mardi 17 janvier 2017

Ennemis publics


J'y suis allé un peu en traînant les pieds ; pas tout à fait comme un électeur de gauche se préparant à voter pour Chirac en mai 2002, mais pas loin. Du reste, lorsque ces Ennemis publics avaient paru, en 2008, ils avaient été le premier livre signé par Michel Houellebecq que je renonçai à lire. C'est, on l'aura sans doute compris, qu'il ne le signait pas seul…

Qu'est-ce qui m'a fait changer d'avis ? La lecture du Cahier de L'Herne, probablement, où il est fait allusion à cette correspondance d'un genre particulier. J'ai donc sauté le pas (et, croyez-moi, sauter le pas tout en traînant les pieds, voilà qui n'est pas donné à tout le monde…) ; en me disant que je pouvais bien, compte tenu de mon amour pour lui, faire à Houellebecq ce menu sacrifice de lire aussi les lettres de Bernard-Henri Lévy : après tout, les siennes étaient peut-être son chef-d'œuvre, comment le savoir ?

La très-excellente surprise de ces trois cents pages est qu'il n'y a rien à en jeter. Les lettres de Houellebecq sont sans doute les meilleures, les plus rageuses, les plus sombres, les plus émouvantes aussi, parfois (suis-je bien objectif ?) ; mais celles de Lévy se maintiennent à une hauteur d'intérêt tout à fait respectable. Certes, il ne peut pas complètement s'empêcher de matamoriser, lorsqu'il parle de ses guerres ou de ses croisades ; cependant, il joue le jeu du débat, l'échange est sans complaisance excessive de part ni d'autre ; et bien qu'il ait averti d'entrée de jeu son correspondant qu'il était absolument rétif à ce que tous les deux appellent la “littérature de l'aveu”, Lévy semble néanmoins parvenir à fendre un tant soit peu la carapace. Je dis “semble”, car il se pourrait qu'il s'agisse d'une habileté calculée de sa part. D'un autre côté, pourquoi l'évidente sincérité dont paraît faire preuve Houellebecq ne serait-elle pas, elle aussi, le produit du talent et d'une certaine rouerie ? Après tout, cette correspondance de six mois a été entreprise dans le but, reconnu dès le départ, d'une publication immédiate, dès la dernière missive écrite.

Mais le lecteur candide que je sais être parfois a d'emblée décidé d'ouvrir aux duettistes une ligne de crédit illimité ; et il s'en est, ma foi, fort bien porté.

29 commentaires:

  1. Ce qui confirme - même si c'est différé dans le temps - que comme l'écrit Juan Manuel de Prada, Houellebecq est bel et bien "un habile vendeur de lui-même" qui a rencontré ce "lecteur candide" à "l'admiration médusée" dont parle Emmanuel Carrère !

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    1. Il enfonce un peu des portes ouvertes, votre Espingo, là…

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    2. Et vous non ? Je crois que, concernant Houellebecq, toutes les portes sont maintenant grandes ouvertes et chacun peut venir y jeter son seau !

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  2. On voit bien vos limites en matière de philosophie : trouver lisible BHL, ce pur escroc...

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    1. Quel rapport entre cet échange de lettres et la philosophie ? Et pourquoi un "pur escroc" ne pourrait-il pas être lisible ?

      Vous baissez, mon petit vieux…

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    2. Souvenez-vous de Botul, entre autres bêtises sidérantes de BHL. Je crois qu'on ne peut pas prendre ce type au sérieux si l'on a une idée de ce que doit être la réflexion. La première règle est de chercher la vérité, ce dont BHL se montre incapable. Ce mec est prêt à semer la catastrophe dans le monde entier (cf. la Libye) pour avoir sa ration de pose médiatique. Ses mensonges sont véritablement époustouflants, je veux dire d'une force, d'une ampleur vraiment étonnantes. On sent qu'il n'y a aucune limite. A la rigueur on peut vouloir le lire pour prendre la mesure de cet infini, pour caresser l'hubris dans le Mal, mais cela dénote peut-être un chouia de perversion. Exactement ce petit brin de perversité qui fait le charme si particulier de Houellebecq.

      J'espère avoir remonté le niveau, là (même si l'éreintement de BHL n'a rien de bien original).

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  3. Cela me donne envie du coup.

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    1. Vous eussiez bien dû placer une virgule entre "envie" et "du coup". Parce que, là, tel que c'est écrit, ça pourrait réveiller les esprits taquins…

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  4. Vous allez décevoir certains de vos fidèles supporters...vous n'en avez que faire ? Comme de mon commentaire, tant mieux. L'universalité de la littérature ou pour faire un beau match de foot il faut deux belles équipes..

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    1. Je n'ai pas de supporters : seulement quelques lecteurs.

