samedi 31 juillet 2010

Il faut renvoyer tous les voisins dans leur pays !

Cette fois, ça y est : après un an et demi de vacuité, de silence et de volets clos, la “maison de Mamie” (à gauche de la nôtre quand on se tient dans la rue de l'Église face à elles) vient de se remplir de ses nouveaux propriétaires. Il s'agit d'un couple “entre deux âges”, mais plus près encore de la jeunesse que de leur prochaine sénilité, contrairement à nous. Pour l'instant pas d'enfant en vue, mais ne nous réjouissons pas trop vite. D'un autre côté, la maison est si petite qu'ils ne peuvent pas non plus y en empiler une douzaine : on se rassure comme on peut.

Ils sont arrivés en milieu d'après-midi, avec le pack “papa-maman” de l'un ou de l'autre, et depuis ça n'arrête pas : on tond la pelouse, on taille les bordures, on lave les carreaux, on désherbe le massif de fleurs, etc. Bref, Il semblerait, une fois de plus, que nous soyons tombés sur des agités compulsifs voire des hyperactifs obsessionnels.

Je me souviens qu'à chaque fois que nous avons pris possession d'une nouvelle maison, Catherine et moi, notre travail de cette première journée a consisté à :

1) brancher le frigo pour faire des glaçons,
2) dresser le lit,
3) dégager deux fauteuils pour prendre un apéritif massif – quatre ou cinq verres, et des doses de chevaliers teutoniques –, et ainsi arroser dignement notre nouveau petit palais.

Pourquoi ne tombons-nous jamais sur des voisins qui nous ressemblent ? Je veux dire par là des semi-intellectuels ne s'agitant et ne faisant du bruit qu'en toute dernière extrémité, prenant plaisir, les beaux soirs d'automne, à vider une ou deux bouteilles en devisant négligemment de Proust à voix mesurée ? Je sais bien que la statistique joue contre nous, mais enfin ça pourrait bien nous arriver au moins une fois, tout de même !

Pour couronner le tout, alors que nous allions passer à table, Catherine m'a informé, la mine dégoûtée : « C'est bien des Normands, pas de doute ! Je viens d'ouvrir la fenêtre de la cuisine : ils ont été quatre à lever la tête et pas un ne m'a dit bonjour... »

Moi, je trouve que cette extrême retenue augure assez bien de nos futurs non-rapports, finalement.

vendredi 30 juillet 2010

La tête comme un compteur de visites

Comme chaque année, l'anniversaire de l'Irremplaçable a eu ses dégâts collatéraux, à savoir en premier lieu une certaine lourdeur cérébrale, ce matin, qui m'a conduit à mépriser ostensiblement le BM à peine commencé, lequel pourtant n'attendait que moi pour croître en taille et vigueur.

La seconde conséquence était moins prévisible. Consultant dans l'après-midi le Statcounter que j'avais cru devoir installer sur le blog du journal, j'ai tout d'abord été surpris, ne me sachant pas si populaire, de constater que les visites s'élevaient à près de deux cents depuis la fin de la matinée, dont une soixantaine de visites multiples. J'ai compris en me penchant sur leur détail : 90 % d'entre ces “visiteurs” étaient restés zéro seconde : des spams, en un mot. Là-dessus une sorte de rage m'a pris, dirigée essentiellement contre moi : comment pouvais-je être assez stupide pour accorder le moindre intérêt à ces foutus compteurs ? Et, d'une manière plus générale, pour en avoir quoi que ce soit à faire du nombre de gens passant par ce blog ou cet autre ? Que me faisait de savoir que j'avais un lecteur à Perthes-lès-Hurlus et un autre à Bamako ?

C'est la raison pour laquelle, ce matin, j'ai tout balancé par-dessus bord : Statcounter, Blog-it et consorts. Vous concernant, lecteurs, je ne veux plus rien savoir hors ce que vous jugerez bon de me dire vous-mêmes. Pour le reste, votre nombre journalier, les pages que vous avez lues ou non, vos adresses IP, votre origine géographique et la marque de votre bécane, j'ai décidé de m'en battre les gonades et de retourner dans ce bienheureux brouillard d'avant les compteurs de visites.

jeudi 29 juillet 2010

Des bougies comme s'il en pleuvait, et des nouvelles fraîches

Aujourd'hui, 29 juillet, l'Irremplaçable va souffler ses ** bougies. Et nous allons procéder à ce cérémonial dans un restaurant alentour, où nous avons nos habitudes parce que la cuisine y est bonne, la patronne charmante et le chablis premier cru gouleyant. Pour que vous ne ressentiez pas cette absence comme un abandon, je laisse, sur la table basse du salon, le Journal de juin.

mercredi 28 juillet 2010

La phrase qui réchauffe le cœur et ravigote l'optimisme


Consultant il y a cinq minutes l'article de Wikipedia consacré à Jean Sibelius (pas de lien, débrouillez-vous), je suis tombé sur cette phrase qui me ravit :

Devenu alcoolique, il meurt en 1957 à l'âge de quatre-vingt-douze ans.

Si en plus il avait fumé, il aurait peut-être doublé le cap de la centaine, allez savoir. D'autre part, il est réconfortant de constater que ce Finnois était, lui aussi, comme nos sympathiques modernes, fan de Bach...

Les Amitiés particulières du Grand Mufti

Dimanche, en commentaire de ce billet, l'infatigable Farid tentait de nous convaincre que les plus hauts dignitaires nazis avaient été de pantelants admirateurs du sionisme, tandis qu'ils n'entretenaient avec les musulmans de Palestine ou d'ailleurs que les rapports les plus réservés et les plus froids. Malheureusement, cet après-midi, poursuivant ma lecture du dernier livre de Taguieff, je suis tombé sur ceci :

« À plusieurs reprises, durant les années 1941-1945, notamment à la suite de sa rencontre avec le “Grand Mufti” de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini (1895-1974), leader arabo-musulman ayant déclaré la guerre aux Juifs dès les années 1930 et dont l'action a été décisive dans la formation du nationalisme palestinien, toutes tendances confondues, Hitler a exprimé son estime pour la vision islamique du monde. La rencontre d'al-Husseini avec Hitler, à Berlin, eut lieu le 28 novembre 1941, en présence du ministre des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop et de l'ambassadeur Fritz Grobba. Le Führer assura le Mufti de son soutien total et de son “opposition extrêmement ferme à l'idée d'un foyer juif en Palestine, cause qui était devenue le point de ralliement politique des intérêts juifs et de leur influence destructrice.” Il lui promit que lorsque l'armée allemande aurait atteint le Proche-Orient, “le seul objectif de l'Allemagne dans la région se limitera à l'extermination des Juifs vivant sous la protection britannique dans les pays arabes”. »

Coup de folie passager du leader palestinien ? Suprême habileté diplomatique ? Non point. Car, deux ans plus tard, s'adressant aux soldats musulmans bosniaques de la 13e division de Waffen-SS, notre Mufti montre un enthousiasme intact :

« Le Reich mène le combat contre les mêmes ennemis, ceux qui ont spolié les musulmans de leurs pays et anéanti leur foi religieuse en Asie, en Afrique et en Europe [...]. Le national-socialisme allemand lutte contre la juiverie mondiale. Comme dit le Coran : “ Tu apprendras que les Juifs sont les pires ennemis des musulmans. ” Les principes de l'islam et ceux du nazisme présentent de remarquables ressemblances, en particulier dans l'affirmation de la valeur du combat et de la fraternité d'armes, dans la prééminence du rôle du chef, dans l'idéal de l'ordre. Voilà ce qui rapproche étroitement nos visions du monde et facilite la coopération. Je suis heureux de voir, dans cette division de Waffen-SS composée de musulmans, l'expression visible et la mise en pratique de nos deux visions du monde. »

Plus de soixante ans plus tard, on peut continuer de constater les profondes similitudes entre les discours de Hitler consacrés aux Juifs et ceux d'un Mahmoud “toujours-sur-la-brèche” Ahmadinejad s'exprimant sur le même sujet : appel à l'éradication totale, bestialisation (“rats” chez l'un, “chiens” et “porcs” chez l'autre), recours à la virologie (“parasites”, “virus”, “microbes”, “agents d'infection”...), etc.

Sans parler bien entendu de tous ces prêcheurs musulmans, de ces chefs d'État ou ministres arabes qui se réfèrent explicitement aux Protocoles des Sages de Sion, pour légitimer leurs appels à la destruction d'Israël et au massacre des Juifs, ces “bourreaux” de l'islam.

Pendant ce temps, dans notre belle Europe, sans paraître le moins du monde gênés par cette rhétorique obscène de leurs amis pro-palestiniens, les progressistes de l'extrême-gauche “plurielle”, depuis les communistes résiduels jusqu'aux séides de Besancenot et aux alter-mondialistes, en passant par le Front de gauche et après un petit détour dans le pré carré des Verts, réactivent en les recyclant, la tête haute, les fantasmes médiévaux les plus éculés concernant les Juifs – pardon : les sionistes.

Mais nous nous pencherons sur le cas de ces clowns d'ici quelques jours : ils en valent la peine.


