J'ai tenu quarante
pages, en m'ennuyant durant les vingt premières et en soupirant
d'exaspération pour la suite. Le livre de Patrice Jean ressemble à un
roman comme un docu-fiction télévisuel ressemble à un film. L'auteur se
présente à nous en pied, pas un bouton de gilet ne manque à son costume
de réactionnaire, il a soigneusement coché toutes les cases
anti-progressistes et il manie le stabilo comme personne. Il est là, il
annonce, il affiche, il placarde, il discourt, il expose, il explique, il développe, il commente ce qui se passe, ou
plutôt, hélas, ce qui ne se passe pas. Derrière lui qui occupe presque
tout l'écran, on aperçoit quelques figurants, eux aussi en costumes
impeccables, qui, parce qu'ils sont muets, tentent de surjouer les
scènes que décrit tout au long leur maître à l'avant-scène. Ils font
aussi penser à des marionnettes tellement pâlichonnes qu'on ne verrait
plus que les fils qui les manipulent. C'est morne et prévisible, au point de vous donner des envies de vous convertir au progressisme le plus modernœud – bizarrerie fort déstabilisante, on l'imagine.
Après 40 pages, donc, le
lecteur, un brin accablé de son fourvoiement, a compris que ce qu'il
tenait entre les mains, c'était le programme d'un spectacle qui
n'aurait pas lieu, le synopsis d'un roman qui resterait à l'état fœtal,
le procès-verbal d'une conférence donnée ex cathedra par le professeur
Jean sur les méfaits de la vie moderne, avec projection de diapos à
l'appui de ses thèses. Bref : un livre surnuméraire.
Je suis frappé par le fait que plus personne n'ose écrire un livre de gauche, aujourd'hui.
RépondreSupprimerVous plaisantez, j'espère ?
SupprimerAucun besoin de poubelle jaune pour les petits romanciers progressistes : il suffit de ne pas acheter leurs livres.
Supprimer100 % d'accord avec vous !
RépondreSupprimerD'où vient cet empressement généralisé pour une prose si creuse ?
Un goût-de-chiotte généralisé ?
SupprimerRemarquez, si on y regarde un peu mieux, on s'aperçoit que les mauvais romans ont toujours eu plus de succès que les bons. Qui était "le" grand écrivain français en 1890 ? Paul Bourget. Et celui de 1930 ? Georges Duhamel. Etc.
Du reste, on ne peut pas qualifier La Poursuite de l'idéal de "mauvais roman, dans la mesure où ce n'est même pas un roman du tout. Ce dont il s'approcherait le plus, ce serait du catalogue Manufrance, ou quelque chose de ce genre. Les Trois-Suisses du réactionnariat…
Bon. Un de moins dans ma liste de l'été. Je viens de lire une critique.' N'hésite pas ennuyer son lecteur' déjà ça. Hum.
RépondreSupprimerNe vous fiez jamais à l'avis d'autrui… même pas au mien !
SupprimerCa donne envie...
RépondreSupprimerC'était le but ! Ainsi, je vous évite un livre sur lequel, sans moi, vous vous seriez à coup sûr précipité tête baissée.
SupprimerC'est vrai ! Je relis Leautaud et je constate ses goûts contestables pour certains de ceux que vous citez (surtout les Goncourt et les académiciens), mais aujourd'hui, il faut multiplier par mille les candidats et/ou lauréats à la littérature.
RépondreSupprimerJe suis complètement larguée par la nullité actuelle.
L'avantage de la littérature des siècles écoulés, c'est que l'écrémage a déjà été fait.
SupprimerMais alors surgit la question qui devient vite taraudante : est-ce que, par hasard, on n'aurait pas eu tort d'écrémer celui-ci ou celui-là ? Est-ce qu'il ne faudrait pas y aller voir tout de même ?
Bref, on n'en finit jamais…
L'idéal, c'est comme l'horizon, on ne court pas derrière.
RépondreSupprimerPoursuivre l'idéal, c'est donc comme poursuivre l'horizon, c'est très con.
Très juste !
SupprimerPas d'accord. Courir après l'horizon donne une direction, au lieu d'errer au hasard, peu importe qu'on espère l'atteindre ou qu'on sache qu'il s'agit d'une utopie: le sens est dans la course, pas dans le but. Voir "Les Choses", de Pérec.
RépondreSupprimerJe vous laisse vous débrouiller avec Anatole…
SupprimerQuoi qu'il en soit, si on en croit ce critique, Patrice Jean est supérieur à Sartre : "Selon Michel Marmin, Patrice Jean appartient à la race des romanciers « qui ont un œil ouvert sur le monde, l’autre tourné vers l’intérieur" exploit dont le vieux Jean-paul, même bourré, ne faisait qu'approcher.
RépondreSupprimerQuant à ce Marmin, dont j'ignore tout, il me semble avoir un œil qui dit merde à l'autre… lequel est sourd comme un pot.
SupprimerBref, un vrai critique comme on en fait chez nous.
Mais s'il suffit d'ennuyer le lecteur pour être publié (car, enfin,une maison d'édition a bien accepté ce tapu ou manuscrit ) et pour qu'on parle de vous ( vous le faites bien...), tout le monde peut devenir écrivain !
RépondreSupprimerPetite parenthèse: je renie le terme de tapuscrit ! Un manuscrit est un ouvrage composé de lettres ( une peinture n'est pas un manuscrit) par la main, obligatoirement aidée par un outil, qu'il s'agisse d'une plume d'oie, d'un stylo à encre ou Bic, d'un crayon ou d'un clavier, lui-même branché à une machine à écrire ou à un ordinateur. Seul l'usage du clavier avec les orteils obligerait à trouver un autre nom ( péduscrit ?)
SupprimerPéduscrit pour les romans écrits avec les pieds, est un terme à généraliser.
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