À Grandpas.
Imaginons un jeune homme ; oui, ce jeune-homme-là, par exemple, il fera très bien notre affaire. Après avoir reçu son baccalauréat en cadeau de persévérance, à l'instar de presque tous ses camarades de génération, il s'est jugé suffisamment équipé intellectuellement, et opiniâtre au travail, pour se lancer dans des études de médecine. Il a eu raison puisque, dédaignant la médecine généraliste, tout juste bonne pour les filles et les tâcherons, il a même puisé en lui les capacités pour une spécialisation, source de profits moins à dédaigner. Et, après mûre réflexion, pesage au trébuchet de ses chances de succès ici ou là, il a choisi de devenir proctologue.
Se rend-on bien compte du gouffre qui vient de s'ouvrir là ? Sans que personne ne l'y ait contraint, n'ait exercé sur lui le moindre chantage, un jeune homme capable, savant, peut-être même brillant, a décidé un soir – à jeun, s'il se trouve – que, durant les quarante années qui s'étendaient devant lui, il ne s'occuperait plus que de trous du cul. Et de trous du cul malades. Que ses deux principaux vecteurs de connaissance seraient désormais son index et son pot de vaseline. Le vertige n'est pas loin, reconnaissons-le. En regard de ce qui a finalement conduit notre jeune homme à vouer sa vie en toute exclusivité à cet étrange, et généralement invisible, diaphragme charnu, à côté de cela, de ce maelstrom effrayant, la tempête sous le crâne de Jean Valjean fait figure de gentil clapotis de rivière provinciale.
Le proctologue est assurément l'homme d'une seule idée, c'est peut-être sa grandeur ; il est l'archer qui ne voit ni ne désire plus rien d'autre que sa cible minuscule et comme frémissante. À côté de lui, le gastro-entérologue semble faire preuve d'une dispersion fâcheuse, à passer comme il fait d'un étage à l'autre de l'appareil digestif. Le gastro-entérologue est l'esprit léger et volatil qui se contente de parcourir négligemment la table des matières, quand le proctologue ne veut travailler que sur la matière même. Le proctologue est au gastro-entérologue ce qu'est le hérisson au renard : l'un connaît beaucoup de choses, mais l'autre sait une chose importante.
Ou bien c'est un timide, un trop-sensible qui a compris dès le départ qu'il ne pourrait jamais trouver en lui la force de contempler la souffrance sur le visage des hommes ; et qui, pour cela, en toute humblesse d'esprit, s'est réfugié à leur face cachée, celle qui ne s'exprime que par des brises brèves et de soudaines rétractations craintives.
Et si, au bout du compte, le proctologue était un cœur d'artiste emprisonné en la blouse d'un homme de science ? Il possède en tout cas une âme esthète : peu lui chalent les processus obscurs de la naissance, de l'élaboration et des métamorphoses ; seul retient son attention l'œuvre ultime. Le proctologue est l'homme des produits finis. Il se tient, tel un veilleur d'outremonde, aux confins de notre destinée humaine.
(À présent, relisez ce texte en remplaçant partout “jeune homme” par “jeune fille” : c'est là que vous commencerez vraiment à avoir peur.)
Dans un premier temps, j'ai lu LARCHER et me suis demandé ce qu'il venait faire la dedans et quand j'ai vu que c'était l'archer, j'ai encore moins compris, car avec LARCHER et les trous du cul, c'était plausible
RépondreSupprimerComme j'ignore absolument qui est ce Larcher, je ne risquais pas la confusion…
SupprimerNe pas connaitre quelqu'un qui n'en vaut pas le coup est loin d'être une tare
SupprimerL'ancien président du Sénat.
SupprimerBillet réjouissant quoiqu'un peu réducteur. La cible n'est que très rarement minuscule et frémissante voyons!
RépondreSupprimerProlapsus, thromboses hémorroïdaires turgescentes, ulcérations suintantes, sphincters pour tous usagés, crêtes de coq foisonnantes font varier à l'infini ce beau panorama! Non mais...
Maître Pluton, penses-tu qu’il est raisonnable que Didier prenne un apéritif (massif) ce soir ?
SupprimerMais oui, bien sûr !
SupprimerSigné : Pluton, le seul, le vrai, l'authentique, l'élevé sous la mère.