Rajout : puisqu'il “cadre” parfaitement avec le sujet, je remets ici le lien donné par Georges il y a quelques jours – et désolé pour les trente secondes de publicité obligatoire...

mardi 27 juillet 2010

Pour une immigration (bien) choisie

C'est finalement un concept très intéressant que celui d'immigration choisie. Et je pense que nous devrions le faire nôtre, mais le faire vraiment. On sait bien – ou on devrait savoir – que, si la fameuse islamophobie dont on nous rebat les trompes d'Eustache n'est sauf rares exceptions (Chine, Inde...) qu'un pur fantasme, la christianophobie et la judéophobie qui règnent dans l'ensemble des pays assujettis à l'Islam sont une cruelle et sanglante réalité. Plusieurs millions de chrétiens arabes ou africains sont quotidiennement humiliés, abaissés, asservis – lorsqu'ils ne sont pas purement massacrés, ou contraints à l'exil, par les différentes dictatures islamiques qui pèsent sur leurs pays.

L'exil, justement. Puisqu'il paraît que l'on peut choisir ses immigrés, pourquoi ne pas choisir précisément ceux-là ? Ouvrir nos frontières à ces chrétiens arabes ou africains et à ces juifs orientaux persécutés, en grand danger de mort pour beaucoup d'entre eux, et faire d'eux des Français si jamais ils le souhaitent ? Justifier pour une fois noblement notre prétention à être Terre d'accueil ? Pour leur faire de la place, on pourrait imaginer de renvoyer dans leurs pays d'origine un nombre correspondant de “bons musulmans” qui, eux, ne risqueraient rien à y vivre et pourraient enfin s'épanouir pleinement, libérés qu'ils seraient alors du joug intolérable de notre constitutif racisme à tendances multiphobiques (comme un robot ménager est multi-fonctions...).

Il faudrait tout de même prendre garde à ne pas faire n'importe quoi, par exemple envoyer des musulmans africains dans des pays arabes, quand on sait le solide mépris dans lequel ceux-ci tiennent ceux-là. C'est une chose qui m'avait frappé, lorsque je fréquentais vaguement l'université d'Orléans : ce mépris des étudiants arabes pour leurs condisciples africains et, en retour, la haine que ces derniers vouaient aux Arabes. Je précise qu'à cette époque (1975 - 1976), tout fier et tout content de ma belle panoplie de progressiste d'extrême-gauche, je m'étais profondément attristé en constatant que même eux, les Arabes et les noirs, pouvaient être des agents propagateurs du racisme le plus obtus.

Car il va de soi que, dans ce que j'hésite à appeler mon esprit, le racisme ne pouvait être que le fait du grand méchant blanc et devait absolument demeurer son apanage. En attendant d'être implacablement éradiqué des cœurs et des cerveaux.

Oisive jeunesse,
À tout asservie...


En prime, je vous offre la réjouissante vidéo donnée en lien par Carine en commentaire :


Aldosterone donne son avis sur l'apéro saucisson-pinard
envoyé par enquete-debat. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

lundi 26 juillet 2010

La Nef des fous est en vue de nos côtes...

Dans tout juste une heure, la précieuse Nefisa débarquera du train de Paris, en gare de Vernon (Vernon, deux minutes d'arrêt ! Ce train desservira les gares de...), pour être notre hôte jusqu'à demain. Donc, probablement pas de billet aujourd'hui : vous pouvez reprendre une activité sensée – s'il en reste.

dimanche 25 juillet 2010

Les habits neufs (mais déjà malodorants) de l'antisémitisme

J'ai commencé hier de lire La Nouvelle Propagande antijuive, dernier livre de Pierre-André Taguieff, ouvrage important sur lequel j'aurai très certainement l'occasion de revenir. En “ouverture”, en voici un très court extrait, tiré par moi des pages 66 et 67 :

« (...) l'antisionisme radical est l'une des principales formes de “racisme” – ou de “néo-racisme” – apparues depuis la fin du XXe siècle. Mais il s'agit d'une forme de néo-racisme qui, étant largement partagée pas les milieux intellectuels et culturels, n'est pas reconnue comme telle, et demeure socialement invisible. Les évidences “antisionistes” (stéréotypes, préjugés, rumeurs) se sont installées en effet dans la “doxa intellectuelle” de l'époque, ce qui les protège de la critique. L'antisionisme radical représente la seule idéologie raciste non seulement acceptable, mais encore intellectuellement respectable. Elle n'entre pas dans le champ de vision des “intellectuels critiques”. Si, dans l'espace public, le mot “sionisme” fonctionne souvent comme insulte, les déclarations du type “je suis antisioniste” ou “je lutte contre le sionisme mondial” tendent à être perçues désormais comme légitimes, voire comme méritoires. Se dire “antisioniste”, c'est se placer du “bon côté”, du côté de l'antiracisme. Tel est le dernier avatar de la corruption idéologique de l'antiracisme militant. Il y a là un paradoxe qui constitue un scandale sur le plan éthique : l'antisionisme radical est un mode de racisation tenu pour une position antiraciste respectable. »

samedi 24 juillet 2010

Elle ne parle plus, celle qui parlait si gentiment

Je tente une chose : après avoir écouté deux fois de suite Double silence plein la bouche, le morceau qui donne son titre au disque de Jérôme Vallet, je voudrais le récouter une troisième, en notant, à mesure, ce que sa musique me... j'allais dire "m'inspire", mais ce verbe est stupide. Ce que cela me donne à... et merde ! En plus, je suis non dans mon bureau mais dans le salon, avec le portable de Catherine sur les genoux, dont je ne sais pas trop me servir. Bref, il est hautement probable que personne ne lise jamais ce qui va peut-être suivre.

D'abord, un chaos, puis apparition des voix (magnifique utilisation de ces voix par Vallet, comme dans les autres pièces de ce même disque, j'essaierai d'y revenir si je m'en sens capable) Battements de cœur, qui introduisent le thème, et aboiements de chien au loin, puis orage mais orage calme, juste avant irruption de fanfare, et retour de voix, mais étranges, ces voix (parce qu'en allemand peut-être). Pulsations de nouveau, inquiétantes ; introduction de l'orgue, avec des voix incompréhensibles avant. De toute façon, tout est incompréhensible dans ce morceau : nous ne sommes pas là pour comprendre.

Grognements. Le cœur reprend la main, si je puis dire.

Après une brève tentative de soprano (mezzo ?), l'orgue se tend, interrompue par la voix qui m'a donné mon titre. Jérôme Vallet est à l'orgue, on le sait, et les voix se retirent. La musique se fait liquide, argentine, pour peu de temps.

La mort semble... semble quoi ? S'installer ? Sans doute. Des sortes de sanglots-râles...

Arrivée du piano – discrète, timide, bouleversante : le fils. Interruption, retour des voix "Ô moqueuse de ma mémoire". Et d'autres voix, féminines et métalliques. Et l'orgue, apparemment rageur, mais en fait non : désespoir, écho de Dieu. Et les voix qui tentent de le recouvrir, cet orgue obstiné, n'y parviennent pas , halètent, se retirent, vaincues pour le moment.

Parfois, des vois non humaines (avec l'orgue derrière), comme un appel de la future note, un grouillement de goules, quelque chose que l'orgue tente de combattre.

ON NE PART PAS, dit une voix d'homme, sûre d'elle-même.

BONNE NUIT, aussi. Mais qui dit cela ? Et pour qui, à ce stade, pourrait-il y avoir une “bonne nuit” ? Ou même simplement une nuit ?

De nouveau le piano, comme écrasé de lui-même, une brève intervention des cordes tout cela rapidement détruit. Bouleversante et très brève intervention d'un chanteur masculin (vieux, ancien, mort lui aussi depuis longtemps, genre Carlos Gardel (la mère jeune et belle, suppose-t-on, avant la naissance du fils, dans la plénitude de sa propre chair, seule présence charnelle dans ce morceau, il semble), aussitôt interrompu par le halètement régulier du respirateur et des puissances situées en dessous, en arrière, on ne sait pas trop ; on a soi-même du mal à respirer, à ce stade.

Et coupe de piano, si je puis dire.

Respirateur, qu'on vient de nous signaler inutile. Par des voix qui ne disent rien. Angoisse, sourde. Là, des sons nasillards brutalement interrompus par... par quoi ? Des instruments, dont le piano. (Le piano me semble très important dans cette pièce même si on l'entend peu, finalement)

Les voix humaines tentent de revenir, incompréhensibles. La musique s'étend, s'étale, "glouloute" : la mort a gagné, semble-t-il – plus aucune voix humaine, dernier écho d'orgue, très long, merveilleusement “classique”, très douloureux (avec ces voix qui semblent pleurer, se désespérer de n'être pas compréhensibles).

Enfin, une sorte d'apocalypse, de mini-apocalypse que chacun attendait sans y croire – et qui arrive. Ensuite, évidemment, le silence.

vendredi 23 juillet 2010

Lettre ouverte à mes chères vieilles gauchistes

Et voilà que je me laisse de nouveau entraîner à polémiquer sur le blog collectif “Ruminances”, au moins avec les deux femmes qui en font partie, Clomani et La Pecnaude, et qui sont, à l'exception du pseudonommé Babelouest, largement plus sectaires que leurs compagnons de chaîne. Tout est parti d'un billet dans lequel Clomani relatait une journée idyllique passée par elle en Afrique du Sud, au milieu de noirs pauvres et fraternels, tous unis dans la communion multiculturelle bon enfant, par le truchement d'une bande de joueurs de tam-tam, touchant du doigt l'avenir radieux de l'humanité, etc. Tout cela devant être opposé à quelques journées précédentes passées, dans cette même Afrique du Sud, entourée de méchants blancs pisse-vinaigre et ne pensant qu'à l'argent. Bref : du pur Céleste, comme je me suis laissé allé à le faire ironiquement remarquer en commentaire. Là-dessus, je suis illico redevenu le monstre nazi que je n'ai probablement jamais cessé d'être, et les deux gardiennes du temple moral me sont tombées dessus. Car, bien entendu, La Pecnaude n'a pas manqué de voler au secours de sa petite camarade.

