« SDF au lieu de clochard, ethnie au lieu de race, érémiste au lieu de pauvre, agent de fabrication au lieu d'ouvrier, technicien de surface au lieu de balayeur, quartier sensible au lieu de banlieue de merde, beur au lieu d'Arabe, black au lieu de nègre. Quoi encore ? Devoir d'ingérence au lieu de business ? Tourisme au lieu de destruction ? Kouchner au lieu de Tartuffe ? Cordicole au lieu d'ordure ? Je me souviens qu'en lisant le livre de Hilberg sur la destruction des Juifs d'Europe, j'avais été visité par l'idée que l'euphémisation était toujours une façon d'aider ses propres bourreaux. Les futurs exterminés des camps nazis appelaient entre eux le crématoire “la boulangerie”, et les malades en route pour la chambre à gaz des “musulmans”. C'était une manière d'essayer d'accepter l'abomination. L'ennemi parle toujours euphémistique. C'est même, et plus que jamais aujourd'hui, un des très bons critères permettant de l'identifier. La police de la pensée n'a jamais été fondée sur de meilleurs sentiments qu'aujourd'hui. »
On aura compris que la minuscule exception dont je parlais est, ici, constituée par l'exemplarité de Kouchner, pantin humanitaire dont plus personne, en ce siècle, ne doit encore savoir de qui il a bien pu s'agir.
On observera par ailleurs que cette euphémisation dont parle Muray – et on pourrait s'amuser à prolonger la liste des exemples qu'il donne – va très bien de pair avec la dramatisation bouffonne, la mise en tragédie à tendance mélo qui sévissent en d'autres domaines, quand une gifle devient féminicide, qu'un regard se mue en agression, qu'une invite se fait harcèlement.
Dans le même temps, les bombardements sont ripolinés de frais en frappes aériennes. Bien content encore quand elles ne sont pas en outre chirurgicales – c'est-à-dire, je suppose, destinées à soigner les populations qui ont eu la mauvaise idée d'habiter en dessous.
Je n'ai pas bien compris le rapport entre cordicole et ordure... Il y a une image que je n'ai pas reçue ?
RépondreSupprimerTrop long à développer : lisez Muray…
SupprimerVous êtes gonflé, tout de même. Il y a quelques mois, vous gueuliez parce qu'on disait maintenant "renoi" à la place de noir et maintenant vous gueulez (ou faites gueuler) pour l'utilisation de "black" au lieu de "nègre".
RépondreSupprimer(vous n'avez pas fini de faire plus de billets de blog que moi... ? Heureusement que votre Internet n'est pas d'une grande fiabilité).
C'est un peu la même chose : les deux relèvent, me semble-t-il, de cette "euphémisation" dont parle Muray.
SupprimerEt " Lyonnais " ? Je le vois plutôt comme du second degré, une ridiculisation de l'euphémisation.
Supprimer