Ah, tu vois, je te l'avais dit, que je pouvais !
SupprimerAndouille !
Supprimerhilarant !
RépondreSupprimerJ'attends avec appréhension l'intervention de MHPA à propos de ce message ; je ne suis pas encore tout à fait remis de son commentaire sur le précédent... Enfin, hypocondriaque comme je suis, je dois dire que j'ai préféré la série sur les animaux !
RépondreSupprimerComparer le hérisson au proctologue, ce n'est pas très gentil !
RépondreSupprimerUn Buffon des métiers maintenant ?
RépondreSupprimerNous attendons le portrait du vidangeur.
Et pourquoi pas le La Bruyère des fondements, pendant que vous y êtes ?
SupprimerJ'y avais pensé , mais Buffon exprime mieux la pure continuité de votre oeuvre.
SupprimerJe ne comprends pas le titre de votre billet : vous me provoquez et vous voulez absolument que je traite Grandpas de trou du cul ?
RépondreSupprimerPour avoir également goûté de la sonde (et on a beau être prévenu et savoir ce que va se passer, j'ai bien failli tourner de l'oeil, un peu comme après une soirée très arrosée, on se lève pour aller pisser et on sent qu'il est plus prudent de le faire assis), je m'étais enquis auprès d'un ami médecin de la même question : comment peut-on vouloir être proctologue bon sang de bonsoir ?
RépondreSupprimerIl m'avait répondu que ça se choisit rarement, on y touche un peu et puis un jour on se spécialise complètement parce qu'une place se libère, que ça paye bien et que les pathologies sont variés. Bref, c'est pas tant le proctologue qui va à l'anus que les anus qui s'imposent à lui.
Belle réponse…
SupprimerUne certaine Alice Miller eut la mauvaise idée de se poser la même question à propos des psychanalystes: Comment peut-on décider de passer sa vie à entendre des tordus vous raconter la leur ?
SupprimerSes collègues n'avaient pas apprécié.
Elle a fort bien décrit ce qu'elle nomme l'éducation prussienne et son rôle dans la formation du nazisme. Elle avait un peu tendance à mettre les pieds dans le plat, comme madame hérisson dans un précédent billet...
En archivant ma réponse, j'ai vu que j'avais déjà fait un commentaire du même tonneau sur un blog, mais je ne sais pas lequel...
SupprimerIl y a un parallèle intéressant à faire entre éducation pruissienne et bien-pensance...
Pas de doute, on est bien en 1936 et ça va chier (ouf, je retombe sur la proctologie).
Un cœur d'artiste emprisonné en la blouse d'un homme de science, sans nul doute.
RépondreSupprimerEt sensible à la poésie aussi, un peu.
Qui peut être ignorant au point de ne pas voir que le proctologue, au même titre que le hérisson, la taupe ou l'hippo(po)tame est un mammifère que l'on doit respecter, protéger et, si on a l'intelligence du cœur, aimer ?
RépondreSupprimerContinuez, Cher Didier; vos réjouissantes chroniques animales !
Catherine et moi venons de passer un moment à nous demander quels médecins spécialisés pourraient m'inspirer un petit texte primesautier. On en a trouvé trois ou quatre…
SupprimerL'ophtalmo-vénérologue qui soigne les putes borgnes ?
Supprimer(oui, pour tirer un coup à l'oeil).
Oui mais vous avez forcément pensé à gynecos. C'est mal.
SupprimerPar exemple, celle du gyneco qui reçoit Surya Bonaly (orthographe à vérifier... Notre patineuse nationale). Il l'ausculte puis appelle son épouse et lui dit de regarder.
Sa femme dit que ce n'est pas terrible. La patineuse s'inquiète. Le gyneco lui répond : ne vous inquiètez pas. On voulait acheter une Clio noire avec des sièges roses.
Médecin des cheveux pour les chauves (comme Cahuzac).
SupprimerMédecin de Mitterrand (obligé de mentir sur ordre du chef).
Rédacteur de fausses ordonnances en cheville avec un pharmacien marron.
Chirurgien esthétique sculpteur de foufoune (sisi, ça existe, il paraît même que c'est de plus en plus à la mode).