Elle est étonnante, du reste, cette Pecnaude. Je sais qu'elle lit mon blog de temps à autre et, lorsqu'il lui arrive de se risquer à un commentaire, celui-ci est tout sucre et tout miel, très “Prudence-petits-pas”. Mais, dans le même temps, si elle trouve un prétexte pour m'exploser la tête à coups de batte de base-ball sur “Ruminances”, elle ne s'en prive jamais. Bref...

Voici donc le dernier commentaire posté par Clomani, sur le billet en question, et où il est en principe question de moi :

moi je fréquente des noirs et je pense que, du coup, ça vous agace… vous êtes en négatif ce qu’il m’arrive d’être en positif, sauf que vous c’est cinéma “noir” permanent. Sans métissage, vous seriez, nous serions complètement et profondément débiles. Et je ne larmoye pas du tout sur l’Afrique… je trouve que les habitants des pays de ce continent que j’ai visités devraient nous servir d’exemple… le confort, la modernité, les progrès ont fait dee nous des exploiteurs et des pseudo savants qui ne jugent qu’à travers leurs propres références. Si vous alliez faire un petit tour chez ceux qui vous font si peur que vous n’en voulez pas dans le pays (dont je vous rappelle les métissages passés dans les ex colonies… avant, nous n’étions que marchands d’esclaves, on les “entreposait” on ne fricottait pas avec, contrairement aux Portugais, plus tard. Quant aux métissages d’avant, Rémi a fort bien répondu. Côté Mexicain, les civilisations qui avaient dominé en écrasant ont sombré mais il n’empêcheque les échanges entre les différents peuples n’ont jamais cessé. En Extrême-Orient aussi, ça y allait, au niveau déplacements et métissages…
Géographiquement parlant, il y a peu de gens qui sont restés effrayés longtemps par “l’autre”… l’attirance sexuelle a fonctionné… le mâle dominant a laissé des traces partout où il est passé et le mâle voyageait beaucoup. Physiologiquement, les mélanges auront permis à la race humaine de ne pas sombrer dans la dégénérescence…
Et pour en revenir sur vos affirmations “seuls les bazanés sont des voyous”… je vous invite à jeter un coup d’oeil sur les membres du gouvernement qui sont au pouvoir actuellement en France et tous les décideurs de ces grandes entreprises françaises : tous blancs mais vraiment gangsters de chez les gangsters… Evidemment, ils ne brûlent pas de voitures, mais ils poussent les travailleurs au suicide, au chomage, et les élus s’empressent de les reléguer aux pourtours des villes, pour ne pas “faire sale”… vous devriez venir vivre en Suisse, M’sieur Goux, le matin, les camions ramassent les pauvres sur les trottoirs de la vieille ville et de la Genève chique pour aller les jeter tels des détritus dans le “pourtour”… Mais, du côté de l’ONU et de la Croix Rouge, les étrangers foisonnent, pétés de thunes alors là où y’a de l’argent, l’étranger ne gène pas… la racaille, elle est avant tout chez les pauvres. Pourtant, certains étrangers très riches se comportent très mal avec des citoyens, français et frontaliers… Il y a même l’Emir du Qatar qui vit non loin… il n’a jamais payé ses impôts locaux… pourtant ses propriétés sont immenses. On lui a fait une route goudronnée (demandée par Chirac)… Il y a une dizaine dd’années, ses salariés, Français et Haut-Savoyards se sont aperçus qu’ils n’étaient pas déclarés à la Sécurité Sociale, et qu’ils n’étaient jamais augmentés..
Bon, là je suis d’accord avec vous, M’sieur Goux, ces etrangers qui viennent piquer le pain des Français sont de fort mauvais exemples pour les Français qui les “su bissent”.

physiologiquement parlant, le métissage a permis justement de renouveler les races génétiquement…


Le nombre de contre-vérités, de fantasmes purs et simples empilés dans ces quelques lignes est absolument atterrant. Cette femme, qui n'est pourtant pas une volaille de l'année, a la même vision de monde que l'on a généralement entre 15 et 17 ans, à la rigueur 20 si l'on n'est pas trop frétillant du neurone. Et elle profère ses mensonges (dont le côté mensonger est très facilement vérifiable) avec une assurance et une simplicité qui font son discours ressortir à la psychiatrie (mais sans enfermement tout de même...). Elle est un parfait exemple, et elle est malheureusement loin d'être seule dans ce cas, de ce que j'appelle la démence idéologique. La réalité est congédiée d'un revers de main, et tout l'espace est occupé par l'affirmation de principes préalables, détachés de tout, pures idées flottant au-dessus des têtes. Sans parler de la traditionnelle haine de soi qui est commune à nombre d'Européens blancs et de gauche, ces gens tellement en manque d'une religion qu'ils passent leur temps, depuis un siècle, à se bricoler des figures christiques de remplacement. Ce fut le prolétaire, puis le révolutionnaire exotique, c'est en ce moment l'Africain immigré – si possible clandestin (Sans papiers, en français post-moderne) : cerise sur la couronne d'épines. Évidemment, ces vieilles bourgeoises nanties (comparativement nanties, s'entend) ne s'intéressent nullement aux clandestins en tant que tels, pas plus que leurs mères et grands-mères ne se souciaient celles-ci des prolos et celles-là du soldadito boliviano. La seule chose qui compte réellement, c'est de se bricoler un petit autel, d'y installer l'icône du jour, afin de pouvoir se livrer à la génuflexion rédemptrice.

Du coup, celui qui refuse de s'agenouiller, et même qui dessine une moustache au charbon sous le nez du nouveau Christ en vogue, celui-là doit être chargé de tous les péchés les plus noirs, les crimes les plus abominables : pour cela, l'estampille “raciste” remplit très bien l'office qu'on lui a assigné. Et c'est ainsi que, dans le commentaire de Mme Clomani, je serais “agacé” parce qu'elle fréquenterait des noirs – ce dont je me fous absolument, on s'en doute. C'est logique (dans sa cervelle à elle...) puisque, deux lignes plus bas, j'apprends que ces mêmes noirs me font “si peur”. Et encore un peu plus loin je découvre avec surprise que j'aurais affirmé : « Seuls les bazanés sont des voyous. » Bien sûr, ça me ressemble tout à fait, ce type de raisonnement qui résonne. Notamment d'écrire basané avec un z, d'ailleurs. De même que, lorsque je passe une soirée à la Comète, je me recroqueville en tremblant à un bout du zinc si d'aventure j'aperçois Tonnégrande à l'autre extrémité : mon côté blackophobe irrépressible, je suppose.

Tout cela est risible, absurde, on barbote dans le non-sens, dans la contre-vérité historique, dans le déni scientifique, mais nos vierges folles n'en ont rien à faire : seule compte la réaffirmation de la foi qu'elles affichent en leur christ innombrable. Elles trépignent devant leur miroir, elles se veulent pures absolument. Et, bien entendu, chacun comprend que ce sont elles qui ont peur de ces étrangers qui les fascinent. Sinon, pourquoi joindraient-elles les mains à chaque fois qu'ils élèvent la voix et montrent les dents ?

On plaisante, on rigole... Mais enfin, remontez dans ce billet et relisez la partie en italique : vous ne rirez plus tant que ça. Nous sommes par nature des esclavagistes, nous n'avons fait à peu près que cela depuis deux mille ans. Ah ! non : nous sommes aussi des pseudo-savants. Je suppose que, dans le cerveau de Mme Clomani, cela signifie que nous avons inventé une pseudo-médecine (à laquelle se soumettent les gentils dirigeants africains au moindre bobo), une pseudo-philosophie, etc., et que nous avons, nous et nous seuls, pseudo-aboli l'esclavage, précisément. Et Jean-Sébastien Bach ou Arnold Schönberg doivent eux-mêmes être de pseudo-musiciens, incapables d'utiliser le Koral et le balafon. Du reste, le SIDA n'est-il pas une pseudo-maladie inventée par les vilains blancs, si l'on se réfère aux plus hautes autorités d'Afrique du Sud ?

J'ai l'air de plaisanter, comme ça, mais ces vieilles dames bien nourries me dépriment profondément, en fait. Je vais reprendre une bière, tiens.

jeudi 22 juillet 2010

L'été est mort tout enneigé...

Il y a des jours comme ce soir où la nature s'offre un caprice. Pendant quelques heures – et c'est le cas en ce moment même – elle semble s'éteindre dans une molle léthargie, s'offrir une petite enclave hivernale au sein d'un été sans partage. Même les oiseaux participent à la plaisanterie, eux qui se taisent tous ensemble alors qu'il fait encore grand jour – et la brise passe au large. Tout s'immobilise, et les sens humains croient percevoir comme un parfum de neige, alors que le thermomètre mural extérieur les contredit formellement. On s'attend vaguement à des catastrophes qui n'adviendront pas, on se fait peur à peu de frais, dans toutes les acceptions de ce mot. Demain matin l'été sera probablement revenu, mais on n'est sûr de rien et on s'abstient, par une sorte de superstition élémentaire, de plastronner.

