John Archibald Wheeler, 1911 – 2008 |
Nous parlions hier du côté farceur de Nathalie Sarraute : c'est un trait de caractère qu'elle partage avec certains physiciens, notamment ceux qui s'occupent de relativité générale, et en particulier l'un des plus fameux d'entre eux, John Archibald Wheeler, professeur à Princeton durant 40 ans et l'un des pères de la bombe atomique américaine avec Robert Oppenheimer. Dans les années soixante, plusieurs astrophysiciens, en Amérique, en Angleterre, mais aussi en Russie soviétique, se préoccupaient de déterminer la chose suivante : si une étoile affligée d'une protubérance quelconque se transforme en trou noir, celui-ci sera-t-il doté de la même protubérance, ou bien parfaitement sphérique ? Je vous passe les détails, mais enfin, il fut prouvé que tous les trous noirs devaient être rigoureusement sphériques, quelle qu'ait été la forme des étoiles leur ayant donné naissance. Ce que John Wheeler résuma en une formule : un trou noir n'a pas de chevelure.
En français, la phrase reste tout à fait innocente. Mais on sait qu'en anglais le mot hair désigne tout aussi bien les poils que les cheveux. (Une femme hairy n'arbore pas forcément une crinière de lionne : elle peut aussi être plus intimement nantie d'un superbe tablier de sapeur…) Par conséquent, les physiciens du monde entier – dont l'anglais est la langue commune – purent comprendre que les trous noirs n'ont pas de poils, et ils ne s'en privèrent pas. Ils s'en privèrent même si peu que, en 1969, Simon Pasternack, directeur de la Physical Review, publia une note péremptoire, pour prévenir qu'il refuserait tout article employant cette expression, ne pouvant admettre que de telles obscénités paraissent dans sa très digne revue. Devant le succès remporté par la formule de Wheeler, il dut pourtant finir par s'incliner, et admettre dans ses pages cette chevelure qui le défrisait.
(L'anecdote est tirée du livre de Kip S. Thorne – physicien qui fut l'élève de Wheeler –, intitulé Trous noirs et distorsions du temps. Il s'agit d'un volumineux ouvrage de vulgarisation (650 pages, caractères minuscules…), en tous points remarquable, clair, vivant, parfaitement écrit, accessible aux profanes complets et d'une très grande richesse.)
Pasternak aurait-il admis que les comètes aient une queue (de ch'val comme aurait dit le regretté Bobby Lapointe) ? Mais ne soyons pas vulgaires aujourd'hui. Par contre, il est courant de parler de chevelure quand on évoque les comètes.
RépondreSupprimerJe me réjouis en tous cas de constater que le science ne vous barbe pas.
Duga
Rasoir
La science me passionne (par bouffées…), même si je n'y comprends pas grand-chose.
SupprimerAh! je vois ici toute votre délicatesse et vous en remercie, Monsieur Goux !
RépondreSupprimerC'est exquis en effet de nous offrir sous cette formulation érudite une étoile aux cheveux longs, une belle étoile filante pour Noël...
J'en profite donc pour vous souhaiter à vous-même ainsi qu'à Madame Goux d'excellentes fêtes de fin d'année !
Pareillement !
SupprimerSi c'est par bouffées, alors bon appétit !
RépondreSupprimerMoi non plus, je n'y comprends pas grand chose. Si j'avais tout compris, ça ne m'intéresserait plus. La grande majorité des scientifiques et des vulgarisateurs eux-mêmes avouent facilement que tout n'est pas clair pour eux.
Il n'y a que les politiques et leurs militants qui ont tout compris...
Duga
Chercheur en compréhension
Pressentant quelque nauséabonderie, j'ai pensé, en lisant le titre de votre billet, que vous alliez nous entretenir de cela. J'en conclus que j'ai les idées mal placées... différemment.
RépondreSupprimerTss…
SupprimerMerci pour l'info. Je me demandais justement, au cas où ils en auraient eu une s'ils se feraient la raie au milieu, à droite, à gauche, s'ils choisiraient la coupe en brosse ou s'ils adopteraient le catogan. Me voilà soulagé d'un grand poids !
RépondreSupprimerJe savais que ça risquait de gâcher votre Noël ; aussi me suis-je dépêché de pondre ce petit billet rassurant.
SupprimerBonjour Monsieur Goux :
RépondreSupprimerLes trous noirs n'ont donc pas de chevelure. Encore des coiffeurs qui vont se retrouver au chômage par manque de clientèle. Que fait-donc le Ministère du Travail ?
"Bombe atomique.... Oppenheimer..." il n'y a que chez vous, Monsieur Goux, où nous pouvons goûter à ces charmes si radioactifs en cette veille de Noël.
Sans parler des marchands de gels…
SupprimerGalilée, poils au nez !
RépondreSupprimerEt avec Copernic ? Vous n'avez rien, avec Copernic ?
SupprimerPoil à la Lambic?
SupprimerJ'ai vainement cherché un astronome ou un physicien célèbres d'origine roumaine dont le nom se terminerait par "scu"
SupprimerJohn Archibald aurait-il fait ses études au Brésil ?
RépondreSupprimerLa physique à ses limites. Je connais un trou noir à bosses à la chevelure aile de corbeau. Donc la théorie de ce monsieur est battue en brèche, ce qui ne le grandit pas. En revanche je veux bien admettre, pour l'excuser, que la probabilité de l'existence d'un Hollande était insignifiante.
RépondreSupprimerJoyeux Noël à tous et à chacun.
C.Monge
Les trous noirs n'ont peut-être ps de chevelure mais Pasternack à un "c" avant le "k", en tout bien tout honneur, et sauf le respect que je vous dois.
RépondreSupprimerVous avez raison (je corrige immédiatement), mais la faute est imputable à Thorne et non à moi. Je présume que, lorsqu'il s'agit d'écrire ce nom, l'attraction du "vrai" Pasternak doit être irrésistible. Un vrai trou noir, en somme.
SupprimerTrous ... plus que noirs.
RépondreSupprimer-------------------------
Les trous noirs et la théorie des cordes, par Iosif Bena (IPhT-Saclay)
https://www.youtube.com/watch?v=ItJ0PiMMj6E
Déjà le grand Charlie sut réconcilier l’absence d'étoile près d'une singularité quantique et l'hirsutisme propre au beau sexe,
RépondreSupprimerJ'aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
D'où semblent couler des ténèbres;
Tes yeux, quoique très-noirs, m'inspirent des pensers
Qui ne sont pas du tout funèbres.
Tes yeux, qui sont d'accord avec tes noirs cheveux,
Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent: «Si tu veux,
Amant de la muse plastique,
Suivre l'espoir qu'en toi nous avons excité,
Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
Depuis le nombril jusqu'aux fesses;
Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
Bistré comme la peau d'un bonze,
Une riche toison qui, vraiment, est la soeur
De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t'égale en épaisseur,
Nuit sans étoiles, Nuit obscure!»
Lu quelque part sur le web :
RépondreSupprimer"M. Goux est effectivement en retraite… mais continue à bosser autant qu'avant."
Je suppose que c'est un canular. Déjà presque une semaine que nous relisons avec ferveur le billet de Noël sur les comètes, les trous noirs et les chevelures...
Je parlais d'un travail lucratif ! Lequel, justement, m'empêche de venir babiller plus souvent ici.
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