vendredi 30 août 2013

La trompe de l'éléphant


Ce qui est énervant, chez les snobs d'extrême-droite à tendance néo-nazie, c'est cette posture qui consiste à prendre tout film français pour une daube, sauf s'il date de l'époque du muet avec image tremblotante : je m'inscris en faux, personnellement. Le diptyque d'Yves Robert (Éléphant et Paradis), écrit par Dabadie, me semble être l'exemple de ce que pouvait être le bon cinéma français, à l'époque où il devait gagner ses sous lui-même, et donc plaire au public payant plutôt qu'aux commissions de racket d'État, et où, de fait, en y embauchait de vrais acteurs plutôt que Romain Duris, Bruno Putzulu, Natacha Régnier ou Marion Cotillard – liste hélas non limitative.

Le hasard des zappings étant ce qu'il est, et mon sommeil aussi, j'ai revu hier, assez tard, Un éléphant, ça trompe énormément. Pour la quatrième ou cinquième fois, je ne saurais dire : les années s'entassent et la mémoire perd un peu le fil, même quand il est question d"éléphant. Scénario limpide, coulant, allant-de-soi, que j'aurais été fier d'avoir écrit ; content, au moins. Cela étant dit, après ces trois ou quatre ou cinq visions, une scène me demeure obscure. 

Elle concerne le personnage le plus intéressant du quatuor, celui joué par Claude Brasseur. Il est le pédé du groupe. Mais, justement, il n'est pas le pédé du groupe. Je me demande si, dans le cinéma français, il n'est pas le premier exemple de personnage qui se trouve être accessoirement homosexuel. (Je rappelle que le film date de 1976.) Rien ne le sépare ni ne le différencie des trois autres ; et, lorsque son homosexualité fait irruption – aux trois quarts du film – dans l'histoire, elle ne change rigoureusement rien, et il n'est même pas possible de déterminer si ses trois amis étaient déjà au courant ou s'ils le découvrent en même temps que nous, spectateurs.

Peut-être le subodoraient-ils, encore une fois comme nous. Car des indices sont semés dès le début, mais si discrets que le “Français moyen” peut parfaitement choisir de ne pas s'en apercevoir, ainsi qu'il en allait dans la vie d'alors, où la revendication n'était pas l'alpha et l'oméga des rapports entre les êtres, où chacun avait encore droit à sa part d'ombre. Claude Brasseur, on le sent (on le sent rétrospectivement, quand le film est fini), a choisi de ne pas se cacher ni s'afficher : il laisse faire les choses. De même, au spectateur, durant la première heure, est laissé le choix entre la découverte et l'ignorance. Les indices sont là : lorsque les mousquetaires se retrouvent sur le court de tennis [photo], Brasseur est le seul à arborer une tenue fantaisiste ; même chose lors d'un dîner de garçons, un peu plus loin dans le film ; et lorsque Rochefort décide de renouveler sa garde-robe, c'est à lui qu'il fait appel, et Brasseur l'emmène chez un tailleur, qui est visiblement son ami. Ces indices, on peut ne pas les voir, ils sont suffisamment discrets pour n'être pas signifiants. Mais alors, arrive la scène de la “révélation”, et elle reste (elle me reste) à peu près inintelligible, en tout cas énigmatique.

Nous sommes au mariage de Marthe Villalonga, mère de Guy Bedos (quelques scènes réjouissantes entre eux deux, mais assez anecdotiques).  Scène d'extérieur. Claude Brasseur avise, dans l'herbe, une gourmette frappée au prénom d'Éric. Il la ramasse, la brandit au-dessus de sa tête et, les yeux à la ronde, interroge : « À qui ? » Une voix hors champ répond : « À moi… » C'est celle de Pierre Malet, bel ange blond aux yeux d'azur. La courte scène qui s'ensuit révèle l'homosexualité de Brasseur.

Un peu plus tard dans le film, les mousquetaires sont attablés à la terrasse d'un bistrot de campagne, je ne sais plus trop pourquoi (comme quoi, on a beau voir les films cinq fois…). Soudain, se dirige vers eux un quinquagénaire un peu trop bien habillé et coiffé, flanqué d'un lévrier afghan, ou quelque chien de ce genre. Brasseur se tend : manifestement il sait qui est cet homme et il appréhende plus ou moins la confrontation qu'il pressent. Le quinqua balance sur la table la gourmette “Éric”, en laissant tomber d'un ton rageur et méprisant : « Pauvre conne ! » Puis, il retourne à sa voiture de sport décapotée (bagnole de pédé…) avec son lévrier et, avant de démarrer en trombe, jette sur la route une valise qui, sous le choc, s'ouvre et dégueule les vêtements qu'elle contenait. À table, Claude Brasseur a un petit rire en demi-teinte, les autres s'entre-regardent en silence ; même le “beauf à grande gueule”, Victor Lanoux, reste interdit.

Cette scène me demeure énigmatique, donc. La gourmette, ramassée dans l'herbe, pourquoi le “rival“ la balance-t-il à la figure de Brasseur, comme s'il s'agissait d'un cadeau fait par celui-ci à Pierre Malet ? D'où sort la valise qu'il jette hors de sa voiture ? Pourquoi, cinq minutes plus tard, voit-on Brasseur, en larmes, sembler faire ses bagages comme s'il s'apprêtait à quitter son propre appartement ?

Je crois que je n'éluciderai jamais ces questions, que cette scène me restera toujours opaque. En même temps, je n'y vois pas d'inconvénient : cette ombre dans laquelle Brasseur est toujours plus ou moins enveloppé – au moins dans le premier des deux films –, je la lui accorde volontiers.

jeudi 29 août 2013

Juillet fut très chouette


Ce n'est pas moi qui le dis, c'est dans le journal

mercredi 28 août 2013

La question qui me taraude


Comment peut-on s'intéresser sérieusement, plus de trois minutes par mois (et à plus forte raison pendant les mois sans r), à la question des retraites ? Quelle sorte de fromage fondu faut-il avoir à l'intérieur du crâne pour, à 25 ou 30 ans, commencer à trembler d'une indignation que la trouille multiplie, sous prétexte que, peut-être, on devra travailler jusqu'à 65 ou 67 ans au lieu de 62 ? À 57 ans, je n'ai encore jamais cherché à savoir quelle quantité d'argent me sera mensuellement allouée lorsque viendra le temps béni de me retirer de ce barnum. Parce que je m'en fous à peu près, et parce qu'il finira forcément par se trouver un quelconque fonctionnaire ou assimilé pour me le dire de lui-même et spontanément. La somme sera sans doute décevante : on s'en arrangera ; on jouera à devenir économes. Mais penser à ma retraite… ça, non, désolé, je ne peux pas.

mardi 27 août 2013

Jardins de Plieux


Quelle soudaine bouffée de souvenir dans cette photo que publiait hier Renaud Camus dans sa Chronologie ! En août 2009, nous ne montions guère au jardin haut, en partie pour inciter les chiens à ne pas aller d'eux-mêmes y massacrer les petits buis fraîchement plantés. Mais, après huit heures, lorsque les visites étaient officiellement terminées et que la chaleur daignait desserrer un peu sa griffe, nous venions nous installer, avec ou sans hôtes de passage, autour de la petite ronde en fer que nous avions transportée au pied du muret séparant les deux jardins, avec une bouteille de Tariquet ; et c'est cette façade que nous avions sous les yeux, nous la regardions sombrer avec lenteur dans le soir. Lorsque la nuit venait, nous remontions dans la salle des Pierres où les chauves-souris venaient nous donner leur bal silencieux, telles des fantômes de Viennoises sur un très vieux parquet. Et dans le dégradé bleu orange du couchant,  la branche de l'arbre mort conférait à la fenêtre donnant au nord une grâce précise de dessin japonais.