« Pour faire des Français, il faut de l'héritage et du désir... »


Une interview de Renaud Camus par Élisabeth Lévy et Cyril Bennasar. Le début est ici, et la suite (et merci à Georges pour cela).

La photo est de mon choix...

mercredi 21 juillet 2010

Mais qui a confisqué la révolution ?

Hier, dans le billet que j'ai mis en ligne ici, l'inénarrable Sarkofrance se désolait du fait que toutes les révolutions aient été dévoyées, “confisquées” (c'était son mot) et que, donc, au lieu de déboucher sur un avenir radieux, elles n'entraînaient que les plus odieuses dictatures. Du coup, bien entendu, il trépignait contre les confisquateurs en question. Or, bien entendu, ces confisquateurs n'ont jamais existé, chaque révolution portant en elle-même la dictature qu'elle implique. Mais, recrutant ses adhérents de manière parfaitement irrationnelle, religieuse, elle les transforme en automates mortifères. Ainsi Le Coucou, pourtant garçon mesuré et intelligent, justifie la Terreur (en commentaire) par je ne sais quel danger qu'aurait couru la Révolution française. Or, il me semble évident que cette même terreur était induite par la Révolution même ; par le fait que les révolutionnaires tablent sur l'Homme, avec une H majuscule, c'est-à-dire sur un individu abstrait, n'ayant jamais existé. Et lorsque le chef révolutionnaire s'aperçoit (assez vite généralement) que le peuple refuse de correspondre aux textes qu'il a écrits et auxquels il se réfère, il se fâche tout rouge, et la répression arrive.

Mais revenons à notre ami Sarkofrance et à ses révolutions confisquées. On va lui apprendre l'histoire, à ce pignouf. Le 18 janvier 1918, les membres de l'Assemblée constituante russe se retrouvent à Pétrograd (Saint-Pétersbourg). Il y a là 707 députés, dont 370 socialistes-révolutionnaires, 40 socialistes-révolutionnaires de gauche, 170 bolcheviques et 34 menchéviques, plus une centaines appartenant à de petits partis. Bref, les SR ont la majorité absolue, ils vont pouvoir travailler, les bolcheviks ont perdu la bataille...

Que fait Lénine, alors ? Au matin du 19 janvier, se découvrant minoritaire, il fait disperser par la force cette assemblée constituante : la démocratie, en URSS aura duré vingt-quatre heures.

Qui, mon cher Sarkofrance, a instauré la dictature ? Qui a “confisqué” la révolution sinon Lénine lui-même ? Qui s'est comporté comme un Pinochet au petit pied ? Et qui, dès le 20 décembre 1917, sinon Lénine et Trotsky, avait déjà créé la Tchéka, police politique destinée à traquer les opposants politiques (SR, Menchéviks, démocrates, etc.) ?

On ne confisque jamais une révolution – le réel a toujours tôt fait de la rattraper et de la transformer en ce qu'elle est naturellement : une dictature au nom du Bien, une terreur ayant la pureté pour masque. Tout révolutionnaire devrait être passé par les armes dès qu'il est repéré comme tel : c'est le meilleur et plus court moyen d'éviter les centaines de milliers de morts que sa terrifiante bonté va inévitablement entraîner.

mardi 20 juillet 2010

Les joies de la guerre civile : c'est pour bientôt

Ce qui est bien, c'est que l'on n'a plus grand-chose à dire : il suffit de regarder, d'écouter ce qui ne se dit pas et d'attendre l'épisode suivant. Il y a deux ou trois ans, quand je prononçais les mots de “guerre civile”, on me riait au nez – et on n'avait pas encore vraiment tort. Et puis les mois ont passé...

Saint-Aignan. Dans le Loir-et-Cher. France profonde. France tranquille. Avant hier. Les “gens du voyage” foutent le feu, pourrissent la vie de Pierre et de Paul – je ne vous résume pas les faits, vous les connaissez comme moi. Impossible à dire, évidemment : les romanos ne doivent pas être stigmatisés. Du reste, vous remarquerez que personne ne se hasarderait à stigmatiser ces espèces d'anges descendus sur terre.

En revanche, tentez de faire ami-ami avec n'importe quel gendarme, en lui promettant que vous ne répéterez à personne ce qu'il va vous dire – faites-lui même une petite pipe pour le mettre en confiance. Et, ensuite, demandez-lui ce qui se passe dans les régions où il a officié lorsque les romanos se sont pointés.

Il va vous expliquer (après avoir vérifié qu'il n'y a de caméra nulle part) que le moindre passage des gens “du voyage” dans une région donnée entraîne mécaniquement une augmentation des vols de voitures, des cambriolages de maisons, etc., mais qu'il n'a pas le droit de vous le dire.

De même, mon beau-fils, parfaitement de gauche et anti-sarkozyste, vous expliquera ce qu'il en coûte à un clown, un jongleur, un comédien de rue, de vouloir continuer à gagner sa croûte dans une ville du sud de la France où les Gitans débarquent : il vaut mieux n'avoir pas peur des couteaux qui jaillissent.

Maintenant, j'aimerais que l'on m'explique comment et pourquoi nous ne serions pas au bord de la guerre civile, quand des bandes ethniques se rassemblent pour défendre un ignoble malfrat, sous le simple prétexte qu'il était (de son vivant) aussi noir et africain qu'eux ? Et qu'elles déclarent qu'elles vont casser de l'Européen, du Français, du blanc, simplement parce que notre police a éliminé un truand qui leur tirait dessus à vue ?

Expliquez-moi comment ces répugnants et violents zoulous ne jettent pas l'opprobre sur les immigrés qui les ont précédés dans ce pays ? Quelles bandes de Portugais dans les années soixante ou d'Italiens vingt ans plus tôt, et quels Algériens ou Marocains des années 70 se seraient comportés de cette manière, tous groupés derrière ces voyous ignobles ? Lesquels ?

Aucun, évidemment. Mais il est vrai qu'à cette époque, aucun Français ne se serait à-plat-ventré devant ces figures faussement christiques. Personne, dans la gauche de cette époque, n'aurait osé être aussi raciste que les communistes d'aujourd'hui, et leurs petits alliés. Dans ma jeunesse, il n'y avait pas de Céleste, pas de Circé, aucune de ces vieilles dames terrifiées d'elles-mêmes, de leur âge, et du monde qui leur échappe.

Enfin, pour finir, je crains que le sang sourde un de ces jours. Je ne le souhaite pas, mais j'ai les yeux ouverts.

Quand les blogueurs de gauche s'essaient à l'expression populaire

Eh bien, ça donne ceci :

L'affaire Woerth-Sarkozy-Bettencourt oeuvre comme un vase jeté dans une jarre déjà pleine.

Chez le même, on se demande avec gravité si la révolution est pour demain, oui ou merde. C'est un classique : quand un blogueur de gauche a une minute devant lui, il consulte la météo des révolutions – ne serait-ce que pour prévoir comment s'habiller le lendemain (qui chante). Car, c'est sûr, ça ne peut plus continuer comme ça. Notez que ce qui inquiète notre enthousiaste ami, ce n'est pas du tout qu'une bande de romanos puisse mettre à sac tout un village et planter le siège devant sa gendarmerie ; non plus que des zoulous déchaînés tentent de raser leur propre ville sous prétexte qu'un malfrat surarmé s'est fait descendre par les forces de l'ordre. Non, non, ses motifs d'inquiétude et ses espérances de Grand Soir procèdent d'un motif infiniment plus grave que ces petits faits divers sans importance ni signification aucune : il s'agit de rien de moins que des dérives pinochétiques de l'apprenti führer, du caudillito qui nous sert de président de la République – du lourd, quoi.

Malheureusement, sa ferveur barricadière bascule rapidement dans la mélancolie, lorsqu'il constate que le peuple ne semble pas encore tout à fait persuadé de devoir foutre le vieux monde dans un sac poubelle, malgré l'effroyable dictature qui se déploie sous son pif tuméfié et bourgeonneux. Salaud de peuple, va ! On va lui apprendre à vivre, à celui-là, et et lui montrer le sens de l'avenir radieux à lui en exploser les prunelles.

Et croyez-moi, pour parler comme ce bon Juan : on ne va pas y aller avec le dos de la main morte.

lundi 19 juillet 2010

Estivants de force 6-7

J'ai eu l'occasion de dire, il y a peu, l'enthousiasme pour le moins mitigé que m'inspiraient les mois d'été, dans quoi nous barbotons présentement et pour encore un grand bout de temps. On avait compris qu'outre la chaleur, ce qui m'y dérangeait le plus était leur côté période estivale.

Ce matin, Nicolas piquait un coup de sang (avant, j'imagine, de reprendre une bière), à propos de ces fâcheux qui, soixante jours durant, ne sont plus capable de vous entretenir que de leurs vacances, passées ou à venir. Il a raison, même s'il ne va pas assez loin dans la détestation atrabilaire. Car il existe un moyen radical pour obvier à ces dangers qu'il évoque, et c'est que les gens ne partent plus en vacances. Plus du tout. Jamais. Ou alors de façon extrêmement minoritaire – juste les riches, en un mot, comme ç'a toujours été le cas dans les époques précédant la nôtre. Il ne s'agit bien entendu pas de supprimer les vacances à tous les autres : on n'est pas dingue ni suicidaire. Non, il suffirait simplement d'abolir les congés payés. Ou, plus exactement, de conserver l'aspect congés, mais en leur ôtant leur côté payé. En clair, de faire avec les vacances ce qui ne va pas manquer de se passer avec les retraites et les soins médicaux : substituer aux vacances par répartition des vacances par capitalisation : tous les mois tu mets cinquante euros dans le petit cochon en terre cuite, au bout d'un an tu as gagné le droit de rejoindre tes voisins de palier sur une plage bondée. Si t'as tout bu à mesure, tu restes à la maison.

