Le brouillard a quelque chose d'apaisant et d'autoritaire. Quand il refuse de se lever, qu'il reste étale durant des jours autour de l'endroit où vous vous trouvez vivre, il semble presque capable d'intimer au temps l'ordre de se taire, ou au moins de la mettre en sourdine, comme il fait avec les panaches des cheminées, qui sortent des bouches sans savoir où aller, avec des airs de petits nuages erratiques.
Le brouillard ne tolère aucun concurrent, et surtout pas le vent ; le brouillard n'est pas du côté de l'agitation. Le brouillard est quasiment le contraire de ces fats de nuages, qui prétendent cacher le soleil : le brouillard annule le soleil. Évidemment, il sait que le soleil gagnera, et très prochainement : le brouillard se sait éphémère. Mais, au moins, le temps qu'il règne, il ne s'offre pas le luxe de se battre contre ses prétendants : il sait qu'il règne, et le fait puissamment.
De son autorité naît l'apaisement des créatures agitées et mortelles, c'est-à-dire : nous. Il y eut, dit-on, des millions de millions d'années durant lesquels la Terre fut enveloppée dans cette ouate qui, ce soir, à un doigt d'un changement d'année, s'appesantit sur toute chose, et fait se dresser les squelettes des arbres, comme s'ils avaient je ne sais quelle fierté à revendiquer, ayant à voir avec leur faculté de rester immobiles et leur longévité.
Sauf si vous êtes un malheureux insecte urbain, pris dans les lumières et le bruit artificiels, sortez de chez vous, poussez la porte, levez les yeux : le brouillard, terriblement silencieux, implacablement immatériel, va vous écraser d'éternité, c'est-à-dire vous faire croire que, pour vous, la vie va continuer comme elle a commencé. Tâchez de ne pas trop écouter ces fumées du silence.
Incontestablement bel hymne au brouillard où on voit que contre mauvaise fortune, vous savez faire bon coeur !
RépondreSupprimerJe ne déteste pas le brouillard… quand il ne dure pas plus d'un jour ou deux, et que je n'ai pas à prendre la voiture.
SupprimerJe ne suis pas d'accord avec votre dernier paragraphe. Le brouillard des villes est très bien. D'une part les voitures ralentissent et le silence règne. D'autre part, il est bon pour la santé. Vous êtes obligés de marcher pour voir si les bistros sont ouverts.
RépondreSupprimerSurtout, il arrive à rendre la ville vraiment grise ce que cette imbecile essaie de faire tout au long de l'année, sans y arriver à cause des humains qui croient la rendre vivable en la notant d'immondes lumières et autres décorations généralement publicitaires.
À part ça, ça va et vous ?
Vous avez raison : je me suis montré un peu injuste envers ce pauvre brouillard urbain.
SupprimerBonne Année à vous deux ! (J'adore cette photo).
RépondreSupprimerLa même chose chez vous, chère Anna.
SupprimerJoli, si vs permettez, je vous le pique
RépondreSupprimerPiquez, mon ami, piquez.
SupprimerMagnifique et délicat.
RépondreSupprimerTrès beau texte pour décrire cet état spécial que de vivre un certain temps dans le brouillard. Ici à Genève, nous y sommes depuis hier plongés et c'est une sensation bien étrange, à la fois romantique et primitive qui s'en dégage.
De fait, le brouillard est un cadeau philosophique...
Quelque chose comme ça, oui.
SupprimerJuste pour parfaire votre texte : étale ! ("Mon" brouillard se combine avec du givre qui se fait dentellière particulièrement sur les toiles d'araignée.) Merci pour vos textes de 2016 et banalement mais sincèrement bonne année 2017 à Catherine et vous. Estelle+
RépondreSupprimerMais où donc avais-je la tête, les yeux et les doigts ? Corrigé !
SupprimerVous terminez l'année avec un superbe billet.
RépondreSupprimerPour celle qui vient, je vous souhaite, comme dirait (presque) Carrie Fisher, que l'inspiration reste avec vous.
Même chose chez vous.
SupprimerSinon, avant-hier, j'ai enterré Carrie Fisher et Debbie Reynolds d'un même coup de pelle : les voilà ensevelies sous six mille signes de texte…
SupprimerVous avez loupé George Michael (dont je n'avais jamais entendu parler avant sa mort) ?
Supprimerseuls les fans-contemporains des années 80 et 90 le connaissent, pour les babys boomers et la generation internet, c'est un quasi inconnu Pour l'anecdote il était d'origine grecque en plus du "reste" Je n'ai pas pu m'en empecher désolé
SupprimerDécidément, après un mois de novembre particulièrement réussi, un nouveau billet tout aussi délicat. ....
RépondreSupprimerL'automne et le début de l'hiver m'ont toujours assez bien réussi.
SupprimerVous réussiriez presque à me faire aimer votre brouillard si je ne préférais mon soleil.
RépondreSupprimerVous terminez fort bellement l'année avec ce joli texte.
RépondreSupprimer( Le Journal de novembre est bien aussi, même si je l'ai trouvé moins drôle que le précédent, mais il y règne justement un peu de cette ambiance ouatée de l'hiver)
J'aime le brouillard, ou plutôt la brume : elle enveloppe nos paysages de mystère et de calme, et Dieu sait si nous en avons besoin.