La daube française conserve sa fraîcheur


Il y a un moment, après avoir pris connaissance, entre les pages du magazine idoine, des films que nous proposaient pour ce soir les diverses chaînes mises à notre disposition, Catherine a, comme elle le fait presque chaque jour, poussé un long soupir de désespérance. Puis elle a dit : « C'est terrible, j'ai l'impression qu'il y a de plus en plus plus de films français… » Je lui ai alors expliqué qu'il s'agissait là, très probablement, d'une simple illusion d'optique, provoquée par le fait que, si nous visionnons très volontiers des œuvres américaines, britanniques, italiennes à l'occasion, japonaises, coréennes, voire espagnoles ou russes, nous fuyions comme la vérole les pellicules hexagonales, à moins qu'elles n'affichent leurs cinquante ans de cave. « Si bien que, ai-je conclu (parce qu'enfin, on n'allait pas non plus passer la journée là-dessus, d'autant que la pluie s'était mise à tomber dru et qu'il s'agissait d'aller dépendre le linge), la télévision reprogrammant toujours les mêmes films sans désemparer, les productions étrangères, le plus souvent déjà vues lors d'un précédent passage, prennent des allures de réchauffé et que notre œil ne les remarque même plus lorsqu'elles reviennent en plat du jour ; tandis que la daube française, religieusement ingoûtée, conserve toute sa fraîcheur. » Elle m'a alors lancé un long regard crépitant d'une admiration difficilement contenue.

dimanche 25 août 2013

Le spectre des Lombards


« […] Le monde continuait de s'abîmer entre la peste et la guerre. On n'en finissait pas. Un immense bégaiement de malheur et de violence emplissait le siècle et le ciel. L'histoire des hommes était celle du blé sous le fléau. Que voulait Dieu, et de quelle faute punissait-il ses créatures ?

» L'empire de Constantinople, occupé à combattre au loin les Avars et les Perses, avait besoin de l'impôt italien et ne lâchait pas prise. Pour écraser à la fin l'impétueux Totila, il avait fait appel à d'autres mercenaires, les Lombards, venus de la Baltique et, pour la plupart, adorateurs du dieu Odin. Certains disaient même que le vieux général Narsès, mécontent de ce qu'il estimait être l'ingratitude impériale, leur avait délibérément offert l'Italie. Ce qui est sûr, c'est que plus de cent mille hommes, femmes et enfants s'étaient répandus dans la plaine du Pô, dans l'Ombrie, dans le Latium ; pas un instant ils ne songeaient à repartir, et l'on était bien loin, avec eux, d'un Théodoric à Ravenne ou d'un Clovis dans les Gaules, ces barbares avisés qui avaient su composer, tant bien que mal, avec les vieilles lois de l'Empire.

» Ceux-là étaient des fauves. Leur seule vue inspirait une étrange terreur, avec leurs cheveux rasés jusqu'à l'occiput, et qui pendaient au-devant plus bas que leurs bajoues ; il y avait là quelque chose d'inquiétant, de contraire à l'ordinaire et naturelle façon de présenter aux autres son visage. Leur férocité était sans limites. Ils laissaient derrière eux des flammes, des charniers et des mutilations. L'Italie, après cette nouvelle tempête, demeurait comme une fille de ferme secouée, battue, bondée de semences et rendue folle ; elle ne savait plus à qui elle était. […] »

François Taillandier, L'Écriture du monde, Stock, pp. 142-143.

samedi 24 août 2013

La maladie de la bière


Je ne saurais dire exactement pourquoi, mais La Comète, repaire de gauchistes alcooliques situé au Kremlin-Bicêtre, est un bar qui incite à le quitter sans payer ce qu'on y a bu puis, parfois, vomi. Je sais de quoi je parle : ça m'est arrivé une ou deux fois, si j'ai bonne mémoire (mais on a rarement bonne mémoire quand on quitte La Comète) ; dans ces cas-là, la principale attraction du lieu (une attraction frisée et présentant des couches adipeuses excessives) paie à votre place et vous la remboursez la fois d'après : un peu comme ça se faisait dans la vraie vie et dans la France d'avant. Cela, c'est la race des non-payeurs épongiformes et oublieux : parvenus à l'étiage des 2,5 g, ils se disent soudain : « C'est bon, chuis blindé, faut qu'j'rentre… » Et ils partent sans se retourner, tel Wayne à la toute fin d'un film de Ford. Généralement, ce sont des hommes, il faut bien l'avouer – ce n'est pas à notre honneur, mes frères.

Mais, dernièrement, une nouvelle race a fait son apparition, dirait-on : la buveuse honteuse, vindicative et procédurière. La semi-pochetronne bien en cour (voir notre photo) qui considère que c'est déjà un grand honneur qu'elle fait à cette piétaille de gauche que de venir les visiter, qu'elle ne va pas en plus payer la bière qu'elle vient de discrètement roter sans écailler son rouge à lips. Comme il lui arrive régulièrement de se frotter à l'alpaga d'un ministre ou d'un autre (voire d'un Premier : notre photo, toujours), elle n'imagine même pas que les raclures populacières à qui elle a offert la condescendance de sa présence auront le front de lui réclamer la menue monnaie de la lumière progressiste qu'elle est venue dispenser sur ce coin de banlieue, un soir. D'après ce que j'ai pu lire ici ou là, pourtant, certains ont ce front.

Évidemment, que des gauchistes survivant grâce au RMI (ou au RSA ? À PSA ? BMW ? Mince, je m'embrouille…) se fassent escroquer par une bobo à foufoune parfumée Saint Laurent ne me gêne nullement, on s'en doute : ils n'ont qu'à passer leurs soirées avec des filles saines et normales, de celles qui sucent sans façon et reboivent un coup juste après, pour chasser l'arrière-goût.

Mais tout de même : quand des botoxées de gouvernement menacent de mettre en branle les tribunaux (mettre en branle : vocation profonde, et non sans retombées) pour quelques piécettes qui leur sont réclamées, je me demande s'il n'y aurait pas là matière à distribution de quelques beignes primairement viriles.

Si l'on suit Philippe Muray, ces cyborgs à peine femelles ont troqué l'envie du pénis contre l'envie du pénal : elles n'auront ni l'un ni l'autre, je vous le garantis.

jeudi 22 août 2013

La vraie vie du baron Metastaße Von Scanner



Le jeune baron Von Scanner (1917 – 2005) vint au monde en Bavière, ce qui n'est pas donné à tout le monde, juste avant la guerre de 14, à laquelle il échappa en raison de son jeune âge. Il en conçut, durant toute son enfance, une frustration sourde : le casque à pointe l'attirait, le fracas des combats et le silence des morts également – on le disait généralement, notamment Friedrich Glockengumpen, son percepteur acnéique et pédé rentré, très en avance pour son âge. En avance, il le fut pour son adhésion au parti nazi, puisqu'il n'avait que 18 ans lorsque la commotion de ces parades en uniformes lui fit prendre sa carte. Peu de temps après, il rejeta violemment son père, à qui il reprocha, en des termes que nous ne rapporterons pas ici, de lui avoir donné ce prénom de Metastaße, par référence déliquescente à un pseudo-poète d'un siècle oublié et décadent. Il se rebaptisa lui-même Ernst, par déférence envers Röhm, dont il admirait le côté guerrier, la moustache hitlérienne, et cette énorme bite qui circulait sur certaines photos que l'on se passait de main en main, à une époque.