Je vois un avantage immédiat au système préconisé ici : comme plus personne ou presque n'aura les moyens de partir (comme ils disent) – car le pauvre est inconséquent par nature, sinon il serait riche –, les populations des cités (toujours comme ils disent) qui, elles, ne les ont jamais eus, les moyens, ne seront plus stigmatisées (comme ils...) : parfait égalitarisme républicain.

Et puis, quoi ? Que cherche-t-il, au fond, le vacancier de base ? Je ne parle pas des ravagé(e)s de la modernance qui partent à l'autre bout du monde pour laver leurs moignons aux lépreux exotiques, mais du mimile de modèle courant, qualité France, estampillé saucisson-pinard. Il veut quoi, Mimile ? Tout le monde le sait bien : retrouver les têtes auxquelles il est habitué, dans un espace familier et aussi confiné que possible.

Eh bien, nul besoin de vacances ni de plages. Pour ça, il y a les cages d'escalier, le Super U, le local aux poubelles. Et le pastis sur le toit en terrasse, entre les cordes à linge et l'antenne collective.

Donc, les gens, arrêtez de faire chier Nicolas avec vos histoires de vacances.

dimanche 18 juillet 2010

Finalement c'est très bien, la censure...

Si on m'avait dit qu'un jour... Enfin voilà, c'est arrivé. Depuis les raids débiles de l'autre frustrée du bilboquet, la modération des commentaires est active, et je m'en porte fort bien. Au point que je vais sans doute la maintenir même si la folle ne revient pas. Car je suis bien obligé de constater que je prends un assez fort plaisir à jouer des ciseaux. Un anonyme insultant ? Tchak ! Un anonyme complètement imbitable ou hors sujet ? Tchak aussi ! Un anonyme ni insultant ni imbitable ni hors sujet mais anonyme ? Tchak encore ! Désormais, si on veut se payer ma fiole et que le commentaire paraisse, il faudra d'une part le signer et d'autre part se casser un peu la cafetière pour qu'il soit pertinent, drôle, lestement troussé. Sinon ? Tchak !

Alors, oui, je sais bien ce qu'on va me dire et qui va le dire : la modération, ça tue l'esprit de conversation. À cela et ceux-là, je répondrai que ce blog n'est pas une salle d'attente de gynécologue, qu'on n'est pas là pour papoter entre soi mais pour admirer sans réserve le monsieur en blouse blanche qui règne derrière la porte close. De la révérence, bordel ! De la componction, foutredieu ! Et qu'on ne mégote nullement sur l'obséquiosité ni la flagornerie, par la mâle peste !

La blogosphère m'a rendu fou, qu'on en tienne compte... Je suis le seigneur de ce château...

Devenez mes sujets fidèles
Leur avait écrit le sultan...

samedi 17 juillet 2010

Dans lequel Didier Goux confesse sa profonde bêtise

Pour des raisons qui m'échappent totalement aujourd'hui, j'ai passé environ trente ans de ma vie dans l'idée que je détestais la musique symphonique du XIXe siècle et du premier XXe, et plus particulièrement les compositeurs russes : seuls Moussorgsky et Stravinsky trouvaient grâce à mes oreilles.

Or, dans mon iPod sont entreposées quinze symphonies de Chostakovitch, et des concertos, et des pièces pour piano, et aussi d'autres de Prokoviev, Scriabine, Rachmaninov, and so on. Il se trouve que, depuis une semaine ou deux, je me gorge des symphonies de Chostakovitch – et que j'ai de plus en plus de mal à comprendre ce Didier Goux qui faisait profession de le détester. À la lettre, je ne me comprends plus.

Pour autant, je crois savoir comment j'en suis venu à écouter et aimer ces musiciens : je les ai contournés. Je suis passé de Beethoven à Varèse (et Schönberg, et d'autres, plus contemporains encore) directement, mais avec beaucoup d'efforts. Je sais bien qu'on va me prendre pour un con, mais il est des musiciens que j'ai mis dix ans à apprivoiser, à écouter sans le moindre plaisir, à petites doses, en n'entendant rien, au début ; en grinçant des dents. Et puis, petit à petit, une sorte d'aurore...

Bien que ne comprenant rien à ce que j'écoutais (et pas davantage aujourd'hui, je le crains), je me familiarisais. Et, du coup, l'envie m'est venue de remonter le temps, de combler ce “trou noir” dont je viens de parler. Grâce à un raisonnement sans doute stupide : tu es capable d'écouter les symphonies de Beethoven et America d'Edgard Varèse : pourquoi pas l'entre-deux ? Pourquoi pas Mahler, par exemple ? Et, donc, j'ai écouté les symphonies de Mahler. Et je n'ai plus compris pourquoi ni comment j'avais pu faire pour ne pas aimer cette musique. Et, depuis quelques semaines, il se passe la même chose avec les symphonies de Chostakovitch. Ne vous attendez pas à ce que j'en dise des choses intelligentes : hormis la 13e, celle avec chœur et voix de basse, les autres, écoutées dans le désordre, forment dans mon cerveau une gabegie indiscernable, une bouillie sonore qui s'ordonnera en son temps. – Mais je suis extrêmement content de ce champ qui s'ouvre.

Sinon, pour justifier le libellé “Frasques d'Irrempe”, ceci : tout à l'heure, sirotant un apéritif modeste, Catherine me parlait des HLM d'Étouvie (banlieue d'Amiens) où sa famille a vécu quelque temps au tournant des années 60-70. Elle me disait : « Je me demande ce que sont devenus ces HLM... » Comme je lui faisais remarquer qu'on le savait très bien, ce qu'ils étaient devenus, compte tenu des gens qui les habitaient aujourd'hui, elle ajoutait : « À l'époque, au centre d'Étouvie, il y avait des Arabes... » Et d'ajouter : « Mais des Arabes normaux, ceux de notre époque... »

Tout était dit.

Pour rester dans le domaine des “Frasques”, il y a une heure ou deux Catherine s'inquiétait de savoir si nous étions encore capables de nous faire rire mutuellement, comme au début. Qu'elle soit rassurée, en ce qui la concerne : la réponse est oui.

vendredi 16 juillet 2010

Elle est trop forte, la Sylvie !

C'est bien la preuve, irréfutable, que je ne lis jamais Le Monde, et fort distraitement les autres follicules qui passent devant mes yeux : le quotidien de révérence, comme l'appelait Philippe Muray, a changé de directeur de la rédaction en janvier dernier et je ne m'en suis avisé que tout à l'heure. Vous me direz : qu'en a-t-on à foutre ? Normalement rien, en effet, sauf que le nouveau directeur est une directrice et qu'elle s'appelle Sylvie Kauffmann.

Dans les années 1978 - 1983 (à peu près) Sylvie et moi avons été très liés : il s'agissait de liens amicaux, ne commencez pas. En dehors d'être très belle et presque aussi intelligente que moi, Sylvie avait une qualité assez rare chez les femmes : elle était d'une irrésistible drôlerie, et nous fûmes un certain nombre à n'y pas résister en effet. Les liens dont je parlais se sont établis alors que nous étions encore au CFJ. Je me souviens que nous sommes allés un jour, pour l'un de ces “journaux-écoles” que l'on nous faisait fabriquer en temps réel, en reportage ensemble aux usines Renault de Flins, lesquelles étaient en grève et occupées. C'est elle qui a fait tout le boulot, notamment celui de nous faire entrer dans l'usine alors que les vigiles venaient de nous l'interdire formellement. Moi, je me contentais de la suivre et de noter les réponses aux questions qu'elle posait. Résultat, 30 ans plus tard : elle dirige le navire amiral et je turbine dans les soutes.

La période où nous fûmes sans doute le plus proche est l'année 1980. Sylvie travaillait à l'AFP, de six heures du soir à minuit. Environ une fois par semaine, j'allais la chercher place de la Bourse et nous allions tous les deux souper à L'Hippopotamus – parce que c'était à côté, pas trop cher et qu'on y servait encore à minuit et demie. Je ne me souviens pas m'être jamais ennuyé une seconde avec Sylvie, ni d'avoir eu quoi que ce soit à lui reprocher, sur le chapitre de cette amitié. Laquelle a pourtant fini par s'éteindre lorsque je me suis retrouvé tout seul dedans, à la suite d'une désertion de l'autre partie, nommée au bureau londonien de l'AFP.

Nous avons plus ou moins tenté de renouer les fils en 1986, suite à la mort de Philippe Bernalin, qui était aussi de son “fan club”, mais ça n'a duré que quelques mois avant que Sylvie ne prenne à nouveau la tangente – cette fois parce qu'elle venait d'être envoyée à Washington.

J'aimais beaucoup Sylvie Kauffmann. D'ailleurs, voilà plus de vingt ans que nous ne nous sommes vus, et je l'aime toujours beaucoup. De plus, bravant le ridicule, j'affirme que je suis très fier d'elle.

jeudi 15 juillet 2010

Kolyma, III : la comparaison n'est pas de moi...