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  5. Tout est déjà dans la photo(que vous n'avez pas choisie innocemment, bien sur).Chemise blanche négligemment ouverte, chevelure apprêtée (mettez-moi donc un peu de volume à gauche, là, c'est bien) bouche en cul de poule, geste coquet (qui traduit si élégamment ma pensée) pour l'un. Vieille parka des années 70, chemise de bucheron, laissant deviner (horreur!) un marcel sombre, cheveux coiffés n'importe comment (la raie à droite, mon dieu...) et geste de pochtron (pas dégueu, ce champ...) pour l'autre. Alors comme le dit Mildred, Houellebecq est peut-être un "habile vendeur de lui-même". En tout, c'est bien vendu par l'image: sans les connaître, j'aurais opté pour le petit bonhomme fripé de gauche (de gauche sur la photo, bien sur)

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    1. Oui, enfin… le look de Houellebecq me paraît au moins autant étudié que celui de Lévy, vous ne croyez pas ?

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    2. Le verre de BHL devrait-être dans les mains de Houellebecq, et réciproquement.Il y a là une erreur de script.

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    3. Je la trouve très bien cette photo; ils donnent tous les deux l'impression de bien s'amuser.

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  6. Si, pour être en tête à tête avec l'éternité il faut se farcir un tête à tête avec le Lévy, je préfère mille fois le retour en arrière dans les brumes de l'inconnaissance.

    Je préconise pour ces deux têtes à claques l'attentat pâtissier cher à l'ami Noël Godin.

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    1. BHL connaît déjà bien cette charmante coutume de l'entartage...

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  7. Je pense que vous ne serez pas déçu.

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  8. Il m'arrive de porter une parka mais ça n'améliore pas mon style. Et en plus, ça me gêne pour taper sur mon clavier.

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  9. Finalement, soit Houellebecq avait su tromper son monde en paraissant effarouché et peu enclin à paraître en public, soit le succès a fait de lui un parfait mondain.
    J'aimais bien son écriture très personnelle, un peu hors sol et le voir soudain copiner sans vergogne avec BHL, comment dire...

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  10. C'est très instructif cette photo. On voit BHL avec sa chemise Charvet ou autre tailleur, sa veste impeccable et MH avec sa grosse chemise de bucheron, son pantalon trop haut, son manteau qui ne ressemble à rien. Et pourtant c'est MH qui écrase BHL quant à la chose littéraire...comment dire, c'est comme mettons un combat de boxe ou un type arrive super affûté physiquement, qui fait son échauffement et est prêt à en découdre, et l'adversaire, un peu gras du bide, un clope au bec, petit...et pourtant au premier round, le boxeur bien propre sur lui est mis K.O. en 30 secondes...Ou encore où BHL représenterait un petit groupe de rock bien propret, bien pensant à la carrière honorable et MH les Rolling Stones et que ces deux-là partageraient la même scène, il y a un peu de cela. À vous lire, on a l'impression que BHL donne tout ce qu'il a pour paraître à la hauteur et que MH sans trop forcer et sans même le vouloir, écrase tout de même le sieur BHL.

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    1. Bien qu'il mette tous ses puissants réseaux à l’œuvre, depuis des années, pour décrocher un Goncourt ( dernière tentative : un bouquin sur Baudelaire, je crois), BHL n'a jamais été considéré comme un écrivain (pas plus que comme un cinéaste, malgré ses essais également infructueux); un chroniqueur politique, un homme d'influence politique, un homme de réseaux, un essayiste philosophico-politique, mais certainement pas un romancier comme Houellebecq.

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    2. "on a l'impression que BHL donne tout ce qu'il a pour paraître à la hauteur... "

      Il boit du thé (et en sachet...). A moins que ce ne soit l'étiquette de son costard!

      lophtalmo

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  11. Soyons juste avec BHL : il a quand même réussi comme fauteur de guerre.

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  12. Je suis moins indulgent que vous pour le "philosophe".
    http://lantidote.hautetfort.com/archive/2015/04/17/ennemis-publics-4-mh-contre-bh-5601919.html

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  13. Je fus un des rares Français a avoir lu ce livre à l'époque, le seul échec commercial de Houellebecq, je crois. De mauvaises langues en avait donné l'explication suivante : l'influence de BHL. Il semble, en effet, que cet homme ne vende que très peu de livres, à tel point qu'on se demande ce qui justifie la puissance supposée de son influence. En tant que cinéaste, il se spécialise tout autant dans les bides.
    En tout cas, on doit remarquer que, depuis pas mal d'années, Houellebecq aspirait publiquement au prix Goncourt, mais que QUELQUE CHOSE coinçait. Jusqu'à ce qu'il sorte ce livre avec BHL...
    Pour ce qui est du livre lui-même, j'étais dans la même position que vous, je n'avais rien lu de BHL avant, et suis bien décidé à en rester là. Un signe qui ne trompe pas : il est génétiquement dépourvu d'humour.

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  14. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.