Lorsque le vieux baron Dietrich Von Scanner mourut, en 1938, d'une fistule particulièrement pénible et lente à le tuer, Metastaße comprit qu'il lui revenait de relever sa maison, laquelle, tout de même, avait été distinguée par Frédéric, le grand Hohenstaufen, juste après je ne sais plus quelle reconquête de la Sicile. C'est à ce moment qu'il opta pour les études de médecine, le Reich tout neuf voyant d'un bon œil, et se montrant généreux en bourses pour eux, les jeunes espoirs de la chirurgie de demain.

Metastaße Von Scanner déchanta assez vite. Lorsqu'il fut nommé médecin-chef du camp de Treblinka, il comprit presque tout suite que la chirurgie outrancièrement intrusive telle que la pratiquait un peu plus loin son camarade d'université, Josef Mengele, était vouée à l'échec. Von Scanner reconnaissait qu'il était intéressant et instructif de séparer des frères siamois à vif, mais il voyait bien que ça ne menait à rien, d'un strict point de vue médical. Malgré les consignes aboyées de Heinrich Himmler, son saint patron à lunettes, il prit sur lui – car la science l'exigeait – de ne plus découper les siamois, mais de les envoyer au four tels que la nature aberrante les avait créés. Il s'en sentit beaucoup mieux.

Lorsque la clinique de Treblinka fut brusquement fermée, sur ordre suprême et pour des raisons de politique assez incompréhensibles, Von Scanner se retrouva marri, craignit la disgrâce, trembla pour Else, sa femme, et pour Tennis et Elbo, leurs deux enfants, crut que l'Allemagne allait s'écrouler ; connaissant le régime qu'il servait, il se vit mort et s'y résigna. Or, errance de l'administration, au lieu de l'éviscérer dans une arrière-cour de la gestapo, on lui confia la direction d'un laboratoire secondaire de Düsseldorf, ce qui l'humilia et le rassura tout à la fois.

À ce moment, et on peut le comprendre, la période était rude, le baron avait tout à fait perdu de vue le fait que sa famille avait surgi de l'anonymat à l'époque du Hohenstaufen : il songeait à survivre au régime en place et, croyez-moi, ce n'était pas si facile. En plus, ses enfants étaient entrés dans l'adolescence et avaient tendance à raconter n'importe quoi à voix trop haute. Malgré les éclatantes victoires sur le font de l'est, qui remplissaient chaque jour les communiqués, il lui semblait qu'il allait devenir urgent de trouver un moyen de se tirer de ce merdier vociférant qu'était le IIIème Reich. Il comprit très vite qu'il n'avait qu'une seule alternative : disparaître dans les pampas lointaines, ou devenir un génie.

C'est alors, poussé au cerveau par la trouille, dans les bombes russes et alliées ensevelissant Berlin, que le baron Metastaße Von Scanner eut l'illumination. Mengele, ce génie, s'était trompé : l'avenir était à l'observation externe. il fallait se diriger vers l'étude du corps humain de l'extérieur. Ce qui, en plus, aurait l'énorme avantage de ne plus impliquer la vivisection de tous ces juifs qui encombraient les parloirs, et dont le baron sentait bien qu'elle n'était pas très populaire.

Il commença à y réfléchir, dans les fracas d'avril ; il prit quelques notes, à propos d'un appareil circulaire dans lequel on introduirait le corps entier du malade pour le découper tranche à tranche, mais sans lui faire de mal (lors de leur dernière entrevue, le baron s'ouvrit à Josef Mengele de son idée ; celui-ci le regarda comme s'il était fou et courut tout aussitôt voir si son billet pour Montevideo était prêt) : on le prendrait en photo tranche à tranche et on verrait bien ce qui se passerait, là-dedans, de pas normal.

Le baron Metastaße Von Scanner ne vit jamais l'invention qui porte finalement son nom. Le lendemain du suicide d'Hitler – qu'il ignora –, trois nègres américains armés et en uniforme pénétrèrent dans sa chambre. Il se leva pour les accueillir, avec cette raideur prussienne qui était celle de son enfance. Pensant qu'il était animé de mauvaises intentions, ou ne pensant rien du tout, les trois nègres tirèrent en même temps.

Le scanner devrait attendre encore un peu.

mercredi 21 août 2013

Désarroi d'Elstir


C'est le deuxième soir qu'il fait cela, et au même moment. Quand le soleil tend à disparaître, puis disparaît effectivement, Elstir quitte la maison pour aller s'allonger juste devant le portail, tourné vers l'église, c'est-à-dire dans la direction par laquelle nous arrivons généralement. Il prend cette pose magnifique qui m'inspire toujours un certain respect pour lui et tendrait presque à me faire croire à la transmigration des âmes : couché sur le ventre, les deux pattes avant allongées bien parallèlement devant lui, et la tête redressée avec une certaine fierté dédaigneuse. Ses yeux sont fixés sur la rue, il attend. Sans imatience notable, mais avec une certaine intensité. Au bout d'un moment, il semble se résigner à ne pas voir arriver Catherine et laisse retomber son museau sur ses pattes. Mais au moindre bruit, qu'il est seul à percevoir, il reprend sa pose de sphinx inquiet et vigilant, gardien dérisoire d'une énigme à laquelle il ne peut rien comprendre. Je ne peux même pas lui expliquer que je vais ramener demain sa maîtresse, d'autant moins que l'humain que je suis n'a guère plus que lui de certitudes sur le sujet de ce retour bercailleux. Lorsque la nuit tombe tout à fait il rentre, mais on comprend qu'il ne va dormir que d'un œil, gardant l'autre pour une arrivée possible, miraculeuse, stroboscopée par le même gyrophare bleu qui a signé le départ.