Voici ce qu'écrit Varlam Chalamov, dans la section de ses Récits de la Kolyma intitulée Essais sur le monde du crime (page 923 de cette édition Verdier que je ne me lasse pas de recommander aussi vivement que possible). Pour en finir – ou tenter de – avec cette fascination malsaine et dangereusement puérile qu'exercent encore les “grands” bandits sur certains esprits faibles ou mal arrimés :

« Dans le code moral des truands, comme dans le Coran, on proclame son mépris à l'égard de la femme. La femme est un être méprisable, inférieur, qui ne mérite que des coups et n'est pas digne de pitié. Cela vaut pour toutes les femmes : une représentante de l'autre univers, du monde étranger aux truands, est également méprisée par eux. Les viols “en chœur” ne sont pas chose si rare dans les gisements de l'Extrême-Nord. Les gradés ne laissent pas leurs épouses se déplacer sans la protection d'une escorte : une femme ne va nulle part toute seule, ni à pied ni en voiture. On protège de la même façon les petits enfants : corrompre une petite fille est le rêve de tous les truands. Un rêve qui devient parfois réalité.

« Le truand est élevé dans le mépris des femmes dès ses jeunes années. Il frappe si souvent sa compagne prostituée que celle-ci, dit-on, ne ressent pleinement les plaisirs de l'amour que si elle a reçu sa ration de coups. Les tendances sadiques sont enseignées par l'éthique même de l'univers des truands.

« Le truand ne doit éprouver aucun sentiment de camaraderie ou d'amitié à l'égard d'une “bonne femme”. Il ne doit manifester non plus aucune pitié envers l'objet de ses divertissements souterrains. Il ne peut donc y avoir aucune justice dans ses relations avec les femmes de son propre univers : la question féminine ne franchit pas le seuil de la “zone” éthique des truands.

« Cependant, il existe une exception à cette règle sinistre : il est une femme, une seule, qui est, non seulement protégée contre toute atteinte à son honneur, mais en outre placée sur un piédestal. Une femme poétisée par les truands, célébrée avec lyrisme, l'héroïne du folklore de nombreuses générations.

« Cette femme, c'est la mère du voleur.

« L'imagination du voleur construit un monde mauvais et hostile qui le cerne de toutes parts. Et, dans cet univers peuplé d'ennemis, un seul personnage lumineux est digne d'un amour pur, de respect et d'adoration. C'est la mère.

« Un culte de la mère allié à un mépris haineux de la femme : ainsi s'exprime, avec tout le sentimentalisme de la prison, l'éthique du criminel à l'égard de la question féminine. »

mercredi 14 juillet 2010

Les mornes joies de trollus herpes simplex

La grande famille des trolls se divise en plusieurs sous-espèces, dont celle qui m'est échue n'est pas la moins divertissante : le trollus herpes simplex, dit encore “bouton de fièvre” ou “feu sauvage”. Il affecte principalement les sites capables, pour une raison ou une autre, de susciter la basse jalousie du virus. Lequel alors vient se loger au cœur du blog en question, afin de l'infecter régulièrement de disgracieux bubons, heureusement sans aucune nocivité et fort peu douloureux. Au bout d'un moment, l'organisme sécrète un anticorps (encore appelé “modération des commentaires”) et trollus herpes simplex disparaît à nouveau dans les profondeurs du blogorganisme-hôte. Pour réapparaître dès qu'il pensera – à juste titre – que tout le monde a oublié sa morne existence végétative.

Plaisanterie à part, la pitoyable créature qui régulièrement vient déposer ses petites crottes le long de ce blog, dans l'espoir j'imagine d'y marquer un hypothétique territoire, ne me dérange nullement. Nettement moins qu'un véritable bouton de fièvre en tout cas. Mais j'ai cru comprendre que ses multiples contributions à l'intelligence générale de l'humanité agaçaient ceux d'entre vous qui ont cette curieuse manie de “s'abonner aux flux RSS”.

Par conséquent, et jusqu'à nouvel ordre, on va lui remettre un petit coup de Baygon vert dans les naseaux. En attendant de disposer d'armes mieux adaptées à son cas, ce qui ne devrait trop tarder.

Car je suis assez immunocompétent, comme gars.

mardi 13 juillet 2010

Vous l'avez constaté comme moi...


Hier soir Nicolas Sarkozy causait dans le poste, et toutes les blogo-perruches en claquaient du bec de fureur dans leurs cages.

Ce matin j'étais à Neuilly-sur-Seine, et je n'ai pas très envie d'en parler.

Cet après-midi j'étais chez le vétérinaire, et il n'y a vraiment rien à en dire.

Demain des armées africaines vont descendre les Champs-Élysées, et c'est trop grotesque pour ne pas s'imposer le silence.

Après-demain notre petite vie siesteuse reprendra sa course nonchalante vers l'abîme.

Pourvu qu'il n'y ait pas trop de bouchons sur la pente.

lundi 12 juillet 2010

Une tapette dans chaque pièce (billet vrombissant)

Il y a une ethnie de mouches – je suppose que l'interdiction du mot “race” sévit chez elles aussi – qui m'horripile tout particulièrement, en raison du caractère profondément vicieux et faux de ses membres. Mais, avant d'entrer dans le vif de mon sujet, quelques considérations liminaires s'imposent.

Chaque été, à l'heure où les asticots cessent de l'être pour se transformer en vrombissants muscidés, l'Irremplaçable et moi remontons les tapettes du sous-sol : j'en avais acheté tout un stock au Carrefour le plus proche, il y a au moins trois ou quatre ans, et, depuis, on vit sur cet acquis. On en dispose une ou deux par pièce, et le carnage commence qui durera jusqu'aux premières gelées.

Généralement, les mouches consentent assez volontiers à se laisser occire. Peut-être même les rares survivantes s'amusent-elles du brusque sursaut des chiens à chaque fois que la tapette claque sur l'accoudoir du fauteuil ou le plat de la table. Seulement, il y a cette ethnie vicieuse et fausse à laquelle je faisais allusion en ouverture : celle des mouches qui ne se posent que sur le bras dont la main tient la tapette, enfermant du même coup le prédateur dans une impuissance risible et rageuse – on a presque l'impression, certains soirs particulièrement sereins et calmes, de les entendre ricaner.

Du reste, j'ai remarqué que la paranoïa du chasseur de mouches a tendance à augmenter, à mesure que la saison avance en âge. Vers la fin du mois d'août, il devient tout à fait persuadé que si un frelon s'aventure dans la maison c'est qu'il a été mandaté par leurs majestés les mouches, lesquelles savent fort bien – vous pensez ! – que leur prédateur bipède a une trouille aussi bleue qu'irraisonnée de ces B 52 à rayures. Vers la mi-septembre, il en arrive à se convaincre que les insectes ont parfaitement identifié ses instruments de mort subite et qu'ils prennent un malin plaisir à venir bourdonner de chaque côté de ses oreilles lorsqu'ils aperçoivent l'arme hors de sa portée – pour redevenir cois et silencieux dès lors qu'il l'a empoignée.

Il n'est d'ailleurs par rare qu'à ce moment précis elles émigrent toutes vers l'écran de télévision allumé, pour se poser sur le visage de la pure et virginale actrice, afin d'en souiller l'incarnat de deux ou trois mouches baladeuses et non voulues par la maquilleuse en chef.

dimanche 11 juillet 2010

Le bon lecteur est-il un schizophrène ?

Il y a des livres – la majorité sans doute – que l'on peut se contenter de lire, par une simple opération de transvasement de leur contenu. Il en est d'autres qu'il convient de se lire. Il ne s'agit pas de le faire à haute voix, à la saint Ambroise (encore que...), mais plutôt de faire en sorte que l'esprit se dédouble avec suffisamment de netteté, d'autorité sur lui-même, pour qu'une partie de lui en arrive à lire les phrases à l'autre, à les lui faire découvrir – j'ai du mal à être plus clair. Celui de vous qui lit, je le vois debout, le volume ouvert sur la paume de la main, cependant que l'autre, en position assise, non seulement l'écoute mais le regarde. Cette opération mentale, au prix d'une lecture plus lente, et même plus laborieuse en un certain sens, interdit alors toute distraction, tout glissement, toute accélération inconsidérée, toute approximation. Elle fait sonner silencieusement les mots et les phrases, rendant celles-ci beaucoup plus plastiques, presque charnelles.

