'attend, je suppose, à ce que je pousse un rugissement sauvage tout en ventilant mon arcimboldo façon puzzle, dans tout le restau. Histoire de laisser grimper la tension, je lis encore trois ou quatre pages des Cahiers de la Petite Dame, avant d'attaquer cette espèce de jardin botanique.

Dans l'assiette m'attendent : des crevettes (repliées en position fœtale dans l'angoisse de ce qui les attend), l'inévitable salade pour faire masse, du concombre et de la tomate découpés en minuscules cubes arrosés de fromage blanc, quatre quartiers de pamplemousse et... et... dans une verrine (oui, je sais, c'est terrible)... du quinoa. On comprend mieux l'angoisse du personnel.

N'étant pas sadique, je finis par goûter. Une bouchée. Une autre. Une troisième... Les filles, terrorisées, n'osent plus décarrer de derrière le comptoir. Et c'est M. Daniel, le patron, qui, prenant violemment sur lui, s'approche de ma table :

Lui (sourire faraud) : – Alors, Monsieur Didier ? C'est comment ?
Moi (ton neutre, volontairement déstabilisant) : – C'est tellement n'importe quoi que c'en devient grandiose, presque émouvant.

Ne sachant trop ce que je veux dire par là, il préfère en conclure (je le vois au relâchement musculaire soudain de toute sa personne) que son “assiette fraîcheur” a passé la barre, et qu'aucune déflagration nucléaire n'est plus à craindre.

De fait, j'ai tout mangé, fort étonné de moi-même. Néanmoins, pour viriliser un peu l'affaire, j'avais pris la précaution de noyer mon assiette carrée sous une pluie drue de tabasco ; et de la faire glisser avec un pichet de sauvignon – mais un seul, afin de conserver à ce repas stupide son côté joyeusement hypocalorique.

Ta mère fit un... et tu naquis de sa...

Hier soir, juste après avoir écrit ce billet abscons sur le désert, je suis retourné à la maison (celle où je dors, par opposition à celle où je pianote les conneries que vous lisez). Constatant que l'Irremplaçable regardait une série américaine qui ne me bouleverse point, et qu'il faisait encore doux pour la saison, et que, une heure et demie plus tôt, elle avait entamé sans la finir une bouteille de Pouilly fumé, je me suis installé en terrasse pour terminer son ouvrage (non, mais quelle phrase de merde !). Là-dessus, verre servi, silence environnant, jour déclinant fortement, je me prends à penser à mon amie Céleste.

[Pause : je ne mets plus de lien lorsque je parle de cette mienne amie : j'en ai assez que les bisounours me tombent sur le râble, que Nicolas m'engueule, voire que cet escroc en profite pour me payer une Kro ordinaire plutôt qu'une 1664. Donc, la Céleste, je l'ai mise dans ma blogroll : dès qu'elle monte en tête, ça veut dire qu'elle a pondu un nouveau billet... et chacun fait ce qu'il veut. (Il n'empêche que son tout dernier, expliquant que l'homme occidental a inventé la roue pour exploiter les bronzés, il vaut la peine...).]

Reprenons : Pouilly en main, cigarette dans l'autre, je me prends à rêvasser aux charmes de l'Inde revisités par...

Et c'est précisément à cet instant qu'un oiseau invisible et silencieux me pisse sur le front. J'ai bien dit : me pisse. Non, parce que, se faire chier dessus par un pigeon, ça m'est arrivé, comme à chacun d'entre vous. Mais pisser ? Jamais, on est d'accord ? Eh bien, moi, si. Et juste au moment où je pensais à cette bonne Céleste. (Tout cela est rigoureusement vrai, je le précise.)

Alors ? Serais-je maudit ? Est-ce qu'un dieu à tête d'éléphant bleu aurait décidé de me régler mon compte ? Une pétasse à huit bras serait-elle en train de m'expédier au royaume des roues carrées ? Cet oiseau invisible et énurétique était-il l'envoyé du Bien, du Beau, du Bon, voire du Bonnet ? Un émissaire céleste ?

Je ne sais pas. Toujours est-il que je suis rentré, sans même finir mon verre. Et je ne suis pas près de me resservir d'une brouette.

mardi 21 juillet 2009

Comment faire pour être heureux comme un petit enfant candide ?


Naturellement, à l'extrême limite de l'exaspération et de la fatigue, il y aurait aussi cette solution-là. Pour moi, séduisante. Un grand vide écrasé de vie microscopique, à l'ombre des cailloux. Un élargissement silencieux. Une immobilité inquiétante, miraculeuse, avec derrière chaque rocher ou presque un enfant et ses chèvres, ou un homme statufié – et aucune femme visible. La découverte de ce monde, il y a longtemps, m'a transformé en rose des sables, en concrétion patiente – ce que je me suis empressé d'oublier, de dissoudre, une fois rendu au monde. Chaque arrêt imprévu faisait surgir de cette absence minérale, de ce gigantesque poumon étale, des hommes à peu près invisibles dans leurs replis bleutés ou noirs, très grands et invraisemblablement beaux, nous contemplant sans rien dire, paraissant s'étonner avec un peu d'inquiétude de notre agitation native.

Mais le désert n'est pas une solution. Ni même un problème. En-deçà et au-delà, il reste posé, contrairement à nous et à notre frénésie de mouvements en tous sens. Le désert ne connaît ni le bien ni le mal ; s'il les connaît, il se tait. Et les hommes qui l'effleurent (le labourent serait peut-être plus juste) ne lèvent même plus la tête au passage de nos avions. Ils ne voient vos hôtels ni vos piscines, ne vous serviront pas le cocktail que votre forfait exige.

Prétendre qu'il n'existe pas différentes races au sein de l'espèce humaine serait probablement leur faire une grave injure – et l'on s'émerveillerait alors qu'ils ne fassent preuve d'aucune violence envers vous, qu'ils respectent à ce point votre pack-voyage.

lundi 20 juillet 2009

Mouche dorée de la Saint-Jean

On a beau avoir vécu 53 étés, on ne s'habitue jamais tout à fait aux mouches : c'est une première leçon de modestie que la vie nous offre. Et puis, hein, six pattes pour soi seul et deux gros yeux multi-facettes, ça vous pose. Cela étant, on apprend petit à petit, sinon à les apprivoiser, du moins à les classer par ordre croissant d'importunité, un peu comme Paul Valéry avec les femmes : les emmerdantes, les emmerdeuses et les emmerderesses.

