lundi 18 décembre 2023

La nostalgie du XVIe


 Élégante formule de Jean Orieux, biographe talentueux de Catherine de Médicis, parlant du cardinal de Lorraine, compagnon de François 1er et célèbre pour la largesse de ses dons aux pauvres : « Avec les dames il était encore plus généreux, car ce cardinal de la Renaissance ne récompensait pas leur vertu mais le talent qu'elles mettaient à n'en pas avoir. »

 Heureux temps où les dignitaire d'Église pouvaient trousser les cotillons sans que personne y trouve à redire ! Aujourd'hui, ce pauvre Lorraine, on aurait tôt fait de lui concocter un genre de MeTooConclave une “section d'asso” dont les troupes, à force de lui piailler après, parviendraient vite à transformer la pourpre cardinalice en rouge de l'opprobre et de la honte…

Voilà, d'ailleurs, une époque où il devait être plutôt plaisant de vivre : naître vers 1510 ;  connaître les fastes italianisants des années trente et quarante ; enflammer sa jeunesse en liant connaissance avec Gargantua et Pantagruel, tout chauds sortis des presses ; entre deux fêtes galantes dans quelque château des bords du Cher ou de Loire, tenter de se faire une âme romaine en feuilletant Plutarque, récemment traduit en langage françois par M. Amyot ; croiser, par hasard et par chance, le vieux Léonard dans les rues d'Amboise, ou encore Diane de Poitiers traversant Pacy-sur-Eure pour se rendre à son château d'Anet flambant neuf ; voir valser les rois sur le trône de France, les François I et II, les Henri II et III, sans oublier Charles IX flanqué de son archer, plus tard chanté par le malheureux Lucien de Rubempré ; et puis s'éteindre, nonagénaire, plus ou moins consolé de devoir remettre son âme à Dieu, qu'il soit huguenot ou ligueur, par le nouveau livre du Bordelais Montaigne, sous le règne du bon roi sponsor de poule au pot – tout cela en ayant sagement évité de se mêler de ces palinodies confessionnelles qui auront bien pimenté le siècle dans sa seconde partie.

Oui, vraiment, on devrait toujours arriver en ce monde au début du XVIe siècle.

19 commentaires:

  1. Je vous comprends. Pour ma part, ma préférence aurait été de vivre vers le milieu du
    de XVIIème. Fort heureusement, dès que le soir tombe, que le feu ronfle dans la cheminée, que quelques effluves d'un civet de lièvre s'échappent encore de la cuisine, il me suffit alors d'une lettre de Mme de Sévigné, de quelques vers de La Fontaine et d'un verre de vin de Bordeaux et je me retrouve chez Scarron, à Vaulx le Vicomte, dans les rues du vieux Paris ou sur les chemins de Guyenne marchant derrière la troupe de l'Illustre Théatre. Et là croyez-moi, les faquins sont rossés comme il se doit, les précieuses moquées d'abondance et il est permis et de louer les amabilités de la belle Ninon sans aucune crainte des mitous et des mitaines.

    La Dive

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    1. À la rigueur, j'accepterais de vivre au XVIIe... mais certainement pas au suivant !

      DG

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    2. alors là je suis assez stupéfait, le 1er XVIIIème, mettons jusque 1763 devait largement valoir le coup d'oeil, libertinage, surplus, luxe, le monde parlait Français, vous auriez été chez à vous à Saint-Petersbourg à peu près partout en Europe...

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    3. Je ne suis pas fou du XVIIIe, siècle essentiellement décadent à tous points de vue, me semble-t-il.

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  2. Heureux monde dans lequel l'espérance de vie était de 25 ans !

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    1. C'est absurde : cette "espérance" prend en compte l'énorme mortalité infantile. Pour ceux qui passaient l'adolescence, elle ne signifiait plus rien.

      DG

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  3. Je t’imagine très bien en collant ! 😂
    Moi

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    1. Me balader en collants a toujours été mon rêve secret...

      DG

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    2. L'époque actuelle vous le permet pleinement, pour ne pas dire qu'elle vous y encourage franchement. Vous auriez tort de vous priver...

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    3. Il y a encore un je-ne-sais-quoi qui me retient…

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  4. A la belle liste des joyeux compères de ce siècle plus joyeux que le précédent (le triste Savonarole ne court plus les routes), on pourrait ajouter le joyeux Erasme qui affirme haut et fort que la Folie ne peut être que Femme.
    Il est vrai qu'à l'époque mitou n'existait pas.

