Toujours est-il qu'à l'occasion de ce billet du 21 février que j'ai intitulé Walking Dead ce magicien mémoriel en a exhumé un plus ancien, de 2009 pour être davantage précis, qu'il vient de mettre en lien dans la rubrique “commentaires”. Je l'ai donc relu, ce billet, et l'ai trouvé plutôt bon. Ce qui tendrait à prouver, soit que j'ai pu avoir dans le passé un semblant de talent, soit que mon goût se soit depuis lors gravement chiottisé.
Whatever, comme le hasard a fait que j'ai revu il Les Choses de la vie de Sautet, en mode netflicard, il y a quelques jours, il ne m'a pas semblé inopportun de vous refourguer cette vieillerie ; après tout, on est dimanche, ce qui autorise bien des paresses. Et puis, comme le billet initial était déjà une sorte de saut dans le passé, celui-ci reprenant celui-là représente donc une double cabriole – ce qui, à mon âge, n'est peut-être pas très raisonnable. Le seul changement notable qui soit intervenu depuis sa date de rédaction est que je ne pratique plus le “zapping dodo”, ne recevant plus aucune chaîne de télévision – et m'en portant à merveille. Voici donc :
« Je me suis laissé entraîner, une fois de plus. Il devait être onze heures et demie, hier soir ; j'effectuais le traditionnel zapping-dodo. Je rappelle aux néophytes que le zapping-dodo est le tour des chaînes – généralistes et cinéphiliques, mais en excluant tout de même le télé-achat et les sports – que l'honnête homme effectue avant d'éteindre le poste et d'aller se coucher ; c'est un exercice à haut risque car on ne sait jamais où il peut vous entraîner, ni surtout jusqu'à quelle heure.
« C'est ainsi que je suis tombé sur Les Choses de la vie, à une vingtaine de minutes de son commencement. Je suis incapable de résister à un film de Claude Sautet des années soixante-dix. Je ne les regarde pas ni ne les écoute : je les contemple dans un premier temps, puis je plonge dans leur décor qui pour moi n'en est pas un, mais la réalité chaude d'un monde mort, où il me semble vivre encore un peu. Tout y est : les voitures dans lesquelles je me suis assis – toujours à l'arrière, mes parents devant –, les panneaux de béton au pied en triangle serré indiquant les entrées de village, les villages eux-mêmes ; les vêtements gris des hommes mûrs et les robes plus colorées des femmes, presque toutes aussi jeunes et belles que ma mère alors ; l'entrée des cafés, le chiffon sur le formica, le carillon Big Ben au mur du fond, la publicité Byrrh, les casquettes et la fumée des mégots sans filtre ; le guichet de la petite poste en avant duquel on s'adresse à une employée et non à son hygiaphone blindé. Cinq minutes me suffisent pour oublier l'histoire, les personnages, leurs problèmes : je suis dans le monde, je tourne le dos à l'action, je m'exfiltre par une ruelle oblique, je rentre à la maison.
« Et je me disais hier que ce coin de rue familier, plus savoureusement banal qu'aucun autre, pouvait paraître bien historique et étrange, à beaucoup de mon peu de lecteurs ayant à peine dépassé trente ans ; qu'il devait leur avoir ce côté merveilleux et inquiétant que revêt l'inconnu que l'on sent derrière soi – comme avaient pu l'avoir pour moi les films en noir et blanc des années cinquante, avec Gabin et Paul Frankeur. J'ai inspiré un grand coup, mais je n'ai pas trop bien réussi à sourire. J'ai allumé une gitane au beau milieu du bureau de poste et nul ne s'en est étonné. Lorsque la tête de Michel Piccoli a disparu sous la vague, il m'a bien fallu réintégrer le futur. »
Le passé est le dernier endroit où l'on peut (encore) se réfugier.
RépondreSupprimerSe réfugier dans l'avenir semble en effet nettement plus coton.
Supprimer("beaucoup de mon peu": non,là, vraiment, ça ne passe pas, d'autant que c'est volontaire!)
RépondreSupprimerAvez-vous remarqué qu'à l'époque où vous avez écrit ce billet, les principaux acteurs du film étaient morts ( Romy Schneider, Bobby Lapointe )... sauf Piccoli, le seul qui meurt dans l'histoire? (Remarque d'ailleurs sans intérêt )
Piccoli s'est rattrapé depuis, heureusement.
SupprimerIl reste Lea Massari…
C'est vrai... Dans le registre nostalgique de votre billet,je me demande si "Un souffle au coeur", de Louis Malle, pourrait étre produit et projeté aujourd'hui...
SupprimerC'est comme pour "le jour le plus long"...
SupprimerPourquoi "Netflix" ?
RépondreSupprimerPour moi aussi, un film des années 70, ce sont mes premières années. On mesure alors la perte de tout ce qui n'est plus. Au profit de quoi...
Et pourquoi pas Netflix ?
SupprimerParce que, de notre temps, c'était mieux, forcément !
SupprimerÉvidemment que c'était mieux… puisque c'était "notre" temps !
SupprimerQuand les films de Sautet sont sortis, je les ai vus comme tout le monde, mais je ne peux pas dire qu'ils m'aient passionnée tant ils traitaient banalement de gens qui ressemblaient à la société à laquelle j'appartenais à l'époque.
RépondreSupprimerMais je dois reconnaître qu'aujourd'hui quand j'ai l'occasion d'en voir un, je ne le manquerai pour rien au monde, tant pour moi, ils sont pleins de souvenirs délicieusement surannés.
C'est ce qu'on appelle avoir vieilli, je crois.
Le tout est de vieillir plutôt à la façon d'un chablis grand cru…
SupprimerMais avant d'avoir tourné au vinaigre.
SupprimerMélancolie joliment peinte.
RépondreSupprimerHélène
Souvenir périssable d'un film qui vous laisse juste avec une envie d'allumer une clope, même si on ne fume pas.
RépondreSupprimerCe filme restera dans l'histoire comme ayant battu le record du monde de tabagie.
RépondreSupprimerC'est vrai qu'ils n'arrêtent pas de "bombarder", les femmes aussi bien que les autres : Sautet avait inventé la parité avant tout le monde…
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