La mouche emmerdante est une mouche ordinaire, basique, originelle ; celle qui vaque silencieusement à ses occupations sans s'occuper de vous, vous contraignant juste à reboucher le pot de confiture et à recouvrir le restant de rôti de veau de midi. Il existe aussi un modèle GTI de mouche emmerdante : celle qui se livre aux mêmes activités bien anodines, mais en bourdonnant.

La mouche emmerdeuse est très probablement une version dérivée de la mouche emmerdante, mais les insectologues (oui, oui, ça va, je sais...) ne parviennent pas à faire l'unanimité dans leurs rangs à ce sujet. D'après une significative majorité d'entre eux, cependant, il s'agirait bien d'une mouche emmerdante, mais dopée à la caféine – ce qui a pour effet qu'elle vole sans cesse, ne restant jamais posée et immobile suffisamment longtemps pour que vous ayez le temps d'empoigner la tapette de plastique rouge qui se trouve juste à main gauche (car vous êtes, dans cette histoire, gaucher). Là encore, existe une variante de GTI-bourdonnante, qui commence à devenir franchement exaspérante.

La mouche emmerderesse (et sa version GTI, particulièrement éprouvante) serait – suivez attentivement – une mouche emmerdante, dopée à la caféine et tombée amoureuse de vous : elle ne cesse de parcourir l'espace de ses zigzags hystériques et vrombissants, mais jamais à plus de cinq centimètres de votre visage congestionné par la fureur impuissante. À ce stade, vous ne tentez même plus de saisir votre arme, car cela reviendrait à vous l'abattre violemment sur le visage ou la nuque, pour un résultat hautement aléatoire. Il vous reste la fuite ou le nervous breakdown.

Pour la première fois, cette année, tout à l'heure, là, maintenant, je viens de découvrir une nouvelle espèce mutante qui ne laisse pas de me transir. Je l'appellerai la mouche goguenarde. Il s'agit sans conteste d'une mouche emmerderesse – GTI –, qui a par surcroît décidé de se foutre de votre gueule. Ele procède comme suit : cessant un instant de tournoyer devant vos yeux aveuglés par la haine, elle se pose hors de votre atteinte immédiate, simplement pour vous laisser le temps d'empoigner la tapette en prévision de son inéluctable retour d'assaut. Puis, elle vient gracieusement se poser sur le manche même de votre arme : un ressort essentiel se brise en vous, vous êtes niqué.

Il vous reste la ressource, pour rétablir un semblant d'ordre parmi vos nerfs crépitants, de massacrer une demi douzaine de mouches emmerdantes à vastes moulinets implacables ; mais la consolation reste piètre.

Aux déserts que l'histoire accable



Aujourd'hui, c'est la Lozère qui tient la corde.
Le vide, l'absence...
Fendre l'air.

dimanche 19 juillet 2009

Face tournée au ciel changeant

Évidemment, en y réfléchissant, on se dit que c'est tout de même bien loin, Saint-Pierre-et-Miquelon. Et puis, M. Chieuvrou nous colle un peu les miquettes, avec ses histoires de montée des océans et d'engloutissement insulaire. Du coup, on se cherche des havres un peu moins bout-du-mondiaux, des endroits aussi vides d'humains que faire se peu, mais pour lesquels il n'est pas nécessaire de grimper dans un avion stupide afin de s'y rendre.

Depuis cet après-midi, tiennent la corde la Lozère et l'Ariège. Par chez nous, il n'y a pas plus vide de foule que la Lozère et l'Ariège. C'est bien simple : vous quittez Paris par la porte d'Orléans et, quand ça devient désert, vaguement aride et méchamment désenclavé, vous êtes arrivés. Vous poussez la porte de la première agence immobilière que vous rencontrez : des maisons à foison, vendues pour une bouchée de pain. Et, au dehors, une population d'un âge bien avancé qui vous observe avec une saine méfiance, une roborative animosité. Pas de doute, vous venez de débarquer en France. Vous pouvez vous installer là, faire souche, y rester trente ans : vous serez toujours un étranger – le bonheur à l'état pur. Non, franchement, l'Ariège, il n'y a que ça de vrai (mieux que la Lozère encore, car plus loin de tout). En plus, le dimanche, en prenant toutes les précautions requises, vous pourrez aller flinguer un ours ou deux, histoire de faire s'étrangler les trois écolos du cru. De toute façon, ils sont bien trop occupés à éviter les pierres que leur lancent les éleveurs énervés pour s'intéresser à vous.

Le seul problème est que ça fait vraiment très loin pour revenir jouer au guignol hebdomadaire à Levallois-Plage. Il faut qu'on réfléchisse encore un peu... qu'on creuse la question... Mais on y arrivera, vous verrez...

La mer les monts les vals et l'étoile qui passe...

Pourquoi faudrait-il toujours qu'un titre soit en rapport étroit avec le billet qu'il introduit ? J'aime bien cette idée qui m'est venue (oh, d'ailleurs, ce n'est même pas une idée : ça s'est fait un peu tout seul) d'utiliser des vers d'Apollinaire. Les précédents, comme l'a noté Suzanne en commentaire, étaient tirés de La Chanson du mal-aimé ; celui d'aujourd'hui vient de l'un des poèmes à Lou :

Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleurs...

Et puis, quand j'aurai envie de faire un billet très méchant sur Pierre, Paul ou Jacques, je pourrai revenir au Mal-aimé :

Ta mère fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique, ç'aurait de l'allure, comme titre, non ?

samedi 18 juillet 2009

Moi qui sais des lais pour les reines...

L'Ombre gagne : tel est le titre d'un livre que Renaud Camus n'écrira sans doute jamais – qu'en tout cas il ne publiera pas, car personne n'en veut : trop sulfureux.

