Comme je n'avais lu que mille pages de l'épopée tolstoïenne, qu'il m'en restait donc encore six cents, il n'était pas question d'aborder tout de suite le film de Vidor ; nous avons donc opté hier soir pour le Breakfast at Tiffany's (Diamants sur canapé) de Blake Edwards. Le film reste aussi savoureux qu'il l'était dans mon souvenir, peut-être même davantage.Mais je me suis rendu compte que j'avais complètement oublié la présence, tout au long, de monsieur Yunioshi.
Il s'agit d'une sorte de Japonais de bande dessinée (il porte le même dentier proéminent que les méchants Nippons d'Hergé dans Le Lotus bleu), si invraisemblablement burlesque qu'il semble avoir sauté tout droit d'une bobine datant de l'époque du muet pour atterrir là sans trop savoir pourquoi. Le côté saugrenu du personnage est accentué par le fait qu'il est joué par Mickey Rooney.
Il pourrait n'être rien de plus que l'une de ces silhouettes surréalistoïdes dont Blake Edwards aime parsemer ses films. Mais c'est dans les bonus – les boni ? – qu'il prend pour nous sa véritable dimension post-moderne. Ces compléments de programme ont été concoctés quarante ans après le film, soit au tout début de l'actuel millénaire. Et, à propos de ce pauvre monsieur Yunioshi, c'est, chez tous les intervenants, un festival de regrets, de repentance, de remords, de bats-ma-coulpisme, pour avoir osé donner des Japonais, et je suppose des jaunes en général, une image aussi déplorable, attentatoire à leur honneur, etc.
Et l'on se sent un peu triste de voir que même Blake Edwards se frappe la poitrine et se lacère mentalement le visage pour avoir osé un tel sacrilège racial, lui chez qui on aurait aimé trouver un esprit un peu moins dépendant des miasmes asilaires de l'époque.
On est même, pour ce bref documentaire, allé dégoter deux ou trois Asiatiques des deux sexes officiels, afin qu'ils viennent geindre face caméra à propos de la “blessure” que leur a infligée monsieur Yunioshi lors de leur découverte du film. C'est d'autant plus curieux que, d'ordinaire, ce sont des gens qui ne pleurnichent pas pour des riens, contrairement à d'autres races, ethnies, peuplades qu'il est inutile de nommer une fois de plus. On supposera que, chez ceux-là, leur côté américano-progressiste l'a emporté sur leurs racines soleil-levantines…
Tout cela nous a un peu pas mal éloignés de Tolstoï et de la Guerre patriotique de 1812 (nom donné par les Russes à ce que nous appelons, nous, la Campagne de Russie). Revenons-y et terminons avec lui.
Cherchant le film de King Vidor évoqué plus haut, je suis tombé sur celui de Sergueï Bondartchouk, réalisé cinq ou six ans plus tard, en Russie évidemment. Film en quatre parties, tout comme le roman lui-même, et d'une durée de huit heures – ou six heures trois quarts dans sa version courte.
Quelque chose me dit que je ne résisterai pas très longtemps à l'envie que je sens poindre de le commander…
Entre les Japonais et les Russes, on se perd. Il y a quand même des étrangers un peu partout dans le monde...
RépondreSupprimerEn plus, comme disait fort justement Coluche : tu apprends une langue pour aller à l'étranger… l'année d'après, tu vas en vacances dans un autre pays : ils parlent pas le même étranger, dis donc !
SupprimerLectures actuelles: vie et destin, guerre et paix ou la guerre et la paix. J’en suis à la partie 3 pour g&p, ça bouge un peu plus que la partie 2 avec leurs histoires de mariages etc…et qui est avec qui et combien d’âmes dans le village en dot…pour v&d, lecture assez éprouvante surtout cette scène dans la chambre à gaz ou la vieille fille devient mère en accompagnant le petit David dans la mort. Mais pourquoi ces deux lectures à ce moment, ça traînait depuis des années chez moi…et puis l’actualité j’imagine, comment les Russes font-ils la guerre? Alors ma petite idée: bordel au début et ça s’organise mais il faut tout de même sacrifier au Dieu de la guerre donc beaucoup de pertes humaines sans trop s’émouvoir…voilà ce qu’on trouve!!
RépondreSupprimerTolstoï ET Grossman en "panaché" : je me demande si ça ne fait pas un peu beaucoup !
SupprimerCela dit, vous avez raison : le chapitre de Vie et Destin que vous évoquez ne compte pas parmi les plus guillerets du roman…
SupprimerImpressionnant aussi, celui de la confrontation entre le commandant du camp de concentration allemand et le haut gradé soviétique qui est son prisonnier, dans lequel, rapidement, on ne sait plus qui est nazi et qui est communiste, tant leurs arguments deviennent semblables.
Oui ça fait évidemment trop…me suis parfois demandé ce que foutait Barclay de Tolly au milieu de Stalingrad en 1942…sans vous parlez des fameux noms russes et comment on s’y perd et si on doit ajouter qu’en plus ces deux livres sont des « romans chorale » comme on dirait…et bien on est complètement perdu.
SupprimerPour la confrontation officier ss vs commissaire politique…je suis moins surpris…j’ai l’impression de l’avoir lue avant (dans mon parcours de lecture) notamment dans les bienveillantes de J. Littel ou encore de manière plus théorique chez Arendt…mais oui: soviets et nazis n’avaient pas les mêmes objectifs: dictature de la classe vs dictature de la race mais avaient la même certitude qu’il fallait emprunter le même chemin, occire quelques 10aines/100aines de millions d’âmes. Et puis si je relis des Russes c’est un peu votre faute, vous êtes en partie prescripteur de mes lectures et puis il y a quelques temps vous aviez relu Dostoievski, ce que j’ai fait en partie cette année avec toujours cette conviction que Crime et Châtiment n’est vraiment pas pour moi…et d’un fil à l’autre Tolstoi’n
Je suis, en ce moment même, occupé à re-re-relire Les Démons de ce brave Fiodor Mikhaïlovitch.
SupprimerQuant aux Bienveillantes, c'est une grosse pâtée indigeste dont l'énorme succès reste encore à ce jour un mystère pour moi.
Le succès des bienveillantes est dû à mon avis au fait que ce thème: les einsatzgruppens (orthographe personnelle) n’avaient pas été traités dans la littérature française, donc prime à l nouveauté.
SupprimerPour les démons ou les possédés au choix, on retrouve les archétypes des karamazov pour les personnages et il y a deux scènes marquantes: le suicide de Kirilov et la tension avec l’existence de Dieu(variation du pari pascalien) et la confession finale de Stavroguine…mais plus je lis Dostoievski plus on retrouve les mêmes schémas, personnages, intrigues et il y a toujours dans ses romans des scènes très fortes très marquantes, on ne refera pas le débat sur les Karamazov et le starets zossime…ou l’inquisiteur…
Oublié de mettre mon pseudo dans le commentaire précédent…j’espère qu’il passera le cut!!
RépondreSupprimerVous avez du bol : j'ai vu ce commentaire-ci avant le précédent…
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