Sous l'œil des barbares


Le nouveau roman de François Taillandier – dont je recommande vivement, par ailleurs, la pentalogie intitulée La Grande Intrigue – s'appelle L'Écriture du monde. Si j'ai bien compris ce que j'ai lu ici et là, il s'agit du premier volet d'une trilogie dont les différentes actions se dérouleront entre la déposition du dernier empereur de Rome, Romulus Augustus (rebaptisé par le peuple Augustulus…), en 476, et l'avènement d'Hugues Capet en 987. Dans ce premier volume, en effet, nous suivons Cassiodore, Romain de vieille souche, intellectuel et homme d'État passé au service du roi ostrogoth Théodoric. Le présent de l'action, si l'on peut parler d'action pour le moment, est daté de 550, Anno Domini. Je n'en ai encore lu que 90 pages, néanmoins je pressens que la retraite prise par Cassiodore dans ses terres italiennes, au moment où s'ouvre le livre, va être moins reposante et méditative que ce qu'il croit – mais je peux être surpris. Du reste, il serait sans doute prudent, avant d'émettre un avis sur le roman, d'en savoir un peu plus sur son personnage principal. Donc, en place d'une critique, un court extrait :

« Il approfondit vers ce temps-là une intuition ancienne, au point qu'elle prit en lui les caractères d'une conviction, et même d'une évidence : il est des intérêts humains trop décisifs pour être subordonnés à l'idiotie politique. Le mot “intérêt” était faible : c'est de l'homme qu'il s'agissait. Le devenir moral d'une société, le sens qu'elle fournit au simple fait de vivre, la place qu'elle attribue aux actes de chacun, les notions qu'elle implante en chaque conscience, les lois par lesquelles elle s'oriente et cherche le salut commun, tout cela requérait d'autres soins que ceux de l'administration et de la guerre, et le cheptel humain avait besoin d'autres bergers que des monarques, des sénateurs, des généraux et des logothètes. »

François Taillandier, L'Écriture du monde, Stock, p. 86.

mardi 20 août 2013

Portrait de Babel


C'est un bon grand-père, on imagine son sourire, on a presque envie de le connaître ; on le ferait, si on avait le temps. On imagine qu'il est en train de terminer une vie tout à fait ordinaire, comme moi ou vous, il a fait des enfants qui l'aiment beaucoup et qui ont plaisir à le venir voir, si ce n'est pas trop souvent et pas trop longtemps.

Parce que, tout de même, avec l'âge et la diminution normale des neurones– c'est un peu moins gênant qu'Alzheimer, vis-à-vis des voisins et des collègues –, grand-père Babel est devenu gauchiste ; il lui restait ça comme issue pour rester jeune à ses propres yeux : il a foncé comme un gamin. Depuis la révélation qu'il a eue, de cette fontaine de jouvence idéologico-gériatrique, il s'esbaudit de tous les combats, il s'y lance, s'y donne, s'y abandonne. 

Ses enfants, normalement et quiètement socialistes, s'inquiètent un peu, donc. Dans la voiture, quand ils vont le visiter, ils en parlent à mi-voix, pour ne pas provoquer d'inutiles discussions avec leurs jeunes héritiers installés à l'arrière de l'Audi achetée d'occasion l'année dernière (mais avec toutes les options), grâce au bon président Hollande qui a permis le déblocage anticipé de l'épargne d'entreprise (qui n'est plus ce qu'elle a été, cependant : salaud de Sarkozy, président des riches).

Les petits-enfants de Babel, eux, c'est autre chose : les dérapages incontrôlés de Papy, ça les amuse plutôt, et même beaucoup. D'abord parce qu'ils l'aiment vraiment ; plus que leurs parents, si ça se trouve. Il est leur véritable enfance, la part irréductible. Et ils sentent confusément qu'ils ne tarderont pas à le perdre, forcément : ils sont, cette troisième génération, suffisamment grandis, pour entrevoir déjà quelle merde est la vie.

À l'arrière de la voiture, ils repassent leur leçon, se morigènent mutuellement, révisent leur gauchisme, celui qui fera plaisir à Papy. S'ils sont consciencieux, ils ont peut-être fait des fiches : l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, l'ignominie planétaire des États-Unis, le caractère diabolique des Juifs et de l'État d'Israël, plus trois ou quatre manies plus innocentes qu'on réactivera au moment de la tarte aux pommes bourrative et imbouffable, avant que Papy ne s'endorme sur sa révolution à cause du petit rouge acheté à son vieux camarade chevelu, producteur de vin alternatif.

Finalement, ils passeront un excellent dimanche. Parce que, tout de même, Papy c'est un sacré mec. Il raconte n'importe quoi, mais alors, quelle santé ! Et tu as vu la tronche de Papa quand il a dit que personne ne devrait avoir droit à plus qu'un trois-pièces dans un HLM d'État ? Putain, trop drôle ! Si Papy était au pouvoir, Papa se retrouverait à transporter les poubelles communautaires !

Au bout du compte, le week-end a été bon pour tout le monde. Les petits-enfants se sont bricolé un ou deux souvenirs supplémentaires pour bientôt, quand Papy aura été bouffé par son crabe prévisible ; la génération intermédiaire a puisé dans la rencontre des raisons plus fortes de voter raisonnablement François Hollande (« Non, parce que, franchement, ton père, il est très gentil, et tu sais que je l'aime beaucoup, mais enfin, là, son côté Lénine en couche Confiance c'est un peu limite, non ? »).

Quant à notre Babel, eh bien je crois qu'on ne peut que l'envier : il a passé la journée avec les trois ou quatre êtres qu'il aime le plus au monde, il est sûr d'avoir bousculé ses petits-enfants, de leur avoir, par ses outrances verbales, prouvé sa jeunesse alors qu'il n'a fait que signer son grand âge. Il espère qu'ils reviendront dans trois semaines comme Geneviève – sa belle-fille qu'il n'aime pas tant que ça, au fond ; mais bon : c'est la mère des petits – le lui a assuré ; mais il sait bien que les excuses sont nombreuses pour différer, il la connaît, et son fils aussi.

Il patientera, il a l'habitude ; pour que le temps passe mieux, il pensera à la révolution imminente. Il fait ça depuis si longtemps, une semaine de plus ou de moins…

La Différence


Le passé a un parfum ; l'avenir, une odeur.

lundi 19 août 2013

L'Automne viendra


Il viendra et sera accueilli comme il le mérite. Nous le saluerons et nous inclinerons devant lui avec une reconnaissance teintée d'un peu d'humilité. Nous aurons soin de laisser un peu pétiller nos yeux, afin qu'il ne se prenne pas trop pour le dieu sauveur, tout de même, l'inca stupide et fat et cruel. Mais le risque est faible : l'automne par nature, par décret de nature, est doux, humide et lentement mordoré, comme une femme découverte.

Il viendra, sois-en sûr, il nous attend ; avec le calme qui est sa marque et qu'il camoufle par pudeur, crainte de n'être pas assez aimé, sous des bourrasques peu sérieuses. L'été sera balayé avant même de se rendre compte de quoi que ce soit, avec ses imprégnations huileuses et malodorantes : l'été est aussi imbécile que ses sectataires, peut-être davantage ; mais cessons de penser à lui : il est plus mort que nous ne le serons jamais. Et revenons à la saison bénie qui s'avance. Déjà le violoncelle point sous la guitare, les accords se font moins souriants ; l'architecture prend le pas sur la mélodie, le sud alangui se rétracte – la pluie nourricière est là, toute proche.

L'automne viendra, c'est écrit ; il n'y a qu'à patienter, serrer les dents, tenir.

dimanche 18 août 2013

Fin de soirée


Quand le ciel s'assombrit, ce n'est pas nécessairement que la nuit vient. Il peut y avoir à cette brusque décrue de la lumière, à quoi on est accoutumé, des raisons nouvelles, des embardées du temps, un dérapage, un ricanement, on ne sait quoi. Il faut bien en tenir compte, regarder le jardin sous cet éclairage bizarre, écouter avec une grande attention l'assourdissement du chant des piafs, scruter les réactions des chiens. Mais cela n'empêchera pas le ciel d'être un peu moins assuré de lui-même, si toutefois on peut en juger, au milieu de l'agitation immobile, rigoureusement, qui s'est emparée de nous, que l'on n'attendait nullement et dont on tente de se moquer, avec ce cynisme gêné aux manches car un peu neuf. On finit par ne plus bouger, rapidement ; on attend le prochain nuage, on se dit que non, quand même, et pourtant il arrive – on le savait.

