Voici ce qu'écrit Varlam Chalamov, dans la section de ses Récits de la Kolyma intitulée Essais sur le monde du crime (page 923 de cette édition Verdier que je ne me lasse pas de recommander aussi vivement que possible). Pour en finir – ou tenter de – avec cette fascination malsaine et dangereusement puérile qu'exercent encore les “grands” bandits sur certains esprits faibles ou mal arrimés :
« Dans le code moral des truands, comme dans le Coran, on proclame son mépris à l'égard de la femme. La femme est un être méprisable, inférieur, qui ne mérite que des coups et n'est pas digne de pitié. Cela vaut pour toutes les femmes : une représentante de l'autre univers, du monde étranger aux truands, est également méprisée par eux. Les viols “en chœur” ne sont pas chose si rare dans les gisements de l'Extrême-Nord. Les gradés ne laissent pas leurs épouses se déplacer sans la protection d'une escorte : une femme ne va nulle part toute seule, ni à pied ni en voiture. On protège de la même façon les petits enfants : corrompre une petite fille est le rêve de tous les truands. Un rêve qui devient parfois réalité.
« Le truand est élevé dans le mépris des femmes dès ses jeunes années. Il frappe si souvent sa compagne prostituée que celle-ci, dit-on, ne ressent pleinement les plaisirs de l'amour que si elle a reçu sa ration de coups. Les tendances sadiques sont enseignées par l'éthique même de l'univers des truands.
« Le truand ne doit éprouver aucun sentiment de camaraderie ou d'amitié à l'égard d'une “bonne femme”. Il ne doit manifester non plus aucune pitié envers l'objet de ses divertissements souterrains. Il ne peut donc y avoir aucune justice dans ses relations avec les femmes de son propre univers : la question féminine ne franchit pas le seuil de la “zone” éthique des truands.
« Cependant, il existe une exception à cette règle sinistre : il est une femme, une seule, qui est, non seulement protégée contre toute atteinte à son honneur, mais en outre placée sur un piédestal. Une femme poétisée par les truands, célébrée avec lyrisme, l'héroïne du folklore de nombreuses générations.
« Cette femme, c'est la mère du voleur.
« L'imagination du voleur construit un monde mauvais et hostile qui le cerne de toutes parts. Et, dans cet univers peuplé d'ennemis, un seul personnage lumineux est digne d'un amour pur, de respect et d'adoration. C'est la mère.
« Un culte de la mère allié à un mépris haineux de la femme : ainsi s'exprime, avec tout le sentimentalisme de la prison, l'éthique du criminel à l'égard de la question féminine. »
« Dans le code moral des truands, comme dans le Coran, on proclame son mépris à l'égard de la femme. La femme est un être méprisable, inférieur, qui ne mérite que des coups et n'est pas digne de pitié. Cela vaut pour toutes les femmes : une représentante de l'autre univers, du monde étranger aux truands, est également méprisée par eux. Les viols “en chœur” ne sont pas chose si rare dans les gisements de l'Extrême-Nord. Les gradés ne laissent pas leurs épouses se déplacer sans la protection d'une escorte : une femme ne va nulle part toute seule, ni à pied ni en voiture. On protège de la même façon les petits enfants : corrompre une petite fille est le rêve de tous les truands. Un rêve qui devient parfois réalité.
« Le truand est élevé dans le mépris des femmes dès ses jeunes années. Il frappe si souvent sa compagne prostituée que celle-ci, dit-on, ne ressent pleinement les plaisirs de l'amour que si elle a reçu sa ration de coups. Les tendances sadiques sont enseignées par l'éthique même de l'univers des truands.
« Le truand ne doit éprouver aucun sentiment de camaraderie ou d'amitié à l'égard d'une “bonne femme”. Il ne doit manifester non plus aucune pitié envers l'objet de ses divertissements souterrains. Il ne peut donc y avoir aucune justice dans ses relations avec les femmes de son propre univers : la question féminine ne franchit pas le seuil de la “zone” éthique des truands.
« Cependant, il existe une exception à cette règle sinistre : il est une femme, une seule, qui est, non seulement protégée contre toute atteinte à son honneur, mais en outre placée sur un piédestal. Une femme poétisée par les truands, célébrée avec lyrisme, l'héroïne du folklore de nombreuses générations.
« Cette femme, c'est la mère du voleur.
« L'imagination du voleur construit un monde mauvais et hostile qui le cerne de toutes parts. Et, dans cet univers peuplé d'ennemis, un seul personnage lumineux est digne d'un amour pur, de respect et d'adoration. C'est la mère.
« Un culte de la mère allié à un mépris haineux de la femme : ainsi s'exprime, avec tout le sentimentalisme de la prison, l'éthique du criminel à l'égard de la question féminine. »
J'aime bien ce "comme dans le coran" qui s'est glissé là, presque subrepticement...
RépondreSupprimerPour fréquenter de temps à autre le milieu carcéral, je peux vous confirmer que même les plus grands truands sont comme des mioches lorsqu'ils parlent de leur "môman". Et, à l'attention des jeunots qui passeraient par ici, et contrairement à ce que l'air du temps voudrait nous faire gober, seules les femmes bien paumées et psychologiquement instables ou immatures préfèrent ce genre de racaille à un gentleman. Bref, les apprentis gangstas peuvent aller se rhabiller...
RépondreSupprimerEh bien, la prostituée et la sainte, ce sont deux images de la femme bien présentes dans l'esprit de tous, et pas seulement des truands, ou des musulmans, je crois.
RépondreSupprimerAhhhhhh....ok!!! J'aime beaucoup le petit côté pédagogique de ce "eh bien" inspiré...
RépondreSupprimerJe dois préciser que, plus loin dans ce même texte, Chalamov explique que même cet amour "affiché" pour la mère est bidon, que jamais un truand n'ira visiter sa mère, encore moins s'enquérir si elle a besoin d'argent, etc. C'est un amour purement symbolique, détaché de toute personne réelle.
RépondreSupprimerAu moins, grâce à ses cousins qui viennent le voir pour lui donner des nouvelles de sa mère seule et abandonnée par sa faute, il sait pourquoi il est en prison. Ya une justice !
RépondreSupprimerMon côté maffieux doit me venir de Jo Le Corse.
RépondreSupprimerBonjour Didier,
RépondreSupprimerC'est la premiere fois que je poste un commentaire ici. J'ai beaucoup aime la serie de texte sur la Kolyma.
Je ne saurais trop vous recommander egalement la lecture de "Aussi loin que mes pas me portent" (titre francais), de Josef Martin Bauer. L'histoire d'un zek allemand evade d'un camp pres du Cap Dezhnev, et qui a traverse a pied toute l'Asie Sovietique, un periple de plusieurs annees.
La moitie du recit decrit la vie dans les camps et l'univers carceral.
http://www.libella.fr/phebus/index.php?post/2008/03/06/Aussi-loin-que-mes-pas-me-portent-La-traversee-de-lAsie-dun-fugitif-al-par-Josef-Martin-BAUER
C'est noté, merci bien !
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