Et, pourtant, l'ombre gagne, en effet. Hier, en commentaire de ce billet, Zoridae m'a fait remarquer que je me répétais. Elle a raison : je me répète. Et je continuerai tant qu'elle-même restera sourde et aveugle. J'aime beaucoup Zoridae. J'aime bien son mec aussi. Et, bien que peu porté sur les enfants, le produit de leurs copulations frénétiques ne me déplaît pas du tout : il doit même traîner, çà et là, des photos de moi, à quatre pattes, jouant avec le Kéké en question. Lequel Kéké est tombé amoureux de mes chiens, ce qui crée des liens indubitables.

Ce Kéké-là, j'aurais bien aimé lui laisser un monde vivable, voyez-vous. Or, je n'y crois plus. C'est peut-être un effet de l'âge, après tout : les vieux sont censés s'effrayer d'un rien – tous les jeunes vous le diront. D'ores et déjà, il existe des kékés un peu plus vieux que celui qui nous occupe, pour reprocher à leurs parents de ne pas faire le ramadan. Parce que, enfants, ou adolescents, donc conformistes, ils veulent être semblables à leurs camarades de classe. Or, dissemblables ils sont, et minoritaires de plus en plus – ils le vivent douloureusement et c'est normal. Ces gamins, beaucoup d'entre eux, se convertiront, non parce qu'il seront touchés par une quelconque grâce divine, mais simplement pour ressembler à leur voisin de pupitre. Ils deviendront manipulables, par conséquent manipulés : tout est déjà en place.

Un jour, les gens de ma génération (enfin, les survivants), pas leurs parents, déjà gangrenés, leur diront qu'ils ont vécu toute leur enfance, toute leur scolarité, sans jamais voir un Africain ou un Arabe. Ils préciseront, ces vieux cons, que lorsque par hasard ils en héritaient d'un, ils étaient tout frétillants de cet “ailleurs”qui déboulait dans leur existence, curieux, avides. Et qu'ils jouissaient de cette découverte, de cet exotisme, de cette étrangèreté.

Les kékés ne nous croiront pas.

Voie lactée ô sœur lumineuse des blancs ruisseaux de Chanaan

Ce matin, le ciel est dégagé, le vent balaie les miasmes humains et les restes de pensées noires. Un voisin taille sa haie, mais, étrangement, son vacarme ne me gêne pas. Les invités sont repartis aux aurores (enfin, n'exagérons rien...), l'existence est rentrée dans son lit naturel.

J'ai remisé André Gide et sa Petite Dame pour me replonger dans le cycle miquelonnesque d'Eugène Nicole, hautement recommandable. Le vent souffle aussi dans ces pages, le brouillard atténue les éclats de voix.

Je finirai sans doute par ne plus parler. Du tout. Et je n'ouvrirai les yeux que pour relire des livres déjà connus, et de longue date. S'il se peut, je me ferai interdire d'existence comme on se fait interdire de casino : pour me désaccoutumer en douceur. Ainsi, nulle solution de continuité entre ma vie présente et ma mort prochaine.

Et si l'océan engloutit mon île, il me poussera des palmes : Dieu me doit bien ça.

vendredi 17 juillet 2009

Ma rose mon giroflier...

Il devient urgent de se réfugier à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce n'est pas entièrement une plaisanterie. L'Europe s'écroule, la France avec, la France d'abord. Dans vingt ans, vos enfants (surtout si vous avez bêtement fait des filles) seront de semi-esclaves. Autour de vous sont des gens qui savent ce qu'ils veulent, de plus en plus nombreux – et ils ont absolument raison : vous leur donnez raison, chaque jour que Dieu fait.

Vous mourrez à quatre pattes, ou à plat ventre, aspergés par l'eau bénite laïque des mollahsonnes du type Céleste, qui vous haïssent parce qu'elles n'osent pas se haïr elles-mêmes, parce que les psychanalystes leur ont forgé cet égoïsme invraisemblable qui leur permet de vivre encore un peu. Vous êtes de terrifiants bisounours, qui ne voyez pas le monde que vous allez léguer à vos enfants – vos décervelés d'enfants.

Déjà aujourd'hui, vos filles, blondes ou même brunes, ne peuvent plus aller promener leurs petits culs dans la plupart des banlieues. Vous faites semblant de ne rien voir. Autistes. Elles vous en voudront, un jour ; elles se demanderont pourquoi vous ne les avez pas mieux défendues contre ces babouins agressifs. Vous leur direz quoi ? Comment vous justifierez-vous ? Et comment résisterez-vous à cette pulsion meurtrière qui vous saisira, lorsque cette même fille reviendra chez vous, le visage en sang et le corps dévasté ? Vous lui direz quoi ? Vous lui direz quoi ? Que c'est mal d'être raciste ? Oui, c'est vrai, c'est mal d'être raciste. Et ensuite ? Vous lui expliquerez comment, ce renoncement inexplicable à être vous-même ? Face à cette douleur incommunicable, vous lui prêcherez quelle tolérance ? Quelle solidarité ? Quelle vertu citoyenne ?

Pensez-y, mes frères, mes jeunes frères : aujourd'hui même, des pans entiers de ce pays sont interdits à votre fille (et aussi à votre fils). Il va devenir urgent de redevenir violent, cruel et injuste. Plus le temps passe et plus le sang sera abondant – et c'est vous (ou plutôt vos fils : vous êtes trop endormis) qui le feront couler. La faute en retombera sur cette génération de merde qui est la mienne : nous serons la honte de ce pays, ou bien sa fin.

Mon île au loin ma désirade

On avait d'abord envisagé la Nouvelle-Zélande. Mais il y a la barrière de la langue : se mettre à l'anglais à mon âge, franchement... Mais alors où aller ? Pour être certains d'être vraiment peinards, inatteignables, pour ainsi dire soustraits du monde tel qu'il va.