Quand le ciel s'assombrit, ce n'est pas nécessairement que la nuit vient. Mais parfois oui.

vendredi 16 août 2013

La Visite


Le moment où disparaissent les hôtes, même si leur séjour fut, comme c'est le cas, des plus agréables, ce moment ressemble toujours plus ou moins à un retour à l'ordre ancien, celui que l'on pensait immuable et qui fut bousculé un instant. Pour compenser le (discret) surcroît d'agitation des derniers jours, on se glisse dans une immobilité nonchalante, on a envie de lectures un peu paresseuses et distraites, on se montre plus attentif au lent écoulement du temps, on laisse la maison et son silence se refermer autour de soi comme un cocon. – Même les chiens semblent avoir une qualité de sommeil différente ; ils dorment plus intensément.

Mais en même temps, l'absence reste sensible pendant plusieurs heures après le départ ; à chaque changement de pièce, on cherche machinalement du regard ceux qui y étaient et n'y sont plus. Il y a un vide, de taille et de forme indéfinissable, qui semble refuser de nous lâcher pour se dissoudre ; et c'est un vide de poids. Un peu comme si un invisible bistouri venait de nous retirer un organe et que les autres, autour, se trouvaient tout désemparés de cet espace accru qui leur est offert. Il en restera peut-être une infime cicatrice à l'âme, mais on ne peut pas le savoir à l'avance : certains hôtes sont des praticiens fort habiles.

dimanche 11 août 2013

Puisque c'est comme ça…


Depuis quarante-huit heures, Blogger m'a déclaré la guerre (ou la gger…) : les nouveaux billets que je publie n'apparaissent plus dans aucune blogoliste, ou alors avec douze heures de retard en mettant les choses au mieux. Par exemple, celui publié ce matin à neuf heure, concernant les radiologues, n'est toujours répertorié nulle part, y compris sur mon propre tableau de bord. À l'agacement d'hier est venu s'ajouter aujourd'hui un commencement de paranoïa, lorsque j'ai constaté que d'autres internautes utilisant Blogger ne rencontraient pas du tout ce type de problème, de mise à l'index.

À propos de “mise à l'index”, il n'est pas exclu que mon billet consacré à l'urologue, puis celui parlant du proctologue et enfin le dernier dédié au radiologue aient déplu en haut lieu, et que le tout-puissant Conseil de l'ordre soit intervenu pour me museler.

Quoi qu'il en soit, tant que ce bourrin de Blogger ne sera pas revenu à des sentiments civilisés envers moi, j'ai pris la décision solennelle et irrévocable de ne plus écrire une ligne.

Je suis en grève illimitée, avec occupation des locaux (je ne vais pas en plus aller coucher dehors !). On verra qui aura la plus farouche détermination, du patronat buveur de sang ou du blogolampiste animé d'une sainte fureur.

Le radiologue, l'homme qui n'est pas là

J'ai choisi cette photo parce que c'est la plus ridicule que j'ai pu trouver ; je salue néanmoins ces deux valeureux praticiens, qui ne doivent être rien d'autre que des mannequins dont on n'a même pas voulu à La Redoute.


À Isabelle et Olivier.


D'après l'expression populaire, on va voir le docteur. De fait, la pauvre pièce de Jules Romains prouve que, généralement, le voir suffit pour être malade ou guéri, c'est selon. Le seul qu'on ne va pas voir est le radiologue. Dans un cabinet de radiologie, il est celui dont on se demande s'il existe, et aussi, in fine, à quoi il sert. Faites appel à vos souvenirs, vous verrez que je dis vrai.

Vous entrez ; êtes reçu par une fille (généralement) derrière un comptoir, qui, immanquablement, va vous demander des choses n'ayant aucun rapport avec ce pour quoi vous êtes là, devant elle, et généralement impatient de n'y être plus : votre âge, votre adresse, vos allergies ou antécédents, vos fantaisies sexuelles, ce que vous comptez manger à midi, votre série télé préférée (il se peut même qu'elle commente vos réponses et, horreur, crée un début de sympathie entre vous). Tout cela pour une radio des poumons qu'a exigée votre médecin traitant parce que vous vous êtes plaint à lui de douleurs intermittentes à l'abdomen et qu'il entend ne négliger rien des choses qui vous foutent la trouille. Cette fille n'a aucune connaissance médicale, c'est une assistante (avant, on disait : secrétaire) ; on la repère facilement au fait qu'elle a généralement un tatouage, ou un piercing, ou les deux. Elle vous remet rapidement entre les mains d'une autre jeune femme.

Celle-ci n'a pas de tatouage (ou alors caché), ni de piercing (ou alors intime). Elle n'est pas pour autant radiologue, mais son assistante – laquelle n'a, en revanche, jamais été appelée secrétaire. C'est elle qui va faire le job, comme dirait un ancien président de notre République : « Déshabillez-vous, placez-vous là, respirez… ne respirez plus… re-respirez si vous ne pouvez pas faire autrement, levez le bras gauche, cessez vos plaisanteries stupides… parfait, rhabillez-vous ! »

Ensuite, vous retournez vous asseoir sur l'une des chaises en plastique inconfortables qui vous donnent droit à une vue directe sur le visage ennuyé de la piercée-tatouée, mâchant un chewing-gum derrière son comptoir et répondant d'une voix profondément ennuyée au téléphone – ça dure ce que ça doit durer…

 Et enfin le radiologue apparaît ; il vous fait signe, vous le suivez, frétillant et soumis. Il brandit devant vous une sorte de film photographique, comportant essentiellement des ombres, plus ou moins intenses et aux contours imprécis. Son regard pétille, il ménage ses silences, on le sent en pleine montée de jouissance. Et il vous explique ce qu'il a vu, sur ce machin qu'il vous met sous le nez et que vous ne regardez même pas ; il vous rassure, il vous inquiète, vous tance, vous caresse, tout en pointant son index sur telle ou telle zone marécageuse de ce que vous refusez, en votre for intérieur, à prendre pour vos honnêtes poumons. À la fin de sa péroraison, il prononce toujours la même phrase rituelle : « Mais votre médecin vous en dira plus. »

Cela tombe relativement bien car, sachant que le radiologue n'est spécialiste en rien sauf en clichés internes, vous n'avez absolument pas écouté ce qu'il vous a débité : le radiologue est le médecin qui n'est pas là au début et qu'on n'écoute pas à la fin.

