En 1975, tricentenaire de la naissance du vidame de Chartres et futur duc de Saint-Simon, une édition reprenant celle de Boislisle — elle-même mise en chantier peu après le bicentenaire de la dite naissance — avait été proposée à la convoitise des saint-simoniens frustrés ; au nombre desquels je n'avais encore jamais songé à me compter. Édition en 25 très beaux volumes et limitée à 3000 collections, acquérables par souscription.
Puis plus rien. Je me suis arrêté là. Pourquoi ? Disons, pour faire bref : par imbécilité de jeunesse ; ou par inconséquence d'ivrogne ; ou l'inverse. J'ai d'abord laissé passer un mois, pour cause de situation financière vraiment épineuse ; puis un deuxième, vu que je n'avais rien fait pour redresser entre-temps les comptes de la nation, puis encore un autre... et comme cela jusqu'à la fermeture définitive des “Variétés” de M. Pain. Sur le moment, je crois n'en avoir eu aucun regret, même pas celui des tomes 24 et 25 que j'avais payés d'avance et que je n'ai jamais eus. Ce n'est que beaucoup plus tard, tout récemment même, que, racontant cela à Michel Desgranges, il m'a fait sentir, sans même me dire rien, combien j'avais été léger et inconséquent et sot en cette affaire. Surtout lorsqu'il m'a renseigné sur les prix qu'atteignent aujourd'hui les collections complètes de cette édition du tricentenaire...
Cela dit, pourquoi regretter mon non-achat, dans la mesure où je n'ai même jamais lu les quatre volumes en ma possession, me contentant au fil des années de quelques “coups de sonde” assez paresseux dans ces fameux mémoires que, finalement je ne connais pas, ou si peu, ou si mal ? Même si, de chacune de ces plongées brèves, je ressortais ébloui par cette langue sancta-simonienne, tressautante, vibrante, obscure parfois mais crépitante d'éclairs ; une langue ne ressemblant à rien qu'à elle-même, et comme tombée d'une planète non encore découverte. Il n'empêche que, chaque fois, j'abandonnais très vite ce pauvre duc fertois.
Mais alors, mais alors… pourquoi en avoir rouvert le tome premier tout à l'heure ? Je serais infoutu de le dire. Ça fait partie, sans doute, de ces envies fugacissimes qui nous traversent régulièrement le cerveau sans s'y arrêter — mais qui parfois s'y arrêtent, la preuve.
Il reste maintenant à espérer, pour les finances conjugales, que je ne me prenne pas d'une passion aussi dévorante que sénile pour Saint-Simon. Car alors, parvenu au bout des quatre volumes qui dorment dans la Case, il faudra bien que j'achète le reste. Oh ! Pas dans l'édition Boislisles du tricentenaire, non ! Je ne suis pas, ou plus, auto-munificent à ce point. Mais même en “simples” volumes de la Pléiade, ça risque de me coûter chaud...
Quel crétin il a été, quand j'y repense, ce jeune Didier Goux de 1982 ou 3 ! Il aurait pu penser à moi, quand même…
Ce qu'il y a d'incroyable, dans cette histoire, c'est que vous ayez été jeune.
RépondreSupprimerEt je le regrette bien : si j'avais été vieux dès 1980, j'aurais les Saint-Simon au complet !
SupprimerLe titre de ce billet est-il contrepétant ?
RépondreSupprimerDans le premier paragraphe, je cite : "et il ne…"
Le suspens est des plus angoissants... Je n'arrive pas à imaginer la fin.
Guillaume
"Imbécilité de jeunesse" ou " imbécillité" ?
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