Bernanos fait à l'évidence partie de cette seconde catégorie. Proust aussi, naturellement. Sans doute Chateaubriand. Mais Balzac non ; ni Flaubert, plus curieusement. Et ne me demandez surtout pas de m'expliquer : on est tout de même dimanche...

samedi 10 juillet 2010

Les lendemains de la mort

Au lendemain de la mort d'un être ayant compté pour nous – mais à condition qu'il ne nous soit pas trop proche tout de même –, ou de l'annonce de celle-ci, vient se mêler au chagrin, toujours présent, un appétit renouvelé et accru pour la vie qui va, celle qui s'écoule sans que nous ayons à y penser plus que cela. Tout ce qui se laisse oublier les jours ordinaires prend maintenant un relief particulier, dont on sait bien qu'il ne durera pas. C'est le plaisir de constater au thermomètre mural que la température a baissé de quelques degrés par rapport à hier, et qu'une brise inattentive fait bruisser les branches des sureaux qui ont poussé dans l'épaisseur de la haie mitoyenne ; ce sont ces deux petits papillons blancs dont le volètement devient de la danse, en raison de la parfaite symétrie de leurs arabesques compliquées ; c'est même le plaisir étrange, un peu bête, qui vous gonfle la poitrine durant une seconde, que l'on éprouve à se dire : « Tiens ? Il est déjà onze heures ! » – et il nous vient des envies de relire tel poème de Verlaine, un ou deux paragraphes de Proust, et des désirs de clarinette mozartienne. Mais, par instants, on se trouve aussi cinglé par la honte de se rouler ainsi dans l'existence, quand justement l'autre... Néanmoins, l'appétit est toujours là, discret mais tenace, attendant son heure, tandis que les nuages semblent ralentir leur cheminement d'ouest en est afin de nous laisser le temps de jouir de leur passage.

vendredi 9 juillet 2010

Entre ici, Jean-Philippe Chatrier !

Il est entré à France Dimanche en 1990 ou 1991, je ne me souviens pas et m'en fous. La veille de son arrivée, notre rédactrice en chef était venue nous prévenir (c'est-à-dire, en pratique, surtout moi), de ce ton inimitable de bourgeoise fraîchement promue qui était le sien : « Vous allez avoir un nouveau rewriter. Il s'appelle Jean-Philippe Chatrier, il est d'excellente famille, c'est le fils de Philippe Chatrier. Donc, si vous pouviez éviter vos grossièretés habituelles... » Jean-Philippe n'était pas là depuis une heure que je l'abreuvais des grossièretés redoutées. Il a ri et a enchaîné sur quelques répliques d'Audiard, dont il connaissait tous les films par cœur (il a, ensuite, écrit une pièce de théâtre faite uniquement de répliques audiardesques), avec ce sourire qui le ramenait chaque fois vers l'enfant qu'il fut : de fait, par ce sourire peut-être, nous sommes instantanément devenus amis d'enfance.

Jean-Philippe a passé cinq ou six ans à France Dimanche, je ne sais plus. Son plus haut fait d'armes est de nous avoir fait découvrir la Famous Grouse, whisky certes assez “peuple” mais d'un imbattable rapport qualité/prix, dont, les années suivant son arrivée parmi nous, nous avons fait assez large usage, chaque jour lorsque six heures sonnaient au clocher absent. Travailler au bureau voisin du sien faisait que, le matin, j'avais presque envie que le métro m'emmène un peu plus vite de Charenton-le-Pont à Neuilly-sur-Seine, puis à Levallois-Perret au bout d'un ou deux ans.

Jean-Philippe Chatrier était-il journaliste ? Oui et non. Il était ce qu'il voulait. Il avait commencé comme auteur-compositeur-interprète de chansons : de la chanson “à texte” comme on disait au temps de notre jeunesse commune (jusqu'à mardi dernier, Jean-Philippe Chatrier avait mon âge). “Exécrable”, se jugeait-il lui-même, avec cette distance indulgente et goguenarde qu'il tenait sans doute de sa mère anglaise, elle-même joueuse de tennis réputée en sa jeunesse. Ensuite, il avait fait acteur. Chez Lelouch, notamment : il a joué dans une dizaine de ses films (le fils de Belmondo dans Itinéraire d'un enfant gâté, c'est lui), et lui en a même écrit un, mais je ne sais plus lequel.

Il s'était fait journaliste (et écrivain) pour faire bouillir cette damnée marmite qui, chez lui, était irrémédiablement percée. Car, comme tous les flamboyants, le garçon flambait : vu par son banquier, il vivait avec trois mois de retard ; considéré par moi, il avait toujours trois coups d'avance – des coups délicieusement foireux et drôles.

En dehors de cela, Jean-Philippe Chatrier est le seul homme de ma connaissance capable de vous dire sans une omission le discours de Malraux pour l'arrivée au Panthéon des cendres de Jean Moulin, puis d'enchaîner, avec son merveilleux accent anglais, sur la Gettysburg Address d'Abraham Lincoln. Enfin de reprendre un whisky Famous Grouse avant, nous quittant le bureau du rewriting, d'enchaîner sur sa deuxième journée de travail, puisqu'il empilait les commandes, les articles, les livres de nègre, à seule fin d'apaiser l'ire comptable de son banquier.

Lorsqu'il a quitté France Dimanche, fin 1996 ou début 1997, c'est évidement moi qui ai prononcé le discours d'adieu (qui d'autre aurait pu ?), et je l'ai fait en parodie d'André Malraux, comme il se devait : « Monsieur le président de la République... Voilà donc plus de cinq ans que Jean-Philippe Chatrier fut parachuté sur cette rédaction... », etc.

À cette époque, la plus abondamment bénie de ma vie, Yves Josso était le patron du rewriting. C'est lui qui m'a appelé, en milieu d'après-midi, aujourd'hui, pour m'apprendre que ce crétin de Chatrier avait disputé la partie de tennis de trop, mardi dernier, et que la crise cardiaque en ricanait encore. Né du tennis, tué par lui : il aurait sans doute trouvé cela un peu trop too much.

Ce soir, au retour, j'ai remisé momentanément Proust et Dussolier et j'ai écouté le Requiem de Duruflé – deux fois, même, car l'œuvre est courte et le trajet fut long. Il doit bien y avoir une demi-douzaine de requiems dans mon iPod, mais j'ai choisi celui-là. Parce que, dans ces années où nous étions amis d'enfance et presque encore jeunes, Chatrier m'avait parlé de cette lointaine amie qu'il avait eue, laquelle ne connaissait pas de plus haut plaisir que de se faire sodomiser en écoutant ce requiem-là. Exigence qui ne le transportait guère lui-même (à cause de la sodomie, pas de Duruflé), mais à laquelle il se prêtait pourtant. « Tu comprends, m'avait-il dit, si on a l'occasion de faire plaisir... Et puis, il faut bien que tout le monde s'amuse ! »

Jean-Philippe Chatrier fut un homme sachant vivre.

jeudi 8 juillet 2010

Marcel Proust deviendra-t-il chroniqueur à France Inter ?

J'ai bien conscience de l'avantage qui est le mien : mes deux heures de trajet pour aller travailler, je les fais dans ma voiture (climatisée), seul, en compagnie de mon iPod, et non compressé par des dizaines de pue-la-sueur sinistres, dont beaucoup de nègres et d'arabes (c'est fait exprès : gentil comme je suis, je tiens à ce que les cons n'aient pas à fournir l'effort intellectuel de changer d'avis à mon sujet).

J'ai donc continué, ce matin (à l'aller) et ce soir (au retour de dure prison / où j'ai laissé presque la vie) d'écouter Dussolier me dérouler Combray. Et, une fois de plus, m'a sauté au cerveau l'humour irrésistible de Marcel Proust, lorsqu'il déploie son “jardin japonais”. J'ai même éclaté de rire, dans un bouchon (à l'endroit où l'A 14 rejoint l'A 13), et je suppose que mes voisins d'empêchement automobile devaient me croire branché sur Rires et chansons – ou quelque chose comme ça.

Et, soudain, la circulation reprenant, j'ai pensé à Stéphane Guillon, et je l'ai mis en face de Marcel Proust : la voiture, quand on y est seul, produit de ces effets étranges. Personne n'a davantage d'humour que Proust, et aucun humour n'est plus agissant que le sien. Pourquoi ? Parce qu'il a la très exacte distance qui déclenche un rire intelligent et chaud. Pourquoi chaud ? Parce que que Marcel Proust n'est fait que de bonté lorsqu'il sourit de gens qui lui sont inférieurs. Et aussi parce qu'il ne les voit pas comme inférieurs à lui. Plus son regard est aigu, plus sa bonté se répand, enrobe, et finalement élève.

Stéphane Guillon, c'est juste le contraire : une petite vipère inintelligente, inculte, mesquine, laide, frénétique de reconnaissance, probablement avide d'argent, agitée, sans talent, brûlée de ressentiment, snob, aspirant au martyre frelaté, agenouillée devant les puissances – et, quoi qu'il en soit, sinistrement pas drôle : un petit personnage que Chalamov aurait bien pu intégrer dans ses Récits. Du reste, il y a des guillons (l'absence de majuscule et le "s" final sont voulus : guillon est un nom commun) chez Chalamov. Ils sont grimaçants et mortifères lorsque le nôtre n'est que grotesque. Ils ricanent et grincent (et tuent, si on les en prie avec un peu d'insistance), quand Proust déploie ce qui, dans l'esprit de quelques-uns, restera comme une trace de l'humour français. Mais changez les époques, amenez la guerre, ouvrez des camps – c'est-à-dire poussez un peu plus avant la tendance de ce monde : les guillons trouveront à s'employer, ne soyez pas inquiets pour eux.

Pour répondre à la question posée par le titre, la réponse est bien sûr non : votre Guillon a déclaré, décrété, que France Inter était une radio “de gauche” (mais financée par tous, notez bien). On n'y trouvera donc jamais que des guillons, des portes, des morels. Et d'autres à venir, aussi cafards, aussi portés à l'à-plat-ventrisme rebelle.