Question : que fait-il entre les deux ? Et pourquoi vient-il finalement vous casser les couilles, au risque de vous faire manquer votre déjeuner ?

samedi 10 août 2013

L'adieu au saucisson


J'y pensais à l'instant, alors que je livrais un dur combat à un sandwich au saucisson de montagne cendré (fabriqué par la maison Rochebillard et Blein, à Violay dans la Loire). Il était plutôt goûteux, ce saucisson, mais Dieu qu'il se montrait robuste au maxillaire ! Et je me disais que, du temps où les habitants de France n'étaient pas encore tous saisis par la démence, venait toujours un moment, dans une vie d'homme, heure assez émouvante si l'on veut bien y songer, où il fallait faire solennellement ses adieux au saucisson. Un jour, y mordant, on s'apercevait que les dents étaient devenues trop fragiles, trop branlantes, trop espacées, et que l'ère du saucisson était terminée pour nous ; de roboratif, il devenait pure nostalgie. J'entends encore la voix de ma mère, il y a quelques années, me disant justement, à l'occasion d'un repas pris en commun, elle qui pourtant en raffolait : « Ah, non, le saucisson sec c'est terminé ; je ne peux plus… » C'était dit sans pathos, sur ce ton de simple constat qu'emploierait, j'imagine, un ancien sprinter olympique pour dire : « Tiens, ça y est, je suis repassé au-dessus de la barre des dix secondes… » À la suite de quoi, de cet adieu sans solennité excessive, le saucisson continuait à sécher et à mûrir dans la mémoire jusqu'à s'élever au mythe.

Plus rien de tout cela aujourd'hui, naturellement. Désormais, parce qu'il y a droit, Modernœud exige de pouvoir continuer à engloutir ses épaisses rondelles ; la simple idée d'un renoncement possible le fait trémuler d'indignation égalitaire. Et puisque ses molaires deviennent rétives à sa mastication, eh bien ! le saucisson sec n'a qu'à changer de nature et devenir mou ; s'il le faut, pour obtenir satisfaction de cette exigence, il ira jusqu'à Bruxelles ! Il a d'ailleurs dû y aller en effet, car la plupart des choses que l'on trouve désormais sous l'appellation ont une consistance qui rappelle davantage celle de l'italienne polenta que du robuste chibre auvergnat ou savoyard. Et comme notre post-moderne charcutailleux entend bien saucissonner jusqu'à son centenaire, le temps ne devrait pas être long avant que l'on voie apparaître en tête de gondole des jésus vendus en bol et présentant la texture d'une Blédine premier âge.

Le saucisson sec n'est bien sûr qu'un exemple de cette démence qui nous affecte ; on pourrait en trouver d'autres. J'aurais pu, ainsi, vous parler des fabricants de boudin qui, presque tous désormais, s'ingénient, en le moulinant de plus en plus fin, à faire visiblement disparaître le gras de leurs préparations sanguines. Parce que Modernœud a décrété que le gras était mauvais, mais qu'il a droit tout de même à sa portion de boudin, c'est est fini de ces serpents magnifiques, où de gros éclats de blancheur venaient joncher la matière sombre et légèrement grenue.

Mais quand, et comment, mon Dieu, nous débarrasserez-vous de cette engeance, de cette pure imprécation, souriante et niaise ? Vous que le saucisson ne doit pas laisser tout à fait indifférent : le fait que l'un d'eux se nomme le bâton de berger prouve assez son origine pastorale, pour ne pas dire divine.

vendredi 9 août 2013

L'âme du proctologue


À Grandpas.

Imaginons un jeune homme ; oui, ce jeune-homme-là, par exemple, il fera très bien notre affaire. Après avoir reçu son baccalauréat en cadeau de persévérance, à l'instar de presque tous ses camarades de génération, il s'est jugé suffisamment équipé intellectuellement, et opiniâtre au travail, pour se lancer dans des études de médecine. Il a eu raison puisque, dédaignant la médecine généraliste, tout juste bonne pour les filles et les tâcherons, il a même puisé en lui les capacités pour une spécialisation, source de profits moins à dédaigner. Et, après mûre réflexion, pesage au trébuchet de ses chances de succès ici ou là, il a choisi de devenir proctologue.

Se rend-on bien compte du gouffre qui vient de s'ouvrir là ? Sans que personne ne l'y ait contraint, n'ait exercé sur lui le moindre chantage, un jeune homme capable, savant, peut-être même brillant, a décidé un soir – à jeun, s'il se trouve – que, durant les quarante années qui s'étendaient devant lui, il ne s'occuperait plus que de trous du cul. Et de trous du cul malades. Que ses deux principaux vecteurs de connaissance seraient désormais son index et son pot de vaseline. Le vertige n'est pas loin, reconnaissons-le. En regard de ce qui a finalement conduit notre jeune homme à vouer sa vie en toute exclusivité à cet étrange, et généralement invisible, diaphragme charnu, à côté de cela, de ce maelstrom effrayant, la tempête sous le crâne de Jean Valjean fait figure de gentil clapotis de rivière provinciale.

Le proctologue est assurément l'homme d'une seule idée, c'est peut-être sa grandeur ; il est l'archer qui ne voit ni ne désire plus rien d'autre que sa cible minuscule et comme frémissante. À côté de lui, le gastro-entérologue semble faire preuve d'une dispersion fâcheuse, à passer comme il fait d'un étage à l'autre de l'appareil digestif. Le gastro-entérologue est l'esprit léger et volatil qui se contente de parcourir négligemment la table des matières, quand le proctologue ne veut travailler que sur la matière même. Le proctologue est au gastro-entérologue ce qu'est le hérisson au renard : l'un connaît beaucoup de choses, mais l'autre sait une chose importante.

Ou bien c'est un timide, un trop-sensible qui a compris dès le départ qu'il ne pourrait jamais trouver en lui la force de contempler la souffrance sur le visage des hommes ; et qui, pour cela, en toute humblesse d'esprit, s'est réfugié à leur face cachée, celle qui ne s'exprime que par des brises brèves et de soudaines rétractations craintives.

Et si, au bout du compte, le proctologue était un cœur d'artiste emprisonné en la blouse d'un homme de science ? Il possède en tout cas une âme esthète : peu lui chalent les processus obscurs de la naissance, de l'élaboration et des métamorphoses ; seul retient son attention l'œuvre ultime. Le proctologue est l'homme des produits finis. Il se tient, tel un veilleur d'outremonde, aux confins de notre destinée humaine.

(À présent, relisez ce texte en remplaçant partout “jeune homme” par “jeune fille” : c'est là que vous commencerez vraiment à avoir peur.)

jeudi 8 août 2013

De la grande muflerie des urologues


Mail adressé à Michel Desgranges, il y a quelques instants. Je me suis dit que ça ferait plaisir à tout le monde d'être tenu au courant de mon “actualité estivale”… Donc, voici :


Cher Michel,

les urologues sont décidément gens fort mal éduqués. Ainsi, celui que j'ai rencontré ce matin : alors que nous ne nous connaissions d'Ève ni d'Adam, il m'a d'emblée introduit une mini-caméra (ou quelque autre instrument optique : je n'étais pas en position de me rendre compte) dans la bite, avant de me mettre l'un de ses doigts dans le fondement. Tout cela sans un bisou, pas le moindre regard de tendresse, rien. Le temps des fêtes galantes est bien terminé, je vous le dis !

Blague à part, on dirait que ma vessie va plutôt bien, et ma prostate n'a pas l'air de poser de problème non plus, à ce stade. Le scanner se montrera peut-être plus bavard, lundi en fin de matinée. Verdict mardi après-midi, dans le bureau de l'urologue mal élevé et anti-préliminaires : je vais tenter de survivre jusque-là. En attendant je ne pisse plus la moindre goutte de sang, mes mictions sont redevenues aussi transparentes que leur malheureux auteur ; comme si le vent de révolte qui soufflait sur l'appareil uro-génital avait décidé d'un repli stratégique sur des bases préparées à l'avance, face à l'arrivée des troupes de la Faculté sur le champ de guerre – lequel repli n'est peut-être que stratégique, et prélude à de prochaines attaques foudroyantes et vicieuses. Heureusement l'intendance suit et les vivres ne manquent pas.

