vendredi 22 septembre 2023

Quand j'étais parachutiste…

Au détour d'un paragraphe du Johnny blues de Joyce Carol Oates vient d'apparaître très fugitivement un personnage appelé McKeever. Ce nom m'a fait l'effet, immédiat, total, indubitable, d'une bouchée de madeleine imbibée de thé. 

C'est le plus ancien souvenir que j'ai, se rapportant à la télévision : le feuilleton (on ne parlait pas encore de “série”....) qui s'appelait en français Les Hommes volants. D'après ce que m'apprend Dame Ternette, les 76 épisodes en ont été diffusés chez nous entre juin 1961 et septembre 1963 ; ce qui veut dire qu'il est apparu, à quelques semaines près, au moment où mes parents, fraîchement déménagés de Châlons-sur-Marne à Lahr (Allemagne), s'offraient leur premier poste de télévision – de marque Grundig ; ou peut-être Telefunken. 

Ces soixante dernières années, je n'ai jamais oublié les noms des deux instructeurs parachutistes qui étaient les héros du feuilleton : Ted McKeever et Jim Buckley ; ils demeuraient en moi, familiers et lointains comme ceux d'amis que l'on n'a pas eu l'occasion de voir depuis fort longtemps. Pas oublié non plus que mon frère et moi jouions régulièrement aux “hommes volants” : nous nous placions sous la table de salle à manger – utilisée seulement quand “on avait du monde”, les repas des jours ordinaires étant pris dans la cuisine –, laquelle figurait notre avion. Puis, avancés jusqu'à l'extrême bord du tapis, nous donnions à notre imaginaire pilote d'ultimes instructions qui nous étaient à peu près inintelligibles mais que nous répétions avec une scrupuleuse fidélité dans les termes : “deux degrés nord !”, “vire sur l'aile, Bob !”, des choses comme ça. Enfin, quittant le tapis, nous nous élancions à plat ventre sur le parquet, bras écartés et jambes légèrement pliées, comme des paras en plein ciel.

Je n'ai jamais autant sauté en parachute que durant ces années-là. Je crois bien n'en avoir jamais non plus reparlé avec Philippe qui, né en 1960, ne doit probablement avoir conservé aucun souvenir de nos plongées communes dans l'azur figuré de notre salle à manger, ni des gouffres qui s'ouvraient pour nous au bord du tapis effrangé. 

Il ne sait pas ce qu'il perd.

11 commentaires:

  1. Et pendant ce temps, moi je regardais la famille Pierrafeu, en suédois sous-titrés en danois ! Apparemment j’aimais déjà les gros… signé : moi

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  2. Ayant l'art de perdre du temps à faire des conneries inutiles et ne me rappelant d'aucune série que j'aurais vu voir "à cet âge", j'ai fait une recherche Google sur celles diffusées à l'époque et les seules que je me rappelle avoir vues (Amicalement votre, Vidocq...) ont tellement été rediffusées que je les ai probablement découvertes plus tard.

    On est peu de chose.

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    1. Pour ce qui est de Vidocq, il y a eu deux feuilletons : un Vidocq bagnard, avec Bernard Noël, que vous êtes trop jeune pour avoir vu, et le Vidocq flic avec Claude Brasseur.

      DG

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    2. C'est bien à ce dernier que je pensais (série sortie entre 71 et 73).

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    3. C'est là que jouent à plein nos dix ans d'écart : je me souviens fort bien du premier Vidocq (avec la chanson de Gainsbourg au générique...), alors que je n'ai pas du tout suivi le second (j'étais déjà ado, donc trop “snob” pour ce genre de divertissement indigne de ma haute intelligence...).

      DG

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    4. Je n’ai pas du tout un bon souvenir de Vidocq (le deuxième). Je crois que c’est ma grand-mère (qui vivait avec nous) qui regardait. En fait, je me rappelle surtout que j’y comprenais rien…
      NJ

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    5. N'oubliez pas que Nicolas est breton ET de gauche – donc assez handicapé de la boite à neurones...

      DG

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    6. Bretonphobe ! Gauchophobe ! Imbécilophobe !

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  3. Il doit forcément y en avoir une... À vous de la trouver !

    DG

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.