Je vous souhaite à tous les deux une très bonne année 2017, merci Didier !
Décidément, vous êtes bien un phare dans le brouillard. Quand on regarde autour de soi, perdu dans la forêt des blogs et qu'on ne trouve rien à lire, la petite lueur là-bas c'est bien chez vous !
RépondreSupprimerJe vous souhaite une très belle année 2017, ainsi qu'à Madame votre épouse !
Bonjour Monsieur Goux :
RépondreSupprimer"intimer au temps l'ordre de se taire", "la mettre en sourdine","ne tolère aucun concurrent", ' "il sait qu'il règne, et le fait puissamment", "le brouillard, terriblement silencieux, implacablement immatériel, va vous écraser d'éternité"...
Le brouillard est donc terriblement réac ??
Dans l'attente de vos indispensables billets de 2017.
Bonne année à Catherine Irremplaçable et à vous-même.
Comme je m'apprête à fermer l'ordinateur jusqu'à demain, il est temps pour moi de vous souhaiter une excellente année à tous (on est sur un blog réac, où le masculin persiste à englober le féminin…), ainsi que, juste avant, une longue soirée émaillée d'abus de toutes espèces.
RépondreSupprimerEn ce qui nous concerne, Catherine et moi, nous venons de presque terminer la journée d'une manière particulièrement intellectuelle : en regardant un film de Robert Rodriguez, qui n'est pas loin d'être mon cinéaste préféré (parmi les vivants, tout de même) : Machete kills. Pour amateur de tueries sanglantes mais humoristiques et de bombas latinas fort peu vêtues.
À l'année prochaine, donc.
Pour les cheminées, si je puis me permettre, il s'agirait plutôt de mitres que de bouches...
RépondreSupprimerQue vous soyez encore dans le brouillard ou seulement dans les brumes de la fête d'hier, je vous souhaite ainsi qu'à Catherine une très bonne année 2017 !
RépondreSupprimerOooohhhhhh
RépondreSupprimerQue c'est beau, beau beau beau.
Hélène dici
Je ne suis donc pas le seul à avoir un penchant pour le brouillard.
RépondreSupprimerCela me rassure, les personnes à qui j' avouais ce penchant me prenaient pour un fou.
Avec un peu d'imagination, les arbres deviennent des monstres.
Dans les villes,les êtres qui errent, deviennent tous des Jack the ripper.
Avec le temps qui passe, les réveillons et les vœux prennent un sens un peu différent...Nous étions trois couples qui fêtions toujours nos réveillons ensemble; hier soir, nous n'étions que cinq, l'un d'entre nous étant mort en mai dernier : et, pourtant, nous lui avions sincèrement souhaité bonne année il y a un an...Combien serons-nous l'an prochain ?
RépondreSupprimerArrêtez les réveillons, je sens qu'ils vont vous apporter la poisse !
SupprimerBonne année à vous et à Catherine, et caresses aux chats !
RépondreSupprimerLa bonne année à toi et à Madame, sans brouillard, mais avec un beau soleil.
RépondreSupprimerComme je sais que vous adorez…
RépondreSupprimerPetite question pour les érudits en littérature moderne, ou les biographes de personnalités sulfureuses, que sais-je encore. Dans le journal en ligne de Renaud Camus que j'ai découvert ici-même, je suis tombée sur une forte énigme en date du 25 décembre 2016 :
RépondreSupprimer"Dîner de Noël avec Pierre et elle, caviar, dinde aux marrons, salade verte, coulommiers, vacherin, bûche au chocolat. Reçu de Pierre Le Rang, de Fanny Cosandey. Rattrapé le journal après, deux jours de retard, sans précédent."
C'est ce "et elle" qui m'intrigue. Qui est-elle ? La mère ou la sœur de l'un des deux protagonistes ?
Qui donc saura résoudre ce premier mystère de l'année ?
Il ne peut s'agir que de Mme Jeanne Lloan, amie de Camus vivant à Fleurance, que nous avons rencontrée à plusieurs reprises lors de notre séjour plieusain de 2009. Camus l'a rebaptisée Jeanne de Loynes…
SupprimerAh! merci bien pour cette information !
SupprimerC'est très curieux, cette question, parce que la solution de la soi-disant "forte énigme" se trouvait tout simplement dans la phrase précédant la citation de Barbara Schreyer :
Supprimer"Jeanne Lloan ici à 8 heures et demie, me porte la biographie de Mme de Loynes. Dîner de Noël avec Pierre et elle, caviar, dinde aux marrons, salade verte, coulommiers, vacherin, bûche au chocolat."
Et profitons de l'occasion pour préciser qu'il ne s'agit pas du journal en ligne de Camus (dont l'accès est payant), mais d'un agenda en libre accès qu'il a intitulé "Le Jour ni l'Heure".
Evidemment. Formellement vous avez raison. Toujours est-il que la petite note de mystère infiltrée par ma requête avait surtout une vocation ludique en cette période de fêtes...
SupprimerPluie, brouillards et autres grésils font râler les droit-au-buts, les plaisir-faciles. Les contemplatifs, eux, savent goûter les ambiances humides.
RépondreSupprimerMerci pour cet hymne au brouillard.
Bonne année.