Quant aux troupes elles-mêmes, leur transport vers Levallois ayant été provisoirement suspendu, elle arborent un moral aussi ensoleillé que le jardin où elles bivouaquent – en un mot, le pisseur de copie fait retraite cependant que le pisseur monte au front.. Vous serez bien entendu le premier à recevoir le bulletin de la bataille dès que celle-ci aura eu lieu.

Amitiés,

Didier G., uro-discriminé

mardi 6 août 2013

La véritable mort de Molière



Jean-Baptiste P. écrivant une lettre de protestation, après l'attentat perpétré contre lui par une malfaisante de l'avenir.

Deux choses auraient dû me dissuader de ce Molière : les quatre heures dix de sa durée et surtout le nom de sa réalisatrice, Ariane Mn. Mais il est des soirs où il faut aller au bout de son destin, et même y entraîner sa femme – qu'elle puisse me pardonner un jour. Je croyais sincèrement avoir vu ce forfait à sa sortie ; mais plus j'y pense et plus je me dis que c'est impossible ; que je n'y aurais pas tenu, même jeune et résistant comme je l'étais.

Dans le genre “piétinement d'un génie”, je crois n'avoir rien vu d'aussi abject depuis l'Amadeus de Milos F. S'il n'y avait que le ridicule des effets appuyés, l'ennui des scènes interminables, le ton scolaire et niais de la voix off et l'absence totale de talent de la… la… Comment dit-on déjà ? Ah ! réalisatrice, c'est ça ; s'il n'y avait eu que cela, j'aurais sans doute pardonné ; avec quelques grincements d'incisives mais j'aurais pardonné. 

Seulement, il a ce détournement d'écrivain, qui est insupportable. Au mépris de toute vraisemblance, Mme Mn. fait chausser à Molière ses propres pantoufles de vieille gauchiasse post-soixante-huitarde, en fait un petit révolté de barricades, un contempteur de monde ancien, pour tout dire un reubel. Un type qui cause vachement à notre époque, tu vois. Bien entendu, comme la France ploie, geint et agonise sous la tyrannie sanguinaire de ses rois, on ne nous montre le peuple que mourant de faim, prêt à éventrer les chevaux pour leurs bouffer les tripes, etc. ; mais, bizarrement, toujours très propre de visage et arborant de petits cols d'une impeccable blancheur : on comprend que Mme Mn. tient à respecter la dignité du peuple, même en train d'engloutir un tripoux de cheval.

Si encore cette pauvre vieille avait jamais eu le moindre sens narratif. Mais je t'en fiche ! Ce n'est qu'un enfilage de scènes sans objet réel, à part bien sûr nous montrer en action l'esclavage et la rébellitude, surjouées, prétentieusement filmées et flottant dans l'air comme des perles fausses et sans collier. Et je ne vous dis rien de l'insupportable musique farandolienne qui met rapidement les nerfs dans le même état que des cordes à piano prêtes à l'emploi.

Comme, malgré tout, Mme Mn. se rend un peu compte qu'il faudrait bien les relier, ces plaques de béton précontraint, elle utilise pour cela de gros boulons-symboles, dont je comptais vous donner un ou deux exemples choisis parmi les plus drôlement énormes ; mais vraiment, après deux heures de “première époque”, et cependant que menace la seconde, le courage me manque – avec tout ça, il est quand même déjà onze heures moins le quart, n'est-ce pas. Néanmoins, je tiens à signaler que la lecture par Descartes de sa dernière page de pensées profondes, devant nos comédiens ébaubis, sera difficile à surpasser dans le comique involontaire. Et, bien entendu, ayant terminé, René ne manque pas de préciser qu'il s'apprête à quitter le royaume de France parce que la police est partout et que Louis XIV, malgré ses onze ans, lui rappelle trop Pétain.

Suivant cela d'un œil hébété et incrédule, on se souvient soudain que Mme Mn., il y a quelques décennies de cela, était considérée par tous les chevelus, futurs locataires gratuits des palais nationaux, dont certains bâtis à l'époque du roi honni, comme la grande prêtresse du théâtre français ; et on se dit qu'on revient vraiment de loin. Mais en est-on vraiment revenus ?

Pendant que l'on se pose ces graves questions, en face de nous le dénommé Caubert continue de hurler et de gesticuler à tout propos. Car chez ces gens-là, Monsieur, on ne cause pas : on braille.

Ajout d'une heure moins le quart : J'ai eu raison de rester, tout compte fait. La fin, la mort de Molière, est une sorte d'apothéose du grotesque. C'est un portrait de l'artiste en zombi, qui n'en finit pas, soutenus par deux comédiens, de faire du surplace dans un escalier de pierre, tandis que toute la troupe gesticule en cadence derrière le trio, tout cela aux accords du Cold Song de Purcell. Cette fois j'en suis assuré : on ne fera jamais mieux dans la kitscherie ignoble. Mme Mn. a de la chance que je ne l'aie pas sous les phalanges en ce moment.

dimanche 4 août 2013

L'hippopotame


Mon Dieu, je ne suis bien sûr qu'un humble et discret observateur de toutes vos créatures, mais enfin, tout de même, que vous a pris de façonner celle-là ? Et ce redoublement syllabique, était-il bien nécessaire ? Hippotame n'aurait-il pas suffi pour ce gros pataud boueux à mufle considérable ? Pourquoi tant d'acharnement contre ce disgracié ?  Lui en vouliez-vous à ce point ? Que vous avait-il fait, avant notre règne précaire ? Fallait-il vraiment, à ses dépens, faire rire Adam, s'esclaffer Ève ? N'était-ce point suffisant de le faire naître en Afrique, ce continent de lendemain de cuite ? D'en faire un aquatique sans eau ? Un édenté à canines considérables ? Un barrisseur sans trompe ni oreilles ? Un champ de parasites minuscules et obstinés ? Vous amuse-t-il à ce point de le voir s'ébattre si lourdement dans la vase que vous lui avez allouée ? Les criasseries des grands oiseaux chauves, contre lui, ce cuirassé, réveillent-elles chez vous des instincts guerriers d'avant l'univers ? Vous ennuyiez-vous à ce point, dans votre solitude superbe, pour enfanter ce gros-là ? On se perd en conjectures, vraiment, devant cet improbable que d'aucuns ont élu comme emblème pour leur commerce de viandes comestibles ; il faudrait bien communiquer un peu sur le sujet. Je n'ai rien contre les initiatives hasardées, notez-le ; mais enfin, l'hippopotame, tout de même, il fallait oser. Et maintenant, il s'agirait d'assumer. Ou alors, décréter un moratoire sur l'hippo.

