mardi 18 janvier 2022

Les mauvais pères vs la race androgyne des nourrices sèches

Le Dr Adrien Proust à Venise.

Dans son livre intitulé Proust et son père, Christian Péchenard parle de Proust et de son père, ce qui ne devrait surprendre personne. Avec le même souci de cohérence, dans son livre précédent, Proust à Cabourg, il parlait de Proust et de Cabourg, station balnéaire normande plus connue sous le nom de Balbec. Enfin, dans l'ultime volet de sa trilogie marcelline, Proust et Céleste, il évoquait tout ensemble Proust et Céleste Albaret, née Augustine Célestine Gineste, à Auxillac en Lozère. 

Christian Péchenard était avocat – ce qui n'a jamais empêché d'être proustophile, la preuve – et c'est à ce titre qu'il fonda le cabinet Péchenard & Associés, qui existe encore aujourd'hui, à ce qu'il semble, et dont on nous dit qu'il opère “en conseil comme en contentieux”, ce qui est tout à son honneur je suppose.

Pour revenir à Proust et son père, Christian Péchenard écrit à un moment ceci, concernant Marcel :

« N'ayant pas eu un rôle bien défini dans la structure familiale, il ne pouvait être qu'un mauvais fils, et il était dévolu, par conséquent, à Adrien le rôle de mauvais père : “Mon père – dira le narrateur, dans une confidence qui dépasse l'anecdote – parce qu'il n'avait pas de principes, n'avait pas à proprement parler d'intransigeance…” » 

 Il n'est pas indifférent de savoir que le livre fut d'abord publié au éditions du Quai Voltaire en 1993 (1). Il n'aurait d'ailleurs pu l'être beaucoup plus tard, ou alors posthumement, Péchenard étant mort en 1996. Eût-il été de beaucoup postérieur à ces dates, on lui aurait vivement conseillé d'en ôter le paragraphe ci-après, particulièrement méphitique, sous peine d'excommunication citoyenne et paritaire ; paragraphe qui n'est que la suite et la fin de celui que j'ai cité plus haut. Voici :

« Cela se passait dans un temps où les hommes avaient d'ailleurs pour premier devoir d'être de mauvais pères. Ils n'appartenaient pas encore à la race androgyne des nourrices sèches que sont devenus les pères à la fin du siècle, ces mères à barbe participant à la notion stupidement égalitaire de l'amour et de l'éducation, aussi pernicieuse que la fin du monde annoncée par Sodome et Gomorrhe. Marcel Proust n'a peut-être pas eu un bon père, mais il a eu, ce qui compte beaucoup plus, un vrai père. »

La condamnation morale – bien méritée ! – de ce monstre antédiluvien aurait même été double, puisqu'on sait aujourd'hui que Sodome et Gomorrhe, au rebours de la fin du monde, annoncent en fait un avenir étale de radieuse tolérance, tout jonché de galipettes multicolores et dégenrées. 

Bref, un auteur et des livres à autodafer d'urgence, si ce n'est déjà fait.


1) On trouvera les trois livres de Péchenard réunis (La Petite Vermillon) en un seul volume sous le titre de Proust et les autres.

26 commentaires:

  1. Imaginez un instant qu'un lobby feministe lise la prose de M. Péchenard, ou tout simplement votre blog, et en conclu que tous les amateurs de Proust sont d'affreux réactionnaires machistes antédiluviens; nous serions dans de beaux draps!
    Vous faites donc bien de vous prononcer pour des mesures sérieuses concernant les écrits de M. Péchenard. Je tiens à dire ici que j'ai bien sur déjà éradiqué de mes étagère ce genre de littérature et que je veille à ce qu'elle n'y rentre plus. C'est évident.

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    1. Vous devriez faire dûment constater la chose par un huissier : on n'est jamais trop prudent, en ces temps de merveilleuse liberté citoyenne.

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  2. La même chose aurait pu être dite sans y ajouter cette note d’acrimonie, d’autant que ça n’est pas tout à fait exact

    Par exemple, Vipère au poing et son personnage Folcoche ne datent pas de la fin du siècle.

    Hélène

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    1. Pardon, mais je ne vois pas bien le rapport entre votre remarque et mon billet.

      Et, d'abord, de quelle "acrimonie" parlez-vous ? Que vient faire Folcoche ici ?

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  3. Comment expliquez-vous ces tentatives de films tirés de la Recherche ( notamment " Un amour de Swann"), comme si l'originalité de Proust résidait dans les histoires qu'il raconte et dans les répliques de ses personnages ? N'est-ce pas une vraie mise à mort de la littérature ?

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    1. Films inutiles… mais tout à fait inoffensifs, heureusement, vis-à-vis de la littérature qu'ils tentent de vampiriser.

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  4. Là je ressens une certaine aigreur :

    « .... Ils n'appartenaient pas encore à la race androgyne des nourrices sèches que sont devenus les pères à la fin du siècle, ces mères à barbe participant à la notion stupidement égalitaire de l'amour et de l'éducation, aussi pernicieuse que la fin du monde annoncée par Sodome et Gomorrhe..... »

    Effectivement pour Folcoche c’est une erreur de lecture, ayant zappé « ces » mères à barbe  je l’ai prise pour une femme, l’homme ayant été déjà décrit juste avant.