Eh bien, on a trouvé ça : Saint-Pierre-et-Miquelon. Plus improbable que Saint-Pierre-et-Miquelon, je ne vois pas. Personne n'aurait l'idée d'aller passer sa retraite à Saint-Pierre-et-Miquelon, absolument personne : c'est loin, il n'y a rien à faire, il fait froid et très humide – le rêve, quoi. Autre immense avantage : aucune liaison directe avec la métropole, il faut passer par le Canada, Terre-Neuve ou Halifax, je ne sais pas trop. Enfin bref : aucun risque de voir débarquer les fâcheux au moment des vacances. De toute façon, l'été à Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est 15° et brouillard à tous les étages : ça calme.

Et puis, dites : 6345 habitants pour 242 kilomètres carrés, 26 péquins au kilomètre, pas un de plus – ça fait envie, non ? Avec ça, pas pressés de sortir de chez eux, à cause de la neige qui bloque la porte du garage et du vent glacial qui déboule du Labrador. Alors, on ne sort pas. On relit L'Œuvre des mers d'Eugène Nicole, magnifique écrivain originaire de ces îles (dont je ne suis pas foutu de trouver le nom des habitants).

En clair, on se prépare une retraite tellement paisible, tellement monotone, tellement chiante, qu'elle va nous sembler merveilleusement longue. Quand le temps nous pèsera trop, on s'offrira un saut de puce jusqu'au Québec pour aller vider un flacon avec Ygor Yanka. On parlera de la France et on reprendra deux fois des rillettes. Après ça, on rentrera à la maison, retrouver nos chiens (des labradors, évidemment) que nos sympathiques et très vieux voisins auront gardés en notre absence. On leur rapportera un petit cadeau qui leur fera bien plaisir, et ils diront : « Mais non, il ne fallait pas ! »

À la fin, mais alors complètement à la fin, on mourra tranquillement, en choisissant un jour de brouillard pour avoir moins de regrets – et personne n'en saura rien car nous serons, depuis longtemps déjà, oubliés de tous.

jeudi 16 juillet 2009

Anastasie sur la bascule à Charlot

Les billets et commentaires lus ces derniers jours, à propos de “l'affaire Orelsan”, ont montré une fois de plus qu'il en allait de la censure comme de la peine de mort : il y a ceux qui sont pour, ceux qui sont contre, et une large majorité qui est pour en étant persuadé d'être contre.

Que disent les crypto-partisans de la peine de mort ? En général quelque chose comme ceci : « Je suis contre la peine de mort, SAUF (attention, mot-clé !) pour les assassins de vieillards, les violeurs d'enfants, les... » En un mot, ils sont contre la peine de mort pour les gens qui ne la méritent pas, ce qui est bien la moindre des choses.

On a donc pu voir qu'il en allait de même avec la censure : « Je suis pour la liberté d'expression, mais il y a tout de même des idées, des appels à la violence, etc., qu'on ne peut pas tolérer.» En un mot, je suis pour que puissent s'exprimer librement tous ceux qui ne disent rien ou alors les banalités dans l'air du temps sur lesquelles tout le monde est déjà d'accord avant même d'ouvrir la bouche.

Il me semble au contraire que la liberté d'expression doit être tout particulièrement défendue dans le cas d'opinions scandaleuses, choquantes, etc. C'est la raison pour laquelle je suis fermement contre la loi Gayssot et toutes ses petites sœurs qui l'ont suivie. De même, je reste opposé à la peine de mort, en particulier dans le cas des assassins d'enfants, des dépeceurs de vieilles dames, des barbus farcis à l'explosif, etc.

Bref, je suis contre la peine de mort pour ceux qui la méritent, et pour la liberté d'expression des idées qui me répugnent ou me scandalisent.


Post scriptum : Dans mon billet d'hier soir, j'ai fait mon méchant garçon et j'en ai été bien puni : il y a une énorme faute dans mon titre (patronesse pour patronnesse), laquelle s'étale impudiquement dans toutes les blogrolls où j'apparais, me collant ainsi la honte du siècle. C'est le petit Jésus qui m'a puni, vous croyez ?

mercredi 15 juillet 2009

Pour faire une bonne dame patronesse...

À Fanette...


Céleste est en Inde, Céleste est heureuse. Elle dispense ses bienfaits, sans que ça lui coûte très cher, c'est une femme morale. Démonstration. (On est prié de lire le billet in extenso avant de poursuivre...)

Donc, Ginette (l'équivalent indien de Ginette) est mariée avec un repris de justice alcoolique – appelons-le Maurice. Maurice et Ginette vivent entassés les uns sur les autres, avec la yaya (clin d'œil à ma nièce...) ; ils veulent se casser et avoir une maison rien que pour eux et leurs enfants : on les comprend. Seulement, il faut payer une caution : 60 €. N'importe qui d'entre vous (ou moi), bien évidemment, sortirait immédiatement la somme en question de sa poche pour régler l'affaire.

Pas Céleste ! Ni le Fabio qui lui sert d'étalon. Eux, ils veulent rentabiliser moralement ; il leur faut un retour sur investissement. Donc, ils s'interrogent gravement. 60 €, c'est une somme (pas pour ces gras bourgeois européens, évidemment), on ne lâche pas la monnaie comme ça. Il est hors de question de payer une caution sans humilier Maurice, autant que faire se peut. Les fourches caudines (fourches Claudine en l'occurrence) sont là, il y a intérêt à ce que Momo passe dessous – et en fermant sa gueule, en plus. Nous autres, les Européens, on va lui apprendre à se comporter, à respecter sa femme, et à dire merci pour les 60 €, hein ! Faudrait voir que, pour une somme pareille, il refuse de courber l'échine, ce connard de Maurice !

Non, parce que, franchement, on veut bien jouer les dames patronnesses, mais il s'agirait d'en récolter les dividendes avant de rentrer à la maison ! Pour qui il se prend, ce Maurice ? De quel droit il empêcherait sa femme de travailler, hmm ? Regarde-moi bien, Momo : j'ai soixante euros dans la main, là ! Soit tu fermes ta gueule, soit je les remets dans ma poche, capito ?

