Victor Baillot avait vu le jour en l'an de disgrâce 1792, le 22 avril. Son âge a fait que, en 1815, il a été pris dans la dernière conscription de Napoléon, retour de l'île d'Elbe ; si bien qu'il se retrouve aussitôt à Waterloo. « Ah ! Waterloo. Il en avait du monde, là. Et le canon tonnait dur. Les blés et les seigles étaient grands. Mais quand la cavalerie avait passé là-dessus, ça faisait de belles routes. J'ai tout vu et rien vu. J'y étais et c'est comme si j'y avais pas été. On s'est mis à se battre, je suis tombé […]. »
J'ai tout vu et rien vu. J'y étais et c'est comme si j'y avais pas été. On croirait relire, fortement résumé, le premier chapitre de la Chartreuse de Stendhal : Fabrice aussi “y était”, Fabrice non plus n'a rien vu. Toujours est-il que, blessé, Victor Baillot est fait prisonnier par les Anglais et envoyé sur les pontons. Lorsqu'il revient en France, il est aussitôt réformé, comme phtisique au dernier degré. Malgré cette tuberculose ancienne manière, Victor Baillot deviendra le dernier survivant recensé des armées napoléoniennes et ne consentira à mourir qu'au rivage de 1898, à l'âge de 106 ans, après avoir obtenu à l'arraché la croix de la Légion d'honneur, épinglée à son revers par le président Félix Faure entre deux turlutes steinheiliennes.
L'histoire de ce vétéran est contée par Guy Dupré dans Je dis nous, recueil des chroniques que ce précieux et discret écrivain a données à divers journaux entre 1952 et… 2005 ; celle qui nous occupe est de 1968, et n'est d'ailleurs pas un article mais une préface à la Chronique de la Grande Guerre de Maurice Barrès. Guy Dupré n'avait que 24 ans lorsqu'il a publié cet étrange et séduisant roman au titre non moins étrange et séduisant : Les Fiancées sont froides, salué notamment par André Breton et Julien Gracq, et que je vais m'empresser de relire dès que vous me laisserez un moment à moi.
Me penchant tout à l'heure sur le cas de Guy Dupré, j'ai eu la surprise de constater que, né en 1928, il était toujours de ce triste monde ; ce qui le met sur la bonne piste pour tenter d'égaler le record de Victor Baillot.
Les Fiancées sont froides ? Titre intrigant, mais le fait qu'il soit recommandé par André Breton m'inciterait plutôt à le fuir. Sans doute suis-je injuste. Vous nous direz ce qu'il en est.
RépondreSupprimerLu il y a quelques années, je me souviens de l'avoir aimé. Mais ma mémoire étant ce qu'elle est désormais, une seconde lecture ne sera pas superflue…
SupprimerUne phtisie bien peu galopante.
RépondreSupprimerSi, si, elle a galopé ! Seulement, la route était très longue…
SupprimerMais voilà qui m'a l'air fort intéressant.
RépondreSupprimerSi je l'avais sous la main. j'y jetterais volontier un fort coup d'œil en ce week-end un peu abstrait flottant quelque part au milieu du mois d'août...
Oui, vivement septembre, hein ? Au moins pour que rouvrent mon boulanger et mon boucher…
SupprimerAïe, je compatis. Le boucher, passe encore mais le boulanger...
SupprimerComment faîtes-vous pour le pain ? Congelé, ou c'est vous qui le pétrissez de vos blanches mains d'écrivain ?
Le bacille de Koch ou BK responsable de la phtisie galopante ou pas, n'ayant été découvert qu'en 1882, il y a de fortes chances pour que la "tuberculose ancienne manière" de votre Victor Baillot ne soit pas la tuberculose.
RépondreSupprimerMais on en apprendra peut-être plus, pour une fois, grâce à l'élite médicale qui fréquente assidûment ce blog !
Quelle belle époque, que celle où l'on pouvait attraper des tuberculoses "pour rire", qui finalement faisaient de vous des centenaires !
SupprimerOn devrait faire la même chose avec nos modernes cancers.
@ Mildréd
SupprimerPas compris votre question,ni le rapport entre la tuberculose, cliniquement identifiée depuis longtemps, et la découverte du bacille qui en était responsable.
La tuberculose n'à jamais eu une mortalité naturelle de 100 %
SupprimerJ'avais l'idée assez sotte que vous sauriez nous dire qu'avant l'apparition du Rimifon ( en quelle année ?) il n'y avait pas trop de moyens thérapeutiques pour arriver à bout d'une tuberculose.
SupprimerMais là aussi, vous n'avez été d'aucun secours !
Le pb est que la tuberculose n'est jamais arrivée à bout de l'autre vieux machin.
SupprimerVotre parenthèse a disparu. Elle était pourtant dans le flux RSS. Je voulais vous donner la solution mais visiblement vous l'avez trouvée. Du coup, je ne commente pas.
RépondreSupprimerLe Rimifon n'à pas été le premier antituberculeux actif; avant, il y avait eu la Streptomycine et le PAS.
SupprimerMais avant même tout anti-BK actif, la mortalité par tuberculose avait beaucoup diminué, depuis le début du siècle, du fait de l'amélioration de leur alimentation et de leurs conditions de vie, donc de leur système immunitaire.