Je ne sais pas si l'oculiste peut-être primesautier mais son appellation,; il est vrai un peu désuète aujourd'hui, m'a toujours fait sourire...
SupprimerL'oculiste (pompeusement devenu ophtalmologue (ou giste)) fait partie de la liste. Le gynécologue non, car je manque de souvenirs personnels à son sujet. Même chose pour les toubibs de Marchenoir.
SupprimerOculiste ou proctologue, c'est la même chose.
SupprimerDésolé
Duga
Mis à part ce bobillé tout plein d'humour et de poésie, c'est la dédicace qui m'interpelle. Il me faut investiguer.
RépondreSupprimerC'est Grandpas qui m'a fait penser au proctologue, dans son commentaire laissé sous le précédent billet…
SupprimerUn de ces proctologues a écrit un livre qui se nomme ainsi: "Proctologue et alors!"; il y une autre spécialité médicale qui me fait froid dans le dos c'est la médecine légale.
RépondreSupprimerDécouper des gonzs ou des gonzesses pour savoir ce qu'ils ont bouffé la veille, faut quand même avoir des idées bien dérangées.
Ils me font penser aux taxidermistes, des personnages qui ont un humour à froid un peu particulier.
Le médecin légal est un type qui ne veut pas avoir à subir les reproches de sa clientèle ; ça peut se comprendre.
SupprimerMais cher Didier, vous l'avez ma bénédiction , et de bon coeur ! C'est très vilain de priver un malade de ce qu'il aime sans raison valable!
RépondreSupprimerAh, tant que j'y suis, je peux sur le champ vous présenter une belle jeune fille dont la proctologie est l'un des centres d'intérêt. Elle vous parlera de sonde doppler conique et lubrifiée, de ligature veineuse hémorroïdaire et de recalibrage du trou de balle, tout un programme, vous verrez...
Amitiés à vous deux
Pluton élevé dans les vignes
Ça doit donner des conversations vertigineuses…
SupprimerVous devriez faire parvenir à cette jeune femme le lien vers ce billet : ça pourrait donner lieu à un commentaire intéressant…
SupprimerCôté primesautier, je crains le pire pour ma pomme... ;))
RépondreSupprimerJ'aime bien cette nouvelle série. Je me suis fait la même réflexion il y a quelques temps. Heureusement j'ai raté mon bac :.)
RépondreSupprimerIl faudrait, pour finir, que j'unisse les deux séries (animaux et médecins) en parlant du vétérinaire.
SupprimerGérard Larcher (dit "Gégé, c'est toi qui as fini les gâteaux ?"), avant de faire de la politique, quand il était jeune et (presque) svelte, était vétérinaire, et un très bon vétérinaire.
SupprimerC'est en lui montrant ce billet qu'elle m'a parlé de sa grosse sonde doppler. Et en plus vous la connaissez...
RépondreSupprimerAh, d'accord, je vois !
SupprimerUn de mes copains hésitait fortement sur son choix de carrière et fit donc toutes les visites organisées possibles. Il avait noté que seuls le médecin légiste et l'ingénieur en résistance des matériaux avaient l'air de bons vivants parfaitement calmes.
RépondreSupprimer"Le proctologue est l'homme des produits finis"
RépondreSupprimerFallait oser ^^
J'ai bien ri, je vois qu'il n'y a pas que les animaux qui vous inspirent vos meilleurs billets !
RépondreSupprimerLes proctologues vont avoir de plus en plus de boulot...
RépondreSupprimerN'ayant, à ce jour, jamais eu besoin d'une sonde dans le cul, je ne connais pas cette race de médecin, et je m'en excuse.
RépondreSupprimerLes proctologues sont les seuls spécialistes qui savent que, même sans rien publier, ils seront dans les An(n)ales.
RépondreSupprimerMonsieur Goux, merci pour la dédicace qui me va droit au cœur, maintenant je me pose une question: quand le gars nous regarde par la porte de derrière, voit il nos ratiches quand on ouvre la bouche et qu'un trait de lumière illumine notre gorge.
RépondreSupprimer"(À présent, relisez ce texte en remplaçant partout “jeune homme” par “jeune fille” : c'est là que vous commencerez vraiment à avoir peur.)" : le trou du cul, par contre, est irremplaçable (désolée, je n'ai pas pu résister).
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