Baisse les yeux, abruti ! Bon, c'est mieux... Maintenant, on va négocier pour le vélo. Hep ! Baisse la tête, connard : on est là pour ton bien ! Voilà, c'est bien... Souris encore... Tends ta main... Tu l'auras, ton obole...

Les filles, ne rangez pas les ciseaux : il y a encore du boulot

Avant-hier soir, j'ai revu avec grand plaisir la première demi-heure de Calmos, le film tourné par Bertrand Blier en 1975 et qui, allez donc savoir pourquoi, ne passe que très rarement à la télévision. Je dis “la première demi-heure” car, ensuite, le film sombre dans le n'importe quoi systématique : rappelons qu'à la fin, les personnages masculins se retrouvent piégés à l'intérieur d'un gigantesque vagin à l'hyperréalisme assez gerbatoire...

Une chose m'a frappé lors de cette revoyure : bien que vieux de presque 35 ans, Calmos ne traite pas du tout de la lutte des sexes (pour le pouvoir, l'égalité, etc.), mais se situe d'emblée dans une sorte de post-féminisme à tendance apocalyptique. Les femmes ont déjà pris le pouvoir et les hommes ne songent aucunement à le leur disputer. La seule chose qu'ils veulent est qu'on leur foute la paix. Il ne souhaitent pas se battre contre les femmes, mais simplement ne plus les voir, ne plus rien avoir à faire avec elles. Ils n'ont plus que des envies simples (boire et manger entre hommes, pour l'essentiel), ils sont tous intensément fatigués et n'aspirent qu'au repos – à un repos riche en cholestérol, néanmoins. Bien entendu, ce repos leur sera refusé par la troupe de choc des femelles déchaînées.

Je m'étonnais donc, devant mon écran même pas plat, de ce que ce film pouvait encore passer à la télévision. Je m'étonnais encore bien plus de ce qu'aucune ligue féministe n'ait songé, apparemment, à en demander la déprogrammation, l'interdiction, la destruction, etc. Car à côté de ce qui est dit des femmes dans ce film, Orelsan c'est Bambi. Il est vrai que, chez Blier, les femmes ne sont pas des victimes, mais des guerrières salement castratrices (castratrices non par dégoût de l'organe mâle, mais par excès d'exigence envers lui). Et il n'est pas impossible que cette image d'elles-mêmes, en nymphomanes surarmées et nettement fascisantes, face à des hommes traqués, fuyants, apeurés, irrésolus, soit finalement assez de leur goût.

mardi 14 juillet 2009

L'ouverture de la chasse

Depuis une vingtaine de minutes, le silence se déchire, le vacarme monte, emplit le ciel, semblent même vouloir prendre possession de nos corps ; puis décroît, s'amenuise, s'évanouit presque complètement, avant de revenir, identique à lui-même – tout cela, chaque fois, au paroxysme, dans de grandes envolées d'oiseaux paniqués, ou furieux.

On les attendait, l'Irremplaçable guettait avec son appareil photo – c'est tous les ans pareil : les avions de chasse en formation rigoureuse qui, amis Parisiens, seront déjà passés au-dessus de vos Champs-Élysées lorsque ce billet sera terminé, ont décollé de la base aérienne 105, celle d'Évreux, peu après dix heures. Puis, ils ont donc tournoyé quelque temps au-dessus de nos têtes, les premiers décollés attendant les autres dans notre petit mouchoir de ciel.

À présent, se tenant par l'aile afin de ne pas se perdre, ils ont disparu vers l'est, ils approchent de chez vous, Arc de Triomphe en vue – levez les yeux, bon sang ! trop tard : l'Obélisque est déjà derrière eux, il faudra patienter jusqu'à l'année prochaine. Les oiseaux s'en foutent : l'éternité est à eux, le temps humain glisse le long de leurs plumes – il ne s'est rien passé.

lundi 13 juillet 2009

Orelsan vs Ernest Pinard

Remarque liminaire : je ne sais pas qui est ce garçon (avachi sur l'escalier menant à mon blog), je ne l'ai jamais entendu, ne souhaite pas que telle expérience m'échoie, ne l'écouterai sans doute jamais. En vérité, pour les lambeaux de vers de mirliton tombés de sa plume que j'ai pu lire çà ou là, il me semble à la lettre ne rien dire – comme le font la plupart de ses camarades chanteurs. En revanche, les gens qui parlent d'Orelsan ad nauseam depuis des semaines et des mois me paraissent singulièrement bavards sur eux-mêmes. L'affaire devient donc intéressante.

Je ne m'attarderai pas sur l'entrée en francofanfare de l'inénarrable Ségolène dans cette affaire. Que l'on puisse s'étonner d'une quelconque attitude moralo-répressive venant de cette terrifiante greluche, voilà ce qui, moi, me surprend. Passons-la par pertes et profits comme l'histoire contemporaine, dans sa sagesse, l'a déjà fait.

Je vois deux axes, deux pistes dans cette affaire Orelsan, chacune illustrée par sa troupe de blogueurs – certains jouant les transfuges sans même s'en apercevoir, par faute de neurones ou manque d'habitude de les utiliser. Le moins que l'on puisse dire est que ce garçon cristalise un max, si l'on veut bien m'accorder le relâché de l'expression.

Il y a la piste “bouc émissaire”, assez correctement illustrée aujourd'hui par le camarade Dagrouik (que je salue au passage). Le titre de son billet dit tout, dévoile les intentions cachées : « Orelsan, aussi homophobe ». En effet, depuis un moment, on sentait que ça manquait ; que le garçon n'était pas complet, pas fini d'habiller-pour-l'hiver. Être gynophobe (je préfère ça à “misogyne”, plus dans l'air du temps, voyez...), c'était déjà bien, pour bricoler un petit monstre, mais il lui fallait une dimension supplémentaire : dans le cas d'un bouc, on ne charge jamais assez la mule, si je puis dire – Dagrouik s'en est vaillamment chargé, on peut le remercier. On ne serait pas étonné que ce malheureux décervelé (je parle d'Orelsan...) accède dans les jours prochains au rang enviable d'islamophobe, de judéophobe (la bouc-émissairisation ne craint pas la contradiction amusante : c'est un de ses signes distinctifs), voire de crypto-pédophile.