Kolyma, II : Rééducator


« La détention en camp est une chose atroce qu'aucun homme ne devrait jamais connaître. L'expérience du camp est, à chaque instant, absolument négative. L'homme n'y fait que devenir plus mauvais. Il ne saurait en être autrement. Au camp, il se passe des choses dont un homme ne devrait jamais être témoin. Mais voir la fange de la vie n'est pas le plus effroyable. Le pire, c'est quand l'homme commence à sentir cette fange s'infiltrer dans sa propre vie – et pour toujours –, quand il emprunte ses repères moraux à son expérience du camp, quand son existence est réglée par la morale des truands. Quand la raison non seulement sert à justifier ce comportement engendré par le camp, mais s'est mise au service de ce dernier. Je connais beaucoup d'intellectuels, et pas uniquement des intellectuels, qui ont secrètement adopté les limites morales des truands dans leur conduite d'hommes libres. Dans la bataille qui a opposé ces hommes au camp, c'est le camp qui a gagné. Ils ont adopté la morale : « Il vaut mieux voler que demander » ; à l'instar des truands, ils se sont mis à faire la différence entre ration personnelle et ration d'État et se sont permis une attitude trop libre à l'égard de ce qui fait partie des biens publics. Il y a beaucoup d'exemples d'avilissement au camp. Garder des frontières morales, une limite, est très important pour un détenu. C'est le problème essentiel de sa vie : est-il resté un homme ou pas ? »

Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma, Verdier, p. 609.

Les grandes consciences qui ont témoigné après Auschwitz et celles qui ont écrit sur les camps communistes – soviétiques ou autres –, sont d'accord sur plusieurs points, et en particulier sur celui-ci : placés dans la situation extrême du camp, les truands révèlent à tous qu'ils ont depuis longtemps cessé d'être des hommes, et le fameux “code d'honneur” qui est censé être le leur n'a jamais existé ailleurs que dans les fantasmes de petits-bourgeois mal intellectualisés. Pas davantage le truand n'est celui qui remet en cause – à sa manière – l'ordre établi, de même que jamais nul asticot n'a contesté le fromage sur lequel il se tortille. Le truand est le plus solide soutien du régime en place, quel que soit ce régime. Les nazis ne s'y trompaient pas, qui qualifiaient ces fangeux individus de “bons Allemands”. Les communistes russes étaient entièrement d'accord avec eux : les truands étaient appelés “amis du peuple”. À ce titre, aucune sentinelle ne se serait permis d'en abattre un sans jugement, alors que c'était pratique quotidienne avec les “trotskistes”, ou plus généralement les “politiques” – lesquels, comme le souligne avec force Varlam Chalamov, étaient tout ce qu'on veut sauf politiques justement.

C'est d'ailleurs l'une des grandes différences (il y en a somme toute assez peu) entre les camps nazis et communistes : Les juifs qui furent massacrés dans les premiers l'étaient réellement, juifs. Tandis qu'aucun des millions de “trotskystes” qui ont disparu en Sibérie n'avait jamais songé à se réclamer de l'adversaire de Staline. Beaucoup d'entre eux, même, étaient avant leur arrestation des communistes de stricte orthodoxie. Mais Satan, convoqué à Moscou par Boulgakov, s'est chargé d'aplanir ce léger obstacle...

mercredi 7 juillet 2010

Kafka, Proust, Dussolier et moi-même

On est toujours récompensé d'un bon mouvement. Avant-hier, j'ai proposé à un commentateur de ce blog, qui lui-même a un blog et qui, sur celui-ci parlait de la Lettre au père, écrite par Franz Kafka en 1919, de lui faire parvenir l'enregistrement fait de celle-ci par André Dussolier. Il m'a dit oui, et je l'ai donc fait. Dans la foulée, j'ai entré ce texte dit dans mon iPod, et j'ai passé mon trajet Plessis-Levallois de ce matin à l'écouter.

André Dussolier est sans aucun doute le plus précieux des comédiens que nous ayons, dans ce pays, tant que ce pays existe encore. Il témoigne de ce que nous fûmes, il disparaîtra bien entendu dans la tourmente actuelle. Mais peu importe.

Ce soir, revenant, j'ai eu envie de rester avec lui, cette diction d'une élégance et d'une intelligence si fine, si profonde, si imperceptible... Je suis donc revenu à Proust, qu'il dit comme personne (il suffit d'écouter Lambert Wilson ou Denis Podalydès pour comprendre l'intelligence de Dussolier), et durant cette petite heure de trajet, nous fûmes tous les trois – Proust écrivant, Dussolier lisant et Goux conduisant – jusqu'au Plessis-Hébert.

M'est apparu, une fois de plus, le fait que Proust est un écrivain que l'on relit ; qu'il faut absolument relire. Dans ces quarante ou cinquante pages, que Dussolier a dites entre Levallois et Le Plessis, sont noués, présents, indiqués la plupart des grands thèmes qui vont se développer ensuite, mais que le “primo-lecteur” ne peut évidemment voir. Il se passe donc que Marcel Proust, sachant bien qu'on ne peut le pénétrer à la première lecture, n'est pas cet écrivain humble qu'il semble être dans sa correspondance : il sait, dans son œuvre même, qu'il est un écrivain d'exception – un homme supérieur.

Il y a là comme une construction wagnérienne dans ces premières pages de Combray – première partie de Du côté de chez Swann. Que s'y passe-t-il, dans ces premiers paragraphes ? Un éveil. Celui de qui ? Même pas d'une conscience. Une pure présence animale, oublieuse de ce qu'elle est, sans cerveau, une chair qui repose, qui ouvre les yeux (et même pas), le centre d'un monde indistinct, magmatique. Les premiers paragraphes de La Recherche interviennent avant la naissance du monde. Or, il se passe exactement la même chose dans les premières mesures de L'Or du Rhin : récoutez ce grondement indistinct qui préside à la Tétralogie. Et d'où, rapidement, sortent les filles du Rhin, et Alberich, et les passions, et l'or, etc. Il se passe la même chose, et dans la même explosion de vie, au début de La Recherche : magma/ différenciation : passage de la “soupe primordiale” au monde que nous connaissons, de la nuit indistincte et effrayante à la lumière discriminatoire qu'apporte la mère (mais pas seulement elle).

Et de même que les leitmotivs “en attente” prolifèrent dès le début de L'Or du Rhin, les thèmes s'accumulent – mais fort discrètement – dans ces premières pages de Combray. Et le relecteur, ou le “récouteur”, les pointe, les cerne, en jouit, porté par la voix d'un acteur qu'il ne connaît pas.

mardi 6 juillet 2010

Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir (Kolyma, I)

Les Récits de la Kolyma ne sont pas un témoignage ; Varlam Chalamov n'est pas Evguenia Guinzbourg. Ce ne sont pas non plus un décorticage minutieux, une tentative d'épuisement du sujet, comme peut l'être L'archipel du goulag de Soljénitsyne. Les Récits de la Kolyma sont la vérité du goulag. Ils sont cet entonnoir gigantesque et tournoyant de 1500 pages, qui seul permet à l'auteur d'entraîner son lecteur jusqu'au dernier cercle de l'enfer. C'est un chaos apparent qui, régulièrement, laisse croire à celui qui s'est embarqué à la suite de ce Virgile rescapé qu'il va pouvoir sortir la tête, revoir la lumière, échapper au tourbillon concentrique. Mais c'est pour mieux replonger un peu plus profond, toujours un peu plus profond.

Les ombres qu'on croise sont multiples et changeantes, mais ce sont toujours des ombres : ombres de mourants, ombres de bourreaux, parfois interchangeables, souvent l'un et l'autre tour à tour, à mesure que l'on s'enfonce dans cet enfer où le froid règne en maître absolu, indifférent et stupide, telle une entité de Lovecraft.

L'auteur est l'une de ces ombres et il est lui aussi plusieurs : Chalamov devient tour à tour, et dans plusieurs récits, un “je” sans nom, ou encore Andréïev, Doubrouliov et ce Krist dont le nom, n'est-ce pas...

Les histoires que l'on raconte, aussi reviennent comme des fantômes, mais jamais éclairées de la même façon, jamais vues par les mêmes yeux ni à la même distance. Et tantôt le protagoniste meurt, tantôt il sauve sa peau – mais jusqu'à quand ? Nul n'en sait rien et personne ne s'en soucie : celui qui pense plus loin que demain est un fou.

Le temps lui-même se disloque, à la Kolyma. Chalamov note à plusieurs reprises que les journées sont interminables mais que les années passent vite. Et comme personne n'attend plus rien, la mémoire perd toute attache et les multiples récits sont lancés dans le temps à la manière d'une boule dans un flipper, sans aucun souci de la chronologie qui commande à la vie des vivants, restés sur le “continent”.

Dans l'un des récits, Chalamov dit que lorsqu'un zek est très près de mourir, le seul sentiment qui l'habite encore est la colère, parce que c'est celui qui vit “au plus près des os”. Si jamais il lui est donné d'éloigner la mort, reviennent ensuite l'indifférence, puis la peur. Encore après la pitié envers les animaux, et seulement en dernier lieu celle pour les hommes. Quant à l'amour, tout le monde a perdu sa trace, et chacun sait bien qu'il lui serait au mieux inutile, au pire nuisible. Or, le pire est presque toujours certain – c'est pourquoi le changement, la nouveauté sont les plus effrayants ennemis des damnés : il y a toujours, malgré tout, un cercle inférieur à celui où l'on se trouve...


On voudra bien considérer ce court texte comme une simple introduction – je n'ose pas dire un portail.