    Hélène

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    1. Aigreur me paraît fort exagéré…

      Ironie conviendrait peut-être mieux, non ?

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  5. M. Goux,

    il ne vous a sans doute pas échappé la parution aujourd'hui d'un article de Causeur sur Proust, plus exactement un entretien avec l'auteur d'un livre sur l'écrivain et, je cite, sa "Vie sexuelle, vie sentimentale, vie spirituelle" (je m'excuse de déraper hors du cadre de votre propre note, mais cela reste un peu le sujet).
    Je suis curieux de connaître votre avis à ce sujet.

    k.

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    1. Je ne sais pas qui est ce Mimouni, mais ce que je viens de lire me semble relever de la plus pure fumisterie.

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    2. C'est, en tout cas, dénué du plus petit intérêt.

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    3. Je viens, dans la foulée, de lire la seconde partie de cette bouse : c'est encore un tissu de sottises, d'immondices et de mensonges purs et simples.

      C'est curieux, ce pouvoir qu'a Proust d'attirer les ratés et de susciter leurs interminables logorrhées…

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    4. Vous me rassurez !
      Entre son "Swann = signe" et sa définition des "tantes", cet auteur me semblait peu crédible; mais quant à Proust, sur son rapport à la judéité ou à la sexualité, je ne suis pas capable de le contredire formellement...
      Je ne dis pas que vous auriez nécessairement raison, mais pour vous lire depuis des années, je vous octroie volontiers ma confiance sur ces sujets !

      k.

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  6. Vous êtes courageux d'avoir lu cette prose ... je n'ai pas su.

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    1. Ah ! mais c'est que le commentateur qui vous précède immédiatement m'avait dûment sollicité !

      Et comme ma nature profonde me pousse à faire plaisir…

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  7. Je vous trouve sévère avec ce Mimouni, sans doute un peu trop judéo-orienté, mais on apprend quelques petites choses. Et bien indulgent avec ce Péchenard. "La notion stupidement égalitaire de l'amour et de l'éducation, aussi pernicieuse que la fin du monde annoncée par Sodome et Gomorrhe", ça veut dire quelque chose cette phrase ? On devine certes ce que l'AUTEUR veut dire, mais la phrase, elle, on n'est pas bien convaincu qu'elle suive. Une notion aussi pernicieuse qu'une fin du monde (annoncée)... Une notion égalitaire de l'amour...

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    1. C'est quoi, "la fin du monde ": de l'espèce humaine ? de la terre ? de l'univers ?

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    2. Qu'une notion puisse être pernicieuse ne me choque nullement. En revanche, à la relecture de la phrase concernée, qu'une fin du monde le soit me paraît davantage bizarre.

      Et je maintiens ce que j'ai dit, à propos du Mimouni, là !

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    3. Je ne trouve que 3 définitions de "pernicieux" dans le Larousse en ligne:


      1- Qui est dangereux pour la santé, nocif : Abus pernicieux du tabac.

      2. Littéraire. Qui est moralement mauvais, nuisible : Doctrine pernicieuse.

      3. Se dit d'une maladie particulièrement grave.

      Je ne vois pas laquelle peut s'appliquer à "fin du monde", d'autant que ce dernier terme reste à définir (fin: de l'espèce humaine? de toutes les espèces vivantes? de la terre ? de l'univers ?) et qu'il faudrait alors expliquer pourquoi sa fin serait une chose grave.

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    4. Je ne vois pas ce que ça apporte de plus...

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    5. Il y a les sympétrum qui sont rouges et les callopterix qui sont sont bleus. Ils n'apportent rien. Les uns sont rouges et les autres sont bleus. Pareil pour le Larousse et le Littré.

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  8. Vous ne voyez pas ce que cela apporte de plus ? Vous verrez dans le cas "pernicieux" qui nous occupe qu'Emile ne voit que deux nuances là ou Pierre-Athanase en voit trois. Ne trouvez vous pas que dans notre cas Emile est plus synthétique que Pierre-A? Si cela ne vous convainc pas, suivez le lien proposé par Anatole, puis en haut à droite, cliquez sur 'citations'. Vos pensées les plus pernicieuses seront alors confrontées à celles de Voltaire (un spécialiste en ce domaine), La Bourdaloue, Fénelon, Corneille, Bossuet, H de Mondeville, Oresme ... quelques auteurs dont l'apport est certain!

    Tout celà étant dit, je crois pas que se soit une fin du monde comme celle de Sodome et Gomorrhe qui soit pernicieuse aux yeux de M. Péchenard mais l'idée d'une telle fin du monde. C'est pourquoi il utilise le verbe "annoncer" pour exprimer l'idée et non la chose. En tout cas, merci à M. Goux d'avoir ressucité M. Péchenard que je ne connaissais pas mais dont les pensées fulgurantes méritent d'être mieux connues.

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    1. Ses trois livres sur Proust (réunis en un seul, donc) sont tout à fait savoureux.

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  9. Les cordonniers sont les plus mal chaussés, et les enfants de médecins sont les plus mal soignés.

    Le père de Marcel Proust était médecin.
    La mère du chanteur Jean-Chrysostome Dolto, alias Carlos, était la papesse (autoproclamée) de la pédo-psychiatrie française.
    Son fils ne pouvait pas la supporter.

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