Dans son long billet, tout émaillé de sottises que je n'ai ni le courage ni le temps de relever ce soir (mais le lien ci-avant n'est pas fait pour les chiens), Dagrouik lâche cette perle magnifique, qui dit tout (pas sur Orelsan, sur lui-même) : Peut-on faire confiance à un con comme lui pour éduquer les gens par la chanson ? [J'ai rectifié la syntaxe originale.] On apprend donc, au passage, que la chanson a été inventée pour éduquer les gens (ce qui surprendrait beaucoup Charles Trenet, je pense). Et donc, forcément, les éduquer dans le bon sens, dans le sens de l'histoire, dans le sens de Dagrouik et consort. Comme Orelsan ne le fait pas – ni n'y prétend, à ma connaissance –, on va donc en faire un monstre et empiler sur sa tête toutes les ---phobies qu'on pourra trouver, et Dieu sait s'il en pousse de nos jours. Ça lui apprendra à ne pas éduquer les gens, ou au moins – autre reproche du camarade – à ne pas préciser qu'il s'agit de deuxième, troisième, quatrième degré.

Car la chanson doit être morale. L'art doit être moral. La parole doit être morale. Tout doit être moral. Et il est bien naturel que Donatien Alphonse François de Sade soit enfermé à Charenton (actuellement Saint-Maurice), ça lui apprendra : enfermé pour défaut de signalisation de troisième degré. C'est précisément là que notre piste “bouc émissaire” rejoint l'autre, et que Dagrouik prend la queue de cortège de nos amies féministes (de certaines de nos amies : j'en connais qui renâclent un peu à crier haro sur ce baudet-là...).

Là, on arrive dans le lourd. Car si les palinodies de Dagrouik amusent plus qu'autre chose, parce que ne débouchant finalement sur rien (il y a beau temps que les boucs émissaires ont perdu leur efficacité de résolution violente), nos féministes sont moins folkloriques, moins poum-poum-tralala-pride : ce qu'elles visent ce sont les marches du Palais de Justice. Elles veulent faire taire ce petit crétin boutonneux, elle n'ont pas honte de le dire. Et si elles n'ont pas honte, c'est parce que leur cause est juste : Orelsan bafoue la dignité des femmes, elles se battent pour la dignité – qui pourraient leur en vouloir ? Ne pas être d'accord ? Orelsan traite les femmes comme des chiennes, elles refusent d'être considérées comme des chiennes (sauf “de garde”, mais c'est un détail) : qui ne s'embarquerait derrière cette noble bannière, cette oriflamme incontestable ? La cause des femmes est juste et bonne, elle mérite d'être défendue, on ne peut tolérer qu'elle soit salie. Fort bien.

Il fut une époque où l'Église et la Famille tenaient le rôle enviable de causes nobles. Où s'en prendre à elles revenait à exhiber sa vilenie en plein jour. Pis : à humilier des centaines de milliers de gens dans ce qu'ils avaient de plus précieux, de plus pur, de plus porteur d'avenir. C'est pourquoi l'on chargea le procureur Ernest Pinard de poursuivre et de condamner les Charles Baudelaire et les Gustave Flaubert qui, avec des ricanements insupportablement cynique, prenaient plaisir à piétiner ces valeurs partagées par tous – partagées parce que vraies.

Et les ligues de vertus applaudirent bruyamment à la condamnation de Baudelaire ; et les ligues de vertu se désolèrent à juste titre qu'au nom de je ne sais quelle liberté de l'art, Flaubert échappât à l'infamie qu'il méritait. Et il y eut bien sûr des esprits fins et élevés pour noter que, au fond, toute cette affaire avait été une excellente publicité à leur dépravation morale – que l'on avait sanctifié les prospérités du vice.

Il n'aura manqué qu'un Dagrouik pour accuser Charles et Gustave d'homophobie : ils ne perdaient rien pour attendre.

(Sou)rions avec Ségolène – et avec Philippe Muray

C'est François Miclo qui le dit...

dimanche 12 juillet 2009

L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable

Peu après six heures,
pris d'un accès de rage mal contenu,
je suis sorti dans le jardin et,
à grands gestes brutaux,
j'ai complètement déchiré la couverture nuageuse.

Le ciel a un drap propre
la nuit sera ensoleillée.

Un psychologue danois parle d'islam et d'intégration

Merci à Floréal de m'avoir signalé cette interview.

samedi 11 juillet 2009

For Appas

En discret hommage...


Les plus désespérés sont les champs les plus bio.

Un samedi blanc et gris : j'annonce la couleur

Le samedi est très souvent un jour “blanc”, dans ma semaine ; celui où rien ne se passe, où je me remets gentiment des trois jours d'agitation (modérée, très modérée...) passés à Levallois-Plage, du trop-plein d'humains cotoyés, d'un excès de paroles dites et entendues.

Aujourd'hui, en plus d'être blanc, il est gris : c'est le retour du célèbre “été normand”, celui qui vous incite à mettre un petit coup de chauffage dans la salle de bain avant de passer sous la douche.

La douche, à midi moins dix, vous vous dites qu'il serait peut-être temps d'y aller, d'ailleurs, plutôt que de déambuler sans goût ni ressort d'un blog à l'autre, comme vous le faites depuis près de deux heures, après avoir mollement tourné les pages du Vieil-Observateur (comme Jean-Marie Domenach appelait ce cacochyme hebdomadaire). C'est exactement ceci, un samedi “blanc” : un jour durant lequel évoquer les choses que l'on devrait se mettre à faire suffit amplement à remplir les heures. Ça se remplit d'un rien, une heure, quand on y pense. La bonne sagesse est de ne point trop s'affoler de leur succession prévisible : vous en remplissez tranquillement une ; et, quand elle est à ras bord, vous passez à la suivante sans vous prendre le chou.