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    1. Tiens, j'ai relu ses “Adages” récemment, à celui-là ! Très bien.

      DG

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    2. Et çà malgré la mise à l'index par notre sainte mère l'église ?

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  5. Moi, j'ai bien le XVIème, aussi, mais plus au sud, vers la porte de Saint Cloud. Surtout que le cloud est à la mode.

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    1. Je ne suis pas fan de la porte de Saint-Cloud : ça me rappelle ma double opération catarctique…

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  6. Au XVI vous auriez eu toutes les chances comme 90% de la population d’être un pauvre paysan harassé par le travail. Heureusement les socialistes sont arrivés pour apporter un monde meilleur à toutes et tous.

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    1. Pour simplifier les choses : quand je m'imagine vivre en un autre siècle, je pars toujours du principe que ma "condition" y serait à peu près semblable, toutes proportions gardées, à celle qui est la mienne en ce siècle-ci.

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    2. L'intervenant précédent m'a ôté les mots de la bouche !
      En fait votre situation d'aujourd'hui n'a, précisément, aucun équivalent au XVIe siècle : sur l'échelle sociale d'alors, que ce soit en valeur absolue ou proportionnellement, la place occupée par la majorité de la "classe moyenne" contemporaine n'existe tout simplement pas car c'est une invention de la Révolution industrielle.
      Vous auriez été un serf ou au mieux un hobereau (donc déjà un noble) car rien n'existait entre les deux.
      Je m'amuse toujours de ces uchronies, comme par exemple Zemmour qui se rêve Napoléon en 1800... je pense que son espérance de vie ne dépasserait pas la matinée, tout comme vous et moi.
      Pour au moins une raison simple : le SDF le plus indigent, ici en France, a une qualité de vie médicale à cent coudées de l'empereur le plus puissant de la Renaissance.
      En effet, ledit pauvre hère, victime d'un AVC ou d'un infarctus dans la rue, serait rapidement acheminé vers les urgences, soigné et peut-être guéri, le tout sans qu'il débourse un rotin (qu'il n'a pas de toute façon).
      Le roi avec ses diafoirus à saignées et à clystère serait déjà dans son linceul après telle commotion cérébrale ou telle attaque cardiaque.
      Nous jouissons d'un luxe inouï dont nous ne nous apercevons plus, ne serait-ce que via les vaccins (du calme, je parle des bons vieux BCG et DTP) qui nous immunisent contre le tétanos... Mignonne, allons voir si la rose : heu oui mais gaffe aux épines sinon c'est la boîte à sapin (ou en bois de rose) !
      La maladie est vraiment le vecteur "démocratique" par excellence : elle ne privilégie personne, comme la mort sa sœur.
      Bien évidemment mes considérations restent purement techniques mais vous avouerez que faute de combattant votre petite aventure tournerait vite court...
      En revanche, notre nobliau s'en tirait bien mieux en ce qui concerne les famines et disettes car il disposait de stocks et de champs privatifs.
      Quant à la guerre c'est même le paysan qui était privilégié car exempté du port des armes sauf durant l'époque franque via l'ost, service militaire de l'époque.
      Bon, une incursion par ci, un rezzou par là et son domaine était réduit en cendres, je ne dis pas.
      J'oubliais : courir le guilledou c'est bien joli mais les maladies wagnériennes vous auraient également envoyé ad patres fissa.
      L'espérance de vie à la naissance *pour les enfants survivants*, vous l'avez mentionné à raison, n'était pas si terrible que ça : la petite cinquantaine semblait correspondre à la moyenne.
      Ah bien sûr, huit gosses calanchés sur dix c'est pas cool mais bon ! Savoir qu'on est l'heureux rescapé de sa fratrie, prêt pour une vie harassante au service d'un suzerain ingrat, c'est déjà pas mal !
      Alors moi aussi je déteste notre modernité post-industrielle mais de là à fantasmer sur des époques révolues encore plus invivables que la nôtre dans moult domaines...

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    3. Rien entre le serf et le hobereau ? Au XVIe siècle ? Monsieur aura voulu plaisanter...

      (Pour ce qui est de la médecine, vous avez si évidemment raison que ça ne vaut même pas la peine d'en parler.)

      DG

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