samedi 3 août 2013

La chute du papillon



Il faudrait bien, et rapidement, en finir avec cette supposée légèreté du papillon. Le papillon n'est pas léger ; il traîne derrière lui un lourd passé, dont il n'aime guère qu'on l'entretienne avec trop d'insistance, en particulier si l'on y met un peu de cette ironie qu'il déteste par-dessus tout. De ce point de vue, les diurnes et les nocturnes sont unis par le même péché originel, même si chacun ignore placidement l'existence de l'autre pour cause d'horaires incompatibles. Des petits grisâtres de lampadaires publics aux splendides vaniteux qui se cocardisent les ailes aux couleurs nationales, tous conservent la mémoire de la souillure primordiale, de ce corps tortillard et plombé qui fut le leur dans les premiers instants du monde (car le papillon – et c'est peut-être par là qu'il peut être taxé de légèreté – ignore généralement que le monde existait avant lui ; d'ailleurs, comment pourrait-on le lui prouver ?). Le papillon a été chenille, et c'est une douleur qui ne finira qu'avec lui. Il pourra tant qu'il voudra s'épuiser à nous charmer de ces voletis en arabesques, de ces duos d'amour au-dessus des lavandes, il lira toujours dans nos yeux le discret reproche teinté de dégoût des torses reptations de son enfance chenillarde ; toute sa grâce n'y changera rien. Et l'on en vient à se demander quelle terrible faute le premier papillon a pu commettre, en Éden, pour que le Créateur, qui n'est pas particulièrement vindicatif d'ordinaire, hormis avec nous, lui impose désormais la torture du cocon, l'humiliation de la métamorphose. 

Naïf et globuleux, moi ?


Regardez-le : il se méfie de vous, on le voit dans son œil. Le hérisson n'aime pas trop les humains ; il a raison, vous êtes vraiment des pas fréquentables. Moi, j'ai des piquants, je marche lentement, je ne peux pas faire autrement ; c'est que ça pèse, une armure, interrogez votre lignage si vous en avez un ! L'un d'entre vous, un certain Chevillard, a prétendu que j'étais naïf et globuleux. Je me gausse ! Globuleux, encore, je pourrais admettre, mais c'est seulement quand je le veux bien, lorsque je décide de me replier dans mon quant-à-soi ; sinon, je suis capable d'être profilé comme une belette, ou presque… Mais naïf, alors, non ! Je sais parfaitement ce que j'ai à savoir, et depuis tout petit ! Je connais le pourquoi et le comment des choses ; si on me croit bête c'est que je n'en dis rien. De plus, on me répute froussard et timide, alors qu'il n'y a pas plus courageux que moi, sous mon caparaçon. Quel animal serait assez audacieux, au cœur de l'hiver et à peine réveillé, pour aller sous ses moustaches voler les croquettes du chat dans sa gamelle ? Moi, je le fais. Et c'est un bonheur, de voir ce fat imbécile et faussement nonchalant enrager d'impuissance devant mon duvet répulsif. Après quoi je retourne au nid pour quelques semaines, en plaignant bien sincèrement les créatures abandonnées de Dieu qui sont contraintes, défaut de sagesse sans doute, de continuer à vivre en plein hiver. Objectivement, après avoir beaucoup observé la vie autour de moi, je crois pouvoir affirmer que le hérisson est l'être le plus heureux de cette étrange planète – sous condition de ne traverser aucune route, jamais. Le seul moment délicat de notre existence est celui de l'accouplement. Mais enfin, l'un dans l'autre, on se débrouille.

jeudi 1 août 2013

Le Merle


Le merle est un con, mais on l'aime bien tout de même. Il est con parce que, nanti d'une paire d'ailes en état de marche – ce dont tout humain rêve dans ses rêves, ne dites pas le contraire –, il met une étrange obstination à sautiller dans l'herbe comme un crétin, avec ces curieux petits mouvement de la tête, plutôt que de voler : même les chats les plus affutés à la chasse sont effondrés de le voir et s'abstiennent de le poursuivre – quant aux chiens n'en parlons même pas.

Il est néanmoins sympathique en raison de son côté “adjudant de carrière” qui le pousse à régenter toute la faune volatile  ; il a quelque chose de scrogneugneu et bravache, culotte de peau, dans sa manière de sonner le réveil au clairon, à peine le jour nouveau menace-t-il, et de donner de la voix aussi à la tombée de la nuit pour envoyer tout le monde au lit ou au nid – et ça file droit, jamais un semblant de rébellion. Le merle mériterait une moustache, un képi et un tambour, le merle est un Français de la France d'avant, un échappé d'un film de Jacques Tati ; on prétend même qu'il aurait donné la réplique à Louis de Funès au temps de sa splendeur. Il a beau être noir, il est de chez nous ; d'ailleurs sa femme est toute pâlotte, elle a à cœur de compenser, suppose-t-on, les ténèbres plumitives de son époux trompettant. 

Le merle est ridicule la journée durant, surtout si on le compare aux grands aigles planants ou aux mouettes hystériques et braillardes – très post-modernes, les mouettes, néanmoins assez majestueuses dans leur lutte contre les vents du grand large –, mais il reprend sa dignité en accord avec le soleil, au moment d'inaugurer ou de conclure.

Le merle est con, mais c'est un sage.

Si t'es une taupe, c'est mieux d'être une fille


La taupette – appelons-la ainsi – ne se trouve en danger de mort violente qu'une seule fois dans sa vie : entre le moment où sa génitrice l'a jetée hors du terrier natal à grands coups de pompe dans le fondement et celui où elle s'engloutit dans son nouveau chez-elle, providentiellement délaissé par son occupant précédent, ainsi que j'ai eu l'honneur de l'expliquer déjà. Ensuite, elle n'en sortira plus sa vie durant, sauf la tête et les pattes avant, très fugitivement, pour se prendre un petit bol d'air, deux ou trois fois par jour ; mais comme elle est prudente et très vive, les prédateurs éventuels peuvent se l'arrondir.

Le taupin, c'est autre chose. Pour commencer, il risque sa fourrure autant que sa sœur au moment de s'installer dans ses meubles. Et ensuite, pardon ! Chaque année, à période fixe, taupin se retrouve en proie à des émois sexuels considérables, embarrassé d'un membraque si turgide qu'il ne passe plus qu'à peine dans ses galeries ; bref : il lui faut s'accoupler de toute urgence. Mais comme taupette est une grosse feignasse, c'est lui qui doit s'aventurer à l'extérieur, zigzaguer jusqu'au nid de la drôlesse, sans même savoir si les Anglais n'y seront pas, ce qui l'obligerait à surseoir car taupin est généralement bien élevé et assez nareux, comme on dit du côté des Ardennes. Et qu'il n'espère pas, ce drôle, se faire inviter à dîner par sa partenaire, encore moins à rester dormir : burettes à peine vidées, il se fait éjecter aussi brutalement qu'un nègre clandestin en tyrannie sarkozyste ! Alors, les jambes en coton, les sens tout ouatinés par la secousse qu'il vient de se prendre, il lui faut retrouver son terrier, à l'aveugle car cette andouille ne voit à peu près rien, en essayant de se faire passer pour une feuille morte aux yeux de tous les taupivores de cette fucking Création. Et il faudra remettre ça l'année prochaine.

D'un autre côté, il est tranquille du côté des enfants : ce n'est pas à lui que taupette viendra concasser les gonades avec des reconnaissances en paternité. Du coup, tout joyeux, et parce que le soir tombe gentiment, il se reprend un petit ver.