Normalement, on devrait arriver à ce soir sans trop d'encombre.

vendredi 10 juillet 2009

M. Bonnet ne voit pas le rapport

L'ami "sabre au clair" semble guetter ce qu'on peut dire de lui dans ce cloaque qu'on appelle la blogosphère. Du coup, il répond, et il répond ceci :

« C’est tout à fait exact, mais il en faut de très loin, même si je déclarais ces 7650 € en plus, pour que je ne rentre dans la catégorie des bénéficiaires du bouclier fiscal. Franchement, je ne vois absolument pas le rapport. »

Où l'on voit, d'abord que M. Bonnet écrit le français à peu près comme la plupart des journalistes : n'importe comment – les rewriters ont encore de beaux jours devant eux. Lui ne voit pas le rapport : compte tenu de la manière dont il s'exprime, moi non plus, je l'avoue. Si on tente de remettre tout cela en langage un peu moins sabre-au-clair, on croit comprendre que M. Bonnet prend sur lui, depuis dix ans, multiplie ses impôts environ par deux parce qu'il ne déduit pas ces fameux 7650 € de ses revenus : on peut y croire, c'est vous qui voyez. Personnellement, je connais tout de même un peu mes camarades folliculaires – et je pouffe sous cape.

M. Bonnet nous signale d'autre part qu'il ne rentre pas dans la catégorie des bénéficiaires du bouclier fiscal. Précision inutile : s'il en bénéficiait, il aurait fermé son claque-merde (comme pour les 7650 €). De plus, pour bénéficier du "bouclier" en question, il convient de bosser, pas seulement de tenir un blog – même sabre au clair : donc, personne n'a jamais soupçonné M. Bonnet d'entrer dans ce genre de catégorie.

Du coup, il ne voit pas le rapport. Le rapport entre qui et qui ? Quoi et quoi ? Peu importe : il ne le voit pas. En revanche, si on le laissait faire, M. Bonnet, il nous réformerait ce pays en deux coups les gros – et d'une seule main encore.

Heureusement, pour un temps encore, personne ne demande rien aux MM. Bonnet de son espèce.

jeudi 9 juillet 2009

La plume est de presse et le silence est d'argent

Plume de presse, vous connaissez ? Non ? Vous avez tort. C'est “le blog d'un journaliste sabre au clair et plume engagée” (non, ne vous marrez pas tout de suite, il y a mieux). Olivier Bonnet, c'est un peu le chevalier blanc joué par Gérard Lanvin dans le pitoyable film de Michel Colucci, Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine : il proclame, il mouline, il pourfend l'air, tout en faisant bien attention de ne casser aucun bibelot. Mais, en parole, aucune injustice ne lui échappe. Sauf celles qui l'arrangent, ce en quoi il reste finalement profondément humain et terriblement prévisible.

Ainsi, aujourd'hui (voir le lien plus haut), notre chevalier ressort son sabre à beurre et monte à l'assaut du bouclier fiscal (c'est original et courageux). C'est qu'il déteste les deux poids deux mesures, le gars Olivier ! Il veut la justice et l'égalité à tous les étages, notre matamore-moi-le-nœud ! On va voir ce qu'on va voir ! Avec lui, aucune complaisance fiscale n'a la moindre chance de survie, qu'on le sache !

Enfin, aucune sauf une. Car, en tant que journaliste, Olivier Bonnet (tout comme moi et un tas d'autres nuisibles) a le droit chaque année de déduire 7650 € de ses revenus avant calcul de son impôt. C'est censé correspondre à des “frais”. Vous ne voyez pas lesquels ? C'est normal. En réalité, cette somme, lorsqu'elle a été décidée (par le vertueux gouvernement Jospin si j'ai bonne mémoire), était destinée à compenser les 30 % d'abattement supplémentaire auxquels les journalistes avaient droit depuis des décennies. À l'époque, le vertueux gouvernement Jospin avait décidé qu'il fallait en finir avec ces immondes et intolérables privilèges des abattements supplémentaires, dont bénéficiait un bon nombre de professions, depuis les représentants de commerce jusqu'aux écrivains, en passant par les pipiers de Saint-Claude (je ne plaisante pas !). On les a donc supprimés pour tout le monde...

... Sauf pour les journalistes, à qui on a rendu de la main gauche ce qu'on leur piquait de la droite : vous imaginez qu'ils aillent gueuler, ces cons-là ? Non, non, il fallait à tout prix remplir leur gamelle pour qu'ils ferment leur grande gueule ! Ce qu'ils ont fait, y compris Olivier Bonnet, notre chevalier grisâtre. Pour 7650 €.

Maintenant, vous le saurez : un chevalier blanc, même sabre au clair, pour qu'il ferme sa grande gueule, ça coûte 7650 €. On aurait tort de s'en priver. En plus, ce ne sont pas des gens très regardants sur la propreté de leur gamelle. Quand il a fini de manger ses 7650 croquettes, le preux, vous le lâchez sur le bouclier fiscal : le ventre plein, il va faire des merveilles, vous allez voir...

La mort en ce jardin ou en d'autres lieux de ténèbres

Le prologue du Jardin des Finzi-Contini compte à peine plus de six pages, dans l'édition Folio, mais c'est une étonnante ouverture en forme d'arc, et même d'arc double. Arc joignant deux champs clos, deuxième arc enjambant les millénaires. Ils dessinent, à l'entrée du ,jardin dont on ne voit encore rien, une sorte de porche, ou de narthex, tout entier placé sous le signe de la mort, des morts et des Morts.

Dès les premières lignes, le futur narrateur du livre nous dit quand et surtout où lui est venu le désir d'écrire sur les Finzi-Contini : l'année précédente, lors de la visite d'une nécropole étrusque, faite avec des amis – dont une enfant, Giannina, qui, par ses questions fait naître les réflexions des adultes qui l'entourent. Visite imprévue, presque étrange, comme si une force extérieure à eux avaient mené jusque là leurs deux voitures roulant en cortège dans les environs de Rome.

« Papa, demanda encore Giannina, pourquoi les tombes anciennes vous rendent-elles moins tristes que les tombes plus récentes ?
(...)
– C'est facile à comprendre, répondit-il. Ceux qui sont morts depuis peu sont plus proches de nous, et justement à cause de cela, nous les aimons plus. Tandis que, vois-tu, les Étrusques, il y a si longtemps qu'ils sont morts – et de nouveau, c'était une belle histoire qu'il racontait – que c'est comme s'ils n'avaient jamais vécu, comme s'ils avaient toujours été morts.
(...)
– Mais non, déclara-t-elle [Giannina] avec douceur, en disant cela, tu me fais penser au contraire que les Étrusques ont vécu eux aussi, et je les aime aussi, comme tous les autres.
La visite de la nécropole se déroula ensuite, je me le rappelle, sous le signe de l'extraordinaire tendresse de cette phrase. C'est Giannina qui nous avait mis en état de réceptivité. C'était elle, la plus petite, qui, en un certain sens, nous tenait par la main. »

La petite Giannina est en quelque sorte la gardienne de la mémoire des morts. Mieux : elle atteste qu'ils ont vécu ; elle est leur mémoire et à ce titre elle vient tout naturellement leur faire visite. Tout comme, ainsi qu'il est expliqué dans la suite de ce prologue, les familles des morts étrusques venaient les visiter, dans ces tombes-bunkers (l'image est de Bassani, non de moi) dont il est dit qu'elles devaient être leur seconde maison, où ils pouvaient déjà se reposer un moment sur leur future couche éternelle, déjà prête pour eux.

Mais la mort a changé de nature, elle change même sans cesse. Dans la dernière page du prologue, le narrateur, après ce détour, revient à son évocation des Finzi-Contini, et il y revient par leur tombeau, cruellement différent de celui des étrusques : si celui-ci offrait une surabondance de morts et de vivants mêlés, celui-là est vide, ou presque (un seul Finzi-Contini y est inhumé, un enfant de 6 ans), déserté par les morts, oublié des vivants ; monumental, certes, mais laid, vide, absent.

Si le tombeau des Finzi-Contini est vide, c'est parce que la mort a une nouvelle fois changé de forme, sinon de nature : elle est devenue à la fois absurde et terrifiante, en ce non-lieu, cette négation du tombeau que fut Auschwitz, où les Finzi-Contini se sont engloutis, comme il nous est dit dans l'ultime paragraphe. Le thème des camps d'extermination ne surgit pas de nulle part : il a été préparé, en mineur, par l'évocation des tombeaux étrusques dont la forme rappelle les bunkers dont les Allemands ont jonché l'Europe durant la guerre.

Le point de non-retour est atteint ici même, nous ne pouvons plus que revenir sur nos pas et pénétrer dans le jardin. En nous doutant que l'odeur de mort, même si masquée par d'autres, ne nous lâchera pas si facilement.

Le café devait être un peu fort

- Et la fille, là, celle qui entre dans l'immeuble, tu la trouves comment ?


- Plutôt jolie. Et puis, elle a un cul éminemment... spirituel.


- Spirituel, vraiment ? Et comment tu définirais ça, toi : un cul spirituel ?


- Eh bien... disons que c'est un cul avec lequel l'honnête homme a envie de prendre langue.

mercredi 8 juillet 2009

Quand un gendarme rit (billet crypté)

On ne se connaissait pas, on s'est rencontré ce matin – lui gendarme, moi pas du tout (évidemment), chabada-bada. On a passé... que dirais-je ? Une vingtaine de minutes ensemble ? Oui, à peu près. Discussion fructueuse, assez franche en éclats de rire (mais les motifs d'hilarité nous étaient fournis noir sur blanc par le clown qui nous réunissait : comme dans les dessins animés de l'enfance, la sorcière trop maquillée, nez crochu, qui traverse la lande à plus d'onze heures du soir, pour aller pleurnicher ses formules magiques chez les carabiniers moustachus...), un truc entre hommes, si l'on veut – mais pas seulement.

« Elle ne serait pas un peu névrosée, cette femme ? », me demande-t-il, peu avant la fin de notre entretien. Ouah ! t'es sympa, Ézachiel, j'en sais rien, moi ! Oui, bon... sans doute... un peu tout de même... C'est elle, pas moi, qui t'a appelé il y a trois jours, hein ? pour savoir où en était son doigt de déshonneur, son petit dossier – ce n'est pas moi qui ai gratté à la porte, comme le chien en instance de soulagement. Alors, alors... j'en sais rien, t'es drôle...

Bien, on s'est quitté assez bons amis – clope commune au haut des marches –, on a résumé l'affaire, ri une nouvelle fois de ma bite – ma fameuse bite –, à la fois jamais vue (d'après les écritures) et néanmoins toute petite, hein ?

Ensuite, tu avais un vrai travail à faire – je ne sais lequel et m'en fous –, donc on s'est séparé, cependant que, moi, j'avais rendez-vous avec ton collègue – le vrai, l'officiel –, à l'intérieur du bâtiment tout neuf et tout moche dont tu sortais. Il était là, en effet. J'ai passé de nouveau une heure avec lui (le temps de tout lui raconter, lui parler de mes petits camarades témoins, lui transmettre les “copies papier” de tous les mails rigolos reçus – et les photos, comme dans les films américains : face, profil droit, re-face mais en pied. Et puis, les empreintes de tous les doigts (là, on s'est vraiment marré : pas facile, les empreintes).

À la fin, mon deuxième partenaire devait vraiment se casser (il avait lui aussi un vrai boulot à faire, pas juste une pleurnicherie de bac à sable), il m'a donc refilé à un troisième – un jeune qui faisait vachement bien les empreintes digitales. Comme il était un peu curieux, je lui ai tout redébobiné l'histoire du bac à sable. Ça ne le passionnait pas plus que moi, j'ai bien vu. Mais il était aimable. Donc, au deuxième auriculaire encré, il m'a demandé, de l'air du mec qui n'en a rien à foutre :

« Elle ne serait pas un peu névrosée, cette femme ? »

Ben...

(Je ne l'ai pas fait exprès, mais il se trouve que la photo est ressemblante : étonnant, non ?)